1-Essaouira Desert/Main Title 5.21
2-"What Are Our Odds?" 2.46
3-German Embassy 2.09
4-"It's A Girl" 2.17
5-Trust 3.08
6-"Best Day Ever" 1.51
7-Confession/Escape 3.50
8-The Letter/End Credit 6.28
9-The Sheik of Araby 2.33*
10-You Are My Lucky Star 3.06**
11-J'Attendrai 2.59***
12-Sing Sing Sing 4.10+
13-Flying Home 1.56++

*Ecrit par Ted Snyder,
Harry B. Smith et Francis Wheeler
Arrangé par Alan Silvestri
**Ecrit par Nacio Brown
et Arthur Freed
Arrangé par Alan Silvestri
***Ecrit par Rosanna D'Agnillo,
Dino Oliveri, Louis Poterat
et Guiseppe Rastelli
Arrangé par Alan Silvestri
+Ecrit par Louis Prima
Arrangé par Alan Silvestri
++Ecrit par Benny Goodman
et Lionel Hampton
Arrangé par Alan Silvestri.

Musique  composée par:

Alan Silvestri

Editeur:

Sony Classical 886446179681

Musique produite par:
Alan Silvestri
Monteur musique:
Jeff Carson
Préparation musique:
Jina B. Choi
Assistant production scoring:
James Findlay
Orchestrations:
Mark Graham, Alan Silvestri
Préparation musique:
Mariko Horikawa

Artwork and pictures (c) 2016 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: **1/2
ALLIED
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Alan Silvestri
Quand on observe d’un peu plus près la filmographie de Robert Zemeckis, on remarque que le cinéaste américain a des périodes bien précises correspondant à un certain style de film qu’il exploite conséquemment avant de passer à un autre style de film, et ainsi de suite. Dans les années 80, Zemeckis était le maître de l’aventure : « Romancing the Stone », « Back to the Future », « Roger Rabbit », dans les années 90, il enchaînera avec les drames plus intimistes comme « Forrest Gump », « Contact » ou « Cast Away » en 2000, avant d’enchaîner avec des films d’animation en capture motion comme « The Polar Express », « Beowulf » et « A Christmas Carol ». Cela fait maintenant depuis 2012 que Zemeckis semble dorénavant opter pour des sujets plus personnels avec « Flight », puis le biopic « The Walk » sorti en 2015. Avec son nouveau long-métrage « Allied » (Alliés) sorti au cinéma en 2016, le réalisateur signe un drame se déroulant en pleine Seconde Guerre Mondiale en 1942. Cela faisait d’ailleurs longtemps que Zemeckis souhaitait tourner un film se déroulant durant cette période, et le projet put enfin prendre forme lorsque le cinéaste découvrit le script de Steven Knight. On y suit l’histoire de Max Vatan (Brad Pitt), un espion canadien du S.O.E. qui doit faire équipe avec une espionne française, Marianne Beausejour (Marion Cotillard), en vue de préparer une importante mission à Casablanca en 1942 : assassiner un officier allemand durant un banquet. Pour les besoins de la mission, Max et Marianne doivent se faire passer pour un couple et réussir à être invités à la réception. Mais les sentiments simulés deviennent réels, et les deux espions finissent par réellement tomber amoureux l’un de l’autre. Une fois leur mission accomplie, Max et Marianne démarrent leur nouvelle vie de couple à Hampstead en Angleterre, où ils se marient et ont une petite fille, Anna. Quelques années plus tard, Max apprend par un officier du S.O.E. que Marianne est suspectée d’être une espionne allemande qui aurait pris l’identité de la vraie Marianne Beausejour, abattue en France. Choqué par cette révélation, Max rejette en bloc ces accusations contre son épouse mais se voit contraint par son supérieur hiérarchique de subir un test : il devra écrire un faux message destiné aux renseignements chez lui, et vérifier si ces informations sont interceptées ou non par les transmissions allemandes. Max devient particulièrement méfiant et commence à douter de Marianne, mais il va tout faire pour découvrir la vérité au sujet de l’identité de sa femme.

