1-Pourquoi? 3.30
2-Young Philippe 2.10
3-Two Loves 3.19
4-The Towers of Notre Dame 1.49
5-"It's Something Beautiful" 2.56
6-Spy Work 1.36
7-Full of Doubt 2.30
8-Time Passes 4.01
9-The Arrow 3.15
10-"We Have a Problem" 5.16
11-The Walk 6.23
12-"I Feel Thankful" 7.19
13-"They Want To Kill You" 3.56
14-"There is no Why" 3.56
15-"Perhaps You Brought Them
To Life/Given Them a Soul" 4.20

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Sony Classical 8875122672

Musique conduite par:
Alan Silvestri
Album produit par:
Alan Silvestri, David Bifano
Direction de la musique pour
Sony Pictures:
Lia Vollack
Mixage et enregistrement:
Dennis Sands
Enregistrement digital:
Adam Olmsted
Orchestrations:
Mark Graham
Préparations musique:
Joann Kane Music Services
Monteur musique:
Jeff Carson
Assistant production scoring:
James Findlay
Sony Classical Licensing:
Mark Cavell
Développement de produit pour
Sony Classical:
Guido Eitberger

Artwork and pictures (c) 2015 CTMG./Columbia Pictures Industries Inc./Madison Gate Records Inc. All rights reserved.

Note: ***
THE WALK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
Annoncé depuis 2014, « The Walk » est l’adaptation cinématographique du roman autobiographique de Philippe Petit « To Reach the Clouds ». On se souvient que ce français funambule originaire de Nemours avait défrayé la chronique aux Etats-Unis en traversant les tours du World Trade Center le 7 août 1974, un exploit non autorisé qui a été très largement médiatisé par la suite, et que Petit lui-même a déclaré comme étant le plus grand « crime artistique du siècle ». Son histoire extraordinaire, racontée dans son livre, avait déjà été adaptée une première fois en 2008 dans le film documentaire anglais de James Marsh « Man on Wire » (Oscar du meilleur film documentaire en 2009). C’est au tour de Robert Zemeckis de proposer sa vision de l’histoire de Philippe Petit dans le film « The Walk », sorti au cinéma en 2015 avec Joseph Gordon-Levitt dans le rôle principal. Tourné en 3D pour une immersion plus spectaculaire dans les scènes de funambule, le film débute en 1973, alors que le jeune Philippe Petit tente de se faire connaître dans les rues de Paris grâce à ses numéros de jongleur et d’équilibriste. Mais un jour, à la suite d’un incident, il se retrouve au cabinet d’un dentiste pour y soigner une dent blessée. C’est alors qu’il découvre dans une photo d’un magazine de la salle d’attente une image représentant les futures Twin Towers en train d’être construites à New York aux Etats-Unis : c’est la révélation pour Philippe Petit ! Ce dernier analyse la photo et découvre son véritable rêve : marcher sur un fil tendu entre les deux tours jumelles. Mais parce qu’il n’a pas de travail sérieux et qu’on le considère comme un rêveur, son père le met à la porte de la maison familiale, l’obligeant ainsi à prendre ses affaires où il se rend ensuite dans un cirque qu’il a visité quand il était plus jeune, et qui a suscité en lui sa passion pour le funambulisme. Philippe s’entraîne discrètement pendant des heures dans le cirque, jusqu’au jour où Papa Rudy (Ben Kingsley) le surprend et remarque les talents du jeune homme. Peu de temps après, Philippe fait la connaissance d’une autre artiste de rue, Annie Allix (Charlotte Le Bon), avec qui il entretient une relation amoureuse et qui soutient son rêve de traversée du World Trade Center. Philippe rencontre par la suite un photographe nommé Jean-Louis (Clément Sibony) qui devient son ami et son photographe officiel, intéressé lui aussi dans son projet insensé de la traversée des tours jumelles new-yorkaises. Il finit alors par convaincre Papa Rudy de lui livrer tous les secrets de l’art du funambule, et s’exerce une première fois au sommet de la cathédrale de Notre Dame à Paris, qui se termine par son arrestation par la police. Philippe rencontre ensuite Jeff (César Domboy), puis ensemble, ils décident de la date de la traversée : le 6 août 1974, et se rendent ensuite aux Etats-Unis, où, avec l’aide de ses amis et de ses nouveaux complices, Philippe décide d’espionner l’équipe de construction des tours jumelles afin de recueillir le plus d’informations possibles, en vue de la préparation de sa traversée.

