1-Am I Feeling Love? 2.13*
2-Opening Title 2.30
3-Tack & Thief 2.19
4-Polo Game 1.47
5-She Is More 2.29**
6-The Courtroom 4.11
7-The Brigands 2.23
8-Pole Vault 2.44
9-Club Sahara 2.53
10-So Incredible 3.31
11-Bom, Bom, Bom,
Beem, Bom 2.20***
12-Thief Gets The Ball 2.59
13-One Eyes Advance 2.08
14-It's So Amazing 3.27+
15-Climatic End 2.13
16-Witch Riddle 1.23
17-Thief After The Balls 3.09

*Interprété par Bobby Page
et Steve Lively
**Interprété par Bobby Page
***Interprété par The Beem Bom Singers
+Interprété par Andrea Robinson
et Arnold McCuller.

Musique  composée par:

Robert Folk

Editeur:

Milan Records 35730-2

Musique produite par:
Robert Folk
Chansons originales:
Norman Gimbel, Robert Folk
Orchestrations:
Robert Folk, Peter Tomashek,
John Kull, Randy Miller

Montage musique:
Doug Lackey
Préparation musique:
Vic Fraser
Orchestre:
The London Symphony Orchestra
Mixage chansons:
Bill Schnee, Hal Sacks
Supervision et production album:
David Franco
Producteurs exécutifs Miramax:
Bob Weinstein, Harvey Weinstein,
Scott Greenstein, Jeffrey Kimball

Producteurs exécutifs album:
Emmanuel Chamboredon, Toby Pieniek

Artwork and pictures (c) 1995 Miramax Films. All rights reserved.

Note: ****
ARABIAN KNIGHT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Robert Folk
Véritable cas à part dans le cinéma d’animation américain, « Arabian Knight » - connu sous le titre original « The Thief and the Cobbler » (Le Voleur et le Cordonnier), est célèbre pour être entré dans le Guiness des records en raison de sa production interminable qui dura plus de 31 ans – débutée en 1964 et achevée en 1995 – Le réalisateur canadien Richard Williams, à la tête d’un studio d’animation britannique, débuta ainsi le projet en 1964 sous le titre original « The Amazing Nasrudin », et qui devait s’inspirer d’une série de livres d’Idries Shah sur Nasr Eddin Hodja, l’ouléma mythique de la culture musulmane. Une équipe avait été réunie – Vincent Price pour la voix du méchant Anwar, l’animateur Ken Harris de la Warner Bros, le concepteur Roy Naisbitt pour les décors du film mélangeant les cultures perses et indoues, et le compositeur Howard Blake à la musique – mais en 1972, le projet renommé « The Majestic Fool » tomba à l’eau suite à un problème de financement entre Williams et le producteur Omar Shah. Entre 1972 et 1978, Williams tenta de récupérer le film avec un nouveau script – incluant le personnage du cordonnier nommé Tack et celui du voleur – Le cinéaste fut obligé de simplifier considérablement le récit et les dialogues, prévoyant de réaliser un long-métrage d’animation épique de 100 minutes, qui se distinguerait de la masse en utilisant le registre des films muets du début du XXe siècle. L’idée était ambitieuse pour l’époque, mais là aussi, le projet va tomber à l’eau en raison de récessions économiques en 1974 et d’un changement de politique du studio d’animation de Richard Williams, qui se retrouva alors à cours d’argent, dans l’incapacité de payer une équipe de professionnels pour travailler sur son film. Pour s’assurer de concevoir sa vision ambitieuse d’un grand et futur chef-d’oeuvre de l’animation, Williams continua d’étudier l’art de l’animation à la fin des années 70 auprès de vétérans du Golden Age hollywoodien (Art Babbitt, Grim Natwick, Emery Hawkins) et d’animateurs travaillant à l’époque pour Disney. Quelques années plus tard, Williams tenta de réunir de nouveaux fonds pour financer son film.

