1-Prologue/Main Title 3.20
2-Guild Report 0.55
3-House Atreides 1.44
4-Paul Atreides 2.22
5-Robot Fight 1.23
6-Leto's Theme 1.47
7-The Box 2.41
8-The Floating Fat Man (The Baron) 1.16
9-Departure 1.14
10-The Trip To Arrakis 2.40
11-Sandworm Attack 2.52
12-The Betrayal/Shields Down 4.31
13-First Attack 2.49
14-The Duke's Death 2.06
15-Sandworm Chase 2.39
16-The Fremen 3.08
17-Secrets of Fremen 2.25
18-Paul Meets Chani 3.08
19-Destiny 2.57
20-Riding the Sandworm 1.27
21-Reunion With Gurney 1.42
22-Prelude (Take My Hand) 1.02
23-Paul Takes The Water of Life 2.52
24-The Sleeper Has Awakened! 3.24
25-Big Battle 3.09
26-Paul Kills Feyd 1.55
27-Final Dream 1.25
28-Dune (Desert Theme) 5.34
29-Dune Main Title-Demo Version 1.25
30-Take My Hand 2.43

Musique  composée par:

Toto

Editeur:

P.E.G. Recordings PEG015

Produit par:
David Paich, Ford A. Thaxton
Musique produite par:
Toto
"Prophecy Theme" composé par:
Brian Eno
Orchestre:
The Vienna Symphony Orchestra
The Vienna Volksoper Choir

Dirigé par:
Marty Paich, Allyn Ferguson
Musique additionnelle de:
Marty Paich

Artwork and pictures (c) 1984 Universal Studios. All rights reserved.

Note: ****1/2
DUNE
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Toto
Véritable film maudit des années 80, « Dune » est aussi un film culte incontournable de cette décennie. Film de jeunesse de David Lynch tourné alors que le cinéaste n’a que 36 ans et seulement deux films à son actif (« Eraserhead » et « Elephant Man »), « Dune » est une vaste superproduction adaptée du roman éponyme de Frank Herbert, qui fait partie du « Cycle de Dune », roman paru en 1965. Pour bien comprendre le film, il faut d’abord évoquer sa genèse particulièrement chaotique. L’aventure débuta au début des années 70 lorsque le producteur Arthur P. Jacobs acheta les droits du livre d’Herbert par le biais de son studio Apjac International. Un temps prévu pour David Lean, le projet fut vite abandonné à la mort de Jacobs en 1973. En 1975, les droits passent sous la houlette du studio français Caméra One de Jean-Paul Gibon et Michel Seydoux, qui décident de confier le projet à Alejandro Jodorowsky. La production s’avère totalement démesurée : ambitieuse et pharaonique, la pré-production du film, qui réunit de grands artistes d’horizons divers – Jean Giraud, Dan O’Bannon, H.R. Giger, Chris Foss – un casting démentiel (Mick Jagger, Orson Welles, Salvador Dali, David Carradine, Amanda Lear) et une musique prévue pour les groupes Pink Floyd et Magma, se termine en échec cuisant pour Jodorowsky. Le studio adorait les concept arts et les croquis préparatoires mais n’appréciait pas le cinéaste chilien, aussi connu pour ses nombreuses bandes dessinées conçues aux côtés de Jean Giraud alias « Moebius ». Dès lors, les droits passent ensuite dans les mains de l’italien Dino De Laurentiis en 1976. Après une première ébauche de scénario conçu par Frank Herbert lui-même en 1978, réécrit par la suite par Rudy Wurlitzer, le film est confié à Ridley Scott qui venait tout juste de sortir du succès colossal de « Alien » en 1979. Hélas, après un an passé à travailler sur « Dune », le réalisateur apprend le décès de son frère aîné Franck et décide de se retirer du projet (il travaillera peu de temps après sur « Blade Runner » en 1981). La famille De Laurentiis choisit finalement le jeune David Lynch pour réaliser « Dune ». C’est Raffaella De Laurentiis qui aurait choisi elle-même Lynch après avoir vu « Elephant Man » en 1980, convaincue que le jeune cinéaste était l’homme de la situation – Lynch semblait pourtant peu motivé par le projet au départ, et apparemment peu intéressé par la science-fiction – Après avoir travaillé six mois sur le script aux côtés d’Eric Bergen et Christopher De Vore, David Lynch – qui venait de refuser de faire « Return of the Jedi » pour le compte de George Lucas, considérant qu’il n’aurait pas suffisamment de liberté sur ce film – remania le scénario de nombreuses fois et la production débuta quelques mois après. Hélas, le tournage sera du même acabit : long, difficile et éprouvant.

