1-Birth of a Penguin 2.28
2-Birth of a Penguin, Part II 3.09
3-The Lair 0.57
4-The Lair, Part II 4.49
5-Selina Transforms 1.11
6-Selina Transforms, Part II 4.16
7-The Cemetary 2.54
8-Cat Suite 5.42
9-Batman vs. The Circus 2.34
10-The Rise... 1.41
11-...And Fall From Grace 4.08
12-Sore Spots 2.15
13-Rooftops 4.20
14-Wild Ride 3.34
15-The Children's Hour 1.47
16-The Final Confrontation 5.12
17-Penguin Army 4.54
18-Selina's Electrocution 2.40
19-The Finale 2.19
20-End Credits 4.44
21-Face To Face 4.17*

*Interprété par
Siouxsie & the Banshees.

Musique  composée par:

Danny Elfman

Editeur:

Warner Bros Records.
7599-26972-2

Album produit par:
Danny Elfman, Steve Bartek
Producteur exécutif de l'album:
Tim Burton
Directeur en charge de la production de l'album pour Warner Bros. Inc:
Gary LeMel
Montage de la musique:
Bob Badami, Bill Bernstein
Assistant personnel de Danny Elfman:
Lisette Joslynn
"Face To Face"
Paroles et musique de:
Danny Elfman,
Siouxie and The Banshees

Produit par:
Stephen Hague,
Danny Elfman

Interprété par:
Siouxie and The Banshees

Artwork and pictures © 1992 Warner Bros. Records Inc/DC Comics Inc. All rights reserved.

Note: ****
BATMAN RETURNS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Danny Elfman
Après le succès colossal de « Batman » en 1989, le réalisateur Tim Burton envisagea rapidement de donner une suite aux aventures du célèbre homme chauve-souris, aventure qui se concrétisera enfin avec « Batman Returns » en 1992. Le réalisateur y pousse cette fois-ci à l’extrême sa vision gothique et noire de l’univers de Batman, toujours inspiré des comics books d’origine avec la personnalité de Tim Burton en plus ! Batman est donc de retour alors qu’il doit dorénavant affronter deux nouveaux ennemis : le Pingouin (Danny DeVito) et Catwoman (Michelle Pfeiffer). Le premier a été abandonné dans les égouts à sa naissance. Le Pingouin (de son vrai nom Oswald Cobblepot) est un homme riche et futur héritier à la tête d’une grande fortune, qui décide alors d’enlever le puissant homme d’affaires Max Shreck (Christopher Walken) pour l’utiliser dans sa volonté de réaffirmer son appartenance. Selina Kyle est la timide secrétaire de Max Shreck. Le jour où elle découvre par mégarde des preuves compromettantes au sujet de son patron, ce dernier décide de l’assassiner brutalement. La jeune femme est alors mystérieusement ressuscitée par des chats et devient Catwoman, bien décidée à se venger. Les deux méchants vont alors mener une lutte acharnée pour la domination de Gotham City, tandis que Batman va devoir reprendre du service et protéger sa ville des agissements des deux criminels.

