1-Fantastic Four Prelude 5.16
2-The Garage 2.26
3-The Unveiling 1.03
4-Baxter 2.45
5-"All My Faith" 0.45
6-The Lab 0.53
7-Meeting of the Minds 0.53
8-It Begins 0.34
9-Building The Future 2.49
10-Launch One 3.11
11-Neil Armstrong 2.57
12-Maiden Voyage 1.56
13-Footprints 4.00
14-"Run" 2.38
15-Ben's Drop 2.27
16-Real World Applications 1.39
17-Under Pressure 1.01
18-The Search 1.58
19-"You're Going To
Like This One" 1.10
20-Father and Son 1.49
21-Return 2.42
22-He's Awake 6.55
23-Pursuit 3.01
24-Strenght In Numbers 5.17
25-End Titles 6.15

Musique  composée par:

Marco Beltrami/Philip Glass

Editeur:

Sony Classical 88875096722

Conduit par:
Pete Anthony
Musique additionnelle de:
Miles Hankins, Brandon Roberts,
Marcus Trumpp

Orchestrations:
Pete Anthony, Andrew Kinney,
Jon Kull, Mark Graham,
Rossano Galante, Dana Niu,
Richard Bronskill

Design électroacoustique de:
Buck Sanders
Monteur musique:
Curt Sobel
Assistants musique:
Alex Weston, Drew Smith
Supervision musique:
Andrea Von Foerster
Direction de la musique pour
20th Century Fox:
Danielle Diego
Musique supervisée pour la
20th Century Fox par:
Anton Monsted
Production musicale supervisée pour
la 20th Century Fox par:
Rebecca Morellato
Business affairs pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Music clearance pour
20th Century Fox:
Ellen Ginsburg
Coordination album pour
20th Century Fox:
Joann Orgel
Développement de produits pour
Sony Classical:
Guido Eitberger

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 2015 Twentieth Century Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
FANTASTIC FOUR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Marco Beltrami/Philip Glass
Suite au désistement de la 20th Century Fox de tourner un troisième épisode de la saga « Fantastic Four » (débutée en 2005) après des recettes plus mitigées pour le « Surfer d’Argent » en 2007, la Fox annonça par la suite qu’un projet de reboot était en préparation dès 2009. Il faudra finalement attendre 2012 pour que le projet refasse à nouveau parler de lui avec le choix du réalisateur Josh Trank, auréolé de gloire après le succès de son « Chronicle ». Et c’est ainsi que « Fantastic Four » sort en 2015, et ramène la franchise sur grand écran (à noter que le film est produit par la Fox et n’a donc aucun lien avec l’univers cinématographique Marvel). Reed Richards (Miles Teller) et Ben Grimm (Jamie Bell) sont des amis d’enfance qui travaillent depuis leur plus jeune âge sur une machine à téléportation, jusqu’au jour où leur projet attire l’attention du professeur Franklin Storm (Reg E. Cathey), directeur du Baxter Foundation, un institut de recherche scientifique pour jeune prodige financé par le gouvernement. Reed rejoint alors l’équipe de recherche de Storm avec ses deux enfants, Susan (Kate Mara), fille adoptive de Storm, et son jeune frère Johnny (Michael B. Jordan). Leur objectif : mettre au point le Quantum Gate, projet ambitieux né de l’esprit de Victor Von Doom, protégé de Storm qui accepte par dépit de rejoindre l’équipe, motivé par ses sentiments (non réciproques) pour Sue. Le projet est un franc succès, mais très vite, l’équipe apprend que leur création est confiée à la NASA, qui espère s’en servir pour y envoyer un groupe de scientifiques dans une dimension parallèle baptisée « Planète Zéro ». Mais quand ils apprennent qu’ils sont mis à l’écart du projet, Reed, Johnny, Ben, Sue et Victor utilisent alors le Quantum Gate pour un voyage vers la Planète Zéro. Ils y découvrent alors un monde étrange rempli d’une étrange substance verte. Mais l’expérience tourne au drame alors que Victor déclenche par inadvertance une réaction en chaîne et tombe dans la mystérieuse lave verte, présumé mort. Après l’explosion de leur machine, Reed, Johnny, Sue et Ben se retrouvent métamorphosés. Leurs corps ont subis des transformations irréversibles, et ils doivent désormais apprendre à maîtriser leurs nouveaux pouvoirs et leurs capacités, étudiées en secret par les militaires de la Zone 57. Equipé de combinaisons high-tech capable de stabiliser leurs pouvoirs, les quatre héros sont renvoyés sur la Planète Zéro où ils retrouvent Victor, qui a fusionné avec sa combinaison et a le pouvoir de contrôler les éléments de cette dimension parallèle. A son retour sur Terre, Victor sème le chaos dans la base militaire et se met en tête de détruire la race humaine et de rebâtir la Planète Zéro à son image. Seuls Reed, Johnny, Ben et Sue sont en mesure de l’affronter et de l’arrêter avant qu’il ne soit trop tard.

