1-The Abandoned Neighborhood 2.24
2-Let's Do This One 6.30
3-Approaching the House 2.37
4-The Blindman Liar 3.45
5-Money Dies 3.45
6-The Safe Box 4.15
7-Let's Get Out of Here 6.23
8-Indoor Chasing 3.44
9-Dog Hunting 3.26
10-Captured 2.49
11-Insemination 5.16
12-Trapped in the Car 5.17
13-Back to the House 2.28
14-Leaving Town 4.05
15-Don't Breathe Credits 2.30

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Lakeshore Records LKS 34865

Score produit par:
Roque Banos
Programmation:
Ginés Carrion
Monteur musique:
Maarten Hofmeijer
Solo piano:
Régulo Martinez-Anton
Mixage score:
Anele Onyekwere
Programmation sample:
Joel Thompson
Design instrument:
Alex Ferris
Producteur exécutif:
Brian McNelis, Skip Willamson
Programmation loop:
Attila Fodor
Préparation sample:
Jesus Villalobos

(c) 2016 Screen Gems/Stage 6 Films/Ghost House Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
DON'T BREATHE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
Second long-métrage du jeune réalisateur uruguayen Fede Alvarez, révélé en 2013 pour son remake ultra sanglant de « Evil Dead », « Don’t Breathe » (La maison des ténèbres) met en scène un trio de jeune cambrioleurs qui décident de s’attaquer à une vieille maison isolée occupée par un ancien soldat américain aveugle. A priori, c’est le plan parfait, sauf qu’une fois à l’intérieur de la maison, rien ne va se passer comme prévu ! Rocky (Jane Levy), Alex (Dylan Minnette) et Money (Daniel Zovatto) sont trois jeunes délinquants de Detroit qui vivent de ce qu’ils dérobent dans les maisons cambriolées avec la complicité d’Alex, dont le père travaille pour une compagnie de sécurité. Ils revendent ensuite ce qu’ils ont volés et amassent ainsi une bonne quantité d’argent qui leur permet de vivre. Hélas, la personne qui rachète les biens volés ne leur offre pas un bon prix, au grand dam de Rocky, qui souhaite amasser suffisamment d’argent pour pouvoir emmener sa petite soeur Diddy loin de sa mère négligente et de son beau-père alcoolique. Money apprend alors qu’un vétéran de l’armée américaine Norman Nordstrom (Stephen Lang), vit reclus dans une vieille maison de Detroit et qu’il cacherait 300.000 dollars chez lui, qu’il aurait gagné lorsqu’une jeune femme nommée Cindy Roberts (Franciska Törocsik), qui a disparu depuis quelques années, aurait tué accidentellement sa fille dans un accident de voiture. Rocky, Alex et Money se rendent alors à la maison et découvrent que le propriétaire des lieux est aveugle, et qu’il vit toujours dans la maison, qu’il n’a jamais quitté depuis des semaines entières. Ils décident alors de s’introduire dans la maison en pleine nuit après avoir drogué le chien du propriétaire. Mais alors que Money fait un peu trop de bruit en tirant sur une serrure d’une porte, le propriétaire aveugle se réveille et réussit à neutraliser Rocky en lui tirant une balle dans la tête. Terrorisés, Alex et Rocky se retrouvent piégés dans la maison et doivent trouver un moyen de s’échapper par n’importe quel moyen, alors que Norman les traque sans relâche, persuadé qu’il y a encore des cambrioleurs dans sa maison. Les deux jeunes individus vont découvrir les terribles secrets que Nordstrom recèle dans les caves de sa maison, et pourquoi il ne la quitte plus depuis des jours.