Dans les années 80, le film intitulé finalement « The Thief and the Cobbler », fut récupéré par le studio anglais Allied Filmakers de Jake Eberts en 1986. Le scénario fut alors quelque peu remanié, avant d’attirer l’attention de Steven Spielberg. Le réalisateur fut tellement impressionné par le travail de Richard Williams qu’il décida de l’engager pour concevoir l’animation sur le « Who Framed Roger Rabbit » de Robert Zemeckis en 1988, en échange d’un financement pour son film. Hélas, le deal prévu entre Williams et Spielberg échoua, et Williams se rabattit alors sur la Warner Bros en 1989 pour produire « The Thief and the Cobbler ». Le studio imposa alors à Richard Williams de signer un contrat de garantie d’achèvement du film, obligeant le réalisateur à livrer une oeuvre finie aux producteurs dans des délais impartis, sous peine de quoi le film serait terminé sous la supervision intégrale du studio. Obligé de travailler avec une énorme pression, Williams imposa à son équipe d’animateurs un rythme de travail effréné, dans des conditions difficiles – plusieurs membres du staff furent mis à la porte à l’époque – Malgré cela, le film ne fut pas terminé à temps et la Warner décida de faire appel au producteur d’animation Fred Calvert pour évaluer le travail de Williams et achever l’oeuvre avec des moyens très limités. Il fut alors décidé de couper près de 18 minutes du film afin de livrer un récit plus simple et accessible. La première version du film, récupérée par Allied Filmmakers, fut diffusée dans les salles de cinéma en Australie et en Afrique du sud sous le titre « The Princess and the Cobbler » en 1993. En 1994, Miramax Films récupéra la projet mais imposa un remontage de « The Princess and the Cobbler » à travers une nouvelle version destinée aux marchés américains, intitulée « Arabian Knight », incluant une nouvelle bande son.

Le film se déroule dans des temps anciens, à l’intérieur de la grande cité d’or – Bagdad dans la V.F. – dirigée par le roi Dodo, et protégée par trois précieuses boules d’or situées au sommet du minaret principal de la cité. Une ancienne prophétie raconte que la cité sera un jour attaquée par un terrifiant chef de guerre nommé Le Borgne et son armée de monstres, qui se trouve aux portes de la cité. Tack est un jeune cordonnier qui vit dans la cité. Un jour, il découvre un mystérieux voleur chez lui et décide de le chasser, mais les épingles de Tack blessent alors accidentellement Zigzag, le grand vizir et sorcier du roi Dodo. Furieux, Zigzag souhaite jeter Tack dans un cachot mais la princesse Yum-Yum, la fille du roi Dodo, ne l’entend pas de cette façon et décide d’engager Tack pour l’aider à réparer ses souliers. La jeune fille souhaite alors faire davantage connaissance avec Tack. Pendant ce temps, Zigzag complote pour renverser le pouvoir et devenir le nouveau monarque de la cité d’or après avoir pris la princesse comme épouse. Le sorcier maléfique compte ainsi voler les précieuses boules d’or pour concrétiser ses funestes desseins. Mais le voleur convoite à son tour les précieuses boules d’or. Jeté par la suite dans un donjon, Tack réussit à s’échapper et retrouve la princesse Yum-Yum. Lorsque les boules d’or disparaissent finalement du minaret de la cité d’or, la princesse décide de s’aventurer dans le désert avec sa fidèle servante et le jeune Tack. Ils espèrent ainsi trouver de l’aide auprès d’une vieille sorcière qui vit au cœur du désert alors que la cité est à nouveau menacée par les troupes de Le Borgne, qui s’est allié avec Zigzag.

