1-April, 1945 4.15
2-The War Is Not Over 1.48
3-Fury Drives Into Camp 1.51
4-Refugees 2.42
5-Ambush 2.07
6-The Beetfield 7.59
7-Airfight 3.05
8-The Town Square 2.18
9-The Apartment 0.59
10-Emma 2.36
11-Tiger Battle 6.18
12-On The Lookout 3.04
13-This Is My Home 3.43
14-Machine 3.22
15-Crossroads 8.06
16-Still In This Fight 3.39
17-I'm Scared Too 3.46
18-Wardaddy 2.39
19-Norman 2.51

Musique  composée par:

Steven Price

Editeur:

Varèse Sarabande 302 067 308 8

Album produit par:
Steven Price
Producteur exécutif:
Robert Townson
Direction de la musique
pour Sony Pictures:
Lia Vollack
Orchestre:
The Philharmonia Orchestra, London
Conduit par:
Allan Wilson
Orchestrations:
David Butterworth
Préparation musique:
Jill Streater
Voix:
Lisa Hannigan, John Smith
Enregistrement score:
Sam Okell
Mixage:
Gareth Cousins
Montage musique:
Del Spiva
Supervision musique:
Season Kent, Gabe Hilfer
Producteur exécutif musique:
James Gibb
Music Business & Legal:
Charles M. Barsamian
Coordination musique:
Chris Piccaro
Services musicaux:
Cutting Edge

Artwork and pictures (c) 2014 CTMG. All rights reserved.

Note: ***1/2
FURY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Steven Price
David Ayer s’est fait connaître en tournant une série de polars rugueux et réalistes dans les années 2000, incluant « Harsh Times » (2005), « Street Kings » (2008), « End of Watch » et le thriller « Sabotage » (2014) avec Arnold Schwarzenegger, qui sera un échec au cinéma. Ayer décide alors de relancer sa carrière en s’essayant pour la première fois au film de guerre avec « Fury », tourné en 2014. Le film retrace l’histoire de cinq soldats américains à bord d’un char M4A3E8 Sherman à la fin de la Seconde Guerre Mondiale en Allemagne, évoquant le récit méconnu de ces divisions blindées qui se livrèrent à de terribles affrontements contre des chars Tigres allemands supérieurs et bien plus robustes, mais construits en trop grande quantité par le Troisième Reich. L’histoire débute donc en Avril 1945, durant les derniers mois de la Seconde Guerre Mondiale. Le sergent Don « Wardaddy » Collier (Brad Pitt) dirige le char M4 Sherman baptisé « Fury » avec ses hommes, le tirailleur Boyd « Bible » Swan (Shia LaBeouf), le chargeur Grady « Coon-Ass » Travis (Jon Bernthal) et le conducteur Trini « Gordo » Garcia (Michael Pena). Après la mort de leur ancien chargeur « Red » au cours d’une précédente bataille, l’équipe se voit adjoindre les services d’une jeune recrue, Norman Ellison (Logan Lerman), qui est chargé de remplacer l’ancien chargeur tué au combat. Seule ombre au tableau : Norman a une formation de dactylographe et n’a jamais demandé à rejoindre l’équipe de Wardaddy. Il n’a par ailleurs aucune expérience réelle au combat. Norman découvre ainsi le quotidien de l’équipe de Wardaddy, qui voue une haine farouche aux Waffen-SS qu’il traque sans relâche partout où il passe. Mais l’inexpérience de Norman finit par menacer la sécurité de l’équipe et des missions qu’ils doivent accomplir. Au cours d’un affrontement avec des jeunes soldats allemands qui attaquent le convoi de blindés américains avec un Panzerfaust, Norman ne parvient pas à tirer sur les ennemis. Plus tard, Norman refuse d’exécuter un officier nazi et provoque la colère de Wardaddy, excédé par le manque de courage et de témérité du jeune soldat. Le sergent décide alors de forcer Norman à abattre l’allemand en plaçant un pistolet dans ses mains. Peu de temps après, l’équipe arrive dans un village allemand où les américains abattent plusieurs ennemis. Wardaddy et Norman cherchent alors à un appartement dans lequel ils peuvent souffler quelques minutes et vont faire la connaissance de deux jeunes allemandes, Irma et sa jeune cousine Emma, qui ne laisse guère Norman indifférent. Peu de temps après, le bâtiment est détruit par un tir d’artillerie allemand, tuant ses deux occupantes, ce qui provoque la détresse de Norman, traumatisé parce qu’il vit et voit au quotidien. Peu de temps après, l’équipe de Wardaddy se voit attribué une importante mission très dangereuse : empêcher les allemands de franchir une route en occupant un emplacement stratégique en plein milieu de la campagne.

