1-Leaving For the Country 2.18
2-Wolves Stalking Gazelles 4.19
3-An Offering To Tengger/
Chen Saves The Last Wolf Pup 9.22
4-Wolves Attack The Horses 4.49
5-A Red Ribbon 3.20
6-The Frozen Lake 4.42
7-Discovering Hidden Dangers 2.47
8-Little Wolf 3.27
9-Scaling The Walls 4.07
10-Suicide Pact 2.17
11-Hunting The Wolves 6.05
12-Death of A'Ba 1.35
13-Return To The Wild 9.52

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Milan Records 399 698-2

Musique produite par:
Simon Franglen
Album produit par:
Simon Rhodes, James Horner
Ingénieur du son:
Simon Rhodes
Monteurs musique:
Jim Henrikson, Dick Bernstein
Arrangements:
Simon Franglen, Simon Rhodes,
J.A.C. Redford

Orchestrations:
James Horner, J.A.C. Redford,
Simon Rhodes, Steven Baker

Préparation musique:
Vic Fraser

(c) 2015 China Film Co. Ltd. All rights reserved.

Note: ****
WOLF TOTEM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Nouveau long-métrage du cinéaste français Jean-Jacques Annaud, « Wolf Totem » (Le dernier loup) est une ambitieuse production franco-chinoise, adaptée du livre « Le Totem du loup » de l’écrivain chinois Jiang Rong publié en 2004, et sortie en salles en 2015. Le film se déroule en Mongolie-Intérieure, en 1969, en pleine « 2e année de la Révolution culturelle » chinoise de Mao. Le jeune étudiant chinois Chen Zhen (Fen Shaofeng), originaire de Pékin, est envoyé dans ce pays pour y étudier les coutumes et la vie des bergers nomades des steppes. Un jour, Chen capture un louveteau et décide de l’apprivoiser, alors que les loups de la région sont menacés et systématiquement exterminés par le gouvernement. Bien décidé à protéger le jeune animal qu’il a surnommé « petit loup », Chen Zhen et son ami Yang Ke (Shawn Dou) vont devoir lutter pour la survie de l’espèce animale tout en essayant de protéger cette terre et sa tribu, menacée par un représentant régional de l’autorité centrale, bien décidé à éliminer les loups par n’importe quel moyen. Véritable tour de force cinématographique, « Wolf Totem » permet à Jean-Jacques Annaud de s’offrir une nouvelle santé après le navrant « Sa Majesté Minor » (2007) et le sympathique mais dispensable « Black Gold » (2011). Sept ans de tournage auront été nécessaire pour concevoir ce projet insensé qu’est « Wolf Totem », adapté d’un roman longtemps décrié et censuré par les autorités chinoises. Il faut rappeler qu’Annaud avait déjà eu des soucis avec les chinois suite à son « Seven Years in Tibet » (1997), qui lui avait valu d’être interdit en Chine pendant près de 15 ans, avant de réussir enfin à obtenir un financement inespéré auprès de la Chine pour « Wolf Totem ». Outre les sept longues années de préparation, le film nécessita trois ans pour élever et dresser les loups aperçus dans le film, afin de les rendre plus proche des hommes et mieux filmer leur quotidien.

Certaines séquences complexes comme l’ahurissante poursuite avec les chevaux en pleine nuit nécessitèrent d’ambitieux effets spéciaux – notamment pour les conditions météorologiques houleuses qui auraient été impossibles à filmer même en décor naturel – Niveau scénario, le film est un peu léger, dans le sens où il semble reproduire un schéma similaire à celui du « Dances with Wolves » de Kevin Costner (1990) en racontant là aussi l’amitié entre un homme et un loup qu’il apprend à apprivoiser. Plutôt avare en détail, le script semble aller à l’essentiel, exploitant au maximum son message écologique évident et l’importance de protéger les loups, qui restent plus que jamais une espèce en voie de disparition dans de nombreux pays. Le film dresse par la même occasion le portrait peu flatteur d’une Chine impériale en pleine expansion culturelle vers la fin des années 60, ramenant sur le devant de la scène une polémique semblable à celle de « Seven Years in Tibet », qui évoquait les ravages de l’oppression chinoise durant l’invasion du Tibet en 1950. Toujours très à l’aise lorsqu’il s’agit de filmer la nature sauvage et sa faune locale, Jean-Jacques Annaud rappelle avec « Wolf Totem » qu’il est plus que jamais l’un des grands maîtres du film animalier : que ce soit les ours, les tigres ou les loups, le cinéaste sait filmer le règne animal avec une force et une passion incroyable, nous offrant quelques images magnifiques, des séquences poignantes et parfois même très dures (la scène où les louveteaux sont tués, l’impressionnante poursuite entre les loups affamés et les chevaux, etc.). De même, cela faisait bien longtemps que l’on avait pas vu un cinéaste filmer avec une telle virtuosité et un tel respect les magnifiques steppes de la Mongolie-Intérieure, nous offrant là aussi des images d’une beauté à couper le souffle.