« Dune » est tourné au Mexique aux studios de Churubusco afin de réduire les coûts de production – la main d’oeuvre y était moins chère à l’époque – mais l’équipe de tournage doit supporter de grosses chaleurs, une pollution importante et l’altitude des lieux de tournage. Au même moment, alors que Lynch et ses équipes tournent « Dune », une autre production De Laurentiis se déroule à quelques mètres des studios de Churubusco, « Conan the Destroyer » de Richard Fleischer, tourné quant à lui en un temps record. Les deux équipes sont mêmes obligées de se partager les décors et le lieu de tournage, contraignant l’équipe de David Lynch à des compromis complexes sur le tournage. Par la suite, Lynch s’attellera à un long travail de montage à partir d’un premier cut de 4 heures, une durée jugée inexploitable par le studio Universal et la famille De Laurentiis, qui impose à Lynch des coupes drastiques pour réduire le film à une durée plus raisonnable en vue d’une exploitation au cinéma. Au final, le film sera réduit à 2h15, mettant de côté bon nombre de scènes et de détails imaginés à l’origine par Lynch. Hélas, malgré tous ses efforts, le film sort en salles en 1984 et sera très mal reçu par la critique, en plus d’être un échec financier cuisant (sur un budget de 45 millions de dollars, le film n’en rapportera qu’à peine 30 !). Dino De Laurentiis perdra beaucoup d’argent suite à l’échec de « Dune » et David Lynch refusera par la suite de reparler de ce film qu’il considère comme son unique « échec artistique » dans toute sa filmographie. Pourtant, lorsqu’on y regarde d’un peu plus près, « Dune » est pourtant une oeuvre phare du cinéma de science-fiction américain des années 80. Avec des moyens conséquents, Lynch retranscrit un univers futuriste original et très ambitieux pour l’époque, qui condense une partie du livre d’Herbert au grand dam des puristes – l’auteur lui-même avouera quand même avoir beaucoup apprécié le film de Lynch – Visuellement stupéfiant, le film est porté par une étrange beauté baroque qui propose une vision d’un monde futuriste inconnu, délaissant la technologie habituelle (ici, pas d’ordinateur comme dans les films de science-fiction classiques !) pour une approche empruntée autant à la bande dessinée européenne des années 70 qu’au style plus rococo des films des années 40/50 ou à l’esthétique New Age des années 80. Il faut saluer ici le travail remarquable de Freddie Francis, le directeur de la photographie qui avait déjà travaillé sur le « Elephant Man » de David Lynch en 1980.

