1-Arrivée au Quai d'Orsay 2.15
2-Le bureau d'Arthur 1.39
3-La routine 1.17
4-Maupas 0.48
5-Résolution d'un conflit 1.06
6-Sandwich réflexion 0.42
7-Stabylo 1.23
8-La course du ministre 1.10
9-Arrivée à New York 1.00
10-Oubanga 2.06
11-Manuel de résolution des crises 1.51
12-Réveil d'urgence 2.10
13-Discours à l'ONU 4.43

Egalement inclus:

14-Les nuits d'une Demoiselle
(Thierry Fremont) 0.45
15-Les nuits d'une Demoiselle
(Colette Renard) 2.27
16-Step On The Gas!
(Jöel Daydé/Bertrand Burgalat) 3.55
17-Girl In Your Raindrop
(Jöel Daydé/Bertrand Burgalat) 3.40
18-Arrow in The Wall
(Jöel Daydé/Bertrand Burgalat) 3.13

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Quartet Records SM029

Produit par:
Philippe Sarde
Orchestré et conduit par:
Dominique Spagnolo
Montage musique:
Cécile Coutelier
Ingénieur son:
William Flageolet
Mixage musique:
Dominique Spagnolo

(c) 2013 Pathé Production/Little Bear. All rights reserved.

Note: ***1/2
QUAI D'ORSAY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Adapté d’une bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac, « Quai d’Orsay » est le nouveau long-métrage de Bertrand Tavernier, sorti en salles en 2013. Le film est une redoutable satire de la vie politique française, s’intéressant plus particulièrement au fonctionnement du ministère des Affaires étrangères dont les locaux se trouvent au n°37 Quai d’Orsay dans le septième arrondissement de Paris. On y suit les péripéties d’Arthur Vlaminck (Raphaël Personnaz), un jeune diplômé de l’ENA qui vient tout juste d’être engagé par Alexandre Taillard de Worms (Thierry Lhermitte), le ministre de droite des Affaires étrangères. Le rôle d’Arthur consiste à écrire les discours du ministre : il devient ainsi le « chargé de langage » du chef de la diplomatie française. Très vite, le jeune Arthur réalise que son travail ne sera pas de tout repos : le directeur de cabinet, Claude Maupas (Niels Arestrup), est un personnage-clé au flegme incomparable. Les différents conseillers du ministère multiplient les coups bas à l’encontre d’Arthur – car c’est comme cela que cela fonctionne ici l’informe l’un des responsables du ministère – qui agissent par ambition et intérêt. Quand à Alexandre Taillard de Worms, il s’avère être un ministre hyper-actif amoureux fou des beaux mots – il récite à tout bout de champ les Fragments d’Héraclite – qui traverse les couloirs du ministère en claquant les portes et en faisant voler les papiers dans tous les sens. Installé dans un coin de bureau où il est constamment dérangé par les allées et venues du ministre et des occupants du Quai d’Orsay, Arthur va devoir s’armer de patience pour écrire ses discours, constamment remaniés par le ministre et ses conseillers. Fort heureusement, le jeune Arthur peut compter sur le soutien de sa compagne Marina (Anaïs Demoustier), une jeune institutrice de gauche, comme lui, à qui il raconte ses péripéties le soir venu, et dont il rigole de bon coeur.

