1-Solomon Northup 1.55
2-Main Title 0.28
3-Bedtime 1.35
4-Arrival in Washington 0.24
5-Solomon in Chains 5.03
6-Preparing for Travel 1.00
7-Boat Trip to New Orleans 5.14*
8-Saragota Flashback 2.12
9-River Rafting Claps 1.05
10-Eliza Flashback 1.45
11-Escape Sequence 1.32
12-Time Passing Sequence 1.32
13-Devastated Crops 0.51
14-Plantation Life Part A 0.59
15-Plantation Life Part B 0.56
16-Judge Yarney's Ball 1.10
17-Letter Writing 0.52
18-Solomon Burns The Letter 1.06
19-Soap 3.38
20-A Free Man 2.12
21-Nothing To Forgive/End Credits 3.32

*Composé par Hans Zimmer
et Benjamin Wallfisch.

Musique  composée par:

Hans Zimmer

Editeur:

Promotional release

Score produit par:
Hans Zimmer
Coordinateur score:
Czarina Russell
Musique additionnelle:
Benjamin Wallfisch
Supervision musique:
Bob Badami
Monteur musique:
Catherine Wilson
Service de production musicale:
Steven Kofsky
Mixage score:
Daniel Kresco
Assistant mix:
Christian Wenger

(c) 2013 New Regency. All rights reserved.

Note: ***
12 YEARS A SLAVE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer
Choc cinématographique de l’année 2013, « 12 Years a Slave » est l’adaptation ciné de l’autobiographie de Solomon Northup publiée en 1853, et qui raconte l’histoire tragique de cet afro-américain libre qui fut kidnappé et vendu comme esclave dans une plantation de la Louisiane où il vécu l’enfer pendant une douzaine d’années. Brillamment mis en scène par Steve McQueen (révélé grâce à « Hunger » en 2008 et « Shame » en 2011), « 12 Years a Slave » débute aux Etats-Unis en 1841. Solomon Northup (Chiwetel Ejiofor) vit librement avec sa femme et ses deux enfants à Saratoga Springs dans l’état de New York. Il travaille comme charpentier et joue du violon pour des bals ou des fêtes. Un jour, deux hommes blancs, Brown (Scoot McNairy) et Hamilton (Taran Killam), l’approchent pour lui demander de jouer lors d’un spectacle à Washington. Mais les deux individus droguent Solomon et le livrent à un certain Burch (Christopher Berry), où il est vendu comme esclave. Solomon est ensuite envoyé par bateau à la Nouvelle-Orléans, où on le surnomme dorénavant « Platt », puis il est acheté par le propriétaire d’une grande plantation, William Ford (Benedict Cumberbatch). Solomon découvre que Ford est un maître bienveillant qui ne le maltraite pas, et qui connaît un certain succès sur la plantation auprès de son maître – notamment grâce à ses connaissances de charpentier et de violoniste - ce qui attise la jalousie et la fureur du charpentier de Ford, John Tibeats (Paul Dano), qui le menace et le rudoie sévèrement, jusqu’au jour où Solomon tente de se défendre contre Tibeats. Enragé, ce dernier décide de se venger en essayant de lyncher violemment Solomon avec un groupe d’amis. Ford est alors contraint de se débarrasser de Solomon afin de le protéger de Tibeats. Il décide alors de le vendre à Edwin Epps (Michael Fassbender), un propriétaire cruel et tyrannique qui maltraite ses esclaves au nom de la Bible, sombrant régulièrement dans l’alcool et les viols sur les femmes esclaves de sa plantation. Solomon ramasse du coton auprès des autres esclaves, tandis que la jeune Patsey (Lupita Nyong’o) récolte 500 livres de coton par jour, ce qui attise l’intérêt d’Epps pour la belle esclave et provoque la jalousie de sa femme Mary (Sarah Paulson), qui maltraite Patsey, tandis que cette dernière est régulièrement violée par Epps. Désespéré et à bout, Solomon n’a plus qu’une idée en tête : utiliser le peu d’argent amassé lors des cérémonies où il joue du violon pour convaincre quelqu’un de contacter sa famille à New York afin de l’informer de sa terrible situation.