L’histoire, fort complexe, est résumée dans le monologue introductif de l’actrice Virginia Madsen, dont les yeux verts hypnotisants nous invitent clairement à un voyage fantastique au-delà de mondes inconnus et mystérieux. En l’an 10191, l’univers, gouverné par l’empereur Padishah Shaddam IV (José Ferrer), est le théâtre d’un affrontement sans merci entre plusieurs factions ennemies pour l’exploitation de l’épice, une substance rarissime et précieuse qui se trouve sur la planète Arrakis, source de toutes les convoitises des différents mondes. L’épice est utilisée par le conglomérat de la Guilde Spatiale pour voyager à travers l’espace et ne se trouve que sur Arrakis, surnommée « Dune » à cause de ses immenses dunes de sable et son climat aride et hostile. Le Duc Leto Atreides (Jürgen Prochnow) a repris le contrôle de la planète après la domination de ses principaux rivaux, les Harkonnens. Mais la Guilde Spatiale complote avec l’Empereur pour détruire la maison des Atreides et récupérer l’exploitation de l’épice sur Arrakis. L’Empereur compte ainsi utiliser la maison des Harkonnens pour renverser les Atreides et dominer Arrakis. La Guilde exige aussi que Paul Atreides (Kyle MacLachlan), le jeune fils de Leto, soit tué, car il représente une menace pour la Guilde et l’Empire tout entier. Le jeune Paul multiplie les rêves prophétiques et découvre des endroits et des personnes dont il ignore tout mais qui hantent ses rêves. Paul est au centre des préoccupations des Bene Gesserit, un ordre politique et religieux dominé par la révérende Mère Gaius Helen Mohiam (Sian Phillips), dont la tâche consiste à former l’élu, un être suprême connu sous le nom de Kwisatz Haderach. Paul passe d’ailleurs avec succès le test de la boîte aux supplices, et ce au grand étonnement de Mère Mohiam. Pendant ce temps sur la planète industrielle Giedi Prime, le Baron Vladimir Harkonnen (Kenneth McMillan) et ses neveux Glossu Rabban (Paul Smith) et Feyd-Rautha (Sting) complotent pour s’emparer du pouvoir sur Arrakis et détruire les Atreides en manipulant un traître qui se dissimule parmi leurs ennemis. Les Atreides quittent alors leur planète natale de Caladan pour partir sur Arrakis, à l’intérieur d’une cité ultra protégée entourée de grandes dunes de sable habitées par de gigantesques vers des sables. Les natifs d’Arrakis sont appelés les Fremen et vivent dans le désert. Ces derniers ont répandu une mystérieuse prophétie annonçant la venue d’un Messie qui les libèrera à tout jamais de l’oppression. A son arrivée sur Arrakis, le Duc Leto Atreides comprend qu’il peut s’allier aux puissants Fremen, mais les Harkonnens lancent une attaque brutale sur la cité des Atreides et prennent alors le pouvoir. Seul Paul et sa mère Jessica (Francesca Annis) parviennent à s’échapper et se retrouvent piégés dans le désert. Ils font alors la connaissance des Fremen et deviennent alors leurs nouveaux alliés. Surnommé Muad’Dib, Paul s’impose rapidement comme le nouveau leader charismatique du peuple de Dune et initie les Fremen à l’art étrange, un pouvoir particulier développé par les Atreides qui utilisent les sons comme une arme redoutable capable de tuer leurs ennemis.

Véritable fresque épique construite à la manière des péplums des années 50, « Dune » emprunte autant au cinéma de science-fiction de l’époque post-« Star Wars » qu’à l’imagerie du cinéma américain des années 50/60 et des grandes fresques épiques de David Lean – les grandes dunes de sable d’Arrakis évoquent clairement le « Lawrence of Arabia » de Lean – pour un résultat hybride absolument époustouflant. Le film a malheureusement beaucoup vieilli, ses effets spéciaux sont plutôt dépassés mais fonctionnent encore parfaitement dans l’ensemble, notamment lors de séquences ahurissantes avec les vers géants, magnifiquement conçus par l’artiste italien Carlo Rambaldi, déjà auteur des animations de la tête du monstre dans le « Alien » de Ridley Scott en 1979. On appréciera aussi les maquillages de l’italien Giannetto De Rossi et la création d’un univers étrange et décalé, entre séquences oniriques magnifiées par l’utilisation impressionnante de voix off – censées évoquer les pensées intérieures des personnages, comme s’ils communiquaient par télépathie avec le spectateur, quoique l’on pense davantage ici à un procédé purement littéraire – et des scènes bizarres et grotesques, comme toutes les séquences avec le maléfique Baron Harkonnen, un être absolument répugnant, couvert de pustules, avec un physique atroce et qui voue une fascination quasi incestueuse pour ses neveux, et en particulier pour Feyd-Rautha – cf. scène où le Baron observe son neveu de manière quasi lubrique, avec une connotation homosexuelle évidente – On retrouve ici les thématiques chères à David Lynch avec sa galerie de personnages pervers et détraqués comme on en voit régulièrement dans ses films : la scène où le Baron agresse sexuellement un jeune serviteur et répand son sang partout est assez dérangeante et en dit long sur les ambitions de Lynch. Avec des séquences étrangement gores et décalées – cf. scène où Paul ouvre les entrailles de son adversaire à travers son cri tétanisant à la fin du film - le film est assez atypique, oscillant entre différentes références hétéroclites qui, une fois mélangées, forment un tout très particulier et quasiment jamais-vu à l’époque.

