The Album

1-Distant Memories 5.04
2-Dwayne's Letters 2.45
3-Faraway Thoughts 3.59
4-Three Generations (Piano Solo) 2.49
5-The Letter Home 2.37
6-In Country 6.52
7-Emmett 2.30
8-The Vietnam Memorial 2.11
9-Fallen Friends 10.04

The Extras

10-First Flashback 0.54
11-Finding Photo 0.46
12-Just A Country Boy 1.12
13-The Vietnam Memorial 1.03
14-Three Generations
(Piano With Orchestra) 2.48
15-Family Supper 1.14
16-Family Supper 1.15
17-The Storm 2.33

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Intrada Special Collection Vol. 230

Musique produite par:
James Horner
Producteurs exécutifs:
Douglass Fake, Roger Feigelson
Consultant projet:
Lukas Kendall
Orchestrations:
James Horner, Greig McRitchie
Mixage score:
Shawn Murphy
Montage musique:
Jim Henrikson
Solos trompette:
Malcolm McNab
Assistante de production:
Regina Fake

American Federation of Musicians.

Artwork and pictures (c) 1989/2013 Warner Bros. Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ****
IN COUNTRY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Sujet particulièrement prisé par le cinéma américain entre les années 70 et 90, la guerre du Viêt-Nam a intéressé beaucoup de cinéastes, avec des résultats parfois inégaux. S’il y a eu des pamphlets anti-militaristes célèbres (notamment chez Oliver Stone, Francis Ford Coppola, Stanley Kubrick ou Michael Cimino) il y a eu aussi des films plus primaires exploitant la fibre patriotique des américains (« Rambo II », « Missing in Action »). C’est ainsi que Norman Jewison s’intéressa à son tour au sujet en réalisant « In Country » - Un héros comme tant d’autres – comédie dramatique mettant en scène la jeune Emily Lloyd face à un Bruce Willis dans un rôle à contre-emploi, alors que l’acteur sortait tout juste du succès colossal de « Die Hard ». Le film s’inspire du roman de Bobbie Ann Mason et raconte l’histoire de Samantha Hughes (Emily Lloyd), une jeune fille de 17 ans qui vient tout juste de décrocher son diplôme de fin d’études secondaires et réfléchit à son avenir. Samantha n’a jamais connu son père Dwayne (Daniel Jenkins) qui est au mort au Viêt-Nam à l’âge de 21 ans, quelques jours avant sa naissance. Tandis que sa mère Irene (Joan Allen) a refait sa vie avec un autre homme à Lexington dans le Kentucky, Samantha vit avec son oncle Emmett Smith (Bruce Willis) dans sa petite maison située dans une banlieue de la ville d’Hopewell. Un jour, Samantha tombe sur des vieilles photos et des affaires ayant appartenues à son père. Obsédée à l’idée d’en savoir plus sur lui, Samantha va commencer à parler à Emmett et l’inciter à lui révéler ses souvenirs du Viêt-Nam, alors que le vétéran désabusé tente au contraire d’oublier cet épisode sombre de son passé. Réalisant que personne ne veut lui parler de cette période noire de l’histoire des Etats-Unis, Samantha se sent perdue, incapable d’avancer dans sa vie. Elle décide d’harceler Emmett en le poussant dans ses derniers retranchements et cherche aussi à parler à ses camarades du Viêt-Nam encore en vie à l’heure actuelle, alors qu’une réunion des vétérans a lieu dans quelques jours.