David Ayer a donc conçu « Fury » comme un film de guerre différent, évoquant un épisode méconnu de la Seconde Guerre Mondiale, celui des chars américains à la fin de la guerre, alors que le régime nazi est aux bords du gouffre et que les soldats allemands tentent de sauver la face en affrontant férocement des troupes américaines épuisées par des années de guerre. Le réalisateur souhaitait ainsi rendre hommage à ces équipes de divisions blindées américaines en supériorité numérique mais malheureusement mal équipées par rapport aux puissants chars Tigres allemands, et qui subiront de très lourdes pertes à la fin de la guerre. Pour concevoir le film dans lequel Brad Pitt s’est investi particulièrement – il est co-producteur du film – l’équipe de tournage a décidé de rencontrer des vétérans de la 2de Guerre Mondiale afin de retranscrire le plus fidèlement possible l’histoire de ces hommes qui durent braver mille dangers à la fin de la guerre. Autre intérêt du film : l’histoire se déroule pour une fois en Allemagne, fait plutôt rare pour un film de guerre hollywoodien qui se place selon le point de vue des alliés. On y découvre ici l’endoctrinement et le fanatisme des S.S. – notamment au cours d’une longue et épuisante bataille finale entièrement filmée la nuit, longue et éprouvante – et la chute d’un régime en perdition, face à une armée américaine qui n’en peut plus et souhaite finir la guerre le plus rapidement possible. « Fury » tente ainsi de démystifier l’armée américaine et le patriotisme habituel dans ce type de production, même si le film prend une tournure plus héroïque lors d’un dernier acte un peu inégal, qui contredit ce qui a été raconté auparavant. Avec un discours anti-militariste assez convenu et sa dénonciation d’un conflit meurtrier, barbare et inhumain, « Fury » possède de nombreux atouts en dehors d’un scénario sans grande surprise.

Ayer compense l’ensemble par une réalisation impressionnante, ponctuée de séquences grandement mémorables, notamment celle où le M4 Sherman de l’équipe à Wardaddy affronte un Tigre allemand dans un champ, une scène d’anthologie pure ! Violent et sans concession, « Fury » rappelle la dimension tragique et humaine du conflit avec ses personnages brisés, rongés par la haine de l’autre et le goût du sang, tandis que le jeune Norman, soldat naïf et idéaliste brillamment incarné ici par Logan Lerman, va découvrir l’horreur de la guerre bien malgré lui – on saluera au passage les performances de Brad Pitt et Shia LaBeouf - Le propos du film semble d’ailleurs assez clair : malgré de bonnes intentions et toute la bonne volonté du monde (la scène plus pacifique avec les deux jeunes filles allemandes), la guerre provoque ce qu’il y a de plus mauvais en l’homme et les amène aussi à se dépasser eux-mêmes. On aurait simplement aimé une fin légèrement plus nuancée dans le propos mais l’ensemble tient parfaitement la route grâce à une réalisation sidérante de réalisme, des scènes de bataille d’une rare violence et des séquences absolument magistrales, comme celle avec le char Tigre dans le champ ou la longue séquence de la mission finale de l’équipe à Wardaddy, teintée d’une sombre fatalité qui semble en dire long sur l’issue du conflit. David Ayer renouvelle ici avec le registre du film de guerre hollywoodien en le débarrassant de sa glorification militariste du Golden Age tout en navigant entre les contradictions de son sujet – une dénonciation de la guerre sous toutes ses formes, mais aussi une évocation de la bravoure et de l’héroïsme des soldats américains dans les situations les plus difficiles – et si le film n’atteint pas les hauteurs du « Saving Private Ryan » de Spielberg, il n’en demeure pas moins l’un des meilleurs films de guerre de la décennie, en passe de devenir une nouvelle référence du genre !

La partition musicale de Steven Price est à coup sûr l’un des éléments les plus positifs de « Fury ». Remarqué en 2013 avec sa partition pour « Gravity » d’Alfonso Cuaron, le compositeur anglais s’est très rapidement retrouvé sous le feu des projecteurs, le film l’amenant directement sur « Fury » en 2014, signant sa première collaboration à un film de David Ayer. La musique de « Fury » est confiée aux bons soins des musiciens du Philharmonia Orchestra de Londres, une grande chorale, les vocalises des solistes Lisa Hannigan et John Smith, le piano de Philip Collin, la harpe de Marion Morris, les percussions d’Alasdair Malloy et le violoncelle de Will Schofield, sans oublier l’inévitable partie électronique plus moderne. A la première écoute, on est frappé par la cohérence et la force de la musique de Price à l’écran : bien plus aboutie que celle de « Gravity », la partition de « Fury » s’avère mieux structurée, mieux développée, notamment dans sa façon d’évoquer la machine allemande en marche à travers ces impressionnantes parties chorales évoquant les troupes nazies. Dès « April 1945 », Price débute sa partition avec un premier morceau mélangeant des sonorités synthétiques évoquant des bruitages mécaniques – ceux des tanks – avec un orchestre dominé par les cordes et les cuivres, des rythmes rock menaçants et des choeurs scandés machinalement en allemand, accompagnés de samples plus modernes. Il règne dans la musique une ambiance sonore chaotique et pleine de fureur évoquant clairement le tumulte de la 2de Guerre Mondiale. « War Is Not Over » confirme l’orientation sonore choisit par le compositeur et développe ses parties chorales en alternant chuchotements et paroles scandées là aussi mécaniquement, quasiment mot à mot. Les polyphonies vocales sont ici plutôt intéressantes, apportant une certaine personnalité à la musique de « Fury ».

