1-Black Hills Forest 1.15
2-Rustin Parr 3.52
3-Camp Fire 1.17
4-Panic Attack 2.02
5-Blair Witch 5.47
6-Lane and Talia 2.02
7-The Project 0.54
8-Invocation of Evil 6.27
9-No Trespassing 1.47
10-The House in the Woods 7.02

Musique  composée par:

Adam Wingard

Editeur:

Lakeshore Records LKS348732

Score produit par:
Adam Wingard
Mastering:
Robert Rich

Artwork and pictures (c) 2016 Lionsgate. All rights reserved.

Note: **1/2
BLAIR WITCH
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Adam Wingard
Véritable succès phénoménal du cinéma de 1999, « The Blair Witch Project » a battu tous les records à cette époque : tourné avec un budget dérisoire de 60.000 dollars, le film remportera plus de 248 millions de dollars à travers le monde, des recettes colossales qui inciteront les studios à surfer sur la mode du « found footage », ces films tournés par une caméra amateur nous plongeant dans une histoire réaliste d’événements terrifiants qu’ont vécu un groupe de personnes. Véritable film culte de la fin des années 90, « The Blair Witch Project » ne fut pas le premier film de found footage de l’histoire comme on a pu l’entendre à l’époque puisque d’autres réalisateurs avaient déjà tourné des films d’une façon similaire auparavant : on se souvient notamment de l’inoubliable « Cannibal Holocaust » de Ruggero Deodato en 1980, ainsi que « The Last Broadcast » de Stefan Avalos et Lance Weiler, sorti un an avant « The Blair Witch Project » en 1998 et qui traitait déjà d’un sujet vaguement similaire. On pourrait aussi citer « C’est arrivé près de chez vous », faux documentaire belge très controversé mettant en scène Benoît Poelvoorde. Devant le succès colossal du film, les studios d’Artisan et Haxan Films décidèrent de concevoir une suite, « Book of Shadows : Blair Witch 2 », sorti en 2000, une suite ratée considérée comme l’un des plus mauvais films de tous les temps. Il faudra finalement attendre 16 ans pour qu’un troisième épisode voit enfin le jour, développé dans le secret au cours de l’année et vendu sous le faux titre « The Woods » par l’équipe du film – y compris lors du premier trailer dévoilé quelques mois avant la sortie en salles – jusqu’à la révélation au Comic-Con 2016 au sujet de la vraie identité du film, intitulé en réalité « Blair Witch ». L’histoire se situe en 2014, des années après les événements du premier film. James Donahue (James Allen McCune) découvre une vidéo sur Youtube contenant des images de sa soeur Heather, qui aurait disparue dans la forêt de Burkittsville en 1994, alors qu’elle enquêtait sur la légende de la sorcière de Blair. Persuadée qu’Heather est toujours en vie, James se rend dans la forêt en compagnie de ses amis Lisa Arlington (Callie Hernandez), Ashley Bennett (Corbin Reid), Peter Jones (Brandon Scott) et de deux vidéastes amateurs qui auraient posté la vidéo d’Heather sur Youtube, Lane (Wes Robinson) et Talia (Valorie Curry), et qui comptent tourner un documentaire sur la recherche d’Heather. A leur arrivée dans les bois, James et ses compagnons retrouvent les affaires d’Heather et son équipe et décident de camper la nuit. Ils sont brusquement réveillés par d’étranges bruits indescriptibles et inquiétants. Des événements étranges étants surviennent alors pendant leur périple : à leur réveil, ils découvrent d’étranges figurines en bois disposées autour de leurs tentes, Ashley se blesse au pied et tombe gravement malade, Peter se retrouve chassé par une entité maléfique et mystérieuse et disparaît sans laisser la moindre trace, tandis que Lane et Talia, sévèrement désorientés, prétendent avoir marché dans les bois pendant cinq jours sans jamais voir le soleil se lever.