Michael Keaton enfile donc à nouveau le costume de Batman face à un duo de méchants tout bonnement remarquable : Danny DeVito et Michelle Pfeiffer. Le premier apporte un humour noir grinçant à son personnage d’affreux petit nain-pingouin sinistre. Quand à Michelle Pfeiffer, elle apporte une sensualité et un charme incroyable au personnage de la féline Catwoman, véritable tentatrice perverse et manipulatrice rusée. Comme toujours chez Tim Burton, on retrouve ici l’un des thèmes chers au cinéaste, le dédoublement des identités - les méchants sont ici identiques à Batman/Bruce Wayne : ils furent autrefois quelqu’un d’autre mais se forgèrent très vite un nouveau personnage suite à un évènement tragique et douloureux qui bouleversa leur existence à tout jamais. Ce thème de la schizophrénie née dans la souffrance a rarement été aussi bien abordé dans un film de super-héros qu’avec ce « Batman Returns ». Et comme dans le premier « Batman », on retrouve l’idée de la vie en isolement et le renferment intérieur : le monstrueux Pingouin vit dans les égouts de la ville, tandis que Batman vit dans sa bat-cave ultra secrète. Même si l’on regrettera les excentricités de l’inoubliable Jack Nicholson dans le premier opus de 1989, on appréciera ici les nouveaux méchants qui vont donner beaucoup de fil à retordre à l’homme chauve-souris, à tel point que ce dernier se fait d’ailleurs voler la vedette à plusieurs reprises dans le film (une critique qui revient régulièrement au sujet de « Batman Returns » !). Avec son mélange très personnel de poésie gothique, d’humour noir étrange et de références à l’expressionisme allemand, « Batman Returns » demeure un grand classique dans la carrière de Tim Burton, un film qui, hélas, bien qu’il fut un grand succès commercial, reçu un accueil très mitigé auprès des critiques qui lui reprochèrent son côté trop sombre et quelque peu violent. Du coup, la Warner décidera finalement de changer totalement - à tort !- de réalisateur et d’esthétique avec le troisième volet sorti en 1995, « Batman Forever ».

« Batman Returns » doit évidemment beaucoup à l’inoubliable partition orchestrale très complexe de Danny Elfman, bien souvent considérée par beaucoup comme l’un des plus grands chefs-d’oeuvre du compositeur attitré de Tim Burton. Trois ans après le succès de « Batman », Danny Elfman retrouva une seconde fois l’univers musical de l’homme chauve-souris qu’il avait brillamment façonné dans le précédent film de Tim Burton. Cette fois-ci, le compositeur est allé encore plus loin en nous proposant de nouveaux thèmes et une ambiance encore plus fantaisiste, fantastique et personnelle, mélangeant lyrisme étrange, mélancolie sombre et voix enfantines du plus bel effet. Sa musique reflète à la fois les exploits de Batman et la personnalité unique et torturée des deux grands méchants (les véritables stars du film !). Le film s’ouvre d’ailleurs au son du superbe « Birth of a Penguin » qui illustre la naissance du monstrueux pingouin. Après une brève allusion au célèbre thème de Batman, la musique prend très vite une tournure plus fantaisiste et légère avec le thème du pingouin, qui se partage ici entre des orchestrations très inventives - à noter l’utilisation très gothique d’un orgue aux sonorités baroques savoureuses - et des rythmes grotesques alternant les voix d’enfants qui chantent ici en « la la la » un peu enfantins, imitant une espèce de chansonnette de noël, tout à fait typique d’Elfman. A noter que le compositeur s’inspire ici de sa partition pour le film « Scrooged » (1988) dans lequel il utilisait déjà de façon similaire les choeurs d’enfants. « Birth of a Penguin » évoque avec un sens personnel de la fantaisie l’arrivée du pingouin, une espèce de marche grotesque non dénuée d’un certain humour noir plutôt léger. Le morceau dévoile ici une espèce de mélancolie sous-jacente à la fois sombre et subtile, qui rappelle que le pingouin a été cruellement abandonné tout bébé par ses parents à cause de son apparence repoussante. « Birth of a Penguin » reste sans aucun doute l’une des plus belles réussites de Danny Elfman sur « Batman Returns », preuve que le compositeur est plus que jamais au sommet de son art lorsqu’il compose ce petit chef-d’oeuvre de fantaisie pour le film de Tim Burton !