« The Walk » tient ses promesses de bout en bout, Robert Zemeckis nous offrant un film très prenant à mi-chemin entre la biographie intimiste et les séquences spectaculaires magnifiées par une 3D impressionnante, qui renforce la sensation de vertige durant les 30 dernières minutes anthologiques du film. Rares sont les films à avoir abordé avec une telle justesse l’art du funambule, sujet peu traité au cinéma mais que Zemeckis aborde ici avec une grâce et une poésie évidente durant le dernier acte du film. Mais on aurait tort de limiter le métrage à cette conclusion, tant le reste du film est en tout point très réussi et attachant. De la formation de Philippe Petit jusqu’à sa rencontre avec ses futurs complices et surtout, celle qui l’a toujours soutenu, Annie (excellente interprétation de Charlotte Le Bon dans son second film américain après « The Hundred-Foot Journey » de Lasse Hallström en 2014), sans oublier l’apprentissage auprès de Papa Rudy campé par l’excellent Ben Kingsley, et, bien évidemment, la longue séquence des préparatifs de la traversée, où le film prend des allures de heist movie traditionnel, avec son lot d’espionnage, d’infiltration, de déguisements et de suspense (comme s’ils préparaient ensemble le cambriolage d’une banque !). Zemeckis parvient ainsi à rendre l’histoire excitante en alternant judicieusement entre la petite et la grande histoire, bâtissant son scénario sur un grand crescendo de tension débouchant sur les 30 dernières minutes anthologiques, où le film est porté par une photographie éthérée et rêveuse, une mise en scène très juste empreinte d’une rare poésie où l’on se prend à rêver d’être aux côtés de Joseph Gordon-Levitt suspendu à 411 mètres au dessus du vide. Et c’est dans ces moments d’une rare beauté que l’on retrouve l’essence même du cinéma, dans sa capacité à nous faire rêver (le sous-titre français du film est d’ailleurs « rêver plus haut »), nous offre une porte de sortie, une évasion de la réalité le temps d’une histoire extraordinaire, celle d’un homme qui sera allé jusqu’au bout de ses possibilités physiques et mentales pour accomplir son plus grand rêve, contre vents et marrées, là où tout le monde lui disait qu’il ne pouvait pas réussir, qu’il tentait l’impossible. Double exploit pour Zemeckis ici : réussir à capturer toute l’intensité fabuleuse des préparatifs de la traversée (un plan minutieux et quasi militaire organisé pendant des mois avec ses complices) et évoquer avec justesse l’exploit artistique de Philippe Petit, sans en faire de trop. Au final, on ressort conquis par « The Walk », qui délivre un message optimiste sur la capacité de l’homme à se dépasser et à accomplir ses rêves coûte que coûte, tandis que le film est aussi un hommage poignant aux défuntes tours jumelles de New York, superbement reconstituées ici pour les besoins du film.

Robert Zemeckis retrouve à nouveau son complice de toujours Alan Silvestri sur « The Walk », pour leur quinzième collaboration ensemble. Moins démonstrative et spectaculaire que certains anciens scores du duo, « The Walk » est, à l’instar du film, une oeuvre plus mature, plus posée, mais qui n’hésite pas à s’orienter dans différentes directions musicales en fonction du récit. Ce qui frappe à la première écoute, c’est la multiplicité des styles et des ambiances qu’utilise Silvestri pour évoquer l’histoire si extraordinaire de Philippe Petit. Esthétiquement parlant, on est plus proche ici de l’émotion de « Forrest Gump » ou de l’intimité de « Contact » ou même de « Cast Away », à ceci près que le score de « The Walk » n’hésite pas à s’orienter par moment vers le jazz, la variété française ou même l’action purement martiale pour les besoins de l’histoire. Le film s’ouvre ainsi au son de « Pourquoi ? », avec ses notes vaporeuses en écho du piano, évoquant le rêve extraordinaire de Philippe Petit, accompagnées de quelques cordes douces. On ressent ici la personnalité de rêveur et de passionné de Petit avec l’apparition de son thème dès 1:19, accompagné d’arpèges rapides de piano, peu original en soi mais qui apporte une certaine émotion dès le début du film et plante déjà le décor concernant l’aspect intimiste du film. La musique cède ensuite le pas à une ambiance jazzy rétro comme seul Silvestri en a le secret, avec la section rythmique habituelle, la walking bass de la contrebasse, un saxophone, un vibraphone, la trompette, des flûtes et une section de cuivres, l’occasion pour Silvestri de rappeler qu’il est toujours un spécialiste du jazz comme le fut Henry Mancini ou d’autres musiciens du cinéma à leur époque. Le jazz évoque clairement ici l’univers traditionnel parisien des années 70 (le jazz des quartiers de Saint-Germain entre autre), une excellente initiative de la part de Silvestri et Zemeckis, qui apporte une certaine fraîcheur à la partition oscillant ainsi entre différents styles musicaux.

