1-Main Title 1.13
2-The Hit 5.33
3-Wounded? 3.50
4-Tail Lites 4.23
5-It's Them 1.11
6-It's Really Them 0.54
7-Roadblock 6.11
8-Kaboom 1.18
9-The New Car 0.38
10-Travis Is Right 2.48
11-Near Miss 1.58
12-Round To Tate 1.43
13-Travis Slips Away 2.33
14-Help Me 1.17
15-The Final Battle 4.40
16-End Title 2.06

Musique  composée par:

Bill Conti

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 139

CD produit par:
Douglass Fake
Producteur exécutif CD:
Roger Feigelson
Direction de la musique pour
Metro-Goldwyn-Mayer Music, Inc:
Barbara Custer
Assistante de production:
Regina Fake

Artwork and pictures (c) 1988/2010 Metro-Goldwyn-Mayer Studios Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
COHEN & TATE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Bill Conti
Thriller obscur sorti en 1988, « Cohen and Tate » (Profession Tueur) est le premier long-métrage d’Eric Red, qui s’est fait connaître en signant les scripts de « The Hitcher », film à suspense culte de 1986, et « Near Dark », western horrifique de Kathryn Bigelow datant de 1987. Aidé par le succès de ses scénarios, Eric Red décide alors de se lancer dans la réalisation avec « Cohen and Tate ». Le film, entièrement tourné au Texas, met en scène deux assassins professionnels qui travaillent pour la pègre : le vieux Cohen (Roy Scheider) et le psychopathe Tate (Adam Baldwin). Le petit Travis Knight (Harley Cross), tout juste âgé de 9 ans, a été témoin du meurtre d’un parrain de la pègre au Texas et se retrouve protégé, lui et sa famille, par le programme fédéral de protection des témoins. Hélas, Cohen et Tate débarquent subitement, abattent la mère, les policiers et blessent mortellement le père avant de s’emparer du petit Travis, qu’ils emmènent avec eux. Les deux assassins se rendent ensuite avec l’enfant à Houston, où leurs patrons espèrent bien faire parler l’enfant afin de savoir tout ce qu’il sait au sujet du meurtre du mafioso. Cohen et Tate voyagent alors de nuit sur l’autoroute les conduisant à Houston. Travis, qui réalise ce qui l’attend, remarque des tensions entre les deux hommes et compte bien utiliser l’antagonisme opposant les deux tueurs professionnels pour retourner la situation à son avantage. Alors que Tate s’avère violent et imprévisible, Travis multiplie les provocations pour forcer Cohen à réagir et à s’opposer à son complice. Durant leur périple nocturne, les deux hommes apprennent à la radio que le père de Travis n’est pas mort. Peu de temps après, l’enfant réussit à s’échapper de la voiture et croise la route d’un policier à qui il raconte son histoire. Comprenant que leur travail est désormais fichu, Cohen et Tate doivent retrouver Travis coûte que coûte et revenir à Houston pour finir le job. Mais les tensions qui opposent constamment les deux hommes et la malice de Travis risquent bien de les conduire à leur perte, d’autant que la police du Texas est désormais à leurs trousses.