« Blair Witch » s’avère être une suite honnête et efficace au film d’Eduardo Sanchez et Daniel Myrick. Confié à Adam Wingard (spécialiste des films d’horreur comme le found footage « V/H/S », le film culte « You’re Next » ou l’adaptation live du manga « Death Note »), ce troisième épisode rectifie d’emblée le tir et permet d’oublier l’échec retentissant de « Blair Witch 2 » en optant à nouveau pour le genre du found footage, largement popularisé ces dernières années au cinéma avec les succès de « Rec », « Paranormal Activity », « Cloverfield », « The Last Exorcism », « Chronicle » ou le très controversé « A Serbian Film » sorti en 2010, et largement censuré dans une bonne partie du monde. Très attendu au tournant, le film d’Adam Wingard rassure d’emblée en reprenant les grandes lignes du premier film : à nouveau tourné par des caméras amateurs à la manière d’un documentaire, le film suit les traces d’Heather et de ses amis dans la forêt de Burkittsville et nous replonge dans la terrifiante légende de la sorcière de Blair, sauf que cette fois-ci il s’agit d’une expédition de secours pour découvrir la vérité sur la disparition de la jeune femme et de ses deux compagnons, Josh et Mike. Utilisant un matériel bien plus moderne – caméra HD, Go Pro, drones - tout est utilisé afin de renforcer l’ambiance réaliste du film, utilisant un casting de jeunes acteurs convaincants, dont les réactions s’avèrent pour une fois assez crédibles – la panique, l’angoisse, mais aussi les rires nerveux devant le caractère grotesque de certaines révélations – malgré quelques scènes plus discutables (l’éternel cliché du personnage qui s’éloigne du groupe et finit trucidé !). Jouant toujours sur la suggestion et les ambiances sonores étranges, « Blair Witch » reprend donc tout ce qui fit le succès du premier film, si bien que le film d’Adam Wingard n’a rien de bien surprenant et suit quasiment point par point le scénario du premier film, avec de nouvelles idées brillantes, comme cette fameuse distorsion temporelle dans laquelle se retrouvent piégés les héros du film, qui s’aperçoivent alors que le soleil ne se lève plus et que la nuit dure depuis des jours.

Le film contient quelques scare jumps inévitables et de très bons moments d’angoisse intenses largement renforcés par la suggestion et le fait que les caméras amateurs soient secouées dans tous les sens. A ce sujet, les scènes sous la tente rappellent celles du premier film, mais avec quelques nouveautés savoureuses. Quand au final dans la cabane de Rustin Parr, les 20 dernières minutes s’avèrent incroyablement prenantes et réellement terrifiantes. Alors que le premier film se contentait uniquement de montrer les deux personnages monter et descendre les escaliers de la cabane, cette visite de la maison abandonnée au fond des bois verse clairement dans l’horreur pure, avec ses sursauts terrifiants, ses apparitions fantomatiques et son étrange créature maléfique aux formes imprécises aperçue vaguement au fond d’un couloir. Adam Wingard parvient ainsi à mélanger les codes du found footage avec les exigences des productions horrifiques modernes, le tout parsemé de quelques nouvelles idées anxiogènes fort judicieuses (l’héroïne qui tourne la caméra à l’envers pour ne pas regarder directement la créature et observe ce qu’il y a dans son dos à travers l’objectif de son appareil) et d’autres plus douteuses (la fille qui monte dans l’arbre pour récupérer le drone alors qu’elle s’est blessée au pied !). On appréciera aussi l’utilisation adroite des décors, la forêt symbolisant ici l’idée de la mort, d’un piège dans lequel nul ne peut s’échapper, d’où le recours à une distorsion temporelle qui apporte un vrai ‘plus’ à ce troisième épisode. Quand à ceux qui souhaiteraient en savoir davantage sur le sort d’Heather et de ses compagnons, ils seront bien déçus tant « Blair Witch » n’apporte aucune réponse (tant mieux, finalement !) et entretient davantage la part de mystère entourant sa disparition. Quand à la sorcière de Blair, elle reste largement suggérée dans le film malgré quelques apparitions plus « visuelles » vers la fin, et réellement terrifiantes. Malgré toutes ses qualités et ses bonnes idées, « Blair Witch » n’a pas réussi à trouver son public et a été mal reçu par la critique, lui reprochant son manque de surprise et son utilisation de stéréotypes vus mille fois auparavant. Il s’agit pourtant de l’un des meilleurs films de found footage vu ces dernières années, dans la directe continuité du film de 1999 !