Au niveau du casting, le film s’impose par la présence du jeune Kyle MacLachlan, amené à devenir l’acteur fétiche de David Lynch. Le prestigieux casting du film réunit ainsi Francesca Annis, Brad Dourif, José Ferrer, Linda Hunt, Richard Jordan, Jürgen Prochnow, Virginia Madsen, Everett McGill, Jack Nance, Patrick Stewart, Sian Phillips, Max von Sydow, Sean Young ou bien encore Dean Stockwell, sans oublier la très jeune Alicia Witt dans l’un de ses tous premiers rôles au cinéma – elle interprète la jeune soeur de Paul à la fin du film - Mais l’un des acteurs les plus impressionnants du film reste sans aucun doute Sting, célèbre chanteur du groupe Police qui voit ici son rôle réduit à une poignée de minutes mais qui s’impose par son regard de fou ou lors de son fameux duel final avec Paul Atreides. Brassant les genres avec une rare inventivité, « Dune » nous propose de très belles séquences de bataille (malheureusement techniquement peu maîtrisées en raison de moyens plus limités), des scènes oniriques fabuleuses et aborde ses thèmes religieux en évoquant une imagerie spirituelle empruntée à différentes pensées – on pense autant au christianisme (la venue prophétique d’un Messie qui libèrera l’humanité toute entière) qu’aux religions musulmanes – le surnom Fremen « Muad’dib » que reçoit Paul est emprunté à l’arabe et signifie « éducateur » - notamment lorsqu’il est question de la guerre sainte menée par les Fremen et qualifiée de « Djihad » dans le film. Certes, il y a des raccourcis regrettables et certaines scènes sont trop vite expédiées – la romance entre Paul et Chani est bâclée et peu passionnante. L’arrivée de Paul et Jessica chez les Fremen a perdu en intensité par rapport au livre. Le film passe sous silence les nombreux tests que Paul devra subir pour rejoindre le peuple Fremen et convaincre ses nouveaux alliés de devenir leur nouveau leader – mais « Dune » s’avère être malgré tout une franche réussite handicapée par quelques effets spéciaux un brin dépassés (les surimpositions et les matte paintings souffrent de problèmes de colorimétrie typique de l’époque) et un scénario parfois très complexe, qui nécessite une attention de tous les instants sous peine de quoi le spectateur risque de passer à côté de certains détails nécessaires à la compréhension de l’histoire. On sait que David Lynch considère ce film comme une grosse erreur et ne veut plus en entendre parler, et malgré l’accueil négatif du film à sa sortie en 1984, « Dune » est devenu au fil du temps un vrai film culte de cette décennie, une oeuvre à part dans le cinéma de science-fiction américain à découvrir aussi à travers une édition longue reprenant certaines scènes coupées pour la version cinéma, même si à l’heurte actuelle, il n’existe toujours aucun Director’s Cut du film.