Etonnamment, le cinéma américain a assez peu abordé l’ère esclavagiste de l’Amérique, un sujet toujours très délicat et encore peu présent dans les médias. Hormis quelques films comme « Amistad » de Spielberg (1997) ou la mini-série « Roots » en 1977 (et la nouvelle version de 2016), rares sont les films à avoir su aborder avec une telle maîtrise et une telle violence le sujet de l’esclavage aux Etats-Unis. On remarque par ailleurs que le sujet est un peu plus présent dans les médias ces dernières années, avec entre autre le « Django Unchained » de Tarantino qui évoque la période de l’esclavage en toile de fond, le « Lincoln » de Spielberg (2012) qui rappelle le combat d’Abraham Lincoln pour faire voter le treizième amendement de la Constitution américaine en 1865 qui mettra fin à l’esclavage en Amérique, ou d’autres films qui traitent indirectement le sujet comme la « Vénus Noire » d’Abdellatif Kechiche (2010), qui évoque la Vénus Hottentote. Réveil tardif des consciences ou volonté délibérée d’aborder un sujet injustement peu traité au cinéma, chacun sera libre de choisir son camp, mais celui pour lequel opte Steve McQueen sur « 12 Years a Slave » est on ne peut plus limpide : le film est un véritable électrochoc ! Couvert de récompenses à sa sortie en salles en 2013, le film remportera l’Oscar du meilleur film en 2014 et sera nommé huit fois, révélant par la même occasion la jeune et talentueuse Lupita Nyong’o, tandis que Chiwetel Ejiofor remportera le British Academy Film Award du meilleur acteur la même année. Le film est régulièrement comparé au « Schindler’s List » de Spielberg en terme d’importance historique et d’évocation d’un génocide majeur de l’histoire de l’humanité. On se souvient par ailleurs que McQueen expliquait qu’il avait été subjugué par la lecture du livre de Solomon Northup en 2008 grâce au scénariste John Ridley, livre qu’il comparait au « Journal d’Anne Frank », en faisant un parallèle évident entre l’Holocauste juif et l’esclavage des noirs dans l’Amérique du XIXe siècle, deux drames majeurs de notre Histoire.

« 12 Years a Slave » s’avère ainsi sans concession, montrant l’esclavage dans toute son horreur et son absurdité : réaliste, le film est traversé de scènes choc qui restent gravés dans la mémoire de manière durable : certaines scènes, d’une grande cruauté, évoquent la connerie humaine, avec notamment les personnages abjects de Paul Dano et surtout Michael Fassbender, comédien fétiche de Steve McQueen qui campe ici un propriétaire esclavagiste cruel et inhumain, marqué par ses contradictions et ses frustrations. Parmi les scènes très dures, on notera cette séquence douloureuse où Epps force Solomon à fouetter Patsey, jusqu’à ce que la chair de son dos soit brisée et réduite en lambeaux. On a d’ailleurs reproché au film de sombrer dans le manichéisme et l’empathie, mais il faut quand même reconnaître que le film est pourtant très juste dans son propos, car McQueen n’hésite pas à montrer le bien et le mal partout, avec notamment le personnage de Benedict Cumberbatch qui campe un propriétaire de plantation bienveillant avec ses esclaves, ou le personnage de Brad Pitt, censé briser toute forme de diabolisation des blancs dans le film, un écueil que McQueen tient à éviter dans un souci de réalisme. Réalisé de manière assez classique, « 12 Years a Slave » vaut donc par le jeu époustouflant de ses interprètes – Chiwetel Ejiofor en tête – par la qualité de son scénario et par quelques idées de mise en scène ahurissantes, avec notamment ce long plan séquence interminable où Solomon est pendu à un arbre et tente d’éviter l’asphyxie en touchant le sol du bout de ses pieds. Il ne fait donc aucun doute que « 12 Years a Slave » est en passe de devenir un film majeur par son contenu historique et son histoire bouleversante et dure, puisqu’il reste à ce jour le film le plus déchirant et le plus mémorable jamais réalisé sur le thème de l’esclavage en Amérique.

