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1-Shades of Grey 2.07
2-Ana's Theme 1.23 3-The Red Room 3.26 4-Then Don't! 2.32 5-A Spanking 2.32 6-Going for Coffee 1.32 7-Where Am I ? 1.35 8-Ana and Christian 3.24 9-Clean You Up 2.43 10-The Contract 3.27 11-The Art of War 3.32 12-Did That Hurt? 2.54 13-Bliss 2.29 14-Show Me 3.02 15-Counting to Six 3.21 16-Variations On A Shade 6.22 Musique composée par: Danny Elfman Editeur: Universal/Republic B0022696-02 Musique produite par: Danny Elfman Monteur musique: Bill Abbott Assistant monteur musique: Denise Okimoto Orchestre conduit par: Pete Anthony Orchestrations: Steve Bartek, Edgardo Simone, David Slonaker Préparation musique: Rob Skinnell, Ron Vermillion, Tim Rodier Enregistré et mixé par: Noah Snyder Monteur scoring: David Channing Systèmes de contrôle Auricle: Richard Grant Préparation et supervision MIDI: Marc Mann Programmation: Peter Bateman, Judd Miller, Jorg Huttner, Camel Audio Musique additionnelle de: David Buckley Piano classique arrangé et interprété par: TJ Lindgren Synthétiseurs: Patrick Warren, Michael Tuller Guitares: George Doering, David Levita, Bryce Jacobs, Mark Tschanz Coordinateur production score: Melisa McGregor Assistane de Mr Elfman: Melissa Karaban Album produit par: Dana Sano Direction de la musique pour Universal Pictures: Mike Knobloch Musique supervisée pour Universal Pictures: Rachel Levy Business musique pour Universal Pictures: Philip M. Cohen A&R pour Republic Records: Tom Mackay Représentant pour Republic Records: Michael Seltzer, Christine Calip A&R Coordinateur pour Republic Records: Andre Marsh American Federation of Musicians. Artwork and pictures (c) 2015 Universal Studios under exclusive license to Republic Records, a division of UMG Recordings, Inc. All rights reserved. Note: ***1/2 |
FIFTY SHADES OF GREY
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ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
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Music composed by Danny Elfman
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Véritable phénomène de mode dans la littérature ‘mainstream’ du moment, « Fifty Shades of Grey » (Cinquante Nuances de Grey) est l’oeuvre de la romancière anglaise E. L. James publiée dès 2012 et qui va très vite connaître un succès incroyable dans les librairies. Le roman, qui fait partie du trilogie, décrit la relation particulière entre une jeune diplômée en littérature et un riche homme d’affaires, une relation érotique partagée entre servitude, sadomasochisme et pratiques sexuelles bizarres. Souvent qualifié d’ouvrage pornographique, le roman d’E.L. James peut surtout s’apparenter à une histoire d’amour torturée entre deux êtres fusionnels qui vont chercher à repousser leurs propres limites et trouver le juste équilibre dans leur passion charnelle et extrêmement érotique. Suite au succès international du roman, le cinéma s’intéressa très vite au livre et le studio Universal racheta les droits et adapta à l’écran le premier ouvrage, « Fifty Shades of Grey », confié à Sam Taylor-Wood, réalisatrice et photographe britannique connue pour son biopic sur la jeunesse de John Lennon, « Nowhere Boy » (2009). L’histoire commence lorsqu’Anastasia Steele (Dakota Johnson), jeune diplômée en littérature, part interviewer le jeune homme d’affaires Christian Grey (Jamie Dornan) pour le journal de sa fac afin de rendre service à sa colocataire Kate Kavanagh (Eloise Mumford) qui ne peut pas y aller pour des raisons de santé. Très vite séduite par l’intriguant milliardaire, Anastasia se voit proposer une relation très particulière, attirée par le charme étrange et intimidant du jeune homme. Christian présente alors un contrat d’une nature atypique à Anastasia : il lui propose ainsi de baser leur relation sur des pratiques sexuelles particulières incluant plusieurs formes de sadisme et de masochisme. Innocente et naïve, Anastasia hésite, préférant vivre une romance amoureuse normale avec Christian. Quand à ce dernier, qui se déclare non romantique dans l’âme, il va se laisser prendre au jeu mais gardera en tête son précieux contrat et l’espoir d’initier Anastasia à ses pratiques érotiques bizarres qui font partie de sa personnalité contrastée.
