1-Main Titles 5.24
2-The Intruder 5.06
3-Attempted Suicide 0.51
4-Gail and the Sender
(Main Theme) 2.22
5-The Necklace Is Found 1.07
6-Night Time Medication 1.30
7-Journey To The Clinic 1.29
8-The Parting 1.18
9-Gail Returns Home 1.25
10-Gail Encounters Jerolyn/
Night Pursuit/Car Chase 6.21
11-The Cabin 8.16
12-End Credits 3.08

Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

La La Land Records LLLCD 1137

Album produit par:
Matt Verboys, MV Gerhard
Produit par:
Dan Goldwasser
Orchestre:
The English Chamber Orchestra
Direction d'orchestre:
Marcus Dods
Orchestrations:
John A. Coleman
Ingénieur son:
Dick Lewzey, John Richards
Assistant musique:
Victoria Seale

Édition limitée à 1500 exemplaires.

Artwork and pictures (c) 1982 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE SENDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
« The Sender » (Rêves sanglants) est un film d’épouvante anglais sorti en 1982, présenté au Festival d’Avoriaz en 1983 mais rapidement tombé dans l’oubli. Première réalisation de Roger Christian, réalisateur plus connu pour le catastrophique « Battlefield Earth » de 2000, « The Sender » nous plonge dans le quotidien sombre d’un jeune homme inconnu (Zeljko Ivanek) qui se réveille soudainement en pleine campagne. Ce dernier se lève alors et marche en direction d’une plage. Avec deux pierres qu’il roule sous son vêtement, l’homme tente de se suicider en se noyant dans le lac sous le regard médusé des baigneurs. Peu de temps après, le jeune homme est transporté d’urgence vers un hôpital psychiatrique où il se réveille et se retrouve pris en charge par le Dr. Gail Farmer ( Kathryn Harrold). Incapable de se souvenir de son nom, le patient amnésique est surnommé « John Doe #83 ». Quelque temps après son arrivée, Gail commence à être victime d’étranges hallucinations inexpliquées, des visions de plus en plus inquiétantes que la jeune femme ne parvient pas à expliquer. Elle découvre alors que d’autres personnes de l’hôpital sont victimes des mêmes visions, et en arrive à la conclusion que lorsque John Doe fait des rêves, ses songes se matérialisent dans la réalité. Avec l’aide de son supérieur le Dr. Joseph Denman (Paul Freeman), Gail décide d’explorer la psyché de John Doe et de découvrir ce qui est à l’origine des cauchemars qui hantent son jeune patient. Avec un scénario plutôt habile et bien développé, « The Sender » s’avère être un thriller psychologique à l’ambiance assez troublante, navigant entre rêve et réalité tout en brouillant les pistes sur ce que le spectateur est amené à voir : où s’arrête la réalité ? Où commence le rêve ? Ces questions peuvent paraître banales pour un certain cinéma de genre, mais force est de constater que, pour son premier long-métrage, Roger Christian maîtrise parfaitement son sujet même si le film manque d’ampleur et d’ambition d’un point de vue visuel. Certaines scènes de rêves sont pourtant assez mémorables, comme cette fameuse séquence où John Doe subit une série d’électrochoc, ce qui déclenche une terrifiante hallucination collective durant laquelle tout le personnel médical de la pièce se retrouve projeté violemment en arrière dans un ralenti angoissant. Le film réserve aussi quelques passages gores assez bien amenés (les litres de sang qui coulent du miroir brisé, une vrille qui perce un crâne à vif, des rats sortant de la bouche d’un homme, un patient brutalement décapité dans un cauchemar, etc.).