Dans « Young Philippe », on retrouve les arpèges de piano de l’ouverture, avec un rappel de son très beau thème principal associé au rêve du jeune artiste passionné, puis, très vite, Silvestri s’oriente vers un autre style, une sorte de valse jazzy évoquant davantage les musiques de cirque à la manière des œuvres italiennes de Nino Rota pour Federico Fellini dans les années 60. A noter ici l’emploi caractéristique des trémolos de mandoline, d’une cithare et d’un accordéon pour évoquer la touche européenne/française nécessaire à l’ambiance du film. Dans « Two Loves », Silvestri joue la carte de l’intimité avec un thème romantique et mélancolique évoquant le double amour de Philippe Petit : celui pour son rêve de traverser les deux tours du World Trade Center, et celui pour Annie. Les cordes sont ici plus douces, avec quelques bois, une harpe et un accordéon nostalgique, et comme dans « Young Philippe », on retrouve ces mesures à 3 temps, une sorte de valse lente et douce empreinte d’une poésie et d’une délicatesse évidente, l’occasion pour Silvestri de rappeler qu’il n’est pas qu’un compositeur adepte des envolées martiales belliqueuses mais qu’il sait aussi se montrer très élégant et délicat quand l’occasion s’en présente. Le Love Theme de « Two Loves » est donc une très jolie réussite, notamment lorsqu’un piano solitaire reprend ensuite le thème d’une manière très épurée, à la manière de « Forrest Gump » ou de certains passages de « Contact ». Silvestri nous offre encore une autre valse dans « The Towers of Notre Dame » pour la scène où Philippe s’exercice sur le toit de la cathédrale de Notre Dame à Paris. Ici aussi, on retrouve le thème jazzy rétro de « Pourquoi ? » pour narrer la fantaisie et les exploits de l’artiste. La valse parisienne de « Young Philippe » revient ensuite dans la seconde partie de « The Towers of Notre Dame ».

Les choses changent alors dans « It’s Something Beautiful », où l’on devine un regain d’activité et d’énergie avec des cordes plus agitées et le retour du piano en écho entendu au début du film, lorsque Philippe présente son plan à ses amis. A noter ici l’emploi d’un basson soliste avec une basse synthétique mystérieuse qui maintient la tension lorsque Philippe explique ses intentions et la difficulté avérée de ses ambitions. Silvestri dévoile ici un thème de 4 notes de basson dès 0:53, qui interviendra régulièrement pour évoquer les doutes de Philippe ou de son entourage durant les préparatifs de la traversée. La valse parisienne du jeune Philippe revient enfin en guise de conclusion de « It’s Something Beautiful ». Dans « Spy Work », on passe enfin aux choses sérieuses, le plan est en marche, Philippe et ses amis se rendent sur le chantier du World Trade Center pour y espionner les ouvriers et recueillir toutes les informations dont ils ont besoin. « Spy Work » s’oriente très clairement vers le style des musiques jazzy/funky des années 60/70 façon Don Ellis, Lalo Schifrin, David Shire ou David Holmes (pour des scores plus récents), à la manière des musiques traditionnelles de heist movie américain ou de film d’espionnage. Encore une fois, Silvestri varie et alterne les styles avec une rare dextérité, trouvant le ton juste à chaque scène, le tout cimenté par une thématique discrète mais néanmoins présente et solide. Dans « Full of Doubt », des cordes sombres et des ponctuations de cloches tubulaires avec quelques timbales suffisent à apporter la tension nécessaire et l’appréhension, surtout lorsque le thème de 4 notes de basson revient à 0:53.