Pour son second essai en tant que réalisateur, Fede Alvarez frappe fort et s’oriente cette fois-ci vers le registre du thriller claustrophobique, signant un huis-clos haletant où les rôles s’inversent très vite. Ce qui commence comme un heist movie habituel se transforme très vite en survival horrifique lorsque les deux jeunes cambrioleurs infortunés doivent lutter pour leur survie face à un vieux vétéran de l’armée américaine aveugle et pervers, bien décidé à éliminer ceux qui se sont introduits dans sa maison. Le film vaut surtout par son ambiance sinistre et le concept inhabituel d’un psychopathe aveugle qui traque ses victimes par le biais de ses autres sens, concept assez inédit dans un thriller hollywoodien qui doit beaucoup ici à la performance remarquable de Stephen Lang, un habitué des rôles de bad guy au cinéma. Tout le film fonctionne par ailleurs si l’idée de l’opposition et des rapports de force inversés. Ici, ce ne sont pas les cambrioleurs qui sont les méchants mais bien les victimes, et la victime du cambriolage est bien le vrai méchant du film. De la même façon, la maison charmante de Norman Nordstrom se trouve dans un vieux quartier inquiétant et lugubre, et le fait que l’histoire soit racontée cette fois-ci du point de vue des cambrioleurs rend « Don’t Breathe » particulièrement original et attrayant. En découle une série de scènes à suspense glauques, où Alvarez parvient à filmer habilement les espaces exigus à la manière d’un David Fincher dans « Panic Room » - scène où Rocky se glisse à l’intérieur d’un conduit de la maison – sans oublier qu’hormis la présence fantomatique de Stephen Lang, qui semble omniprésent telle une menace assez irréelle qui plane sur chaque pièce de la maison (idée accentuée par une séquence très intéressante entièrement filmée dans le noir, en caméra infrarouge), on notera aussi la présence du chien de Norman, un molosse véritablement enragé qui va poursuivre sans relâche Rocky et Alex jusqu’à la fin du film. Alvarez nous réserve ensuite quelques surprises avec un twist inattendu reflétant la perversité de Norman durant une séquence assez éprouvante dans la cave, sans oublier quelques scènes assez sanguinolentes typiques du cinéaste de « Evil Dead ». Succès surprise au box-office 2016, « Don’t Breathe » semble avoir trouvé rapidement son public et impose d’emblée Fede Alvarez comme un jeune réalisateur talentueux et prometteur, dont on attend beaucoup dans les années à venir !

Après « Evil Dead », le compositeur barcelonais Roque Banos retrouve à nouveau Fede Alvarez sur « Don’t Breathe », où il signe une musique beaucoup moins orchestrale et plus axée sur le sound design et les manipulations sonores. Pour concevoir l’ambiance claustrophobique et sonore de sa musique, Banos a décidé d’expérimenter autour d’une série de sons enregistrés à partir de différents objets par les musiciens du groupe expérimental Anarchestra, connus pour leurs instruments conçus à partir d’objets en tout genre. Pour parvenir à ses fins, Banos a enregistré ses musiciens en train de frapper des surfaces métalliques diverses : tuyaux, boîtes de conserve, couvercles, ressorts métalliques, sans oublier des instruments conçus par les musiciens eux-mêmes à base de câbles métalliques et de bols suspendus. A noter que certains instruments crées par Anarchestra ont été fait à partir de cordes de piano récupérées et replacées sur un nouveau cadre à la manière d’une cithare, technique intéressante qui permet de réexploiter le son des cordes métalliques d’un piano dans une version plus réduite. A ce sujet, pour plus d’informations, ne manquez pas cette vidéo passionnante de trois minutes sur youtube intitulée « The music of « Don’t Breathe », composed by Roque Banos », durant laquelle le compositeur et les musiciens présentent les différents instruments du groupe qu’il vont enregistrer pour la musique du film. Dès lors, le concept est donné d’emblée : expérimenter ! C’est le cas dès la première piste en ouverture du film, « The Abandoned Neighborhood », où l’on découvre les sonorités aiguës grinçantes, les frottements étranges et les raclements glauques des instruments métalliques qui nous plongent d’emblée dans une ambiance inquiétante et déroutante. A noter à 1:10 l’apparition du motif principal aisément reconnaissable, motif de 4 notes descendantes associées au sinistre Norman dans le film et sa maison ténébreuse.