La musique atmosphérique et électronique de « Blair Witch » est confiée au réalisateur Adam Wingard, qui, à l’instar de John Carpenter, a l’habitude d’écrire lui-même les musiques de ses propres films, généralement accompagné de musiciens additionnels. Wingard avait déjà composé les musiques de certains de ses films précédents, incluant « You’re Next » (2011), pour lequel il était épaulé de Jasper Justice Lee, Kyle McKinnon et Mads Heldtberg. « Blair Witch » est une partition très particulière dans le sens où l’objectif de Wingard n’était pas d’écrire une musique à proprement parler mais plus une ambiance sonore lugubre et oppressante capable de s’insérer dans la bande son au milieu des bruitages, un peu comme le fit Antonio Cora sur le premier film de 1999 (et notamment son fameux « The Cellar » entendu dans le générique de fin du film). Pour parvenir à ses fins, Wingard est épaulé ici par le musicien et producteur électro Robert Rich. Spécialiste des musiques d’ambiance avant-gardistes, Rich est connu pour avoir conçu une série de concerts célèbres, les « Sleep Concert Experience », dans les années 80, des spectacles qu’il produisait alors à San Francisco toute la nuit, destinés à un public somnolent. Ces concerts duraient ainsi près de neuf heures et se résumaient à une longue et interminable succession de drones et de sound design programmé censés influer sur les cycles du sommeil des auditeurs – une première à l’époque dans le monde de la musique électro – Spécialiste de l’expérimentation sonore, Rich n’en est pas à son premier coup d’essai au cinéma puisqu’il concevra par la suite du sound design pour des compositeurs tels que Graeme Revell (« Pitch Black ») ou Don Davis (« Behind Enemy Lines »). Son album « Somnium », édité en 2001 sous la forme d’un DVD recréant ses fameux concerts du sommeil des années 80, est par ailleurs considéré comme l’album le plus long du monde (environ 7 heures). Il paraissait donc évident qu’Adam Wingard choisisse Robert Rich pour collaborer sur « Blair Witch ».

Le résultat, peu enthousiasmant, s’apparente surtout à une longue succession de drones et de sound design macabre censé évoquer sur les images les moments les plus menaçants et les plus terrifiants. Evitant toute approche musicale conventionnelle, le score de « Blair Witch » - très court dans le film – est surtout constitué d’ambiances sonores angoissantes à base de nappes sonores graves et de sonorités déformées et modifiées. C’est le cas pour « Black Hills Forest », que l’on entend pour les premières scènes où James et ses compagnons arrivent dans la forêt de Black Hills à Burkittsville. L’approche sonore totalement abstraite et bruitiste de Wingard et Rich rappelle ici le travail d’Akira Yamaoka sur les jeux « Silent Hill », travaux eux-même déjà vaguement influencés des musiques industrielles/new-age atmosphériques de certains musiciens et groupes des années 80/90. Dans « Rustin Parr », on devine une certaine folie sous-jacente dans le magma sonore conçu par Wingard, avec ses nappes lugubres organiques qui se chevauchent perpétuellement et ses percussions métalliques en écho lointain qui semblent résonner des profondeurs. Extrêmement dissonante, la musique de « Blair Witch » est une longue succession de sonorités étouffées et profondément graves, très évocatrices d’un malaise bien réel à l’écran, surtout lorsque James et ses amis comprennent qu’ils sont tombés dans un piège dans lequel il n’y a plus aucune issue possible. Totalement irréelle, la musique semble surgir tout droit ici d’un cauchemar suffocant, avec ces sonorités difformes et froides constamment maltraitées et méconnaissables, mélange de drones électroniques et de samples bidouillés sur des logiciels de traitement de son.