« Fantastic Four » nous ramène ainsi dans l’univers bien connu des comics books de chez Marvel, avec des moyens conséquents, des effets spéciaux spectaculaires (le réalisateur s’opposa à ce que le film soit converti en 3D !), un bon casting et un scénario calqué sur les films précédents et les comics d’origine. Hélas, si tout cela semblait prometteur sur le papier, le résultat final est une déception majeure : le montage du film semble avoir échappé à Josh Trank, qui a lui-même déclaré être déçu par les nombreux changements du montage imposés par le studio, et qui ont gravement altéré sa vision du film, alors qu’il promettait un métrage très sombre et plus immersif. Le tournage a aussi été rendu très compliqué, notamment en raison de certaines rumeurs persistantes de quelques membres de l’équipe du film qui ont reproché à Trank un comportement erratique lors du tournage. Très clairement, « Fantastic Four » a complètement échappé à son auteur, finissant sa course dans le domaine des films de studio maudits. Malmené ensuite par la critique lors de sa sortie en salles en 2015, le film a aussi souffert de tweets accusateurs du réalisateur rejetant la faute de l’échec du film sur le studio. Le film s’est planté au box-office et semble avoir compromis les projets de suite de la Fox. En y regardant d’un peu plus près, on comprend mieux l’échec intégral du film : l’histoire met beaucoup trop de temps à décoller, et sur 100 minutes de métrage, il faut attendre 40 ou 50 minutes avant de rentrer enfin dans le vif du sujet. L’exposition des personnages est trop longue, les interactions entre eux sont décevantes (voire inexistantes), les acteurs sont moyens (Toby Kebbell campe un Docteur Doom sans charisme !), les scènes de recherche scientifique sur l’expérience sont incroyablement longues à n’en plus finir – à tel point que l’on se demande même si l’on est en train de regarder un film sur les 4 Fantastiques ! - et la véritable histoire du quatuor de super héros aux pouvoirs fabuleux et de leur combat contre Doom arrive finalement tardivement, lors du dernier acte du film, sans oublier une bataille finale expédiée en moins de 15 minutes. Le film de Josh Trank se voulait à l’origine plus sombre et plus réaliste que les précédents, mais au final, il n’en est rien : on sent clairement que le montage a été amputé de toute sa substance, et même si la bataille entre le réalisateur et le studio a tourné en faveur de la Fox, pour l’avenir du film, c’est une toute autre paire de manches ! Malgré ses effets numériques stupéfiants et une bataille finale spectaculaire, « Fantastic Four » est une solide déception qui devrait enterrer la franchise pour de bon.

La musique du film de Josh Trank a été confiée sans surprise à Marco Beltrami, décidément très actif au cinéma ces dernières années, mais l’aspect le plus singulier vient ici de la participation de Philip Glass à la musique de « Fantastic Four », une première pour le compositeur habitué aux productions plus indépendantes et intimistes - c’est le réalisateur qui a eu l’idée de faire appel en premier à Philip Glass, dont il admire l’oeuvre depuis des années - C’est aussi la première fois que Glass collabore sur un film avec un compositeur à des années lumière de son univers musical habituel, répétitif et minimaliste, et s’il est évident que Glass a du se plier à l’exercice contraignant de la musique hollywoodienne, le mérite en revient surtout à Marco Beltrami qui a su cimenter le tout dans un style musical globalement cohérent sur les images, avec l’apport reconnaissable de Glass dans certaines parties mélodiques. Il faut d’ailleurs noter tout de suite qu’une bonne partie de la partition de « Fantastic Four » est bien l’oeuvre de Beltrami (d’ailleurs, toute le staff musical du score est bien celui du compositeur !). Le score débute dans le film avec la partie de Glass : on reconnaît d’emblée son style dans « Fantastic Four Prelude », où le musicien développe son style minimaliste et répétitif habituel, reconnaissable à ses ostinatos entêtants de cordes et de bois (flûtes, notamment), et même une sorte de berceuse enfantine de célesta/harpe basée sur les arpèges répétitifs chers à Glass, dans un passage évoquant par moment son travail sur la saga horrifique « Candyman ». On note ici la clarté épurée des orchestrations, alternant entre les cordes métronomiques, les bois (incluant une clarinette basse), quelques cuivres et une basse synthétique en arrière-fond sonore. Glass apporte ainsi sa personnalité musicale si particulière et plus intellectuelle à l’ouverture de « Fantastic Four », un début prometteur, alors que l’on espère que la suite soit du même acabit. Dans « The Garage », on y suit la jeunesse de Reed et Ben lors de leurs expérimentations scientifiques à l’aide de flûtes mystérieuses, de bois et de cordes planantes avec quelques éléments électroniques, aboutissant à « The Unveiling » et ses notes ondulantes de flûtes.