Malgré des moyens limités, « The Sender », sorti discrètement aux Etats-Unis en octobre 1982, est devenu par la suite une petite référence du genre (on dit que Quentin Tarantino le cite comme l’un de ses films d’horreur fétiches de cette année), tourné dans la continuité des thrillers parapsychologiques de la fin des années 70 (« The Fury » en 1978 ou « Carrie » de De Palma en 1976). Curieusement, malgré un succès très modeste, le film aborde des thèmes forts qui influenceront d’autres films à venir par la suite, alors que le sujet de la transmission et du pouvoir des rêves sera repris dans « Dreamscape » (1984) ou « Sphere » (1998) de Barry Levinson, qui reprend par ailleurs le concept similaire de la matérialisation des rêves dans la réalité. D’ailleurs, lors de sa sortie en France, « The Sender » sera diffusé sous le titre « Transmission de cauchemars », ce qui est assez révélateur de l’ambiance du film. De par son atmosphère froide, lente, mélancolique, étrange et oppressante, « The Sender » prend la forme d’un thriller parapsychologique hors des sentiers battus, avec des séquences très réussies – l’opération chirurgicale de John Doe qui tourne à la catastrophe, le patient déclenchant brutalement un immense incendie instantané dans la salle – et une ambiance onirique cauchemardesque où aucune issue ne semble possible, même si la réalisation de Roger Christian reste encore trop timide ou peu aboutie pour pouvoir concrétiser pleinement tout le potentiel de son sujet (à noter néanmoins une fin ouverte très ambiguë et intéressante). Le film semble par ailleurs reprendre quelques éléments par-ci par-là : ainsi, certaines séquences cauchemardesques rappellent le « Shining » de Kubrick (1980), tandis que l’univers de l’hôpital psychiatrique rappelle le cultissime « One Flew Over the Cuckoo’s Nest » de Milos Forman (1975). Enfin, « The Sender » doit aussi beaucoup à l’interprétation troublante du jeune Zeljko Ivanek à ses débuts, acteur slovène plus connu aujourd’hui pour ses nombreuses participations à des séries télévisées aussi diverses que « X-Files », « CSI », « Law and Order », « Bones », « Cold Case » ou bien encore « Mentalist » (dans le pilote de la série et dans l’épisode 8 de la saison 3).

La partition mélancolique et envoûtante de Trevor Jones est certainement l’un des éléments forts du film de Roger Christian, la musique contribuant à son tour à cette atmosphère froide et étrange en prenant le contre-pied de l’aspect horrifique/cauchemardesque du film au profit d’une ambiance plus mélancolique et émotionnelle typique du compositeur sud-africain. Rappelons que Trevor Jones était encore peu connu à cette époque, puisqu’il fit ses débuts avec quelques musiques pour des courts-métrages au début des années 80, dont le fameux « Black Angel » de Roger Christian en 1980, qui marqua la première collaboration entre les deux hommes deux ans avant « The Sender ». Trevor Jones se fit surtout remarquer avec sa puissante musique médiévale pour le « Excalibur » de John Boorman en 1981, ce qui l’amena ensuite à retrouver Christian sur « The Sender » l’année d’après, film pour lequel Jones va délivrer l’une des plus belles partitions musicales de ses débuts. Récemment éditée par le label La-La Land Records, la musique de « The Sender » doit beaucoup à l’émotion et la richesse de son thème principal mémorable, une mélodie mélancolique, fragile et poignante évoquant l’enfance de John Doe, son innocence perdue et son désir de retrouver sa mère. Dévoilé dès le « Main Titles », le thème principal est rapidement introduit par une flûte à bec sur fond de cordes lugubres, de harpe, de synthés et de sonorités cristallines mystérieuses évoquant les troubles psychologiques de John Doe. Le thème est ensuite repris par des violoncelles mélancoliques de toute beauté. La deuxième partie du « Main Titles », lié à la tentative de John au début du film, mélange harpe, xylophone, trompette, choeur et cordes de manière fort troublante, créant une ambiance psychologique sombre, inquiétante et torturée, incluant un premier passage atonal avec des cordes glaciales et dissonantes et des choeurs fantastiques nous plongeant dans une atmosphère horrifique et cauchemardesque typique de la musique de « The Sender ».

