1-The Car (Main Title) 2.30
2-Cyclist Killed 2.35
3-John Killed 0.47
4-Dead Girl Found 2.03
5-Sheriff Killed 1.11
6-Pete Found 1.38
7-Eerie Car-Bridge 0.23
8-Run 3.00
9-Ray's Pursuit 3.52
10-Barrel Roll 1.41
11-Strong Spirits 2.37
12-Chase-Part 1 3.25
13-Chase-Part 2 & 3 4.39
14-Apparition 0.38
15-The Car (End Title) 0.41
16-The Car (End Credits) 1.42

The Extras

17-Apparition-Revised No.1 0.30
18-Apparition-Revised No.2 0.35
19-Apparition-Revised No.3 0.27
20-Semper Fidelis (John Philip Sousa)
w/Parade Overlay 2.38
21-The Car (E.C.) Wild Chime 0.19
22-William Tell-Pastorale
(Gioachino Rossini) 0.27
23-Universal Promo-The Car
Verion No.1 0.22
24-Universal Promo-The Car
Version No.2 0.24
25-Universal Promo-The Car
Version No.3 0.24
26-Universal Promo-The Car
Version No.4 0.24

Musique  composée par:

Leonard Rosenman

Editeur:

Intrada Special Collection ISC 306

CD produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif CD:
Roger Feigelson
Direction de la musique pour
Universal Pictures:
Mike Knobloch
Music business affairs pour
Universal Pictures:
Philip M. Cohen
CD séquencé et masterisé par:
Douglass Fake
Manager production:
Regina Fake
Assistant éditorial:
Frank K. DeWald

Artwork and pictures (c) 1977/2015 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ***
THE CAR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Leonard Rosenman
Le thriller « The Car » (Enfer Mécanique) est assez typique de son époque. Sorti au cinéma en 1977, le film d’Elliot Silverstein produit par la Universal proposait alors une variante autour du « Duel » (1971) de Spielberg sorti quelques années plus tôt, ainsi que du « Death Race 2000 » de Paul Bartel (1975) et un soupçon du « Jaws » de Spielberg (1975), dans le sens où la voiture diabolique décrite dans le film attaque ses proies comme un véritable prédateur assoiffé de chair fraîche. Largement influencé par les road movies des années 70, « The Car » a marqué les esprits grâce à sa voiture maléfique anthologique, une Lincoln Continental Mark III de 1971 conçue et customisée par George Barris et son célèbre klaxon annonçant la terreur à venir. « The Car » raconte ainsi l’histoire cauchemardesque d’une petite ville nommée Santa Ynez, qui se situe dans les montagnes de l’état de l’Utah aux Etats-Unis. Tout débute lorsqu’un mystérieux véhicule noir roule à pleine vitesse sur la route du désert et renverse brutalement deux cyclistes et un auto-stoppeur. Les policiers du comté, dirigés par le shérif Everett (John Marley) et le capitaine Wade Parent (James Brolin) sont alors chargés d’enquêter sur cette série de morts accidentelles, jusqu’à ce que le shérif se fasse brutalement faucher à son tour par la terrifiante voiture en pleine nuit dans une rue de la ville. Dès lors, c’est l’escalade de la terreur à Santa Ynez : le véhicule s’attaque le lendemain à un groupe d’enfants qui répètent pour une fanfare aux côtés de leurs professeurs, qui parviennent alors à se réfugier dans un cimetière, où la voiture est incapable de pénétrer pour d’obscures raisons. Wade et ses collègues policiers poursuivent alors le véhicule sur les routes du désert mais la plupart des policiers sont décimés durant la poursuite, tandis que Wade est blessé pendant la traque du véhicule maudit. A son réveil dans un hôpital, Wade comprend alors que le véhicule qu’ils poursuivent est d’origine démoniaque : il n’y aucun conducteur à son bord et semble hanté par une force surnaturelle et maléfique. Lorsque Lauren (Kathleen Lloyd), la compagne de Wade, est tuée chez elle par le véhicule qui traverse sa maison brutalement, Wade décide alors de tout mettre en oeuvre avec ses collègues survivants pour traquer et piéger la voiture dans un canyon à l’aide d’explosifs afin de mettre fin au cauchemar pour de bon.