« Fifty Shades of Grey » s’apparente donc à un drame érotique dans lequel deux êtres s’enferment dans une passion charnelle apparemment sans issue, le film ayant l’originalité d’évoquer des déviances sexuelles et des scènes érotiques mettant en scène les différents aspects de la domination et du sadomasochisme, en plus d’autres scènes de sexe plus conventionnelles, fait assez rare dans une production hollywoodienne ‘mainstream’. Confronté très vite à la censure, les scènes érotiques ont été très largement édulcorées par rapport au roman d’origine (en Grande-Bretagne, le film sera tout de même interdit aux moins de 18 ans, alors qu’en France, il n’est interdit qu’aux moins de 12 ans !) mais restent néanmoins assez intenses dans le film, même si l’on regrette parfois les quelques libertés prises par la réalisatrice par rapport à l’ouvrage d’E.L. James. Avec un peu plus d’humour et un brin de légèreté, l’adaptation cinématographique de « Fifty Shades of Grey » n’est finalement en rien le brûlot que l’on annonçait à l’origine : un peu vain et vide de sens, l’histoire tourne dans le vide et conduit les deux acteurs principaux – dont l’alchimie crève l’écran – Jamie Dornan et la jolie Dakota Johnson vers une impasse scénaristique, car lorsque le film se termine, on est tenté de se dire « tout ça pour ça ? ». Le film valait-il tout ce tapage médiatique ? Chacun sera libre de trouver sa réponse à ces questions, mais force est de constater que « Fifty Shades of Grey » n’a rien d’un film mémorable et, s’il a au moins l’originalité d’aborder un sujet rare au cinéma américain - qui reste assez souvent conservateur et très puritain à l’image de la société américaine – il reste une production ordinaire, filmée de façon impersonnelle par une réalisatrice qui dénature les personnages (Anastasia est très différente du livre par exemple !) pour accoucher d’une production lisse et un peu vaine, à la limite du film grand public, un comble étant donné le caractère sulfureux du roman d’origine ! On a d’ailleurs parfois l’impression de voir la cinéaste hésiter entre la comédie romantique conventionnelle et le film érotique plus marginal, le mélange des deux étant ici très maladroit et plutôt hasardeux. C’est Danny Elfman qui est choisi pour composer la musique de « Fifty Shades of Grey », un choix assez étonnant étant donné que c’est la première fois qu’Elfman se voit confier un film d’une telle nature. Le compositeur attitré de Tim Burton saisit l’occasion d’écrire pour le film de Sam Taylor-Wood une partition intime, moderne et envoûtante, reflétant la passion torride entre Anastasia Steele et Christian Grey à l’aide d’une formation instrumentale restreinte basée essentiellement sur le jeu des solistes et de quelques passages plus emphatiques et dramatiques. Au niveau de sa palette instrumentale, Danny Elfman convoque un petit orchestre à cordes avec 2 flûtes, 1 clarinette, un basson, une harpe, un piano, des synthétiseurs, des guitares acoustiques/électriques (incluant l’indispensable George Doering avec David Levita, Mark Tschanz et Bryce Jacobs), un ensemble de percussions métalliques et une batterie aux sonorités rock/pop, sans oublier l’utilisation d’une chorale qui apporte ponctuellement un lyrisme inattendu au film. Au niveau esthétique, l’approche voulue par Elfman est similaire à celle qu’il avait déjà développé dans ses travaux pour des films documentaires tels que « The Unknown Known » (2014) ou « Standard Operating Procedure » (2008), bien que l’on se rapproche davantage ici du style intimiste de « Silver Linings Playbook » (2012). Exit donc le style orchestral excentrique, baroque et grandiloquent des bandes originales pour Tim Burton, place à une musique plus minimaliste explorant l’idée d’une romance et d’une passion brûlante avec des rythmes modernes, des solistes très présents et quelques thèmes bien choisis. Saisissant d’emblée l’approche moderne et urbaine du film, Elfman dévoile son premier motif principal dans « Shades of Grey », une série de 8 notes d’abord dévoilées ici aux synthétiseurs avec piano, bois et cordes rythmés. Fidèle à son habitude, Elfman privilégie ici un thème simple et concis mais jamais simpliste, avec quelques trouvailles harmoniques intéressantes (cf. le glissement d’accord assez soudain et particulier à 1:20) qu’il développe parfaitement tout au long du film pour suggérer la passion charnelle entre Anastasia et Christian. Le second thème est celui d’Anastasia, entendu dans « Ana’s Theme », mais qui s’avère plus réservé et aussi un peu plus impersonnel et effacé. Le piano interprète ici cette mélodie aux notes hésitantes, sur fond de nappes synthétiques discrètes et retenues et de quelques cordes lentes et mouvantes aux consonances vaguement mélancoliques. Elfman réussit à trouver le ton juste sur ce film avec une douce mélancolie qui rappelle parfois sa musique pour « The Next Three Days » (2010). Dans « The Red Room », le motif de la passion revient au piano avec des harmonies plus torturées des synthés et des cordes, alors que Christian tente de montrer sa chambre rouge à Anastasia, dévoilant une partie secrète de sa vie sexuelle particulière. Plutôt atmosphérique, « The Red Room » développe à son tour une forme de mélancolie un peu plus sombre mais jamais mélodramatique, dans lequel le motif principal est largement présent, entouré de quelques notes de synthétiseurs, cordes et guitares. On