« Allied » est un hommage évident aux films de guerre et d’espionnage des années 30/40, un hommage rendu à tout un pan du cinéma américain de l’âge d’or hollywoodien. La longue séquence qui se déroule au Maroc au début du film rappelle très clairement le « Casablanca » de Michael Curtiz, le couple incarné à l’écran par Brad Pitt et Marion Cotillard rappelant clairement le duo mythique d’Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, dans une romance similaire qui se déroulait là aussi en plein coeur de la Seconde Guerre Mondiale. Soucieux de dépasser le simple statut de film hommage, Robert Zemeckis met progressivement la guerre de côté pour se concentrer sur une histoire d’amour contrariée sur fond de méfiance et de faux semblants, avec l’épineuse question à laquelle Max Vatan doit se confronter : son épouse bien-aimée est-elle une espionne allemande ? On pense clairement ici au « Notorious » d’Alfred Hitchcock pour le suspense et les montées de tension sur fond d’espionnage et d’infiltration, le cinéaste de « Psycho » ayant déjà largement inspiré Zemeckis par le passé (on se souvient par exemple d’un hommage évident à Hitchcock dans « What Lies Beneath »), mais le réalisateur parvient à dépasser ses influences grâce au duo Brad Pitt / Marion Cotillard qui accapare totalement l’écran, le tout sur fond de décors européens magnifiquement reconstitués et d’une ambiance de guerre savamment orchestrée. A ce sujet, la séquence de l’assassinat de l’officier nazi à Casablanca est digne des plus grands suspenses militaires du cinéma américain – on pense parfois au « Valkyrie » de Bryan Singer – le tout réalisé à la manière d’une grande fresque romantique et historique à l’ancienne, certes un brin classique dans sa forme, mais avec une réelle maturité dans la manière de filmer. On note ici quelques belles idées de mise en scène, avec notamment une scène d’amour ahurissante à bord d’une voiture bloquée en pleine tempête de sable, alors que les ébats amoureux du couple sont entièrement rythmés par la tempête de sable qui va crescendo à l’extérieur ! Les scènes de suspense et d’action sont aussi particulièrement bien troussées, accompagnées de quelques rares explosions de violence, mais c’est le mélodrame typiquement hollywoodien qui prime ici, aboutissant à une coda résolument tragique d’une grande beauté. Jamais mièvre et évitant de justesse toute forme de surenchère, « Allied » surprend donc par son classicisme assumé, son hommage au cinéma américain des années 40 et la solidité du jeu de ses interprètes, sans fausse note : une belle surprise, en somme !

Alan Silvestri retrouve à nouveau Robert Zemeckis sur « Allied », pour lequel il signe sa seizième partition musicale pour un film du réalisateur. Un peu moins présent ces dernières années sur la scène hollywoodienne, Alan Silvestri semble avoir opté pour des partitions plus minimalistes sur les derniers films de Zemeckis, incluant « Flight » et « The Walk », et s’il lui arrive encore d’avoir de grands moments d’inspiration (le superbe « A Christmas Carol »), cela fait maintenant bien longtemps que le duo Silvestri/Zemeckis n’a plus vraiment fait d’étincelle comme ce fut autrefois le cas à l’époque des « Back to the Future » et des « Roger Rabbit ». L’évolution du cinéma de Zemeckis et les choix de carrière de Silvestri (qui s’occupe aujourd’hui de ses vignobles en Californie) semblent en être directement la cause. Rien de sévère dans ce constat mais une simple constatation concernant les motivations des deux hommes, qui se retrouvent malgré tout régulièrement pour travailler ensemble après plus de 30 ans d’une longue et fructueuse collaboration. A la première écoute, on est étonné par les choix musicaux retenus par Alan Silvestri sur le film : minimaliste, moderne et très atmosphérique, le score évoquant autant le suspense du film que la romance entre Max et Marianne, mais sans aucune allusion au contexte historique de la Seconde Guerre Mondiale – entendons par là que la musique pourrait très bien avoir été écrite pour n’importe quel thriller moderne que l’on voit aujourd’hui au cinéma – Utilisé avec parcimonie dans le film, le score de « Allied » repose ainsi principalement autour de deux idées majeures : un motif de tension et de suspense entendu dès le début du film, reconnaissable à ses notes ascendantes sombres, puis un thème romantique de cordes et vents pour le couple incarné par Brad Pitt et Marion Cotillard dans le film, dont la mélodie est calquée sur le thème du film « Cast Away ».