« Cohen and Tate » est un thriller sombre tourné à la manière d’un road movie nocturne, constamment plongé dans la pénombre d’une nuit interminable sur l’autoroute vers Houston. A la manière de « The Hitcher », Eric Red souhaitait ainsi tourner un film à suspense qui se déroulerait quasi entièrement dans une voiture, celle des deux assassins Cohen et Tate. Le film doit beaucoup à l’interprétation du vétéran Roy Scheider et d’Adam Baldwin, remarqué l’année précédente dans le « Full Metal Jacket » (1987) de Stanley Kubrick, sans oublier le jeune Harley Cross, campant un gamin débrouillard qui tente d’échapper à ses ravisseurs en usant de psychologie et de malice. Le film s’avère malheureusement très répétitif et monotone. En choisissant l’intérieur d’une voiture comme unique décor à l’intrigue de son film, Eric Red a bien du mal à rythmer un film mou qui n’avance pas, à l’instar du véhicule de Cohen et Tate qui semble ne jamais atteindre sa destination sur cette autoroute interminable. Le cinéaste cherche à nous enfermer dans une ambiance de huis-clos similaire à « The Hitcher » en filmant une bonne partie du film la nuit sur une autoroute isolée (on ne voit quasiment aucun habitant de la ville !). La plus grande réussite du métrage de Red tient donc dans son atmosphère nocturne particulièrement lugubre avec deux tueurs professionnels qui se détestent mutuellement mais qui sont obligés de travailler ensemble sur un job qu’ils croyaient facile. Le métrage vaut surtout pour ses quelques montées de tension – la fusillade introductive, la séquence avec le barrage policier, la confrontation finale dans le champ des derricks – sa direction d’acteur impeccable et son final particulièrement sanglant. On retiendra particulièrement ici le personnage solitaire de Roy Scheider, parfait en malfrat vieillissant avec un fond humain, le jeune Travis espérant ainsi exploiter son humanité enfouie pour parvenir à ses fins – cf. la scène où l’enfant rend l’appareil auditif à Cohen – Hélas, le film sera très mal distribué et passera quasiment inaperçu à sa sortie en salles en 1988 – Difficilement trouvable, le film n’a toujours pas été édité en DVD à l’heure actuelle - A noter pour finir que le script est calqué sur celui de la nouvelle « The Ransom of Red Chief » d’O. Henry (1910), curieusement non-crédité au générique malgré une histoire assez similaire.

Prévue initialement pour Elmer Bernstein, la musique de « Cohen and Tate » sera finalement confiée à Bill Conti, qui saisit l’occasion d’écrire une nouvelle partition à suspense dans la continuité de ses travaux sur « F/X », « Nomads » ou « A Prayer for the Dying ». Le score est enregistré aux studios de la MGM avec une petite formation orchestrale d’une cinquantaines de musiciens, réunissant une trentaine de cordes, une harpe, deux pianos, 7 cors et des percussions (timbales). A noter ici l’absence de bois afin d’accentuer la noirceur du film et son atmosphère nocturne. Le film débute sur une excellente ouverture particulièrement impressionnante, un « Main Title » brutal et agressif dévoilant le thème principal de piano associé au jeune Travis dans le film (à 0:19). La tension monte crescendo et aboutit à une coda brutale avec ses traits rapides de cordes quasi baroques, ses pianos martelés dans le grave et ses glissandi brusques de cors et de cordes. Spectaculaire, le « Main Title » annonce d’emblée la couleur. Dans « The Hit », Bill Conti nous plonge très vite dans une atmosphère de suspense glauque à l’aide de notes répétées de piano et de cordes dissonantes. Connu pour ses partitions mélodiques et classiques, Conti prend ici le contre-pied de ce qu’il fait habituellement et opte pour une approche avant-gardiste/atonale assez impressionnante dans le film, notamment dans l’emploi des cordes dissonantes. La scène de la fusillade au début du film permet à Conti d’accentuer le jeu brutal et violent de l’orchestre, notamment dans les cordes, les cors, les pianos et les timbales. « The Hit » se conclut par ailleurs sur une atmosphère de menace et d’urgence avec un jeu intéressant sur les cordes d’un piano préparé. « Wounded » propose un jeu intéressant de cordes en sul ponticello, accentuant ici la violence imprévisible de Tate, tandis que Cohen est illustré dans la musique par l’emploi caractéristique du cor (à 1:17), instrument noble évoquant le semblant d’humanité qui habite encore le vieux tueur à gage.

