1-Time Will Tell (full version) 2.11*
2-The Story Begins/Scortch 3000
Years Later/Fairy Hookers/
Peace Goes Forth/Peace in the
Valley of Montagar 7.03
3-War Against Peace/Weehawk
Disturbs the Peace/
The Bubble Bursts 2.45
4-Jukebox Junky Blues 1.26
5-Blackwolf Finds the Record/
War & Frog/We Can't Lose 1.37
6-Moving Out 1.54
7-Battle & Peewhittle's Death 2.05
8-Now Begins Our Final Battle/
Avatar Equestrian/
On the Road to Scortch 1.27
9-Fairy Attack 1.43
10-Fairy Drums/Jungle Drums/
Gargoyle Once a Day 1.42
11-Snow Drift/Snow Time/
Assassins in the Snow 2.22
12-Tanks Again & Betrayal/
Peace Isn't, Elinore Doesn't 1.20
13-To All Our Ships/
Larry Gets Weehawk 0.52
14-The Elves Are Coming 1.30
15-Gathering of the Heavies/
The Charge of the Heavy Brigade/
The Battle Picks Up Tempo/
The Punchup/The Elves Lose 6.36
16-Weehawk Finds Elinore/
Elinore's Ok/Blackwolf Bites It/
Final History/Bye 3.29
17-Time Will Tell (film version) 2.00*

*Interprété par Susan Anton
Ecrit par Andrew Belling.

Musique  composée par:

Andrew Belling

Editeur:

La La Land Records LLLCD 1223

Musique produite par:
Andrew Belling
Album produit par:
MV Gerhard, Matt Verboys
Supervision musique:
Don Perry

Artwork and pictures (c) 1977 Bakshi Productions/Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***1/2
WIZARDS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Andrew Belling
Avoir avoir travaillé dans sa jeunesse chez Disney, Ralph Bakshi s’est fait connaître dans les années 70 en signant des films d’animation trash et satirique délibérément réservés à un public adulte : « Fritz the Cat » (1972) fut d’ailleurs le premier film animé classé X aux Etats-Unis, suivi de quelques brûlots – largement incompris par le public de l’époque - comme « Heavy Traffic » (1973) et « Coonskin » (1975). Hélas, devant l’accumulation de mauvaises critiques et l’incompréhension des studios de cinéma de l’époque, Bakshi fut obligé de lever le pied et de se tourner vers un autre genre de cinéma qui le passionnait tout autant : l’heroic-fantasy. C’est pourquoi le cinéaste d’origine palestinienne décida de s’atteler dès 1977 à la réalisation d’un nouveau film animé distribué par la 20th Century Fox mais tourné avec un budget modeste (à peine 2 millions de dollars) : « Wizards », que nous connaissons chez nous sous le titre « Les Sorciers de la Guerre ». Le film se déroule dans un monde futuriste post-apocalyptique, ravagé par une guerre nucléaire survenue il y a bien longtemps. Deux millions d’années après l’holocauste nucléaire, le monde a survécu et a décidé de bannir toute forme de technologie, pour éviter qu’un drame survienne à nouveau et mette en péril l’avenir de la Terre. Les survivants ont muté dans les zones radioactives et cohabitent aujourd’hui aux côtés d’êtres féeriques : des elfes, des fées, des nains et des sorciers, qui vivent dans le pays idyllique de Montagar. Après 3000 ans de paix, la reine Delia, souveraine des fées, donne naissance à deux jumeaux : Avatar, le gentil magicien qui amuse sa mère avec ses belles visions, et Blackwolf, un mutant maléfique qui ne rendra jamais visite à sa mère et passera une bonne partie de son temps à torturer des petits animaux. A la mort de la reine Delia, Blackwolf décide de quitter Montagar et se met en tête de gouverner le pays depuis les terres ténébreuses de Scortch, où il lève une armée constituée d’ogres, de mutants et de gobelins. Un jour, Blackwolf découvre des images d’archive de propagande nazie à travers un vieux vidéo-projecteur et utilise ces images terrifiantes pour galvaniser ses troupes et conquérir la Terre tout en récupérant la technologie pour construire de nouvelles armes de guerre. A Montagar, Avatar, qui est le tuteur de la jeune Elinore, la fille du président, devient la cible de Necron 99, un robot assassin envoyé par Blackwolf pour éliminer les partisans du magicien.