Dans « The Intruder », Trevor Jones confirme l’approche avant-gardiste voulu sur le film de Roger Christian, mélangeant acoustique et électronique pour parvenir à ses fins avec une inventivité étonnante. Le thème principal est toujours présent, accompagné de contrebasses pesantes, de roulements de timbales et de synthétiseurs très années 80 évoquant la scène où le Dr. Gail Farmer croit voir John chez elle en pleine nuit. La musique accentue ici la sensation de rêve de façon suffocante, orientée clairement vers le suspense et la tension, Jones reprenant aux synthés les premières notes du thème principal de façon plus obsédante. « Attempted Suicide » accompagne une autre scène d’hallucination à travers un mélange de cordes stridentes/dissonantes et de synthétiseurs expérimentaux et macabres, ainsi qu’un groupe de voix féminines reprenant de manière très aiguë et troublante les premières notes du thème. Le Main Theme reste omniprésent tout au long du film, agencé sur les images à la façon d’un leitmotiv entêtant et mélancolique, comme si John Doe cherchait à se souvenir de qui il était avant et que la musique le lui rappelait indirectement et inconsciemment. C’est ce que l’on ressent dans « The Necklace Is Found » ou l’intime « Night Time Medication ». « Journey To The Clinic » accentue le suspense de manière oppressante avec le retour des éléments électroniques et une utilisation de samples évoquant des xylophones en écho désynchronisés. La musique apporte ce climat suffocant aux images tout en traduisant les troubles mentaux et l’intensité crescendo des visions de John Doe.

Le thème est repris avec délicatesse par une flûte puis une trompette dans « The Parting », très joli arrangement du Main Theme exécuté avec sensibilité et pudeur, tandis que « Gail Encounters Jerolyn/Night Pursuit/Car Chase » cède le pas aux montées de tension pour le retour des dissonances atonales des cordes lorsque le Dr. Gail rencontre un soir la mystérieuse Jerolyn et se retrouve poursuivie dans la rue en voiture. L’utilisation des synthétiseurs évoque parfois ici certaines musiques de thriller de Jerry Goldsmith de la fin des années 70 (on pense par exemple à « The Reincarnation of Peter Proud »), l’ombre de Goldsmith semblant planer à plus d’une reprise sur la partition de « The Sender », et ce même si le style de Trevor Jones y est pourtant relativement perceptible. A noter un morceau totalement déchaîné pour la poursuite en voiture, durant lequel le compositeur valorise les percussions de façon étonnante, dans un mélange curieux de xylophone, tambours, timbales, cymbales et percussions diverses. « The Cabin » nous amène alors à l’acte final du film, alors que John retourne à la cabane près du lac pour tenter de se souvenir de son passé. Les 8 minutes intenses de « The Cabin » permettent à Trevor Jones de maintenir une tension ahurissante tout au long de cette séquence, incluant des voix féminines fantomatiques et terrifiantes, des glissandi stridents des cordes, une superbe reprise en tonalité majeure du thème principal au violon (moment de pure grâce de la partition !), des choeurs dissonants, des effets de harpe ondulante et des synthétiseurs expérimentaux pour mieux faire ressortir la sensation de cauchemar éveillé et d’hallucinations. Le Main Theme est repris alors dans son intégralité pour le générique de fin (« End Credits ») où Trevor Jones se fait plaisir et développe son thème bouleversant avec l’orchestre et une chorale majestueuse, dans un style proche d’Ennio Morricone.

Au final, « The Sender » fait partie des premiers travaux mémorables de Trevor Jones composé à ses débuts au cinéma, un film troublant dans lequel le compositeur s’essaie à une musique non moins troublante, s’autorisant quelques expérimentations sonores fort intéressantes et de multiples développements d’un thème principal de toute beauté, probablement l’un des premiers grands thèmes de Trevor Jones pour le cinéma ! Malheureusement, l’album publié par La La Land Records est doté d’un son mono exécrable qui rend difficile l’écoute, le master original du score n’ayant pas été retrouvé au moment de l’édition du score en CD en 2011. Néanmoins, il faudra se contenter de cela pour le moment, d’autant que l’album, plutôt court (38 minutes), omet plusieurs passages du score, même si l’essentiel s’y trouve déjà. Autre point faible : des influences musicales trop flagrantes et un thème principal trop souvent répété tout le long du film, rendant l’écoute monotone et fastidieuse lorsque l’on réentend la mélodie au bout de la cinquantième fois vers le milieu du récit. Oeuvre de jeunesse dotée de qualités évidentes, la partition musicale de « The Sender » est une jolie surprise pour un Trevor Jones tout juste âgé de 33 ans au moment où il compose cette première partition remarquable un an après l’incontournable « Excalibur », un score de jeunesse hélas méconnu mais très réussi dans le film, à redécouvrir sur l’album de La La Land, en attendant une éventuelle réédition remasterisée avec un bien meilleur son !



---Quentin Billard