« Wolf Totem » marque par la même occasion les retrouvailles entre Jean-Jacques Annaud et le regretté James Horner (hélas tragiquement décédé quelques mois après le film à seulement 61 ans), les deux hommes ayant déjà travaillé ensemble sur « Le Nom de la rose » (1986), « Enemy at the Gates » (2001) et « Black Gold » (2011). Pour sa quatrième et dernière participation à un film d’Annaud, James Horner met les bouchées doubles et nous offre ce qui pourrait bien être l’une de ses plus belles partitions – qui s’avère malheureusement être une de ses dernières grandes oeuvres – une composition orchestrale classique d’esprit, avec des sonorités asiatiques/ethniques, un thème mémorable, une émotion à fleur de peau, et d’incroyables morceaux d’action d’une force et d’une complexité que l’on avait pas réentendu chez Horner depuis bien longtemps. Ecrit pour l’orchestre symphonique traditionnel enregistré à Londres agrémenté de quelques solistes, le score de « Wolf Totem » repose essentiellement sur un superbe thème principal dévoilé dès le début du film dans « Leaving for the Country (Main Theme) », aux cuivres avec cordes, voix ethnique, violon soliste interprété par Thomas Bowes et les quelques instruments solistes asiatiques enregistrés au China Film Group Scoring Stage à Beijing (incluant le violon erhu, la shakuhachi japonaise et la pipa, sorte de luth chinois traditionnel). Le thème principal, majestueux et solennel, évoque autant la beauté indescriptible des grandes plaines de la Mongolie tout en illustrant le monde sauvage des loups, sans aucun doute l’un des derniers grands thèmes mémorables et épiques de James Horner pour un film. Dès « Wolves Stalking Gazelles », le compositeur nous invite à partager le quotidien des bêtes durant une première scène où les loups chassent les gazelles. Avec des cordes sombres et des effets sonores de la shakuhachi, Horner plante rapidement le décor, puis, très vite, quelques ponctuations percussives et rythmiques viennent annoncer dès la deuxième minute le début de la chasse : on notera ici le rôle des tambours taikos et des percussions en général avec un rythme frénétique des cordes et des cuivres. On apprécie ici la férocité des morceaux d’action, superbement valorisés dans le film et d’une puissance redoutable, sur les images comme sur l’album.

A 3:34, Horner nous fait découvrir un autre motif important du score, le thème religieux de Tengri, le dieu du ciel éternel vénéré dans la culture mongole. Le motif de Tengri s’apparente à une succession planante et mystérieuse d’accords suspendus des cordes évoquant le monde divin, les cordes étant doublé ici par un synthétiseur aigu pour renforcer l’aspect mystique du motif, très réussi dans le film, notamment pour ces plans éthérés et contemplatifs du ciel. Dans « An Offering to Tengger/Chen Saves the Last Wolf Pup », Horner introduit un chant diphonique mongol avec quelques notes mélancoliques de piano et les effets de shakuhachi. On apprécie ici l’extrême pudeur de la musique, belle et élégante, sans jamais en faire de trop, mais avec comme toujours cette sensibilité si chère à James Horner. Impossible de passer à côté de la très belle reprise du thème principal à la pipa à 2:03. Dès 2 :22, un nouveau morceau d’action débute, reprenant les éléments rythmiques/percussifs excitants de « Wolves Stalking Gazelles ». La seconde partie du morceau, plus optimiste, développe le thème principal de manière dramatique, noble et élégante, alors que Chen sauve le petit loup. On retrouve ici le lyrisme si personnel d’Horner dans ces moments où l’émotion est valorisée sans jamais en faire de trop, avec un respect et une sincérité impressionnante. Mais ce sont les morceaux d’action qui attirent notre attention ici, avec en particulier l’incroyable séquence d’attaque des chevaux (« Wolves Attack the Horses »), où l’on ressent les influences habituelles du « Alexandre Nevski » de Prokofiev alors que les loups se rassemblent et s’apprêtent à foncer sur les chevaux. Dans le film, le morceau est là aussi superbement mixé et valorisé sur les images, apportant une puissance épique et une brutalité incroyable tout au long de cette séquence, notamment dans le jeu des percussions et des cuivres.