« In Country » évoque ainsi le thème du syndrome de stress post-traumatique qui toucha les vétérans de la guerre du Viêt-Nam à leur retour aux Etats-Unis dès 1975. Le sujet était fréquemment traité à cette époque au cinéma, avec des films évoquant non seulement l’intégration difficile des anciens du Viêt-Nam de retour chez eux (« First Blood » en 1982) ou le cauchemar vécu par des vétérans qui tentent d’exorciser leur démon (« Jacknife » avec Robert De Niro en 1989). C’est dans ce contexte que sort « In Country », un film malheureusement passé inaperçu à sa sortie au cinéma en 1989 et quelque peu tombé dans l’oubli par la suite. Pourtant, le long-métrage de Norman Jewison possède plus d’un atout et s’inscrit dans la continuité des meilleurs films du genre : tout d’abord, un casting de qualité réunissant la jeune actrice britannique Emily Lloyd (révélation du « Wish You Were Here » de David Leland en 1987, à tout juste 15 ans !), un Bruce Willis inattendu dans un rôle bien différent de celui de « Die Hard » tourné l’année précédente, ou une galerie de seconds rôles majeurs incluant Joan Allen, Kevin Anderson, Stephen Tobolowsky, Jim Beaver ou John Terry (qui avait déjà joué dans un autre film sur le Viêt-Nam, « Full Metal Jacket », en 1987). On saluera ici une direction d’acteur impeccable, Jewison privilégiant un jeu plus naturel et nuancé, filmant avec réalisme ces personnages égarés et tourmentés, hantés par un passé traumatisant qu’ils tentent d’oublier.

Bruce Willis incarne ainsi un vétéran déraciné, qui tente de reprendre goût à la vie mais se voit contraint par sa jeune nièce de replonger dans les horreurs du Viêt-Nam, incapable dès lors de tourner la page. L’histoire s’apparente à un besoin cathartique de faire la paix avec son passé et de démarrer une nouvelle vie après avoir vécu le pire. Quand à Emily Lloyd, elle incarne une jeune fille qui symbolise un concept clé de la philosophie existentialiste : mieux connaître son passé pour pouvoir appréhender son avenir. A sa sortie en salles au cinéma, le film de Norman Jewison peinera à convaincre complètement le public : le cinéma américain était quasi saturé à cette époque de productions évoquant un sujet similaire à la fin des années 80. « In Country » aura d’ailleurs le malheur de sortir quelques temps après les « Rambo » et autre « Missing in Action », qui cristalliseront à eux seuls l’idéologie reaganienne des Etats-Unis et les relents patriotiques et militaristes de ces productions, à une époque où le cinéma souhaitait davantage soulager les consciences qu’amener les spectateurs à s’interroger sur les multiples conséquences de ce conflit. Pourtant, « In Country » est un drame vibrant et touchant, qui n’a certes pas l’envergure d’un grand film – cela reste une production mineure dans la filmographie de Norman Jewison – mais demeure pourtant un très beau film sur la vie des anciens du Viêt-Nam et le besoin de faire la paix avec son passé pour pouvoir reconstruire son existence.

La partition musicale de James Horner reste l’un des éléments les plus remarquables de « In Country ». Devenu l’un des compositeurs les plus influents et les plus respectés du cinéma hollywoodien dans les années 80, James Horner était particulièrement occupé en 1989, avec pas moins de 5 films à son actif : « Dad », « Honey, I Shrunk the Kids », « Glory » et « Field of Dreams ». « In Country » était en quelque sorte l’antithèse de « Glory », évoquant à son tour un conflit américain célèbre mais avec des moyens plus limités et une approche beaucoup plus intimiste. Compositeur des émotions humaines et des sentiments, James Horner saisit l’occasion d’exprimer tout son art du lyrisme et du classicisme musical dans « In Country », évoquant les souvenirs d’un père qu’une fille n’a jamais connu ou les souvenirs d’un traumatisme du passé, des thématiques difficiles qu’Horner aborde avec justesse et respect dans sa musique, comme il savait si bien le faire. La musique est utilisée avec parcimonie dans le film, souvent écrite pour un ensemble instrumental minimaliste, sans envolées mélodramatiques mais avec plusieurs instruments solistes. L’écoute sur l’album d’Intrada nous permet par ailleurs d’apprécier le travail d’Horner dans son intégralité, construit sous la forme de morceaux plus longs et beaucoup mieux développés que dans le film lui-même. Comme toujours avec le compositeur, la musique de « In Country » résonne de par ses harmonies tonales, ses orchestrations typiquement classiques et son goût très prononcé pour les mélodies et une certaine poésie propre au musicien américain, sans oublier ce ton éminemment élégiaque empreint d’un profond respect pour tous ceux qui sont tombés au Vietnam.