« Birth of a Penguin Part 2 » nous permet d’ailleurs de retrouver le superbe thème de Batman dans toute sa splendeur, célèbre marche de cuivres chevaleresque et sombre à la fois accompagné ici de la chorale d’enfants. Les voix apportent réellement ici une certaine magie à la musique d’Elfman, une poésie fantaisiste rare dans un film de super-héros. Le compositeur nous offre ensuite un thème pour Catwoman dans le sombre et atonal « Selina Transforms ». Comme souvent, Danny Elfman utilise dans ses thèmes une couleur sonore/instrumentale très caractéristique qui permet d’identifier rapidement le personnage à l’écran. Ce principe s’applique autant aux cordes qui prédominent ici dans le morceau associé à Catwoman qu’aux cuivres pour Batman ou aux voix d’enfants pour le pingouin. Les cordes sont utilisées ici dans « Selina Transforms (Part 1) » de façon totalement avant-gardiste et expérimentale avec une multitude de glissandi sinistres, de dissonances et autres effets sonores étranges, lorsque l’on voit les chats ramener Selina à la vie (à noter que les percussions sont associées aux chats dans la scène). On nage carrément ici en pleine musique atonale expérimentale (dans un style parfois proche de Bernard Herrmann, compositeur de référence chez Danny Elfman !), mélangeant les sonorités de façon quasi anarchique et angoissante, au sein d’une atmosphère totalement surréaliste voire onirique, à la limite du cauchemardesque - parfaitement adapté aux ambiances nocturnes urbaines quasi expressionnistes du film de Tim Burton. On reconnaît enfin le thème de Catwoman dans le jeu des cordes aigues et félines de « Selina Transforms (Part 2) », un thème qui représente parfaitement de par son côté sombre et envoûtant le caractère sensuel, sexy et manipulateur de Catwoman, une vraie réussite dans son genre ! Le morceau illustre ainsi la scène où Selina revient chez elle et détruit tous les objets de son passé (ses peluches, sa poupée, etc.). Désormais, elle ne sera plus jamais la même, condamnée à errer dans la peau de cette femme-chat maléfique. Avec ses orchestrations toujours aussi inventives et incroyablement recherchées, « Selina Transforms » fait basculer la partition dans une atmosphère onirique troublante avec ses sonorités sombres et étranges mais jamais agressives. Quand au pingouin, ce dernier a droit dans le film à un développement assez saisissant de ses différentes ambiances sonores instrumentales dans le très inventif « The Lair » qui illustre la séquence où l’on voit le méchant à l’intérieur de son repère souterrain. Inversement, « The Cemetary » développe une facette plus intime et poétique du personnage de Danny DeVito dans un mélange entre une forme de lyrisme sombre et une atmosphère fantaisiste et toujours aussi étrange.

Danny Elfman développe ainsi ses différents thèmes tout au long du score, illustrant la lutte acharnée que mènent le pingouin et Catwoman pour la domination de Gotham City, sans oublier les grands morceaux de bravoure de Batman. Un morceau comme « Cat Suite » est un pur modèle de fantaisie musicale avec ses cordes félines et sensuelles associées au personnage de Michelle Pfeiffer et à l’attirance extrême qu’elle exerce sur Batman. Sombre et menaçant, « Cat Suite » conserve lui aussi ce côté surréaliste, mélancolique et étrangement poétique avec ses cordes envoûtantes utilisées ici de façon toujours aussi fantaisiste. Et comme si cela ne suffisait pas, Danny Elfman place la barre encore plus haut avec le délirant « Batman vs. The Circus », lorsque l’homme chauve-souris doit affronter les clowns du pingouin. Ici, le thème de Batman est repris de façon plus grotesque avec un rapport image-musique plus complexe et astucieux, faisant clairement référence aux musiques de cirque avec l’utilisation très humoristique d’un xylophone sur fond de cuivres bondissants déjantés et d’orgue de barbarie associé traditionnellement aux musiques de clown, un pur joyau d’orchestration, pour ce qui demeure sans aucun doute l’un des passages les plus inventifs et les plus grotesques du score de « Batman Returns » (cf. « Wild Ride ») ! Seule ombre au tableau : à forcer d’accumuler les délires musicaux en tout genre, le score finit par devenir assez épuisant car trop intense et peu aéré, un problème décidément constant chez Elfman à cette époque ! A force de toujours trop vouloir en faire, le score de « Batman Returns » finit par devenir assez fastidieux à l’écoute. Elfman tente bien d’apporter un peu de repos avec le mystérieux et romantique « Sore Spots » (scène très sensuelle où Catwoman tente de séduire Batman) dominé par des cordes et une harpe plus paisible, mais le morceau demeure trop bref pour pouvoir réellement permettre d’apporter le moindre relief à la partition.