« Baxter » permet à Glass de prolonger son travail autour de l’esthétique répétitive/minimaliste qui lui est chère, avec ces arpèges répétitifs de synthétiseurs et de clarinette, alors que l’équipe arrive à l’institut Baxter de Franklin Storm au début du film. A noter que le thème principal du film est brièvement cité aux cuivres à 0:37 dans « The Unveiling », et se dévoile de façon plus évidente dans « Baxter » à 0:19, thème héroïque des 4 Fantastiques justement constitué de 4 notes ascendantes (subtil !) et aisément reconnaissables dans le film - le thème principal est probablement l’oeuvre de Beltrami – Le thème, présent dans « All My Faith » et au début de « The Lab », ne cesse de grandir tout au long du film, Glass reprenant dans ce morceau ces éléments d’arpèges de clarinette de « Baxter » pour cimenter les deux styles musicaux de Beltrami et Glass. Il y a un travail de superposition d’idées assez intéressant ici, et parfaitement cohérent dans le film. Dans « Meeting of the Minds », on retrouve le motif de 2 notes de flûtes de « The Unveiling » (à 0:14) associé dans le film à la création scientifique du Quantum Gate, motif qui rappelle curieusement un motif similaire du « Alien » de Jerry Goldsmith. L’expérience débute alors au son des cuivres massifs de « It Begins », avec le superbe « Building the Future » où le thème principal prend une tournure plus épique, tandis que l’équipe se prépare pour le voyage vers la Planète Zéro. On appréciera ici l’accompagnement en ostinatos répétitifs des cordes, un vrai contrepoint signé Glass qui vient se superposer à la partie plus mélodique et posée des cuivres massifs ici, une vraie fusion de styles Beltrami/Glass assez réussie dans le film comme sur l’album.

Le départ pour la dimension parallèle débute dans « Launch One », porté par des sonorités électroniques plus modernes évoquant l’expérience scientifique, et le retour du motif de 2 notes de flûtes à 0:21. On ressent clairement ici l’appréhension et l’excitation du voyage vers un univers inconnu, avec quelques accents plus agressifs et dissonants dès la deuxième minute, porté par des orchestrations plus complexes. Dans « Neil Armstrong », les compositeurs évoquent la découverte de la Planète Zéro avec un sentiment de découverte absolue et d’émerveillement largement véhiculé par le travail de l’orchestre (allusion au thème principal par un cor soliste à 0:51) et des nappes synthétiques discrètes et mystérieuses. On appréciera dès 1:12 l’entrée d’un célesta et d’une harpe, qui créent ici une ambiance étrange et éthérée, planante et quasi impressionniste, une très jolie réussite en terme d’ambiances et de couleurs instrumentales/sonores. « Maiden Voyage » évoque le périple sur la Planète Zéro avec des rythmes plus nerveux et agressifs, et une utilisation plus prononcée de l’électronique, tandis que « Footrprints » instaure une atmosphère d’émerveillement avec des accords plus majestueux de l’orchestre, et une harmonie assez soutenue, en plus des nombreux rappels au thème principal. Ici aussi, on apprécie l’univers musical particulier crée par Beltrami et Glass, avec l’arrivée d’un choeur grandiose à 1:58 pour la découverte des paysages extraordinaires de la Planète Zéro. A partir de 3:02, la musique plonge ensuite dans une atmosphère plus étrange et surréaliste, très contemporaine et avant-gardiste. Les dissonances deviennent ici plus présentes, avec l’utilisation remarquable d’un tuyau harmonique (on se souvient notamment que John Williams utilisait cet instrument particulier au début du chant de la secte de « Indiana Jones and the Temple of Doom ») au milieu de sons aléatoires de célesta et de harpe, une vraie expérimentation musicale portée ici par l’idée géniale du tuyau harmonique aux sonorités surréalistes. Les choses deviennent véritablement sérieuses avec l’hallucinant « Run » alors que l’expérience tourne à la catastrophe et que Victor a disparu dans la lave verte. Premier morceau d’action trépidant du score, « Run » est un pur tour de force orchestral de plus de 2 minutes porté par des cuivres rageurs en notes rapides (les trompettistes et les cornistes ont du y laisser quelques gouttes !), un morceau sans aucun doute signé Marco Beltrami, dont le style orchestral est ici assez reconnaissable.