Tourné avec peu de moyens, « Wizards » était un projet décisif pour Ralph Bakshi. La Fox accepta le deal selon lequel le cinéaste garderait le contrôle créatif de son film en échange d’un budget très modeste, le studio s’assurant ainsi de limiter la casse en cas d’échec du film au box-office. Bakshi souhaitait obtenir des rallonges pour améliorer certains effets visuels de son film mais la Fox refusa systématiquement. Partant du principe qu’il n’aurait rien de plus, le cinéaste du se montrer particulièrement inventif et débrouillard, et décida de concevoir un univers d’heroic-fantasy étrange et décalé, reprenant tous les codes du genre inspiré du « Lord of the Rings » de J.R.R. Tolkien – les fées, les sorciers, les gobelins, les ogres, etc. – mais avec un parti-pris visuel bien différent de tout ce que l’on pouvait voir à cette époque dans le cinéma d’animation. C’est l’occasion pour Ralph Bakshi de prolonger son travail d’animation sur ses films précédents en optant ici pour un mélange hybride de plusieurs techniques : la rotoscopie bien sûr (procédé qui consiste à animer des personnages décalqués à partir d’images de vrais acteurs), des scènes dessinés sur des cartons supervisés par Mike Ploog de chez Marvel – dans le prologue et l’épilogue du film – des décors en crayonnés indistincts assurés par Ian Miller à base de traits acérés et d’angles étranges, des arrières-plans photographiques qui se mélangent aux scènes animées, sans oublier un jeu presque expérimental sur les couleurs du film. Le mélange de ces différentes techniques rend le film particulièrement avant-gardiste voire complètement expérimental, on a d’ailleurs rarement vu un film d’animation aussi singulier sur le plan visuel à cette époque, et comme tout mélange, le résultat s’avère forcément inégal et inabouti : le manque de moyen se fait ici cruellement ressentir, y compris lors de la séquence de bataille finale, où les scènes en rotoscopie – malheureusement floues et un peu ratées – sont des décalques éhontés de certaines scènes de film de guerre célèbres : « Alexandre Nevsky », « Zulu », « El Cid », « Patton », etc. Au niveau des influences, on a aussi beaucoup critiqué le fait que Bakshi s’était manifestement inspiré des travaux de son collègue dessinateur Vaughn Bodé, artiste des comics underground des années 70 malheureusement décédé prématurément à l’âge de 33 ans, auteur du cultissime personnage Cheech Wizard, qui aurait servi d’inspiration à Bakshi pour concevoir le personnage d’Avatar.

Les ressemblances ne manquent pas, puisque le robot Nekron 99 est un ersatz du fameux Cobalt 60 de Bodé, qui se déroulait là aussi dans un univers post-apocalyptique très similaire. Bakshi n’a jamais avoué officiellement l’hommage à Bodé, qui était par ailleurs un de ses amis, mais les ressemblances sont trop frappantes pour pouvoir passer inaperçues ! Si l’on met de côté la forme, « Wizards » vaut surtout pour son fond assez intéressant : le film est une immense satire des guerres modernes du XXe siècle et porte un message critique sur l’omniprésence de la technologie dans nos sociétés contemporaines, les rapports aveuglés à la religion – une scène du film se moque ouvertement des croyances spirituelles avec deux prêtres particulièrement stupides qui s’agitent comme des clowns – et bien évidemment le pouvoir des images et des médias visuels pour le contrôle des peuples. En choisissant l’angle du nazisme, Ralph Bakshi (qui est juif) délivre un message assez terrifiant dans le contexte d’un film d’animation. Avec son caractère hybride étonnant, « Wizards » s’avère d’ailleurs assez dérangeant, dans le sens où il reste constamment ambigu dans le public ciblé et refuse toute forme de convention commerciale. Ainsi donc, on nous montre ici la guerre sous un angle cru, avec des scènes particulièrement sanglantes qui n’épargnent personne. Malgré le look très cartoon de certains personnages – dont celui, inoffensif, d’Avatar – Bakshi tend à hyper-sexualiser ses personnages féminins, à commencer par Elinore, une fée aux formes ultra généreuses et protubérantes, volontairement peu habillée pour afficher ses attributs érotiques. Cela deviendra par ailleurs un élément récurrent dans les films de Bakshi, que l’on retrouvera notamment dans « Fire and Ice » ou « Cool World ». Encore une fois, le cinéaste déroute son public dans sa manière de détourner constamment les règles du genre et les habitudes des spectateurs, probablement par provocation mais aussi dans un souci de liberté artistique constante – en ce sens, son travail reste très proche de ses collègues underground Vaughn Bodé et Robert Crumb - Clairement, Bakshi fait ce qu’il veut et cela se sent à chaque plan du film ! Et si la scène de la bataille finale s’avère ratée (des formes rotoscopées floues et mal agencées, un mélange visuel bâclé incohérent et qui ne fonctionne pas), le fond reste vraiment passionnant, tout en rendant hommage à l’univers de l’heroic-fantasy, abordé ici avec une modernité et une liberté de ton étonnante en 1977 (le film sort peu de temps avant le « Star Wars » de George Lucas !). Succès surprise à sa sortie en salle, « Wizards » rapporte 9 millions de dollars et devient l’un des meilleurs succès de Ralph Bakshi au cinéma, qui lui permettra de financer son futur projet : l’adaptation animée de « Lord of the Rings », réalisée l’année suivante en 1978.