notera la façon dont le thème monte crescendo durant la dernière minute de « The Red Room », très vite relayé par des monnayages de cordes staccatos qui deviennent de plus en plus puissantes avec l’arrivée d’une batterie rock plus énergique. Le motif revient ensuite aux synthés dans « Then Don’t ! » où guitares et clavier se partagent la scène, alors que « A Spanking » met en avant des rythmes plus modernes autour du motif principal, repris sur fond d’ostinatos de cordes similaires à ceux entendus à la fin de « The Red Room ». Le morceau évoque la vie sexuelle naissante du couple Steele/Grey, avec l’utilisation plus nerveuse et énergique des cordes et des percussions (incluant ici un marimba) et la présence indispensable du piano, symbolisant le personnage de Christian Grey dans le film – instrument qu’il joue lui-même dans le récit – Le thème est repris sous un angle plus ‘comédie’ dans « Going for Coffee », rompant avec le ton mélancolique et sérieux du reste du score, notamment dans l’emploi de pizzacati sautillants et de guitare acoustique légère, comme dans « The Art of War ». « Where Am I ? » reflète les interrogations et les doutes d’Anastasia face aux propositions de Christian, avec une utilisation plus lente et posée du thème principal entêtant de piano sur fond de synthés cristallins et mystérieux. Le thème prend ensuite une toute autre tournure dans « Ana and Christian », arrangé ici dans un très beau passage rock/pop où l’orchestre et le piano dominent la musique avec l’accompagnement de batterie/basse et guitare électrique, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux de la partition de « Fifty Shades of Grey », évoquant l’épanouissement de la relation entre les deux individus avec un sentiment plus euphorisant et optimiste : une jolie réussite dans le film comme sur l’album ! Inversement, « Clean You Up » se veut plus minimaliste et intime avec son ambiance de romantisme feutré et doux personnifié par des accords chaleureux des cordes et des effets sonores du synthé. Le thème, décidément omniprésent tout au long du film, revient dans « The Contract » pour évoquer la création du contrat imposant des règles dans la relation (sexuelle) entre Anastasia et Christian, morceau dans lequel on retrouve un certain entrain similaire au superbe « Ana and Christian ». Elfman suggère, sans aucune vulgarité mais avec une justesse de ton remarquable, une scène de pratique sexuelle masochiste dans « Did That Hurt ? », où il développe le thème principal accompagné de son motif B secondaire (une succession de 4 notes répétées, parfois aux cordes et parfois au piano). Plus étonnant, le climax du film est atteint durant l’une des scènes sexuelles avec le magnifique « Bliss » qui utilise une chorale aux consonances étonnamment liturgiques. Ecrit à la manière d’une pièce religieuse classique – on pense par exemple au « Stabat Mater » de Pergolèse – « Bliss » développe un puissant crescendo choral/orchestral accompagné de quelques cordes et d’un violoncelle pour une scène-clé du film, reflétant une écriture vocale contrapuntique quasi baroque (façon Jean-Sébastien Bach), sans aucun doute LE morceau incontournable de « Fifty Shades of Grey », extrêmement puissant et émotionnellement très fort dans le film. L’acte final débute avec « Show Me », alors qu’Anastasia veut en savoir plus sur les pratiques sexuelles de Christian et lui demande de lui montrer jusqu’où il est prêt à aller dans le masochisme et la punition corporelle. La fameuse scène de la ceinture est accompagné ici d’une musique profondément dramatique, élégiaque et tragique dans « Show Me », dominé par des accords mélancoliques et résignés des cordes qui deviennent de plus en plus poignants au fur et à mesure qu’Anastasia, bouleversée par ce que Christian lui inflige, comprend qu’elle ne peut plus endurer cela. Dommage que « Show Me » soit malheureusement calqué quasi note pour note sur le thème de Dario Marianelli pour le film « V for Vendetta » (2006), probablement une inspiration des temp-tracks originaux du film ? Dès lors, « Counting to Six » conclut cette séquence finale en développant le thème à travers un crescendo dramatique, grandiose et puissant à travers un spectaculaire tutti orchestral/choral quasi épique accompagné du violoncelle soliste et quelques éléments repris du « Ana’s Theme », une très belle réussite qui confirme l’inspiration de Danny Elfman sur un film banal qui n’en demandait certainement pas tant. On ressort donc totalement convaincu de l’écoute de « Fifty Shades of Grey », dans lequel le compositeur de « Batman » et « Edward Scissorhands » prouve sa passion évidente pour la musique de film, quel que soit le sujet qu’il doit musicaliser. Tour à tour mélancolique, intime, dramatique et parfois étrangement lyrique et grandiose, la partition de « Fifty Shades of Grey » est le témoignage du talent protéiforme d’un Danny Elfman qui possède décidément plus d’un tour dans son sac, et qui, après des décennies à oeuvrer pour le cinéma américain, continue encore et toujours de nous surprendre en livrant un score aux multiples facettes, qui, sans être LE chef-d’oeuvre de la décennie, parvient à apporter un souffle dramatique et une émotion saisissante au film de Sam Taylor-Wood, une très jolie réussite qui s’avère être une bien belle surprise de la part d’un Danny Elfman visiblement assez inspiré par son sujet ! ---Quentin Billard |