Elfman évoque les exploits de Batman dans le surexcité et bouillonnant « Rooftops », morceau d’action massif aux orchestrations toujours aussi inventives et complexes (à noter ici le retour des choeurs et d’un orgue qui rappelle le Bernard Herrmann de « Journey To The Center of the Earth » !), incluant le thème de Batman ainsi que celui de Catwoman avec ses cordes en harmoniques suraigües du plus bel effet. A noter que les morceaux sont souvent très longs, permettant ainsi à Danny Elfman de développer pleinement ses différentes ambiances avec une intensité rare. La dernière partie du film nous permet d’entendre un véritable condensé des principaux thèmes de la partition, avec la confrontation finale entre Batman et le pingouin dans « The Children’s Hour » avec ses marches grotesques et ses boîtes à musique enfantines, sans oublier les rythmes martiaux quasi burlesques de « The Final Confrontation » lorsque le méchant s’adresse à ses troupes de pingouins armés de bombe, prêt à détruire toute la ville. Plutôt que de céder trop vite à l’agressivité sombre et menaçante, Elfman a préféré opter ici aussi pour une approche humoristique et ironique avec « The Final Confrontation », où toutes les idées du score se condensent dans un morceau aux orchestrations toujours aussi incroyablement inventives, débouchant sur le très sombre « Penguin Army ». Quand à « Selina’s Electrocution », ce dernier évoque de façon plus lente et amère la défaite finale de Catwoman avec une mélancolie plus poignante, révélant enfin - furtivement - celle que fut autrefois la douce Selina dans « The Finale » et ses cordes mystérieuses à la Bernard Herrmann. Les fans du célèbre thème de Batman pourront enfin se délecter d’un superbe « End Title » qui récapitule l’essentiel de la partition d’Elfman sur plus de 4 minutes !

« Batman Returns » demeure encore aujourd’hui l’un des chefs-d’oeuvre de Danny Elfman, un très grand classique dans lequel le compositeur semble s’être totalement surpassé, allant même encore plus loin que ce qu’il avait déjà mis en place en 1989 sur le premier opus de Tim Burton. Avec « Batman Returns », Danny Elfman démontre toute l’étendue de son talent et de son imagination débridée, dans un véritable climax de fantaisie, d’humour burlesque et de lyrisme sombre et surréaliste. La musique d’Elfman renvoie clairement à l’atmosphère nocturne et expressionniste du film de Tim Burton, une musique à la fois sombre, étrange et décalée qui bouscule nos habitudes et accompagne tout au long du film les trois grands personnages de cette nouvelle aventure : Batman, le pingouin et Catwoman. Très intense à l’écran, la musique devient encore plus prenante et dense sur l’album, qui révèle bon nombre de détails et de subtilités qui font de « Batman Returns » une partition incroyablement complexe et sophistiqué, d’une richesse absolue. Hélas, tout excès contient le revers de la médaille, car « Batman Returns » est bel et bien une partition excessive de bout en bout : certes, Danny Elfman déborde d’imagination et tente à chaque fois de repousser les limites du possible et de la fantaisie musicale, mais en omettant un paramètre pourtant essentiel à toute bonne partition : l’équilibre. Sa partition demeure trop massive de bout en bout, trop sombre et beaucoup trop dense pour pouvoir offrir la moindre respiration, un élément pourtant indispensable pour permettre à la musique - et à l’auditeur - de prendre sa respiration. Du coup, difficile d’écouter la musique de « Batman Returns » d’un trait sans frôler la migraine ! (L’écoute paraît d’ailleurs bien plus équilibrée dans le film que sur le CD). Quoiqu’il en soit, même si « Batman Returns » peut très vite déranger par l’omniprésence de ses excès et sa volonté entêtante à toujours repousser les limites de la musique, on ne pourra qu’apprécier cette partition assez unique en son genre, une musique totalement débridée et fantaisiste qui marquait en 1992 un véritable climax dans la collaboration entre Danny Elfman et Tim Burton !


---Quentin Billard