Le film et l’album s’ouvre sur « Distant Memories » au son de la trompette du vétéran Malcolm McNab et quelques roulements de caisse claire – empruntés à « Aliens » - On retrouve ici les tics habituels du compositeur, notamment dans l’écriture en duo des cors, des harmonies classiques de cordes ou de la tenue d’un synthétiseur lointain et discret en fond sonore, des sonorités familières chères au musicien et à ses fans. « Distant Memories » annonce clairement le style de certaines musiques qu’Horner composera dans les années 90 : on sent déjà ici les prémisses de « Braveheart », « Courage Under Fire », « Apollo13 », « To Gillian on her 37th Birthday » ou « Legends of the Fall ». A 1:52, Horner introduit le thème mélancolique de la fin de l’innocence de Samantha, jeune ado qui, à l’aube de ses 18 ans, aborde la vie avec difficulté, handicapée par son obsession pour son père, un thème touchant et intime dévoilé ici à la trompette. La musique évoque clairement l’idée de la mémoire, le poids du passé. Le thème principal de « In Country » est entendu dans « Faraway Thoughts » à la guitare à 0:48, et restera associé tout au long du film à la jeune Samantha et sa relation avec son oncle Emmet : il s’agit par ailleurs d’un thème très récurrent dans le film et aisément mémorisable, apportant une émotion et une grande délicatesse à chacune de ses apparitions à l’écran. Vient ensuite le thème de Dwayne, le père de Samantha, introduit dès « Dwayne’s Letters » et qui se distingue par sa mélodie basée sur un groupe de 3 notes, dévoilé au début du morceau par un piano puis repris par des vents en duo. Horner parvient ici à reprendre le thème principal des souvenirs, le thème de Dwayne et le thème de trompette (associé au Vietnam), travaillant chaque mélodie qu’il n’hésite pas à superposer avec une grande retenue et une certaine émotion. Dans « Faraway Thoughts », Horner introduit un autre thème au piano, le thème de l’introspection de Samantha, qui se laisse envahir par son obsession concernant le père qu’elle n’a jamais connu.

Horner illustre la scène où Irène révèle à Samantha tout ce dont elle se souvient au sujet de Dwayne avec une grande retenue dans « Three Generations (Piano Solo) » : ne ratez pas la reprise du thème principal par le piano à 0:55, un moment de pure beauté dans la partition de « In Country ». Dans « The Letter Home », Samantha lit les lettres de son père et tente alors de s’imaginer ce qu’il a vécu au Vietnam et quelle a été sa vie à l’époque. La trompette vient apporter ici une ambiance élégiaque avec un nouveau rappel au thème principal des souvenirs dans un très bel arrangement pour basson, cordes et harpe, suivi du thème de la fin de l’innocence pour guitare et trompette. Horner utilise ses musiciens solistes avec un savoir-faire remarquable, chaque instrument se relayant avec grâce pour laisser la partition respirer, jouant sur l’introspection, les sentiments des personnages et la façon dont chacun se retrouve confronté à son passé, à ses propres souvenirs. A l’opposé de tout ce que l’on a entendu précédemment, « In Country » évoque un flash-back du Vietnam à l’aide de sonorités électroniques étranges et de samples graves et menaçants. On retrouve clairement ici le style plus synthétique qu’emploie occasionnellement James Horner dans certaines de ses musiques des années 80/90 (on pense notamment à « Vibes » ou, plus tard, « Class Action » et « Thunderheart »). Les effets sonores menaçants d’une flûte shakuhachi évoquent ici les décors du Vietnam sur fond de nappes synthétiques tendues et de trompette lointaine. Horner parvient à faire monter habilement la tension avec quelques percussions électroniques plus agressives et les effets de la shakuhachi, pour la scène de la mort de Dwayne, tué au combat. Le morceau se termine sur une reprise agonisante du thème principal par un piano fragile et délicat, alors que Dwayne meurt lentement : du très grand art de la part d’Horner, qui démontre en 6 minutes sa capacité à construire une ambiance, développer ses idées et apporter une émotion sincère et authentique à sa musique, sans jamais en faire de trop.