Dès les premières minutes de l’ouverture du film, « Essaouira Desert/Main Title », Silvestri nous plonge dans une ambiance mystérieuse sur les premiers plans du désert marocain. Un basson soliste, des notes de piano en écho, des cordes latentes et des notes synthétiques suffisent à nous plonger immédiatement dans une ambiance intrigante et mystérieuse, notamment grâce aux notes réverbérées du piano. Le motif de suspense est ensuite introduit à 2 :38 aux cordes, accompagné de rythmiques électroniques modernes typiques du compositeur. L’utilisation des loops électro rappelle clairement ici les parties électroniques de « Tomb Raider 2 », « G.I. Joe » ou « Red 2 ». On est d’emblée frappé par ce choix très discutable de l’électronique, certains critiques ayant par ailleurs considéré que la musique ne collait pas avec l’ambiance et le style académique du film de Zemeckis. « What Are Our Odds ! » reprend le motif introductif et mélancolique de basson sur fond de tenues de cordes et de bois. Ici aussi, Silvestri développe une ambiance minimaliste avec le retour du motif de « Essaouira Desert » confié cette fois-ci à un piccolo accompagné de harpes, cordes, basson et hautbois. Rien de bien mémorable pour autant, Silvestri jouant ici la carte de l’épure comme il le fit dans « Cast Away » ou « Flight », bien que les moments plus mélancoliques rappellent parfois « Contact » ou « Forrest Gump ». Le thème de suspense revient ensuite dans « German Embassy » alors que la mission de Max et Marianne débute. Silvestri se contente uniquement de développer le motif essentiellement dominé par une alternance entre deux accords de cordes/cuivres sur fond de loops électroniques agressifs et entêtants – son approche rappelle par moment l’esthétique musicale du « Valkyrie » de John Ottman -

Dans « It’s A Girl », Silvestri dévoile son thème romantique pour le couple d’espions et l’arrivée de leur petite fille Anna. Le Love Theme est ici dévoilé sans surprise par des cordes romantiques, mais l’on regrette le manque d’audace du compositeur, qui en vient ici à recycler les harmonies de « Cast Away » ou de « Forrest Gump », y compris jusque dans l’utilisation du pian, des bois et des cordes – seuls quelques roulements lointains de timbales viennent rappeler l’idée d’amour en temps de guerre – Et c’est ainsi qu’Alan Silvestri oscille tout au long du film entre l’intime et la tension, comme le rappelle « Trust », qui reprend le motif introductif de piano (4 notes jouées furtivement), comme pour souligner l’énigme entourant l’identité de Marianne Beausejour dans le film, motif confié cette fois-ci à la harpe et accompagné de cordes sombres typiques du compositeur, avec un final plus rythmique et quelques accents martiaux typiques du compositeur de « Judge Dredd » et « Predator ». Le thème romantique est présent dans « Best Day Ever » et tente de nous faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais « Confession/Escape » nous ramène dans la dure réalité pour le dernier acte du film avec le retour du thème de suspense et des rythmiques électroniques/martiales. Enfin, le thème romantique est repris de manière poignante par un hautbois solitaire dans « The Letter/End Credit » pour la conclusion du film. Ici aussi, on retrouve une filiation plus qu’évidente avec la musique des films « Cast Away » et « Forrest Gump », où l’on retrouve le lyrisme poétique et minimaliste si cher au compositeur, largement développé durant les 6 minutes du générique de fin de « Allied ».

Hélas, si certains attendaient le renouveau d’Alan Silvestri pour « Allied », la déception risque d’être grande, car le score du film n’a rien de follement original et déçoit par son manque d’ambition et d’inspiration. Outre la qualité plus que quelconque de la partition, il faut aussi signaler que la version téléchargeable du score (disponible au départ sur Spotify) contient un bug sonore très fâcheux, alors que le son passe subitement en mono dès la piste « Confession/Escape ». Le problème a été corrigé pour l’édition CD du score, mais il faut bien admettre que la très courte durée de la partition et la monotonie de l’ensemble s’avère particulièrement désarmante et fort regrettable. La musique de Silvestri apporte la tension et l’émotion nécessaire aux images du film de Zemeckis, mais il n’y a aucune idée, aucune sonorité ni aucune mélodie qui ne donne pas l’impression d’avoir déjà été entendu 100 fois auparavant chez le compositeur. Silvestri semble avoir été peu inspiré par le sujet, ce qui est très étonnant étant donné la nature même du récit (un film d’espionnage et de romance en plein coeur de la Seconde Guerre Mondiale, il y avait pourtant matière à faire !), et si la musique n’a rien de déshonorant à l’écran, elle s’avère d’une platitude effarante en écoute isolée, sans aucun doute la grosse déception de l’année pour le retour tant attendu d’Alan Silvestri. Espérons ainsi que la prochaine sera la bonne, car on attend encore le nouveau chef-d’oeuvre du compositeur qui tarde toujours à venir !



---Quentin Billard