1-Overture 3.35
2-Prologue/The Battlefield 2.44
3-Achille's Bedroom 1.38
4-"Open Her Up!" 1.14
5-"Crash and Burn"/
Achilles vs. Alexander 6.57
6-Achilles Leaves 1.44
7-Fanfare for Athena/
The Jock Strap Bar 3.38
8-"Hey Jock, Old Buddy" 2.01
9-The Traitor 1.55
10-Alexander's Four-Legged Robot 1.09
11-"That Won't Work"/
Achilles to the Rescue 2.47
12-Space Battle 2.24
13-Transformation 1.07
14-The Final Confrontation 2.34
15-"We Can Both Live!"/End Titles 4.28

Musique  composée par:

Frédéric Talgorn

Editeur:

Prometheus PCD 125

Musique produite par:
Frédéric Talgorn
Coordinateur musique:
Jean-Claude Dubois
Supervision musique:
Bob Hunka
Monteur musique:
A. David Marshall

(c) 1989 Empire Pictures/Altar Productions. All rights reserved.

Note: ***1/2
ROBOT JOX
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Frédéric Talgorn
Connu essentiellement pour ses films d’horreur kitsch des années 80 (« Re-Animator », « Dolls », « From Beyond ») et 90 (« Castle Freak », « The Pit and the Pendulum »), le réalisateur Stuart Gordon s’essaya un temps à la science-fiction avec « Robot Jox » en 1990 (sans oublier son fameux « Fortress » avec Christophe Lambert en 1992). Dans cette grosse production de 10 millions de dollars signée de l’incontournable Charles Band, fameux producteur hollywoodien responsable de bon nombre de séries-B fantastico-horrifiques fauchées des années 80 comme « Parasite », « Zone Troopers », « Troll », « Rawhead Rex », « Creepozoids » ou « Ghoulies », Stuart Gordon nous plonge dans un monde post-apocalyptique ravagé par un conflit nucléaire, et dans lequel toutes les guerres ont été bannies par les nations survivantes. Désormais, tout conflit se règle au cours d’affrontements organisés sous la forme de combat de robots géants appelés les « Robot Jox ». Ces combats opposent désormais la nation russe de la Confédération à la nation américaine pour le contrôle stratégique de l’Alaska. Le robot de combat russe du brutal champion soviétique Alexander (Paul Koslo) affronte celui de l’américain d’Achilles (Gary Graham), mais l’affrontement tourne mal alors que le robot américain s’écrase sur les tribunes du public, provoquant la mort d’au moins 300 personnes. Traumatisé par cet accident, Achilles décide de se retirer de la bataille tandis que les juges considèrent que le combat est nul et qu’il doit être refait. C’est alors qu’Athena (Anne-Marie Johnson), une mutante issue d’une race d’individus conçus en laboratoire pour incarner les soldats parfaits, décide de se qualifier aux entraînements pour devenir la nouvelle pilote du robot américain, suite à l’abandon d’Achilles. Mais lorsqu’il apprend qu’Athena a pris sa place et s’apprête à affronter à son tour Alexander, Achilles comprend qu’il a le devoir de revenir pour finir ce qu’il a commencé et régler son compte une bonne fois pour toute au champion russe. Mais les choses se gâtent lorsqu’Achilles, le designer des robots Doc Matsumoto (Danny Kamekona) et le stratège et ancien champion Tex Conway (Michael Alldredge) comprennent qu’un traître se cache parmi eux, travaillant en secret pour l’autre camp. Prévu à l’origine pour être la super production qui allait ouvrir les portes d’Hollywood à Stuart Gordon et lui permettre d’accéder à des projets plus riches et ambitieux, « Robot Jox » connut finalement une toute autre destinée – Gordon souhaitait faire un grand film de robots géants façon film de mécha japonais ou dans la lignée des « Transformers » de chez Hasbro – Le tournage débuta en 1987 à Rome en Italie, produit par le studio Empire Pictures de Charles Band – ce fut le film le plus cher jamais produit par ce studio –