Avec le recul, que peut-on retenir vraiment de « The Thief and the Cobbler » aka « Arabian Knight » ? Outre le désastre artistique et financier du film (la version de Miramax sortie en salles en 1995 connaîtra un échec commercial cuisant), le film marque aussi l’échec personnel de Richard Williams, qui n’aura pas réussi à concrétiser sa vision d’un grand chef-d’oeuvre ambitieux du cinéma d’animation américain. Il faut dire que rien n’a été épargné au malheureux réalisateur, d’autant que le sujet a été récupéré par Disney dans les années 90 avec « Aladdin » sorti en 1992 et qui possède bon nombre de similitudes avec « Arabian Knight » - le look du génie de « Aladdin » rappelle fortement celui du sorcier Zigzag, la romance entre la princesse et le jeune héros est similaire, certains décors sont assez proches, etc. – Techniquement, « Arabian Knight » est un film très coloré et assez extravagant, qui laisse malheureusement un sentiment d’inachevé. Le montage imposé par Miramax et l’ajout d’une voix pour Tack – qui était muet dans la version d’origine – ont largement dénaturé la vision originale de Richard Williams, sans oublier une durée très raccourcie (le film de 1995 fait à peine 1h13 !) et certaines scènes visuellement plus cheap, apparemment bâclées pour finir le film dans les temps dans les années 90. Tout ceci est bien dommage, car il y avait un vrai potentiel dans ce projet, un vrai charme qui aurait pu faire de « The Thief and the Cobbler » un vrai chef-d’oeuvre du genre. Au lieu de cela, Miramax nous propose avec « Arabian Knight » un vague ersatz de production Disney – incluant les chansons rajoutées dans la version de 1993 – mais avec beaucoup moins de moyens, un scénario léger et une animation inégale – malgré de très belles idées visuelles comme ces damiers et ces kaléidoscopes de couleurs utilisés pour certains décors du palais royal – Pour finir, on notera l’existence d’une quatrième version de « The Thief and the Cobbler » entièrement remaniée par un fan du film, Garret Gilchrist, entre 2006 et 2013, version baptisée « The Recobbled Cut » et adaptée du Workprint original de Richard Williams.

La partition musicale de Robert Folk pour « Arabian Knight » reste à n’en point douter l’un des éléments les plus positifs de la version Miramax du film de Richard Williams. Le nouveau score composé en 1995 par Folk vient par ailleurs remplacer celui écrit par David Burman, Peter Shade et David Cullen dans les versions d’origine du film. Enregistrée aux prestigieux studios d’Abbey Road à Londres, la partition de « Arabian Knight » est confiée au somptueux London Symphony Orchestra et débute de façon grandiose dès le « Opening Title », ouverture qui pose les bases de la partition : orchestrations amples, choeurs épiques, flûte de pan et synthétiseur cristallin, Robert Folk évoque clairement un univers de magie et d’aventure à l’aide d’un thème de cordes et de choeur (à 0:19) qui rappelle indubitablement le thème principal de Folk pour « The NeverEnding Story II ». Richement orchestrée, la musique est ample, classique et sophistiquée, dans la continuité des précédents travaux du compositeur. Dès « Tack & Thief », Folk renoue avec son style action/aventure habituel à l’aide de cuivres démesurés, de rythmes belliqueux et de choeurs épiques. A noter que le compositeur incorpore à sa partition des allusions mélodiques aux chansons du film, et notamment une allusion à l’air de « She Is More » (interprétée par Bobby Page) dans « Opening Title » à 1:29. Construite à la manière des partitions Disney que compose Alan Menken à la même époque, la musique de « Arabian Knight » accompagne ainsi l’aventure et l’action en citant régulièrement les mélodies des chansons intégrées au score orchestral. Film d’animation oblige, « Tack & Thief » introduit des éléments mickey-mousing (dès 1:48), Folk mettant alors l’accent sur le lot habituel de pizz, bois, cuivres et percussions sautillantes (incluant un marimba), les éléments mélodiques bondissants évoquant ici le voleur dans le film. « Polo Game » débute quand à lui sur une ouverture majestueuse des cuivres et développe les éléments mickey-mousing pour le voleur (à noter ici l’emploi caractéristique de la clarinette basse). Les orchestrations sont par ailleurs virevoltantes, Folk passant d’un pupitre à un autre avec une rare aisance. Le thème de clarinette du voleur est repris dans « Polo Game » illustrant l’aspect espiègle du brigand, avec de vagues sonorités jazzy.