Steve McQueen décida de confier la musique de son film à Hans Zimmer, probablement engagé grâce à son travail inoubliable sur « The Thin Red Line » en 1999. On raconte par ailleurs que Zimmer hésita à faire le film au départ, convaincu qu’il n’était pas le choix idéal sur un tel sujet. Utilisée avec parcimonie dans le film, la musique de « 12 Years a Slave » permet surtout à Hans Zimmer de renouer avec un style élégiaque et dramatique très proche de « Thin Red Line ». C’est ce que l’on comprend en découvrant le thème principal du score, dévoilé dans « Solomon Northup », par des cordes poignantes et un violoncelle mélancolique d’une grande beauté – le compositeur s’est entouré pour l’occasion du violoncelliste Tristan Schulze et de la violoniste Ann Marie Calhoun - Ce thème principal de quatre notes, que l’on devine chargé d’une émotion et d’un grand respect pour le drame vécu par Solomon Northup, est le leitmotiv récurrent du film, associé au personnage de Chiwetel Ejiofor, et autour duquel sera basé une bonne partie de la musique de « 12 Years a Slave ». Seule ombre au tableau : le thème principal semble largement calqué sur le motif de « Time » issu de la partition de « Inception » (2010), Zimmer s’étant clairement inspiré de ce thème pour écrire celui de « 12 Years a Slave ». Le « Main Title », très discret, accompagne le titre du film avec les premières notes du thème jouées de manière lointaine par des cordes effacées et distantes. Dans « Bedtime », Zimmer évoque avec beaucoup de pudeur et de retenue le quotidien de Northup avec sa famille bien avant de sombrer dans l’horreur de l’esclavage. Le compositeur utilise ici un célesta et des cordes minimalistes pour évoquer la chaleur familiale, avec toujours une immense pudeur très éloignée des partitions habituelles du compositeur teuton. Zimmer s’essaie ensuite au classique avec une brève valse pour « Arrival in Washington » qui évoque clairement l’ambiance musicale du XIXe siècle.

Dans « Solomon in Chains », on entre dans la seconde partie du film pour les premières scènes où Solomon est réduit à l’état d’esclave et enchaîné comme une bête. Le thème principal est repris ici par des cordes sombres sur fond de contrebasses menaçantes et lugubres évoquant l’horreur de la situation, accompagné de quelques éléments électroniques très discrets. Ici aussi, Zimmer évacue toute forme de mélodrame pour accentuer l’émotion avec délicatesse et respect, sans jamais verser dans le pathos. « Preparing for Travel » nous plonge dans une ambiance particulièrement sombre et menaçante à l’aide d’un sound design synthétique plus lugubre, mais c’est « Boat Trip to New Orleans » qui se distingue ici par le jeu étrange des percussions métalliques diverses et des sforzandos de violoncelles et de contrebasson. Le morceau est marqué par ces rythmes étrangement brutaux évoquant une machine en marche, froide et impossible à arrêter, accompagnant les scènes où les esclaves sont transportés sur les navires des négriers. Totalement déshumanisée, la musique évoque ici une organisation où l’être humain n’a plus sa place, le violoncelle de Solomon Northup se retrouvant noyé ici sous un flot de percussions en tout genre (incluant un jeu sur les cordes d’un piano), martelées de manière agressive. Zimmer frôle clairement ici l’expérimentation pure dans un style qui évoque davantage la musique contemporaine du XXe siècle, notamment dans l’écriture atonale du groupe des cordes (incluant un jeu en harmonique du violon, dont l’archet frôle à peine les cordes) et l’emploi de sonorités bruitistes et aléatoires d’un piano préparé à la manière d’un John Cage. On sait que Zimmer a toujours favorisé l’expérimentation dans ses musiques, mais un morceau comme « Boat Trip to New Orleans » élève son travail à un autre niveau, beaucoup plus impressionnant dans ses recherches sonores instrumentales et ses créations bruitistes. Le thème de Solomon est repris ensuite dans « Saratoga Flashback » pour rappeler avec douceur et délicatesse les souvenirs de Northup, devenu esclave depuis quelques années. De la même façon, on retrouve le thème joué avec discrétion par un piano intime et quelques cordes dans « Eliza Flashback ».