Hélas, après avoir investi plusieurs millions de dollars dans le film, Empire fit faillite en plein tournage, obligeant Gordon à suspendre le film pendant de nombreux mois, alors que d’immenses décors très coûteux avaient déjà été conçus pour les besoins de l’histoire. Et comme si cela ne suffisait pas, le tournage fut particulièrement pénible en raison du choix du directeur de l’animation en stop motion David W. Allen de tourner certaines scènes en extérieur – il y eut des inondations et des tempêtes de sable qui détruisirent une partie des précieux décors du film – Enfin, rien ne sembla fonctionner correctement puisque Stuart Gordon s’opposa violemment à la plupart des choix de son scénariste Joe Haldeman (spécialisé dans la science-fiction), les deux hommes étant régulièrement en désaccord sur le ton et l’ambiance à donner au film. C’est finalement le studio Epic Production qui reprendra la suite du tournage, imposant une restriction budgétaire drastique – les transformations spectaculaires des robots prévues à l’origine durent être finalement abandonnées – Du coup, Gordon comprit qu’il ne pourrait pas faire le grand spectacle hollywoodien ambitieux dont il rêvait, sans parler des problèmes sur le tournage et des clashs fréquents avec le scénariste. Sorti directement chez nous en vidéo en 1994 sous le titre « Les gladiateurs de l’Apocalypse », « Robot Jox » est au final un grand moment de sci-fi kitsch et fauché, avec des costumes nuls, des acteurs qui n’y croient pas beaucoup, des dialogues minables, des personnages ultra manichéens (le héros américain gentil, le méchant soviétique très cruel) et un contexte de guerre froide entre russes et américains déjà dépassé à l’époque où le film sort au cinéma en 1990. Le manque de moyens se fait alors cruellement ressentir, car malgré un design sympathique pour les robots (qui sont l’oeuvre de Ron Cobb, artiste indispensable de la science-fiction des années 70/80) et une animation en stop-motion correcte bien que déjà datée à l’époque, « Robot Jox » s’avère visuellement très décevant pour un film de 1990 : entre des décors limités, des combats de robot laborieux avec des incrustations pourries, des effets cheap, une intrigue secondaire médiocre (ouh, le méchant traître qui se cache parmi les héros !) et des scènes inutiles (quid de l’intérêt de faire aller les robots dans l’espace ?), sans parler d’une fin absolument risible - après un combat à mains nues, le méchant se ravive au dernier moment, avec une petite morale nase du style « c’est pas bien d’être méchant, on peut vivre ensemble en paix » - « Robot Jox » est un pur nanar fauché de la fin des années 80, doublé d’un échec critique et commercial en 1990 mais qui deviendra pourtant culte par la suite et inspirera même Guillermo Del Toro sur « Pacific Rim » en 2012.

Habitué à travailler avec Richard Band, le frère de Charles Band, Stuart Gordon s’offrit sur « Robot Jox » les services du compositeur français Frédéric Talgorn, inattendu sur ce projet, et pour lequel le musicien signa une partition symphonique plutôt dense et épique, à des années lumières de la nullité du film. Enregistrée avec l’Orchestre Philharmonique de Paris, la musique de « Robot Jox » fut l’un des premiers travaux majeurs de Talgorn pour le cinéma, puisque le musicien débuta sa carrière en 1989 avec sa partition pour « Edge of Sanity » de Gérard Kikoïne avec Anthony Perkins et Glynis Barber. Encore inconnu de la profession et tout juste âgé de 28 ans, le jeune Talgorn livre pour « Robot Jox » un score symphonique martial et belliqueux assez dynamique et palpitant, bien que relativement peu valorisé à l’écran. Le film débute avec la superbe « Overture », qui dévoile le thème principal, mélodie héroïque et triomphante de cuivres épiques évoquant les combats spectaculaires de robot. La seconde partie, plus lyrique, dévoile une partie B majestueuse aux cordes et aux bois. Première marque de fabrique du compositeur français : des orchestrations de très grande qualité, un classicisme d’écriture élégant et sophistiqué, indissociable de l’univers musical du musicien. Si le film semble avoir été fait avec peu de moyens et sans grande passion, la musique va à contrario dans une toute autre direction, profitant d’un bon orchestre assez conséquent – malgré une prise de son lointaine plutôt moyenne – La musique s’apprécie d’autant plus sur l’album qu’elle révèle tout le talent du jeune Frédéric Talgorn, qui semble ici suivre les pas de son compositeur fétiche : John Williams, tandis que l’ouverture héroïque rappelle parfois les rythmes swashbuckling du « Sea Hawk » d’Erich Wolfgang Korngold.

