1-Journey (Dreamy Flight) 2.55
2-Shooting Star 1.37
3-Caproni (Engineer's Dream) 1.45
4-Journey (Determination) 1.12
5-Naoko (Meeting) 0.48
6-Evacuation 1.20
7-Benefactor 0.47
8-Caproni (Illusory
Giant Machine) 1.43
9-Excitement 0.40
10-Journey (Sister) 1.34
11-Journey (First Day of Work) 1.28
12-Squad Falcon 1.34
13-Falcon 1.22
14-Junkers 1.28
15-Journey (Wind of Italia) 1.44
16-Journey (Caproni's Retirement) 1.20
17-Journey (Meeting at
Karuizawa) 1.44
18-Naoko (Fate) 0.46
19-Naoko (Rainbow) 1.09
20-Castorp (The Magic Mountain) 1.09
21-Wind 0.52
22-Paper Airplane 2.37
23-Naoko (Propose) 1.10
24-Surveillant Prototype 8 0.58
25-Castorp (Farewell) 1.49
26-Naoko (Yearning) 3.06
27-Naoko (Crossing Paths) 3.04
28-Journey (Marriage) 1.57
29-Naoko (Gaze) 1.04
30-Journey (Farewell) 1.18
31-Journey (Dreamland) 3.36
32-Vapor Trail 3.23*

*Interprété par Yumi Matsutoya
Ecrit par Yumi Matsutoya.

Musique  composée par:

Joe Hisaishi

Editeur:

Tokuma Japan Communications
TKCA-73920

Album produit par:
Joe Hisaishi
Mixage musique/ingénieur son:
Suminobu Hamada
Orchestré et conduit par:
Joe Hisaishi
Orchestre:
Yomiuri Nippon Symphony Orchestra
Mandoline, balalaika:
Tadashi Aoyama
Guitares:
Masayuki Chiyo, Masayoshi Furukawa
Accordéon, bayan:
Hirofumi Mizuno

Artwork and pictures (c) 2013 Tokuma Japan Communications/Studio Ghibli. All rights reserved.

Note: ***1/2
KAZE TACHINU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Joe Hisaishi
Nouveau film d’animation très attendu d’Hayao Miyazaki, « Kaze Tachinu » (Le Vent se Lève), sorti en salles en 2013, est aussi le tout dernier du cinéaste japonais, qui annonça par le biais du studio Ghibli qu’il prenait sa retraite du cinéma pour se consacrer à d’autres activités, nouvelle accueillie avec émotion et déception par les fans de Miyazaki, qui espéraient le voir continuer à faire des films pendant encore quelques années (il a tout de même 75 ans aujourd’hui !). Et pour son dernier film, le cinéaste choisit étonnamment un registre qu’il n’avait encore jamais abordé dans toute sa carrière : la biographie. « Kaze Tachinu » nous raconte ainsi l’histoire romancée de Jiro Horikoshi, célèbre ingénieur japonais qui conçut durant la Seconde Guerre Mondiale le chasseur Mitsubishi A6M Zero, biographie elle-même adaptée du roman « The Wind Has Risen » d’Hori Tatsuo publié en 1937 - le titre s’inspire d’une ligne du poème « Le cimetière marin » de Paul Valéry : « Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre ! », phrase régulièrement citée durant une bonne partie du film – Miyazaki eut d’abord l’idée de concevoir un film sur la vie d’Horikoshi en dessinant et publiant un court manga en 2008, où il présentait l’ingénieur avec un tête de cochon, comme dans « Porco Rosso », qui reste le film le plus proche de « Kaze Tachinu » au niveau des thèmes abordés et de l’esthétique visuelle du film. Débuté en 2011, le film sortira finalement en 2013 et rencontrera très vite un vif succès au Japon et dans le reste du monde, même si les critiques ont été cette fois-ci un peu plus mitigées. En choisissant pour la première fois de sa carrière de réaliser un film réaliste sur un personnage ayant réellement existé, Miyazaki prenait un énorme risque, d’autant que les thèmes abordés dans le film se destinent davantage à un public adulte qu’aux enfants, qui ont eu bien du mal à adhérer à un film trop complexe pour eux – une première pour Miyazaki, qui a toujours conçu des films pour un jeune public –