Ce n’est pas la première fois que l’on voit au cinéma un véhicule maudit et hanté, puisqu’on se souvient notamment du téléfilm culte « Killdozer » de Jerry London, tourné quelques années avant (1974), et qui mettait déjà en scène un bulldozer hanté par une entité alien, qui faisait des ravages sur une île africaine – par la suite, il y aura aussi « Christine », « The Hearse », « Maximum Overdrive », « Trucks », « Black Cadillac », etc. – Niveau casting, le film d’Elliot Silverstein réunit quelques têtes connues de l’époque, à commencer par Josh Brolin, Ronny Cox (connu pour ses rôles cultes dans « Deliverance », « Robocop » et « Total Recall »), Kathleen Lloyd, John Marley, mais aussi le vétéran R.G. Armstrong dans un rôle extrêmement antipathique d’un mari brutal qui frappe sa femme, mais qui, ironiquement, sauvera la situation à la fin du film en fournissant les explosifs qui serviront à piéger la voiture maudite. On raconte que, pour les besoins du film et afin de retranscrire au mieux l’ambiance démoniaque de la voiture, l’équipe de « The Car » aurait fait appel à l’influent Anton LaVey, grand gourou de l’église de Satan bien connu aux Etats-Unis à cette époque, et qui aurait servi de consultant technique sur le film (qui débute par ailleurs sur une citation originale de LaVey). Le film n’évoque jamais les origines du véhicule mais suggère son aura démoniaque, y compris lors de l’explosion finale qui prend l’apparence – ultra kitsch – d’un visage diabolique, confirmant les origines surnaturelles du véhicule. Les scènes avec le véhicule sont d’ailleurs techniquement très bonnes et impressionnantes, Silverstein réussissant à inspirer une vraie angoisse au spectateur à chaque apparition de l’immense berline noire, et ce malgré un manque de moyens évident. Le film sera hélas très mal reçu par la critique à sa sortie en 1977, et sera même référencé dans le top 100 des plus réjouissants mauvais films de tous les temps du « Official Razzie Movie Guide » de John Wilson, bien que « The Car » ait acquis par la suite un statut de film culte lors de son passage à la télévision et en vidéo.

La partition musicale de Leonard Rosenman est de loin l’un des éléments les plus remarquables de « The Car ». Reconnaissable dès ses premières notes, la musique de Rosenman apporte tout l’art et la science musicale si complexe du compositeur au profit de l’ambiance oppressante du film d’Elliot Silverstein, avec lequel Rosenman avait déjà précédemment collaboré sur « A Man Called Horse » (1970). A l’instar de la partition de Billy Goldenberg pour le « Duel » de Spielberg, la musique de Leonard Rosenman pour « The Car » opte clairement pour une approche avant-gardiste, atonale et dissonante, plus typique des musiques à suspense/fantastique des années 70. La principale idée du score c’est l’utilisation clé du célèbre « Dies Irae », mélodie grégorienne traditionnelle très utilisée depuis des siècles dans le monde de la musique – Berlioz s’en servit dans sa « Symphonie Fantastique », Jerry Goldsmith citera la mélodie dans « Poltergeist » en 1982, ainsi qu’Elliot Goldenthal dans « Demolition Man » en 1993, ou Bernard Herrmann dans « Garden of Evil » en 1954 – Le thème du Dies Irae est clairement associé ici à la voiture démoniaque montrée dans le film et apporte cette atmosphère maléfique si caractéristique dans la musique de « The Car ». Le film débute ainsi au son de l’inquiétant « The Car (Main Title) » pour l’ouverture du film. D’emblée, le compositeur impose le ton lugubre et agressif de sa musique à l’aide des sonorités graves de l’orchestre – tuba, clarinette basse, bassons, contrebasson, contrebasses – créant un nuage de dissonances angoissantes avec l’apport des cordes et des bois. Très inspirée par l’esthétique de la musique contemporaine du milieu des années 50, Rosenman fait à nouveau appel à ce vocabulaire musical avant-gardiste qu’il maîtrise parfaitement depuis ses débuts sur « The Cobweb » de Vincente Minnelli en 1955. Dans « Cyclist Killed », il évoque dès le début du film les premiers méfaits de la berline noire avec un premier motif-clé du score : une répétition entêtante de deux notes scandées de manière percussive par les cuivres et le clavecin, instrument régulièrement utilisé ici de manière percussive pour évoquer les sonorités métalliques du véhicule maléfique.