« Tail Lites » reprend le thème de piano du petit Travis, englué cette fois-ci dans les dissonances de cordes, les effets de sourdine des cors et les notes répétées de harpe, débouchant sur un nouveau sursaut orchestral où le thème de l’enfant est repris de manière ample et pressante par des cordes puissantes sur fond de notes rapides de piano. On retrouve ici le style classique habituel de Bill Conti, notamment dans la manière dont le thème est développé ici de façon conséquente par les cordes sur un contrepoint de piano très réussi, pour la séquence où Travis tente de s’échapper en traversant l’autoroute. Dans « It’s Them », les dissonances s’accentuant avec l’emploi des sourdines aux cors, des pizzicati menaçants et des timbales agressives. Conti suggère ici un climat de poursuite avec ses rythmes incisifs de piano, cordes et cuivres, ces différents instruments étant ici traités comme des percussions avec les timbales. « It’s Really Them » accentue la tension alors que Travis, qui se trouve à bord du véhicule d’un policier, reconnaît Cohen et Tate et se fait à nouveau kidnapper. Dans « Roadblock », Conti illustre la séquence du barrage policier avec une allusion au thème de Cohen aux violoncelles dès 0:08. Ici aussi, le compositeur parvient à maintenir la tension et le suspense avec une écriture très nerveuse et pesante de l’orchestre. A noter à 2:40 l’emploi mystérieux de notes de harpe doublées par un glockenspiel, créant un climat plus particulier à l’écran sur fond de staccatos pesants des violoncelles/contrebasses. On bascule ensuite dans l’action avec le brutal et survolté « Kaboom », accompagné d’un piano agité, de cordes hystériques et de cors survoltés. L’écriture de Bill Conti devient ici plus complexe, plus virtuose, offrant du fil à retordre aux musiciens de l’orchestre. A noter la superbe reprise du thème de Cohen à 0:45 par un unisson de cordes puissantes.

Le reste du score s’évertue ainsi à faire monter la tension, entrecoupé de sursauts orchestraux d’une rare violence. Le cor soliste associé à Cohen revient au début de « Travis is Right », tandis que les notes de harpe/glockenspiel évoquent plutôt l’enfant et le jeu psychologique auquel il se livre avec son ravisseur. « Round to Tate » illustre quand à lui la séquence de l’affrontement avec Tate lors du dernier acte du film. Conti accentue ici la violence de la scène avec son martèlement de timbales/piano et ses cordes dissonantes et agitées. Le thème de Cohen revient ensuite dans « Help Me » avec un autre crescendo de tension belliqueux, débouchant sur le superbe « The Final Battle » et ses allusions aux traits rapides de cordes baroques du « Main Title », pour la confrontation finale avec Tate. Le morceau se conclut de manière tragique et brutale, un climax particulièrement intense où Bill Conti fait preuve d’un savoir-faire musical remarquable, comme d’habitude. Enfin, Bill Conti se fait plaisir en reprenant le thème de Cohen dans une fugue baroque à la manière de J.S. Bach au cours du « End Title » (non utilisé dans le film), et qui rappelle la somptueuse fugue qu’il composa pour le générique de fin de « Rocky » en 1976. Ainsi s’achève l’écoute de la partition de « Cohen and Tate », un score agressif, sombre et intense écrit pour une formation orchestrale minimaliste, mais qui s’avère particulièrement puissante et brutale sur les images. Le score de « Cohen and Tate » est peut être l’un des plus sombres que Bill Conti ait écrit dans les années 80 et probablement l’un des plus impressionnants dans le registre des thrillers, même si l’ensemble n’a rien de follement original ni d’extrêmement mémorable. La musique apporte une noirceur ahurissante aux images du film d’Eric Red, le tout ponctué des quelques touches classiques si chères au compositeur, et notamment lors de la fugue conclusive, un bien bel exercice de style typique de Bill Conti. Un score mineur dans la filmographie du compositeur, mais qui gagne à être redécouvert grâce à l’album d’Intrada publié en 2010 !



---Quentin Billard