Le film débute en 1918 au Japon. Un petit garçon nommé Jiro Horikoshi rêve d’avions géants. Passionné d’aéronautique, le petit Horikoshi rencontre un jour dans un de ses rêves Caproni, célèbre ingénieur italien ayant conçu de nombreux modèles d’avions somptueux qui le passionnent au plus haut point. Des années plus tard, Horikoshi étudie l’ingénierie aéronautique à l’université impériale de Tokyo. Un jour, alors qu’il prend l’air à l’arrière d’un train, il croise la route d’une belle jeune fille dont il ignore tout et rattrape de justesse son chapeau qui s’est envolé. La jeune fille le remercie et cite alors une phrase du poème de Paul Valéry : « le vent se lève », ce à quoi Jiro répond : « il faut tenter de vivre ! ». C’est à ce moment là que se déclenche le terrible séisme qui va ravager la plaine Kanto en 1923 et détruira de nombreuses villes telles que Yokohama, Kanagawa et Shizuoka. Par la suite, Horikoshi, qui est tombé amoureux de la jeune fille, ne la reverra pas de sitôt malgré un cadeau qu’elle lui a offert. Deux ans plus tard, le jeune homme part travailler pour Mitsubishi à Nagoya où il retrouvera son ami étudiant Honjo, sous les ordres de monsieur Kurokawa. On lui confie alors la conception de plans pour la fabrication de l’aile d’un nouveau modèle d’avion de chasse. Hélas, c’est une période de crise difficile pour le Japon qui est en retard de 20 ans sur le plan technologique par rapport à l’Allemagne. Des années plus tard, après avoir voyagé en Europe, Jiro revient au Japon et retrouve la jeune femme qu’il rencontra il y a quelques années lors du séisme de 1923. La jeune femme s’appelle Nahoko Satomi et vit avec son père, qui s’occupe d’elle car elle est gravement malade et atteinte de la tuberculose. Malgré la maladie, Nahoko et Jiro, amoureux l’un de l’autre, décident de vivre ensemble et de profiter du temps qui leur reste, et Nahoko jure qu’elle épousera Jiro le jour où elle sera guérie.

« Kaze Tachinu » est donc un biopic original qui respecte tous les codes visuels des productions Ghibli. Le film s’avère étonnamment sombre pour un Miyazaki, qui signe là son film le plus pessimiste et le plus tragique, malgré le fait qu’une partie de cette biographie soit totalement inventée – un choix curieux étant donné que le film se veut extrêmement réaliste, notamment par rapport à l’histoire du Japon au début du XXe siècle – Parmi les thèmes abordés dans le scénario, on y retrouve celui de l’importance de vivre ses rêves et de poursuivre ses objectifs jusqu’au bout (d’où les nombreuses scènes de rêve avec Caproni, qui rappelle au jeune Jiro qu’il faut « tenter de vivre », comme dans le poème de Paul Valéry), mais il y a aussi des thèmes plus complexes comme celui de la vie en temps de guerre, thème nuancé ici par le personnage de Jiro, qui rêve de construire des avions pour faire évoluer l’humanité, alors que ses créations serviront en réalité l’effort de guerre japonais, une contradiction plutôt étonnante de la part de Miyazaki, qui a toujours été un pacifiste convaincu, dénonçant régulièrement les guerres et les conflits dans tous ses films. Conscient du problème, le cinéaste tente de nuancer son propos en rappelant la bonne volonté et le profond altruisme de Jiro, avec des scènes très dures comme cette séquence à la fin du film où Jiro se promène parmi des carcasses d’avion et constate l’ampleur de la catastrophe qui a touché le Japon lorsque le pays perd le conflit à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Miyazaki parvient néanmoins à éviter de justesse toute ambiguïté par rapport à son propos grâce à la sympathie de Jiro, renforcé par son histoire d’amour tragique (et fictive) avec Nahoko, sans aucun doute la romance la plus triste et la plus dramatique de tous les films de Miyazaki, mais aussi l’une des plus belles.