L’une des idées de génie de David Lynch sur « Dune » est d’avoir envisagé de confier la musique de son film à un groupe de rock alors très en vogue au début des années : Toto. Le procédé n’était pas nouveau puisqu’on se souvient que Michael Mann avait déjà fait appel au groupe Tangerine Dream sur « The Keep » l’année d’avant (en 1983), sans oublier toutes les participations du groupe italien Goblin aux films de Dario Argento à la fin des années 70. Toto est quand à lui un groupe de rock américain fondé en 1977 et constitué de Joseph Williams au chant – il s’agit du fils de John Williams - David Paich aux claviers, Steve Porcaro aux claviers, Steve Lukather aux guitares, Leland Sklar à la basse et Shannon Forrest à la batterie. Le groupe s’est fait connaître en mélangeant différents styles musicaux (jazz, soul, pop, funk, R&B, blues) et connaîtra son premier grand succès avec l’album « Toto IV » en 1982. Reprenant une idée précédemment instaurée par Jodorowsky, qui souhaitait engager Pink Floyd et Magma pour écrire la musique de « Dune », David Lynch se tournera ainsi vers les musiciens de Toto pour écrire la musique de son film, épaulés par le musicien électro Brian Eno qui signera le « Prophecy Theme » du film avec Daniel Lanois et Roger Eno. Le score de « Dune » est un vaste travail de collaboration incluant la partie rock enregistrée avec les membres de Toto et une partie orchestrale enregistrée avec les musiciens de l’orchestre de Vienne et les choeurs du Vienna Volksoper Choir, le tout sous la direction de Marty Paich – le père du claviériste David Paich – Si les musiciens de Toto incluent quelques éléments rock et électroniques plus modernes dans le score de « Dune », on reste frappé ici par l’approche résolument orchestrale et assez classique de la musique de « Dune », là où on se serait attendu à quelque chose de beaucoup plus rock pour le film.

Sans opter pour autant pour le style symphonique space opera de John Williams, Toto aborde « Dune » avec une poignée de thèmes faisant office de leitmotive musicaux, à commencer par le thème principal, fameux motif de 4 notes évoquant l’idée de la guerre pour l’épice et la conquête de la planète Arrakis. Le thème est dévoilé par les choeurs épiques dans le « Prologue/Main Title » dès 1:50 en ouverture du film, sur fond d’orchestrations grandioses, de guitare électrique et d’arpèges rapides de synthétiseur – à noter que la version de l’album de 1984 omettait curieusement les choeurs – Ce thème évoque clairement l’idée de la bataille et restera l’un des motifs les plus mémorables de la musique de « Dune ». Le deuxième thème, plus fréquemment utilisé dans le film, est un motif de cordes harmoniques et lentes associé aux Atreides dans le film. On le reconnaît par ses accords mystérieux et planants de cordes entendu dès le « Prologue » et régulièrement utilisé dans le film, associé à Paul, Leto Atreides ou ses proches (on devine ici une vague influence des harmonies spatiales du « Alien » de Jerry Goldsmith). Le thème des Atreides est très présent durant la première heure du film : on le retrouve notamment dans « House Atreides », « Paul Atreides », « The Trip to Arrakis » ou « Departure » (parfois même superposé à des allusions au thème de la bataille). Le duc Leto a droit à son propre thème, « Leto’s Theme », moins présent dans le film mais qui se distingue par son écriture plus noble et nostalgique des cordes sur fond d’harmonies plus touchantes. Le thème de Leto se caractérise aussi par sa composition plus classique et le jeu des cordes. Un morceau comme « Departure » accompagne par exemple la séquence du départ des Atreides pour l’avant-poste sur Arrakis à l’aide d’une reprise grandiose du thème des Atreides à travers une envolée orchestrale d’un classicisme impressionnant, très éloigné des travaux rock habituels du groupe Toto.

L’autre grand thème du score, c’est celui associé aux Fremen, le peuple guerrier des sables d’Arrakis. Le thème est aussi connu sous le nom « Desert Theme », présenté en fin d’album dans une version rock/électro typique des années 80. On entend le thème joué par une flûte en écho et de mystérieuses vocalises féminines éthérées au début de « Secrets of the Femen », où l’on devine tout le mysticisme religieux du peuple d’Arrakis, auquel Paul Atreides, devenu Muad’dib, prêtera main forte dans son combat contre les Harkonnens et la domination de l’empereur. Un autre thème est entendu brièvement aux cordes à 1:58 dans « Secrets of the Femen », thème associé à la destinée et la quête initiatique de Paul, devenu le leader des Fremen. On retrouve le thème du désert au début de « Paul Meets Chani » tandis que le thème de la destinée est largement développé à partir de 1:21, avec les cordes doublées ici par un synthétiseur plus cristallin et des voix éthérées. Il s’agit par ailleurs de l’un des plus beaux thèmes du score de « Dune », apportant une dimension spirituelle et mystique aux images des séquences sur Arrakis dans la dernière partie du film, alors que Paul devient un Fremen à part entière et accomplit la prophétie. Ce magnifique thème est aussi repris dans « The Duke’s Death », pour la scène de la mort de Leto, alors que Paul est amené à un accomplir un grand périple qui sauvera la face de l’univers. La partition de « Dune » s’oriente aussi vers d’autres styles comme l’étrange « The Floating Man » (scène où le baron Harkonnen tue l’un de ses jeunes serviteurs) avec ses traits baroques imitant l’écriture des toccatas de Bach avec des synthétiseurs, ou les morceaux d’action comme « Sandworm Attack » avec ses rythmes martiaux plus imposants. La première bataille entre les Atreides et les Harkonnen sur Arrakis est illustrée dans « First Attack », superbe morceau d’action reprenant le thème principal de 4 notes avec une utilisation inventive d’un ensemble de percussions. A ce sujet, on appréciera « Robot Fight » pour la scène où Paul s’entraîne avec la machine de combat vers le début du film, morceau employant quasiment exclusivement des percussions boisées pour arriver à ses fins.