C’est un Silvestri plus traditionnel que l’on retrouve ensuite dans « Time Passes », pour les préparatifs de la traversée au sommet d’une des tours du World Trade Center. Le compositeur n’hésite pas ici à faire appel à ses rythmes martiaux habituels et ses cuivres belliqueux si reconnaissables, dans un style qui rappelle ici « Judge Dredd », « Eraser » ou même « Predator ». Puis, très vite, la musique se construit autour d’un son de cliquetis répétitifs de montre évoquant le temps qui passe (un peu comme dans le « Journey to the Line » du « Thin Red Line » d’Hans Zimmer), accompagnant des rappels au thème principal de Philippe (celui de « Pourquoi ? »). Le morceau se conclut de manière plus agressive et dissonante pour suggérer les problèmes qui commencent à s’accumuler pour Philippe et ses complices. « The Arrow » accompagne la séquence du tir de la flèche entre les deux immeubles et les préparatifs du câble. Silvestri se montre ici plus inventif dans ses orchestrations, énergiques et colorées, avec des rythmes bondissants et nerveux qui rappellent un mélange entre « Polar Express », « A Christmas Carol » ou « Volcano ». Ici aussi, les accents martiaux et les ostinatos si chers à Silvestri sont à nouveau de la partie, pour le plus grand plaisir des fans du compositeur de « Back to the Future », avec ce qui reste l’un des moments forts du score de « The Walk ». Ces ostinatos de cordes ressurgissent ensuite dans « We Have A Problem » où les difficultés ne cessent de s’accumuler et que rien ne semble se passer comme prévu (notamment lors de la scène où le câble tombe dans le vide). Là aussi, l’action domine à la manière des musiques martiales habituelles de Silvestri, reprenant ici le style de « Eraser » ou « Volcano ».

Quelques éléments électroniques modernes viennent renforcer la tension pour évoquer le danger constant (le mélange orchestre/synthé rappelle clairement ici « Tomb Raider 2 »), pour un autre moment fort du score de « The Walk » dans le film. Enfin, « The Walk » évoque la traversée pendant 6 minutes de toute beauté : éthérée, planante, le thème principal revient ici avec ses notes en écho de piano et ses cordes suspendues dans le vide, comme si le temps s’arrêtait et comme la réalité laissait place au rêve. On ressent ici la magie de la scène, avec ce caractère complètement épuré et minimaliste de la musique lorsque Philippe Petit commence à se déplacer lentement en équilibre sur le câble tendu entre les deux tours du World Trade Center. Silvestri développe pleinement ici le thème principal du film dans son intégralité, reprenant le début de « Pourquoi ? », avec ses voix synthétiques angéliques évoquant le caractère surréaliste et magique de la scène. « I Feel Thankful » débute quand à lui sur une reprise de la « Lettre à Elise » de Beethoven durant la traversée, mais alors que l’équilibre de Philippe semble compromis sur le câble, la musique s’emballe dangereusement avec le retour des sonorités martiales ‘action’ et des ponctuations nerveuses de cordes, de vents et de cuivres. Même chose pour « They Want To Kill You » avec les éléments électroniques repris de « We Have A Problem », alors que les policiers arrivent et troublent l’équilibre de Philippe. Silvestri nous offre un nouveau morceau d’action trépidant débouchant finalement sur une dernière partie plus optimiste, marquée par une envolée mélodique grandiose et dramatique à l’aide de l’orchestre et des choeurs samplés.

Le thème principal revient enfin dans « There Is No Why », alors que Philippe a accomplit son rêve comme il le souhaitait. L’émotion domine alors « Perhaps You Brought Them To Life/Given Them A Soul », pour le final du film, alors que Philippe se souvient de son exploit et sait que ce qu’il a fait va changer la face du monde, et, en tout cas, celui de la vie des new-yorkais. Le thème principal revient ici de manière poignante, avec une envolée puissante aux cordes à 1:42, et le retour du thème de la traversée avec ses notes en écho de piano si caractéristiques. Ainsi donc se referme la partition de « The Walk », une musique riche en émotion mais qui n’en fait jamais de trop, sans envolée mélodramatique, assez minimaliste mais aussi très éclectique dans ses choix musicaux, notamment durant toute la première partie du film, où Silvestri multiplie les références musicales européennes/françaises, les valses, les thèmes intimistes et l’instrumentation caractéristique avant d’attaquer les grands morceaux d’action de la fin et les moments plus poignants de la traversée finale. On regrette ici que le score soit simplement construit en deux parties bien distinctes : on aurait par exemple préféré retrouver les accents jazzy du début vers la fin, ou que Silvestri développe davantage le style ‘heist movie’ de « Spy Work », qui disparaît complètement par la suite. Le résultat est impeccable à l’écran, mais le manque de cohérence entre les deux parties du score nous donne plutôt l’impression d’un patchwork d’ambiances musicales diverses, qui ont bien du mal à trouver un trait d’union d’un bout à l’autre du score : valse, jazz, morceau d’action, moments intimistes, etc. Brillante et touchante à l’écran, la musique se montre un brin moins passionnante en écoute isolée. A vrai dire, « The Walk » est un score au capital sympathie évident mais qui n’atteint jamais les sommets inégalés de « Forrest Gump » ou même « Contact », à réserver surtout aux fans du duo et aux aficionados d’Alan Silvestri.




---Quentin Billard