L’atmosphère devient sombre et lugubre dans « Ben’s Drop », plus orientée vers le suspense, notamment dans le jeu caractéristique des cordes en notes lentes et tendues, et un final très martial alors que les quatre héros sont confiés aux militaires de la Zone 57. Ils apprennent alors à maîtriser leurs nouveaux pouvoirs dans « Real World Applications » et ses accords plus majestueux et optimistes, marqués par le retour du motif de 2 notes de flûte de l’expérience à 1:07, qui rappelle plus que jamais le « Alien » de Goldsmith. « You’re Going To Like This One » est un nouveau déchaînement d’action assez bref mais musclé, qui introduit au dernier acte du film, avec le retour de Victor dans « Return », où l’on retrouve le motif de 2 notes associé à la Planète Zéro. Dans « He’s Awake », Beltrami introduit un troisième thème majeur, le motif de 4 notes descendantes associé à Victor, évoquant la menace et les pouvoirs maléfiques de Doom – à noter que le motif de Doom est en réalité une version alternée et jouée à l’envers du thème des 4 Fantastiques - Débutant avec du sound design plus atmosphérique et des cordes tendues, « He’s Awake » nous plonge dans un suspense haletant et glauque, avec la toute première apparition du motif de Doom aux cuivres à 1:53. On ressent ici la puissance du personnage qui ne cesse de grandir jusqu’à exploser, idée largement véhiculée ici par un sound design totalement expérimental et anarchique entre 2:07 et 2:22. Dès lors, Doom sort de son sommeil et sème le chaos et la terreur dans la base, pour un nouveau morceau d’action/suspense, porté par les sonorités électroniques et un orchestre massif. La bataille finale opposant les 4 Fantastiques à Doom a lieu dans l’intense « Pursuit », où la musique verse à plus d’une reprise dans les dissonances spectaculaires et des orchestrations plus complexes. La confrontation se termine avec les 5 minutes ahurissantes de « Strenght in Numbers », énième tour de force orchestral de la partition, où le thème principal est largement développé dans une ambiance apocalyptique/épique très spectaculaire, sans aucun doute le meilleur morceau d’action de tout le score (avec un final héroïque et triomphant). Dommage cependant que Beltrami ne reprenne quasiment pas le thème de Doom (hormis quelques rappels très flous des premières notes du motif), honteusement absent de la bataille finale, là où l’on se serait attendu à de vraies variations du motif en contrepoint de celui des 4 Fantastiques, omniprésent durant le combat de la fin du film.

Le générique de fin, « End Titles », permet aux deux compositeurs de récapituler leurs principales idées musicales de « Fantastic Four » pendant près de 6 minutes, un solide récapitulatif qui alterne entre le matériau de Beltrami et celui de Glass. C’est donc plutôt conquis que l’on ressort de l’écoute de « Fantastic Four », un score intéressant qui ne manque pas d’idées et qui propose une collaboration inédite entre deux compositeurs d’horizons divers, chacun apportant à l’autre ses tics, sa manière d’envisager la musique, même si au final, on retient davantage ici le style de Beltrami plutôt que celui de Glass, peu présent durant la seconde moitié du film, ce qui est tout à fait regrettable. On se dit ainsi que le travail du duo aurait mérité à être plus approfondi dans le dernier acte du film, où tout repose uniquement sur les épaules de Marco Beltrami, d’autant que la thématique, jusqu’ici impeccable, tourne plutôt en défaveur du Docteur Doom, dont le thème est curieusement absent de la bataille finale (ce qui n’est absolument pas logique dans le contexte du film !). Ainsi donc, malgré quelques défauts et une seconde partie plus inégale, le score de « Fantastic Four » reste très réussi à l’écran et propose un mélange d’idées intéressantes que l’on aurait souhaité plus approfondies et plus audacieuses, mais le résultat, somme toute assez conventionnel, a quand même de quoi satisfaire les fans de Marco Beltrami et ceux de Philip Glass, même si ces derniers risquent de décrocher complètement vers le milieu du score. Du coup, on espère revoir à nouveau les deux compositeurs travailler ensemble sur de futurs projets, en espérant un film plus ambitieux, mieux maîtrisé, avec suffisamment de matière pour concevoir un vrai score digne d’une collaboration d’anthologie.



---Quentin Billard