On a souvent reproché au film ces quelques libertés prises avec la réalité du vrai Jiro Horikoshi, tout comme on a aussi pas mal critiqué le fait que Jiro et ses amis fument régulièrement tout au long de l’histoire – certains esprits bien pensants se sont insurgés contre cela en rappelant que le film donnait le mauvais exemple aux enfants, ce à quoi Miyazaki répondit qu’il souhaitait faire un récit réaliste et montrer la réalité telle qu’elle était à cette époque au Japon entre les années 20/30 – Mais au final, on retient surtout ici les scènes de rêve avec ces avions géants, de véritables princes des airs imaginaires et poétiques, renforcés par des bruitages conçus pour la plupart avec des voix humaines, un choix étonnant et original qui apporte une certaine personnalité et une grande inventivité au film. Le seul problème vient surtout du scénario qui n’est pas suffisamment profond et de l’univers conçu par Miyazaki qui finit par tourner en rond. A ce sujet, le film est beaucoup trop long (environ 2h06) et toute la première partie du film où Jiro étudie et travaille pour Mitsubishi est interminable, tandis que la seconde partie avec Nahoko apporte une émotion plus généreuse qui fait défaut au premier acte du film – malgré toute la pudeur habituelle de la romance entre Nahoko et Jiro, on constate que le cinéaste s’est pour une fois laissé allé à quelques effusions larmoyantes, rien de désagréable, mais on a connu le cinéaste bien plus subtil par le passé – Au final, le scénario se contente simplement de répéter les mêmes thèmes depuis le début : il faut vivre sa vie, et ce quelque soit les obstacles rencontrés sur notre chemin ! Niveau animation, comme d’habitude, le résultat est époustouflant et absolument magnifique : les décors du Japon des années 30 sont prodigieux, les détails nombreux, les personnages colorés et intéressants, sans oublier les séquences aériennes très proches de « Porco Rosso ». Et lorsque Jiro fait ses adieux à Nahoko dans son rêve à la fin du film, c’est comme si l’on sentait Miyazaki faire ses adieux au cinéma d’animation : un très grand moment d’émotion qui ne laissera personne indifférent !

Miyazaki retrouve une dernière fois son grand complice de toujours, Joe Hisaishi, qui signe sa dernière musique sur « Kaze Tachinu », dans la continuité de ses précédents opus musicaux pour le cinéaste nippon. Pour sa dixième collaboration à un film de Miyazaki, Hisaishi enregistre les musiciens du Yomiuri Nippon Symphony Orchestra et nous propose une musique contemplative, élégante et poétique, à l’instar du film. Le score repose avant tout sur un très beau thème principal dévoilé dès « Journey (Dreamy Flight) » au tout début du film. Premier élément étonnant : malgré le fait qu’une bonne partie du film se passe au Japon, Hisaishi opte ici pour une instrumentation évoquant les musiques populaires européennes, et plus particulièrement l’Italie, comme il le fit notamment dans « Porco Rosso » ou « Kiki la petite sorcière ». Ce choix particulier a probablement été dicté par le rapprochement entre Jiro et l’ingénieur italien Caproni qui apparaît régulièrement dans les rêves du jeune homme pour l’inciter à vivre sa passion pour les avions. Le thème de « Journey » se distingue par sa mélodie légère aux accents populaires, empreinte d’une certaine poésie nostalgique largement portée par l’usage de la mandoline, de l’accordéon et des cordes. « Shooting Star » confirme l’orientation poétique de la musique d’Hisaishi à l’aide d’un travail élégant et gracieux autour des cordes et des bois, absolument typique de l’auteur. On y retrouve les orchestrations habituelles du compositeur, riches et fournies, avec cette écriture classique qui devient aujourd’hui de plus en plus rare, même dans le cinéma japonais. A noter par exemple la vivacité de l’écriture des instruments qui se répondent à tour de rôle dans « Caproni (Engineer’s Dream) » pour la scène du rêve où Jiro rencontre Caproni pour la première fois. Hisaishi utilise ici les cuivres de manière joyeuse avec un optimisme reflétant l’enthousiasme passionné du rêve commun des deux hommes. On découvre ici cette fanfare cuivrée associée dans le film à Caproni, et qui reviendra à plusieurs reprises dans le film.