« The Courtroom » illustre une séquence au palais royal, lorsque Tack est conduit devant le roi Dodo. Le thème principal est brièvement cité au hautbois à 0:35, précédé de quelques sonorités orientales d’un sitar. La musique est ici un brin plus sombre, évoquant l’aspect maléfique du sournois Zigzag. On appréciera ici la richesse et la générosité mélodique du morceau qui oscille entre l’émerveillement, la tension et le mystère avec une grâce constante. A noter l’allusion mélodique à « Am I Feeling Love ? » à 1:47 par les choeurs féminins qui contribuent ici à l’aspect féerique de la musique. Plus étonnant, « The Brigands » mélange orchestre avec une rythmique de guitare électrique funky 70’s qui jure un peu avec le reste du score, illustrant la séquence de la rencontre avec les brigands du désert (dans le même ordre d’idée, « Club Sahara » semble surgir tout droit d’un film des années 70 !). L’aventure pointe le bout de son nez dans l’énergique « Pole Vault », tandis que « So Incredible » développe le thème romantique de « Am I Feeling Love ? » pour évoquer les sentiments entre Tack et la princesse Yum-Yum. Le morceau est introduit par un clavier électrique et des cordes tendres et nostalgiques avant de reprendre le Love Theme de manière poignante et passionnée. Le vol de la boule dorée (« Thief Gets the Ball ») permet à Folk de développer le thème du voleur dans une envolée aventureuse très colorée et cuivrée, illustrant les exploits du brigand. Dans « One Eyes Advance », le compositeur évoque l’avancée des troupes du maléfique Le Borgne, à l’aide de cuivres belliqueux et de percussions martiales. « Witch Riddle » évoque la rencontre avec la sorcière du désert à travers des accents orientaux évidents, suivi d’une grande envolée aventureuse et cuivrée dans le dynamique « Thief After the Balls ». Enfin, l’aventure se termine avec le retour du thème principal et du Love Theme dans « Climatic End ».

Si vous aimez les grandes partitions symphoniques d’aventure à la manière des grands maîtres d’antan, « Arabian Knight » devrait vous séduire pleinement. Robert Folk apporte une énergie et une force aux images du film de Richard Williams en s’inscrivant dans la parfaite continuité de ses précédents travaux pour le cinéma. Avec une science d’écriture évidente et des orchestrations très riches et sophistiquées, Robert Folk parvient à créer une atmosphère d’aventure, d’émotion, de mystère et de danger à la manière des grands scores hollywoodiens du Golden Age. La musique est empreinte d’une générosité mélodique et d’une abondance de couleurs instrumentales typiques du compositeur, qui renoue ici avec l’esprit aventureux de « The NeverEnding Story II » ou « Beastmaster 2 ». L’album édité par Milan retient l’essentiel du score orchestral de Folk, incluant les chansons originales du film – à noter un mixage londonien typique des années 90 mais un brin daté : une réverbération conséquente, et une forte tendance à décentrer les pupitres de l’orchestre pour mieux profiter de la stéréo – Curieusement, le score de « Arabian Knight » est quelque peu tombé dans l’oubli au fil des années, probablement en raison de l’échec du film et les difficultés rencontrées par la production pour boucler ce projet de longue haleine, mais le score de Folk mériterait amplement une ressortie intégrale et un nouveau mixage afin de rendre justice à l’excellent travail effectué par le compositeur sur ce long-métrage d’animation, probablement l’une de ses meilleures partitions du genre dans les années 90 !



---Quentin Billard