« Riding the Sandworm » reprend le motif en notes descentes introduit dans « The Fremen » pour la séquence où Paul dompte le gigantesque ver des sables et montre aux Fremen comment contrôler les créatures. Le morceau introduit ici la partie rock avec sa guitare électrique plus majestueuse et sa coda triomphante. « Big Battle » est quand à lui l’un des morceaux-clé du score, accompagnant la bataille finale du film avec son ostinato rythmique de piano aisément reconnaissable. « Big Battle » repose essentiellement sur une série de variations autour du thème principal guerrier de 4 notes accompagné d’orchestrations belliqueuses et de percussions tonitruantes - Ne loupez pas à 2:43 la superbe envolée héroïque magnifiée par un tutti orchestral/choral magistral ! – Enfin, « Paul Kills Feyd » accompagne le combat final entre Paul et Feyd avec des percussions entêtantes avant de déboucher sur une reprise magnifique et grandiose du thème de la destinée dans « Final Dream », alors que la prophétie de Paul est enfin accomplie. A ce sujet, on mentionnera par la même occasion le « Prophecy Theme » composé par Brian Eno, pas vraiment mémorable dans le film, mais qui se distingue par son utilisation d’harmonies planantes de synthétiseurs new age typique des 80’s. « Dune » reste donc une partition de très grande qualité, probablement l’une des plus belles musiques de film de science-fiction des années 80, une oeuvre majeure qui parvint rapidement à acquérir son statut de partition culte du cinéma au fil des années, et ce malgré l’échec du film en 1984.

Représentée à trois reprises en édition discographique, la partition a malheureusement souffert d’une qualité d’enregistrement médiocre, à commencer par l’album de 84 avec son mix étouffé, ou la réédition de 1997 et ses erreurs audio monumentales (et notamment une distorsion impardonnable sur certaines pistes), ainsi qu’une absence notable du « Prophecy Theme ». La troisième version datant de 2001 reprenait le contenu de celle de 97 avec un mix correct mais il subsistait encore quelques problèmes de son, et cette édition fut très vite épuisée et introuvable. Aussi incroyable que cela puisse paraître, la partition de « Dune » n’a jamais été rééditée depuis, et on attend toujours une intégrale digne de ce nom de cette oeuvre-clé du groupe Toto, avec un mixage corrigé et nettoyé. D’une point de vue cinématographique, « Dune » proposa en 1984 une autre approche musicale du cinéma de science-fiction, à mi-chemin entre l’esthétique symphonique post-John Williams et des exigences artistiques plus contemporaines héritées de la variété et du rock. Plus que n’importe quelle autre musique de film de cette époque, « Dune » réussit l’exploit de concilier ces deux mondes musicaux pour magnifier les images du film de David Lynch, sans perdre de vue un plaisir d’écoute constant et une véritable envie de proposer quelque chose d’inédit, un résultat hybride étonnant pour l’époque, qui influencera bon nombre de partitions à venir : une oeuvre maîtresse de la musique de film des années 80, incontournable !



---Quentin Billard