On retrouve ici les allusions habituelles du compositeur, qui semble faire allusion à certaines musiques de bataille de « Braveheart », de « Apollo 13 » ou de « Aliens », tandis qu’un large crescendo débouche sur un pur déchaînement symphonique martelé par le piano, les cordes staccatos et les percussions pour cette scène de chasse d’une rare virtuosité. « Wolves Attack the Horses » est de loin l’un des meilleurs passages de « Wolf Totem » et aussi l’un des plus spectaculaires, comme dans le film, faisant preuve d’une énergie musicale et d’une maîtrise ahurissante. Dans « The Frozen Lake », Horner confirme l’énergie incroyable qu’il développe dans ses morceaux d’action d’une force, d’une puissance et d’une complexité que l’on avait plus réentendu chez lui depuis bien longtemps, offrant du fil à retordre aux musiciens londoniens. Comme d’habitude, on retrouve l’éternel motif de 4 notes du danger qu’Horner utilise d’un score à un autre depuis près de 30 ans, à la trompette, à 3:46, durant la scène où les chevaux meurent dans le lac glacé. Mais, à l’inverse de « Enemy at the Gates », le motif est fort heureusement peu présent dans « Wolf Totem » et relégué au second plan. La musique devient alors plus sombre et torturée dans « Discovering Hidden Dangers » avant de céder la place à un passage plus léger avec les solistes (hautbois, pipa, flûtes, etc.) d’une fraîcheur remarquable. On retrouve ces passages plus légers dans « Little Wolf » ou à la fin de « Scaling the Walls », parfois proche du registre de la musique de comédie, apportant une nuance remarquable à la partition pour le quotidien du petit loup et son amitié avec Chen.

La dernière partie du film est introduite avec les 6 minutes incroyablement intenses de « Hunting the Wolves », pour l’un des derniers grands morceaux d’action du score de « Wolf Totem », durant la scène d’extermination des loups. Difficile ici de passer à côté de cette reprise harmonique du thème à 1:50 sur un ostinato rythmique des cordes prenant l’aspect d’un rythme de chevauchée. Puis, l’action cède ensuite le pas à une introspection plus douloureuse et poignante évoquant la dévastation et la mort des loups, avec respect et sensibilité, tout comme le funèbre et tragique « Death of A’ba », lorsque le dernier loup meurt, épuisé, au bout d’une course poursuite effrénée. On relèvera ici une reprise particulièrement poignante du thème avec les vocalises ethniques et le violon soliste, un autre grand moment d’émotion de la partition de « Wolf Totem ». Enfin, Horner conclut le film avec les 10 minutes de « Return to the Wild » qui apporte un éclairage dramatique et bouleversant à la fin de cette histoire. Le thème principal est largement développé de manière dense et incroyablement touchante, notamment aux cordes à 2:20 et 2:45, pour un autre passage tragique de toute beauté. On notera le retour du motif religieux à 3:18, alors que l’âme du dernier loup vient de rejoindre le royaume de Tengri.

S’ensuit une série de développements épiques et puissants autour du thème principal, majestueux et magnifique durant les dernières minutes du film et de la partition, une sorte d’adieu poignant à cette terre sauvage, et, pour l’auditeur nostalgique, à un univers musical d’une richesse incroyable, témoignage du talent de James Horner qui, à 61 ans, était au sommet de son art, ayant atteint la maturité qu’il rechercha tout au long de sa carrière : « Wolf Totem » n’est peut être pas la dernière musique de film du compositeur, mais elle reste un magnifique testament d’un univers musical personnel et passionnant qui ne peut que toucher ceux qui apprécient les musiques d’Horner depuis maintenant plus de 3 décennies, car, qu’on se le dise, le score de « Wolf Totem » s’apprécie autant dans le film, où il est si magnifiquement posé sur les images (avec un mixage généreux) qu’en écoute isolée sur l’album, où la musique révèle toute sa richesse et sa générosité si typique de l’oeuvre de James Horner. Au final, « Wolf Totem » reste l’un des sommets de la musique de film de l’année 2015, à ne rater sous aucun prétexte, en plus d’être l’une des dernières grandes musiques de film du regretté compositeur américain !



---Quentin Billard