Le thème principal est régulièrement développé par les cordes, évoquant le combat du tank Sherman contre les chars Tigres allemands. On découvre le thème dès « April 1945 » à partir de 0:46, puis on le retrouve vers la fin de « War Is Not Over » ou au violoncelle au début de « Fury Drives Into Camp », où il prend l’apparence d’une marche lente et funèbre, avec les vocalises féminines, le violoncelle soliste et des cordes amples. Il règne dans ce morceau une certaine gravité, amplifiée par un travail de sound design un peu envahissant – le défaut habituel de Steven Price – mais néanmoins très présent. Dans « Refugees », le compositeur accentue les rythmes électroniques modernes et les choeurs masculins avec ces moments plus éthérés centrés autour du groupe de musiciens solistes – vocalises féminines, violoncelle, piano – Dans « Ambush », Steven Price illustre l’une des premières scènes d’attaque du film en développant le sound design électronique et des cordes plus agressives. On ressent ici aussi une tension dramatique très présente à l’écran, évitant toute forme d’héroïsme pour évoquer davantage les tourments de l’équipage de Wardaddy et les horreurs auxquelles ils sont régulièrement confrontés au cours de leurs missions. « The Beetfield » accompagne la scène de l’attaque dans le champ vers la première demi heure du film. Price nous livre un morceau d’action aux rythmes électroniques modernes marchant directement sur les plates-bandes de l’écurie Remote Control, avec une multiplication de cuivres énergiques, de rythmiques synthétiques et de choeurs guerriers scandés syllabe par syllabe pour évoquer les immenses colosses de métaux qui s’affrontent.

L’ambiance devient plus éthérée dans « Airfight » où les sonorités synthétiques planantes et les notes de violoncelle apportent une gravité supplémentaire tandis que les choeurs résonnent inlassablement en fond sonore pour évoquer l’armée allemande. Le piano suggère un début de paix dans « The Apartment » alors que Wardaddy et Norman s’installent dans l’appartement des deux jeunes allemandes le temps d’un répit bien mérité. Le violoncelle devient plus élégiaque et poignant dans « Emma » évoquant le drame et les pertes humaines de la guerre. Price développe ici un thème dramatique qui sera très présent durant la dernière partie du film, suggérant la tragédie d’un conflit barbare et meurtrier dans lequel les êtres humains perdent leur âme. La musique est malheureusement moins intéressante lorsque le compositeur retombe dans de la musique d’action électro moderne à la Hans Zimmer dans « Tiger Battle », formidable séquence où le char américain affronte le Tigre allemand dans le champ durant 6 minutes particulièrement intenses mais guère originales, largement boostées par une partie chorale quasi opératique. Plus dramatique, « Machine » reprend le thème dramatique de la guerre avec le retour du trio piano/violoncelle/voix, probablement l’un des plus beaux passages de la partition de « Fury ». « Crossroads » évoque le combat final contre les troupes de S.S. sur le chemin où le tank de Wardaddy tombe en panne. Steven Price nous offre ici 8 minutes d’action pure et dure dans la continuité de « Tiger Battle » ou « The Beetfield », combat qui se prolonge dans « Still in this Fight » et « I’m Scared Too », qui nous font ressentir l’idée du sacrifice et du courage des soldats américains qui se battront jusqu’à la mort. Enfin, « Norman » reprend une dernière fois le thème dramatique de piano associé à Norman et à la guerre, pour une conclusion tragique et poignante.

Steven Price livre donc avec « Fury » un score d’action plutôt sombre et dramatique, qui vaut autant par son utilisation de choeurs scandés de manière particulière pour suggérer l’armée allemande que ses moments plus élégiaques et vibrants où Price utilise judicieusement les musiciens solistes entre deux passages d’action tonitruants. La musique de « Fury » apporte une énergie et une émotion considérable aux images du film de David Ayer, même si l’on regrette parfois le côté très hollywoodien des passages d’action, qui manquent de personnalité et lorgnent un peu trop du côté de Remote Control et des productions Hans Zimmer. Ceux qui ont apprécié les moments plus emphatiques et élégiaques de « Gravity » apprécieront à coup sûr le travail du compositeur britannique sur « Fury », qui reste l’un de ses meilleurs travaux à ce jour sans être un chef-d’oeuvre en soi. Le score sait se montrer inventif lorsqu’il utilise les parties chorales de manière fort intéressante mais a bien plus de mal à nous convaincre dans ses morceaux plus belliqueux qui n’apportent rien de neuf au genre. Ainsi donc, les fans de Steven Price ne devront pas passer à côté de sa musique pour « Fury », en attendant des partitions bien plus audacieuses et personnelles de la part du compositeur !



---Quentin Billard