« Emmet » est un prolongement de « Dwayne’s Letter » : on y retrouve le thème de Dwayne, les roulements de caisse claire, la guitare et la shakuhachi alors que Samantha pousse Emmet dans ses retranchements et l’oblige à se souvenir du Vietnam. Ces différents éléments sonores se mélangent ici habilement, évoquant les tourments d’Emmet, qui cherche à oublier un passé qui le hante depuis des années, en quête d’une rédemption qu’il ne parvient pas à trouver. Le thème de trompette revient dans « The Vietnam Memorial » et rappelle l’idée du souvenir, du devoir de mémoire, tandis que le film se termine sur les 10 minutes intenses et bouleversantes de « Fallen Friends », le climax émotionnel de « In Country » et l’un des plus beaux morceaux que James Horner ait écrit pour le cinéma dans les années 80. Le compositeur évoque ici la scène où Samantha, Emmet et sa grand-mère se rendent ensemble au mémorial du Vietnam à Washington afin de permettre à Emmet de faire la paix avec son passé en retrouvant le nom de ses camarades morts au combat, tandis que Samantha retrouve le nom de son père sur une dalle du mémorial. Malgré la longueur conséquente du morceau, Horner parvient à capter toute l’essence et l’émotion de la scène en récapitulant les différents thèmes de la partition dans un développement orchestral conséquent, élégiaque et poignant. A 7:02, les cordes s’envolent pour un nouveau segment mélodique lyrique et passionné annonçant clairement la musique du film « Legends of the Fall » (1994). Impossible de rater dès lors la reprise du thème de la fin de l’innocence aux cordes et à la shakuhachi à 7:50, symbolisant l’idée de la rédemption, alors qu’Emmet et Samantha font la paix avec leur passé.

L’album d’Intrada nous présente par ailleurs une douzaine de minutes supplémentaires en guise d’extra, retrouvées sur l’un des masters originaux de la Warner Bros. Il s’agit essentiellement de variations mineures sur des thèmes du score, apparemment mis de côté à l’époque par James Horner et son ingénieur son Shawn Murphy, qui avaient semble-t-il préparé une sélection de 39 minutes pour une édition LP en 1989, qui ne vit jamais le jour. Parmi les pistes bonus, on peut découvrir une démo intitulée « Family Supper », contenant la phrase B du thème principal au piano sur fond de cordes synthétiques, ainsi qu’une autre musique électronique et menaçante avec les effets sonores de la shakuhachi (« The Storm ») pour la scène où Emmet, poussé à bout par Samantha au cours d’une tempête, grimpe dans un arbre et hurle vers le ciel comme un fou. « In Country » s’avère donc être une partition de très grande qualité et un incontournable dans la filmographie de James Horner. Ecrite en 1989, cette musique résume à elle seule tout l’art du compositeur et s’avère importante pour comprendre l’évolution musicale du musicien dans les décennies suivantes. Si vous aimez le Horner de « Braveheart », « Courage Under Fire », « To Gillian », « The Spitfire Grill », « Apollo13 », « Deep Impact ou « Legends of the Fall », vous apprécierez à coup sûr « In Country », une partition poignante et bouleversante sur le devoir de mémoire, l’importance d’être en paix avec son passé pour pouvoir avancer vers son avenir. Plus que jamais, James Horner rappelait dès la fin des années 80 qu’il était le compositeur des sentiments humains à Hollywood, livrant un travail remarquable magnifiquement représenté sur l’album d’Intrada qui dévoile l’intégralité de sa musique : un must de James Horner, en somme !



---Quentin Billard