La partition musicale du compositeur américain Andrew Belling contribue à son tour à apporter une personnalité fort singulière au long-métrage animé de Ralph Bakshi. Belling est surtout connu pour avoir travaillé en tant que musicien et arrangeur pour The Kingston Trio, Linda Ronstadt, The Eagles, Rick Nelson, The Dillars, Glen Campbell et bien d’autres artistes de variété. Chef d’orchestre et compositeur pour le cinéma, ses premières expériences remontent à la fin des années 60 et au début des années 70 avec des scores pour des films tels que « Thirty Dangerous Seconds » (1972), « The Killing Kind » (1973) ou le « Crash ! » de Charles Band (1976). Souhaitant une musique non-conventionnelle qui puisse sortir des sentiers battus et des conventions hollywoodiennes, c’est donc sans surprise que Ralph Bakshi décida de confier la musique de « Wizards » à Andrew Belling, qui signa une partition éclectique à base de rythmes funky/disco, de jazz et de sonorités électroniques modernes. Pour parvenir à ses fins, Belling utilisa un ARP 2500 et 2600 importé directement du Japon par le biais de son ami Clark E. Spangler. En plus de la partie électronique, Belling utilise aussi un ensemble d’instruments solistes incluant une harpe, une flûte traversière, un EVI, des guitares électriques, une basse, une trompette, un piano, des percussions – caisse claire, timbales, xylophone - et une batterie. A la première écoute, on reste frappé par l’inventivité de l’approche musicale voulue par Andrew Belling sur ce film. A l’instar de Bakshi lui-même, le compositeur a contourné le problème du manque de moyens en multipliant les idées et les trouvailles sonores à l’aide d’un score hybride reflétant le travail de Bakshi sur les images du film. Il y a pour commencer la chanson-clé « Time Will Tell », magnifique ballade brillamment interprétée avec délicatesse par Susan Anton sur fond de synthétiseurs new-age, et qui fait office de thème principal à la partition de « Wizards ». Le thème principal est ensuite arrangé dans un très beau duo pour flûte et harpe au début de « The Story Begins » avec synthétiseurs new-age et guitares lors du prologue du film (le générique de début est malheureusement absent, car le morceau n’a pas pu être retrouvé sur les masters du film).

Dans « Scortch 3000 Years Later », Belling met l’accent sur une rythmique pop de la batterie avec l’emploi d’une flûte à bec aux côtés de la guitare électrique et de quelques percussions guerrières évoquant l’univers martial du film (caisse claire, timbales). Quelques sonorités sombres des synthétiseurs viennent illustrer ici la présence menaçante de Blackwolf avec l’emploi des rythmes belliqueux. Puis, très vite, Belling enchaîne avec un bref passage de trompette jazzy sur fond d’électronique expérimentale typique des années 70. L’étonnante juxtaposition de ces différentes sonorités rappelle le mélange des techniques d’animation qu’utilise Bakshi à l’écran. De la même façon, le compositeur évoque le début de la guerre contre le royaume de Montagar dans « War Against Peace/Weehawk Disturbs the Peace/The Bubble Bursts » à grand renfort de timbales forcenées, de guitares en pédale wah-wah typique des 70’s et de batterie pop. Malgré le côté très daté des synthétiseurs analogiques de l’époque, Belling parvient à compenser le son kitsch de ses claviers à l’aide d’une utilisation toujours très adroite des solistes dans le film, dont les détails paraissent plus flagrants en écoute isolée sur l’album de La La Land. La seconde partie de ce morceau rappelle même Miles Davis dans le jeu caractéristique de la trompette, à la limite de la fusion ou de l’électro-jazz. Dans « Blackwolf Finds the Record/War & Frog/We Can’t Lose », Belling évoque la menace de Blackwolf et son utilisation des images de propagande nazie avec des nappes sonores inquiétantes des synthétiseurs et ces timbales belliqueuses constamment associées dans le film à l’idée de la guerre. Quelques riffs de basse viennent contrebalancer le sérieux des percussions avec quelques touches d’humour, notamment lorsque la trompette entonne sournoisement les premières notes d’une sonnerie militaire bien connue dans « We Can’t Lose ». Blackwolf se voit ainsi attribuer des sonorités électroniques proches d’un orgue gothique dans « Moving Out » avec le retour des percussions guerrières et des trompettes alors que son armée commence à avancer et à envahir Montagar.