Le thème principal de mandoline revient ensuite dans « Journey (Determination) » et reste clairement attaché au jeune Jiro dans le film, exprimant ses rêves de création et d’aviation. Le thème se transforme ensuite en une sorte de danse populaire italienne qui pourrait presque faire penser à une tarentelle du sud de l’Italie, avec un tempo un brin plus lent. Dans « Naoko (Meeting) », Hisaishi dévoile le second thème de sa partition, une très jolie mélodie romantique et touchante pour la jeune Naoko, confiée ici à un piano délicat et pudique. Le thème romantique sera particulièrement présent durant la dernière partie du film, éclipsant presque le thème principal, omniprésent dans la première partie du récit. Le score se veut aussi plus dramatique et massif dans « Evacuation » où Hisaishi évoque le séisme de 1923 avec des cuivres robustes et des cordes agitées. La fanfare de Caproni revient dans « Caproni (Illusory Giant Machine) » avec toujours cet enthousiasme et cette légèreté si typique du compositeur. Après une série de variations autour du thème principal (« Journey »), on pourra apprécier « Squad Falcon » (scène où Jiro commence à travailler sur les plans de l’aile d’avion qu’on lui a confié), qui se distingue par une écriture plus rythmique et particulière des cordes staccatos, sur des motifs répétitifs qui rappellent le style minimaliste qu’Hisaishi développa particulièrement sur les films de Takeshi Kitano il y a quelques années. Dans « Junkers », Hisaishi évoque l’arrivée de Jiro et Honjo en Allemagne avec une fanfare aux accents germaniques qui évite de sombrer dans le pastiche mais conserve une approche musicale très européenne d’esprit.

Le thème de Naoko revient ensuite vers le milieu du film, lorsque les deux jeunes gens se retrouvent et décident de vivre leur amour malgré la maladie de la jeune femme. C’est ce que nous rappelle le très touchant « Naoko (Fate) » et son piano minimaliste, tandis qu’Hisaishi arrange son thème pour cordes et bois romantiques et touchants dans « Naoko (Rainbow) », pour la très belle scène de l’arc-en-ciel. On appréciera aussi l’utilisation du célesta et de la harpe dans « Naoko (Propose) », alors que le couple décide finalement de se marier. « Wind » est quand à lui plus particulier, avec sa guitare solitaire et son quatuor à cordes très classique d’esprit. Hisaishi répond ici à l’aspect contemplatif du film par une approche minimaliste évoquant le répertoire de la musique de chambre classique. « Castorp (Farewell) » amène un peu d’énergie dans une sorte de scherzo virevoltant et nerveux où Hisaishi s’en donne à coeur joie, entre l’orchestre et les différents solistes. Enfin, la dernière partie du score alterne essentiellement entre les variations des thèmes de Naoko et de « Journey », incluant le poignant « Journey (Farewell) » et le très beau « Journey (Dreamland) ». Le film se conclut avec la très belle chanson « Vapor Trail » enregistrée en 1973 et interprétée par Yumi Matsutoya, chanteuse qui prêtait déjà sa voix aux chansons de « Kiki la petite sorcière » en 1989, « Vapor Trail » étant probablement l’une des plus belles chansons que l’on ait entendu dans un film de Miyazaki.

Bilan final plus que positif donc pour la partition du « Vent se lève », une musique poétique, gracieuse et extrêmement classe, typique de Joe Hisaishi, qui apporte une énergie et une émotion indispensable au film de Miyazaki. Sans atteindre les sommets du « Voyage de Chihiro », de « Princesse Mononoké » ou du « Château Ambulant », la partition de « Kaze Tachinu » reste un bien bel effort qui confirme la qualité assez exceptionnelle de la collaboration Hisaishi/Miyazaki, qui prend malheureusement fin avec ce dernier film – c’est avec un très grand pincement au coeur que l’on écoute les dernières notes de la partition du compositeur - Un score très touchant, vif et coloré qui conclut 30 ans d’une collaboration artistique exemplaire qui nous aura tant ému et fait rêvé, avec comme toujours ce même souci d’exigence, de volonté de bien faire, de donner le meilleur de soi-même pour la musique comme pour le cinéma. Véritable point d’orgue de cette collaboration d’exception, la partition de « Kaze Tachinu » nous permet donc de retrouver un Joe Hisaishi très inspiré bien que sans surprise particulière, livrant un très beau score évoquant aussi bien la musique européenne que les mélodies romantiques et minimaliste que le musicien affectionne tant, un vrai moment de poésie contemplative et d’émotion d’une rare finesse et d’une très grande classe, comme toujours avec le compositeur : chapeau bas, l’artiste !




---Quentin Billard