Ce motif de 2 notes est bâti ici autour de montées pyramidales de dissonances des cuivres, l’une des signatures musicales les plus reconnaissables de Leonard Rosenman, que l’on retrouvera tout au long de sa filmographie (une partie de l’esthétique musicale du score servira par ailleurs quelques décennies plus tard à Rosenman sur le score de « Robocop 2 »). Dans « John Killed » et « Dead Girl Found », on retrouve cette atmosphère agressive, sombre et dissonante sans concession, où le danger semble omniprésent, prêt à surgir de partout. Idem pour la mort du shérif dans « Sheriff Killed », qui débute avec des cuivres rampants et des sforzandos de dissonances extrêmes, et le retour de ces 2 notes scandées brutalement et mécaniquement. Au niveau thématique, un autre thème fait clairement ici son apparition, une mélodie de trois notes descendantes souvent confiées aux cordes et associé aux policiers et aux victimes de la voiture (on l’entend par exemple brièvement à 1:01 dans « Sheriff Killed » ou à 1:07 dans « Pete Found »). Le Dies Irae est brièvement référencé par les bassons au début de « Eerie Car », qui introduit quand à lui quelques éléments électroniques discrets en partie conçus sur un synthétiseur Moog afin de renforcer l’atmosphère suffocante si particulière de la musique de « The Car ». Plus spectaculaire, « Run » est un véritable déchaînement enragé de cuivres hurleurs, de percussions et de pyramides de dissonances de cuivres et de bois, qui marque ici les prémisses de « Robocop 2 » (dans lequel Rosenman ira même jusqu’à reprendre le motif de 3 notes de trompettes que l’on entend tout au long de « Run »). La complexité des harmonies et des orchestrations lui permettent ici de renforcer la tension et l’angoisse en mettant de côté l’émotion, absente du score, au profit d’une atmosphère de suspense et de terreur pure, comme dans l’intense « Ray’s Pursuit ».

On regrette néanmoins que le score ait tendance à devenir extrêmement répétitif et monotone vers le milieu du film, une constante dans certains scores de Leonard Rosenman, qui a bien du mal à sortir de ses formules musicales bien établies. Néanmoins, on reste abasourdi par la violence mécanique et froide de « Barrel Roll » avec ses cuivres massifs et ses percussions martelées, tandis que des passages plus atmosphériques comme « Strong Spirits » se distinguent par leurs harmonies dissonantes et des orchestrations qui rappellent l’influence manifeste d’Arnold Schoenberg sur Rosenman. Le clou du spectacle est atteint pour la longue poursuite sur les routes du désert dans « Chase Part 1 » et « Chase Part 2 & 3 ». Le compositeur nous propose ici une série de déchaînements orchestraux totalement enragés, poussant les musiciens de l’orchestre dans leurs retranchements, y compris dans le pupitre conséquent des percussions – piano, xylophone, caisse claire, timbales, cymbales, gong, clavecin, crotales, chimes – le motif de 2 notes scandées de la voiture atteint ici son apogée dans le film pour ce qui reste l’un des morceaux les plus impressionnants du long-métrage, et qui se conclut de manière similaire dans la partie 2 et 3 de « Chase » - à noter la partie extrêmement virtuose des trompettes en staccatos rapides à la fin de « Chase Part 2 & 3 » - Enfin, « Apparition » évoque l’explosion finale de la voiture avec une ultime reprise du Dies Irae dans une version percussive et cuivrée grandiose et apocalyptique.

Leonard Rosenman livre donc une partition avant-gardiste extrêmement sombre, agressive et mécanique pour « The Car », un score très technique et impressionnant mais aussi radicalement hermétique, qui risque de rebuter les réfractaires aux musiques atonales/dissonantes et complexes si chères au compositeur de « Lord of the Rings » et « The Cobweb ». La musique apporte malgré tout une atmosphère fascinante au film d’Elliot Silverstein et reste une réussite incontestable dans le film, bien qu’extrêmement répétitive et monotone sur la longueur en écoute isolée. Le score contient néanmoins toutes les formules musicales habituelles du compositeur et propose un solide condensé de tout l’art du compositeur, qui influencera manifestement certaines de ses futures compositions et notamment « Prophecy », « Keeper of the City » et surtout « Robocop 2 ». Que l’on apprécie ou non l’approche musicale jusqu’au-boutiste, sèche et anti-hollywoodienne de Leonard Rosenman, force est de reconnaître que le compositeur possédait un univers sonore bien à lui, très mécanique, certes, mais incroyablement évocateur d’une esthétique avant-gardiste souvent brutale et sans concession, vraiment à part dans le paysage sonore hollywoodien de l’époque, une sorte de pied de nez au sentimentalisme hollywoodien de l’âge d’or du cinéma américain, comme le feront à leur tour Jerry Goldsmith, Lalo Schifrin ou d’autres compositeurs osant l’expérimentation musicale à la même époque. La partition de « The Car » est ainsi symptomatique de cet état d’esprit un peu rebelle à Hollywood dans les années 70, née d’une certaine liberté de ton et d’initiative propre à cette époque, même si l’on reconnaît que Leonard Rosenman a écrit des choses bien plus passionnantes par la suite (dans le même registre, « Robocop 2 » paraissait plus équilibré et davantage nuancé). Grâce à l’album récemment publié par Intrada, les fans de Rosenman peuvent enfin redécouvrir ce score avant-gardiste un peu tombé dans l’oubli par la suite, et enfin restauré dans son intégralité avec un son excellent pour un enregistrement de 1977.




---Quentin Billard