Inversement, la première scène de bataille et la mort du président dans « Battle & Peewhittle’s Death » délaisse tout aspect guerrier pour revenir vers un style funky/disco plus typique des années 70, avec son mélange de rythme, riff de basse, synthés et guitares électriques agitées. A noter une nouvelle allusion au thème principal à la flûte et l’EVI à 1:52 pour la mort du président. « Now Begins Our Final Battle » reprend par ailleurs le très joli thème de manière plus intime, toujours dominé par le duo flûte/harpe apportant une certaine mélancolie à la partition et au film. Puis très vite, la musique cède le pas à de nouveaux rythmes électroniques et l’emploi de synthés analogues pour Avatar apportant une dimension comique au personnage – on jurerait entendre ici des sons de jeu vidéo, même si cela était encore beaucoup trop tôt en 1977 ! – A ce sujet, la musique devient clairement expérimentale et amusante dans « Fairy Attack », pour la scène de l’attaquée des fées. Belling expérimente ici autour des synthétiseurs pour créer un univers féerique étrange et surréaliste typique des musiques électroniques avant-gardistes des 70’s. « Snow Drift/Snow Time/Assassins in the Snow » évoque le temps qui passe et l’arrivée de l’hiver avec les premières neiges qui envahissent le pays. Le thème principal est ici repris discrètement avec ses synthés cristallins new-age envoûtants. Les rythmes martiaux reviennent dans « Tanks Again & Betrayal » avec un arrangement plus guerrier du thème principal aux trompettes annonçant la bataille finale à venir. Si les rythmes funky deviennent plus pressants dans « To All Our Ships/Larry Gets Weehawk » où le thème est de nouveau varié sous un angle plus belliqueux, « Gathering of the Heavies/The Charge of the Heavy Brigade » illustre pendant plus de 6 minutes la longue bataille finale particulièrement sanglante opposant les forces du bien et du mal.

Andrew Belling développe ici les rythmes funky pour l’avancée des troupes de Blackwolf, dominé par le jeu de la guitare électrique en wah-wah, les percussions guerrières et les synthétiseurs analogues. A ce sujet, ne ratez pas le passage vers la quatrième minute où le tempo s’accélère durant la bataille, à grand renfort de sonorités disco alors très à la mode à la fin des années 70 (rythmer entièrement une scène de bataille violente à grand renfort de rythmes pop/funk/disco, c’est probablement une première dans le cinéma d’animation américain !). Le morceau se conclut par ailleurs sur une très belle reprise du thème pour « The Elves Lose », alors que les elfes sont massacrés à la fin du film. L’histoire se termine sur « Weehawk Finds Elinore/Elinore’s Ok/Blackwolf Bites It/Final History/Bye », où Belling reprend une dernière fois les sonorités gothiques menaçantes de Blackwolf avec ses synthétiseurs imitant un orgue jusqu’à la scène surprise où Avatar élimine Blackwolf d’une manière complètement inattendue. Le thème est ensuite repris dans un nouvel arrangement touchant pour flûte et harpe qui cède ensuite la place à une coda funky plutôt agréable et sympathique dans « Bye ».

Andrew Belling délivre donc pour « Wizards » une partition éclectique, d’une richesse et d’une inventivité étonnante, totalement atypique pour un film d’animation, rappelant le genre de musique que l’on entendrait plutôt dans le cinéma d’animation français, un peu comme ce que fit Alain Goraguer sur « La Planète Sauvage » de René Laloux en 1973, ou la musique électronique que composera quelques années plus tard Gabriel Yared pour « Gandahar » en 1988. Ecrit avec une liberté musicale évidente, « Wizards » est un mélange musical hybride étonnant et accrocheur, qui séduit par ses juxtapositions musicales cohérentes avec les images et ses nombreuses influences musicales, le tout servi par un très beau thème principal mémorable et émouvant. C’est une véritable curiosité musicale à redécouvrir grâce à l’album publié par La La Land en 2012 qui contient une bonne partie du score (certains passages n’ayant pas été retrouvés !) et témoigne du savoir-faire évident d’Andrew Belling, qui renouera quelques années plus tard avec le cinéma d’animation en signant la musique de « Starchaser » en 1985 !



---Quentin Billard