L’approche classique très golden age hollywoodien de Talgorn est typique de la période post-« Star Wars », où les cinéastes semblent avoir voulu exploiter jusqu’à plus soif le genre de la science-fiction et du space-opera en demandant régulièrement à leurs compositeurs de suivre les traces des partitions monumentales de John Williams pour la saga de Georges Lucas. Frédéric Talgorn était par ailleurs le musicien idéal pour un tel projet, étant donné sa passion évidente pour le langage musical classique et symphonique hérité du compositeur attitré de Steven Spielberg. Dans « Prologue/The Battlefield », on découvre au début du film le terrain de combat avec une ambiance plus mystérieuse après un rappel de la fanfare principale aux trompettes. Quelques cordes planantes et quelques bois suffisent à poser ici le décor, sans oublier les roulements de percussions martiales annonçant le duel entre les robots. Il règne dans « The Battlefield » une ampleur évidente et appréciable, largement renforcée par la puissance de l’orchestre et plus particulièrement ici des percussions et des cuivres. On retrouve une fanfare guerrière et belliqueuse dans « Open Her Up ! » qui reprend le thème principal avec une superbe écriture martiale et solennelle des cuivres et une section de cordes aux harmonies classiques savoureuses. Difficile d’imaginer que des morceaux d’une telle qualité accompagnent des images aussi décevantes et médiocres dans le film ! Même chose pour le duel d’Achilles et Alexander dans « Crash and Burn/Achilles and Alexander », qui débute avec un morceau solennel façon Edwar Elgar, suivi d’une superbe reprise de la fanfare principale héroïque sur fond de rythmes martiaux (timbales, cymbales, caisse claire). Talgorn nous offre ici un excellent morceau d’action illustrant un duel survolté entre les deux robots géants, traversé d’envolées cuivrées triomphantes du plus bel effet.

Le reste du score s’évertue essentiellement à développer cette approche martiale/belliqueuse entrecoupée de moments plus lyriques et solennels comme le magnifique « Achilles Leaves » et ses solos de cor mélancoliques entrecoupés d’harmonies post-romantiques des cordes. Certains passages reflètent de façon plus hasardeuse l’époque du film – les années 80 – comme « Achilles’ Bedroom » ou « Fanfares for Athena/The Jock Strap Bar », entièrement écrits pour synthétiseurs kitsch de qualité douteuse. Fort heureusement, l’orchestre domine le reste de la partition, avec le retour des percussions guerrières dans « Hey Jock, Old Buddy » qui font monter la tension, tandis que « The Traitor » accompagne la scène de la découverte du traître avec des harmonies dramatiques et sombres des cordes. La bataille finale débute dans « Alexander’s Four-Legged Robot », nouveau déchaînement orchestral détonnant, suivi de l’enragé « That Won’t Work/Achilles to the Rescue » qui dévoile quelques dissonances menaçantes (le glissando strident des cordes) et une utilisation de cuivres graves (trombones, tuba) alors qu’Athena est mise en danger par Alexander. L’intervention héroïque d’Achilles permet à Talgorn de reprendre la fanfare héroïque pour un autre passage d’action épique. La bataille culmine dans « Space Battle » et « Transformation », débouchant sur « The Final Confrontation » et la superbe coda de « We Can Both Live !/End Titles », qui reprend le Main Theme dans son intégralité alors qu’Achilles et Alexander décident de conclure une trêve à la fin de la bataille.

Partition de jeunesse de Frédéric Talgorn, « Robot Jox » est une jolie réussite qui accompagne les débuts du compositeur français sur l’un de ses premiers projets américains. Injustement sous-mixée et absente des images, la musique de « Robot Jox » possède pourtant un charme indéniable, celui des grandes partitions symphoniques martiales et triomphantes inspirées de « Star Wars » et « Superman », avec son lot de fanfare grisante, d’orchestrations over-the-top et d’harmonies classiques solides et élégantes, reflétant le savoir-faire du jeune musicien français qui réussit à dépasser le simple cadre de la série-B fauchée pour livrer un score symphonique remarquable, seul véritable élément positif de ce naufrage cinématographique inscrit dans les annales du nanar de la fin des eighties. L’album produit à l’époque par Prometheus Records en 1993 inclut les 40 minutes écrites par Talgorn pour le film de Stuart Gordon, une partition héroïque et belliqueuse qui devrait séduire les aficionados du compositeur toulousain et des fans des musiques swashbuckling/space-opera à l’ancienne, comme quoi, certains films nuls peuvent parfois receler de très belles partitions musicales !



---Quentin Billard