Partant de cette approche sonore bruitiste et expérimentale, Roque Banos élabore un canevas sonore dense et atmosphérique à l’écran, délaissant toute approche orchestrale jugée trop conventionnelle pour le film (et ce à l’inverse de ce qu’il avait fait sur « Evil Dead » !). Les recherches sonores se poursuivent dans « Let’s Do This One » où le compositeur évoque la détermination des trois compères à s’attaquer à la vieille maison de Norman, à l’aide d’un piano plus mélancolique et de nappes sonores inquiétantes. « Approaching the House » fait monter la tension alors que Rocky, Alex et Money se rendent à la maison et décident d’y pénétrer. Le morceau débute sur une reprise du motif principal au piano, qui rappelle certains passages de « Evil Dead » dans son atmosphère mystérieuse et inquiétante. « The Blindman Lair » nous plonge quand à lui dans le suspense pure à l’aide de dissonances furtives de cordes, de nappes sonores brumeuses qui semblent flotter mystérieusement dans l’air, incluant des raclements furtifs sur des bols métalliques et des masses sonores stridentes. Ici aussi, Banos expérimente pleinement autour de ses sonorités métalliques insolites, nous plongeant dans une atmosphère industrielle particulièrement froide et lugubre, quasiment déshumanisée, avec le rappel de cet étrange motif de 4 notes aux sonorités aiguës – le travail autour des sons industriels rappelle parfois l’approche d’Akira Yamaoka sur la série des jeux vidéo « Silent Hill » - La terreur pointe alors le bout de son nez dans « Money Dies », lorsque Norman neutralise Money et lui tire une balle dans la tête. Banos accentue ici le jeu des sons métalliques de manière totalement abstraite, entre raclements stridents, grincements effrayants et gargouillis sonores aléatoires de petits objets métalliques, incluant quelques sursauts terrifiants et intenses : si vous aimez la musique expérimentale et abstraite, vous allez adorer « Money Dies » !

Etant donné l’approche extrêmement bruitiste et avant-gardiste de la musique, on a parfois du mal à déceler les moments où le score apparaît dans le film, se noyant bien souvent dans la masse sonore des bruitages de la bande son, une approche intéressante qui rompt complètement avec le style hollywoodien plus conventionnel de « Evil Dead » par exemple. Autre élément intéressant, Banos n’hésite pas à jouer sur les effets de stéréo comme c’est le cas dans « The Safe Box » où il manipule un son qu’il fait étrangement passer à toute vitesse de gauche à droite de manière totalement psychédélique et surréaliste. Le problème de cette approche, c’est qu’elle s’avère rapidement assez répétitive et monotone, si bien que le reste du score aura bien du mal à se renouveler et à proposer quelque chose de neuf. Néanmoins, l’intensité de la musique reste constante dans « Let’s Get Out of Here » où les sons métalliques deviennent plus pressants, plus tendus, avec un nouveau passage rythmé et nerveux évoquant l’idée de la traque et de la survie. Même chose pour « Indoor Chasing » qui prolonge l’approche sonore des morceaux précédents avec davantage de nervosité et de tension dans l’utilisation des rythmes à base de cordes métalliques et de percussions. La poursuite avec le chien dans « Dog Hunting » renforce la sensation de menace et de panique à l’aide d’un assaut agité de nappes sonores angoissantes et de clusters stridents qui apportent une dimension chaotique et monstrueuse à la musique.

« Captured » est l’un des rares moments où la musique devient vaguement plus harmonique avec quelques accords dramatiques de cordes pour la scène où Rocky et Alex tombent sur la jeune femme capturée dans la cave de Norman. Puis, très vite, « Insemination » nous replonge dans une ambiance angoissante pour l’une des scènes les plus éprouvantes du film avec un nouvel assaut sonore extrêmement glauque et surréaliste. « Trapped in the Car » utilise les percussions métalliques à bon escient pour la scène où Rocky fuit hors de la maison et se retrouve bloqué à l’intérieur d’une voiture, attaquée par le molosse enragé, tandis que « Back to the House » illustre l’affrontement final de manière anarchique et brutale. « Leaving Town » met fin à l’horreur avec une reprise finale du thème principal au piano solo, interprété ici avec mélancolie et délicatesse, dans une approche classique plus typique du style habituel de Roque Banos. Ainsi donc, on ressort plutôt conquis par la musique de « Don’t Breathe », qui reste néanmoins très difficile d’accès pour des auditeurs néophytes et risque d’en décevoir plus d’un, en raison de son caractère sonore très expérimental, froid et abstrait. La musique s’avère assez présente dans le film tout en demeurant discrète de par son approche bruitiste qui se mélange avec le reste des bruitages du film. Certes, ce choix radical s’avère aussi bien audacieux (pour un thriller hollywoodien de 2016 !) que très limité, car le score finit par tourner dangereusement en rond au bout d’une poignée de minutes, répétant inlassablement la même série de sons et d’événements sonores jusqu’à la fin. Toujours est-il que « Don’t Breathe » est un score somme toute très impressionnant dans sa volonté d’arborer des chemins bien différents de ce que l’on entend habituellement sur ce type de production, une partition expérimentale et bruitiste qui nous plonge dans un univers froid et industriel totalement déshumanisé, en plein cœur de la noirceur et de la folie humaine, un score très particulier, à réserver aux spécialistes des musiques avant-gardistes et expérimentales !




---Quentin Billard