Plus étranges, certains morceaux comme « River Rafting Claps » ou « Escape Sequence » sont surtout constitués de bruits qui vont bien au-delà d’une approche musicale conventionnelle. « River Rafting Claps » est uniquement constitué de cliquetis répétés pendant une minute, tandis que « Escape Sequence » accompagne une scène où Northup tente de s’échapper à l’aide d’un martèlement répétitif d’une percussion boisée pendant une minute. Si l’écoute isolée de ces passages s’avère peu intéressante en soi, elle a au moins le mérite d’apporter un regard plus clair sur le travail d’expérimentation souhaité par le compositeur sur « 12 Years a Slave », le tout conçu de manière très minimaliste, à des années lumières des partitions hollywoodiennes habituelles d’Hans Zimmer. Des morceaux comme « Time Passing Sequence » ou « Devastated Crops » évoquent le temps qui passe inlassablement et les souffrances des esclaves avec un sound design plus sombre, froid et lointain. Idem pour « Plantation Life Pt. A » avec des cordes suraiguës rendues quasi méconnaissables. On appréciera l’ambiance méditative et contemplative de « Plantation Life Pt. B » où le thème principal résonne avec une infinie tristesse, avec une immense pudeur et une grande retenue, comme dans « Judge Yarney’s Ball ». A noter l’emploi de pizzicati de cordes dans « Letter Writing » pour la scène où Solomon écrit sa lettre la nuit. Le thème principal devient alors omniprésent pour la conclusion du film, de « Solomon Burns the Letter » à « Nothing to Forgive ». Ainsi donc, Hans Zimmer parvient à créer une ambiance musicale adéquate à « 12 Years a Slave », optant pour une approche minimaliste ponctuée de quelques passages expérimentaux assez particuliers. Le score s’inscrit dans la continuité d’anciens travaux du compositeur, qu’il s’agisse de « The Thin Red Line » ou de « Inception ».

Pour finir, signalons par ailleurs que le fameux thème principal de « 12 Years a Slave » a fait l’objet d’un procès pour plagiat après la sortie du film, le compositeur Richard Friedland ayant accusé Hans Zimmer d’avoir repris un thème qu’il avait écrit pour la série TV « Desperate Housewives » en 2004, et qu’il avait par ailleurs mixé à l’époque dans le studio de Zimmer. Outre les ressemblances troublantes entre les deux thèmes, difficile par ailleurs de ne pas penser au thème « Time » de « Inception » en écoutant celui de « 12 Years a Slave », un fait plutôt regrettable surtout lorsqu’on sait à quel point la mélodie est omniprésente durant les 38 minutes de musique écrites pour le film de Steve McQueen. Quoiqu’il en soit, on appréciera le travail d’Hans Zimmer sur « 12 Years a Slave » qui parvient à éviter toute forme de sentimentalisme en optant pour une approche minimaliste et humaine particulièrement touchante bien que prévisible et sans surprise. Les quelques passages plus expérimentaux parviennent à capter notre attention grâce à un travail de sonorité assez particulier et non-conventionnel. Utilisée très discrètement dans le film, la musique s’avère finalement assez distante sur les images tout en apportant une émotion sincère et véritable au drame raconte à l’écran. Dommage cependant que l’atout principal du score – son thème – soit finalement inspiré d’anciennes mélodies (qu’elles soient de Zimmer ou non), car après l’exceptionnel « The Thin Red Line », on se serait attendu à quelque chose d’aussi brillant et d’exceptionnel sur un film comme « 12 Years a Slave ».



---Quentin Billard