« Camp Fire » évoque la scène où Ashley se blesse au pied, renforçant là aussi l’idée d’un malaise qui ne cesse de monter crescendo tout au long du film. Le score est extrêmement discret à l’écran et parvient à se faufiler dans la bande son sans que l’on s’en aperçoive parfois, de manière quasi subliminale. Dans « Panic Attack », la terreur semble se profiler à l’horizon avec des sonorités stridentes et des drones chaotiques qui s’accumulent dans le grave de manière étrange et surréaliste. On nage ici en pleine expérimentation sonore abstraite, à des années lumières des conventions musicales habituelles. De la même façon, le mythe de la sorcière de Blair (« Blair Witch ») s’apparente à une longue succession de percussions en écho et de drones frissonnants et ultra graves très répétitifs et hypnotisant. Dans « Lane and Talia », Wingard évoque la scène où Lane et Talia réapparaissent dans les bois, désorientés et paniqués, clamant haut et fort qu’ils n’ont plus revu le soleil se lever depuis près de cinq jours. Ici aussi, la musique se veut très discrète et subliminale, essentiellement limitée à une nappe sonore diffuse et inconsistante, très proche du bruit pur et dur. Idem pour « The Project » et les 6 minutes interminables de « Invocation of Evil », dont le caractère incroyablement répétitif risque faire d’en rebuter plus d’un en écoute isolée. On pourrait aussi citer les nappes sonores inquiétantes de « No Trespassing », qui débouchent sur le final pour la séquence dans la cabane abandonnée de Rustin Parr, « The House in the Woods », et ses 7 minutes surréalistes et suffocantes, qui mettront les nerfs de l’auditeur à rude épreuve – à noter que plusieurs passages du score n’ont même pas été utilisés dans le film –

On ressort donc particulièrement secoué par l’écoute de « Blair Witch » sur un album difficile à encaisser, très hermétique et essentiellement destiné aux fans de musique atmosphérique avant-gardiste dans la lignée des travaux de Robert Rich ou d’Akira Yamaoka sur la saga « Silent Hill ». Avec son mélange de nappes sonores, de drones interminables et de samples chaotiques et cauchemardesques, le score d’Adam Wingard pour « Blair Witch » apporte un malaise bien réel sur les images du film sans se faire particulièrement remarquer, notamment grâce à son approche bruitiste et organique peu originale en soi mais diablement intense à l’écran comme sur l’album. Du coup, on peut s’interroger sur la réelle nécessité d’éditer une telle musique sur CD, l’écoute étant particulièrement laborieuse et fastidieuse en raison du caractère ultra répétitif de l’approche sonore du compositeur sur son propre film. D’autre part, on reprochera le côté souvent très limité des sons employés par Wingard et Rich, qui ont tendance à répéter constamment les mêmes drones ou les mêmes samples d’une piste à une autre, si bien que l’album, qui dure à peine 20 minutes, semble durer plus de deux heures. L’idée est aussi de reproduire en écoute isolée l’expérience éprouvante du film, à savoir que les personnages eux-mêmes sont perdus dans une boucle temporelle qui semble s’être figée et durer une éternité, à l’image de ce soleil qui ne se lève plus et de cette nuit qui n’en finit jamais. Répétitive, froide et minimaliste, la musique de « Blair Witch » joue donc la carte de l’angoisse psychologique par son statisme assez indigeste, parfaitement agencée aux images du film mais plus terne et lassant en écoute isolée, une expérience musicale à réserver aux accrocs de ce type de musique, qui sont prêts à remettre en cause leurs habitudes d’écoute !



---Quentin Billard