Comédie survoltée qui reprend les grandes lignes de la bande dessinée « Quai d’Orsay », le film de Bertrand Tavernier est une plongée ahurissante et caricaturale dans le monde de la politique française. Le cinéaste réunit un casting conséquent et livre une comédie survoltée entièrement portée par un Thierry Lhermitte hystérique et bavard, qui parle sans arrêt – d’où cette scène amusante où le ministre, en plein dîner avec Molly Hutchinson (Jane Birkin), Prix Nobel de Littérature, reçoit par l’un de ses conseillers un petit mot sous la table lui demandant de la laisser parler ! – Le ministre semble brasser de l’air plus qu’il n’agit, mais Tavernier évite tout jugement et préfère montrer plutôt que condamner. Il s’agit avant tout de se moquer – sur un ton bon enfant – de la mécanique monstrueuse et pourtant bien huilée du fonctionnement du Quai d’Orsay, avec sa complexité administrative conséquente – l’omniprésence des nombreux conseillers – ses pièces au plafond trop bas et inadapté, ses couloirs interminables, ses protocoles à n’en plus finir, et bien évidemment ses nombreuses crises diplomatiques qui demandent un sang froid de tous les instants et un travail colossal assez inimaginable. Le film est par ailleurs assez réaliste et prend par moment des allures de film documentaire, bien que Tavernier opte davantage pour une approche quasi théâtrale en filmant de nombreuses scènes dans les mêmes décors (et quels décors !), avec quelques personnages plus extravertis et excentriques. Le film est par ailleurs bourré d’humour et de dérision, tandis que le ministre campé par Thierry Lhermitte est un hommage évident à Dominique de Villepin, qui fut ministre des Affaires étrangères sous Jacques Chirac entre 2002 et 2004. A ce sujet, le discours final de Taillard de Worms à la fin du film reprend mot pour mot un ancien discours de Villepin au Conseil de sécurité des Nations Unies en 2003 (on notera par ailleurs un petit clin d’oeil politique furtif avec un bref caméo de Bruno Le Maire dans son propre rôle vers le milieu du film).

Certains gags rappellent que le film de Tavernier est avant tout une satire pas vraiment méchante, tout en pointant du doigt certaines failles du fonctionnement des politiques français. On regrettera néanmoins les quelques longueurs d’un récit qui tourne parfois en rond (le film dure 1h53 mais aurait gagné en intérêt en réduisant sa durée à 1h30 ou 1h40 !), mais on appréciera la qualité d’un casting irréprochable, incluant un excellent Niels Arestrup en directeur de cabinet obligé de prendre régulièrement des aspirines, véritable patriarche du Quai d’Orsay et figure paternelle évidente pour le jeune Arthur Vlaminck – Arestrup sera par ailleurs récompensé du César du meilleur acteur dans un second rôle en 2014 – Au niveau des seconds rôles, on retrouve ici des têtes bien connues du cinéma ou de la télévision française : Bruno Raffaelli, Julie Gayet, Anaïs Demoustier, Thomas Chabrol, Thierry Frémont, Alix Poisson (connue pour sa participation à la série TV « Parents mode d’emploi »), Sonia Rolland, Didier Bezace ou bien encore Jane Birkin. Quand à Raphaël Personnaz – interprète de Marius dans le « Marius » et « Fanny » de Daniel Auteuil en 2013, qui avait déjà tourné dans un film précédent de Bertrand Tavernier, « La Princesse de Montpensier » en 2010 – il interprète avec brio un jeune diplômé de l’ENA, amoureux des lettres et des beaux mots, symbolisant la jeunesse française de gauche, mais dont les nerfs seront mis à rude épreuve par un ministre hystérique qui s’écoute parler, et des crises diplomatiques à n’en plus finir (incluant une brève scène assez réussie en Oubanga, durant laquelle le ministre va se confronter en personne à une population déchaînée), sans oublier l’inertie lassante des technocrates et un système administratif et politique beaucoup trop complexe. A l’inverse de son film « L.627 » (1992) qui évoquait de manière quasi documentaire le fonctionnement de la brigade des stups française, « Quai d’Orsay » est davantage une comédie théâtrale et burlesque où la dérision et l’absurdité des situations rivalisent avec la fougue d’un Thierry Lhermitte totalement déchaîné et épuisant.

Philippe Sarde retrouve à nouveau Bertrand Tavernier sur « Quai d’Orsay », après avoir signé les musiques de « L’Horloger de Saint-Paul » (1974), « Le Juge et l’Assassin » (1976), « Des enfants gâtés » (1976), « Coup de torchon » (1981), « Un dimanche à la campagne » (1984), « Les mois d’Avril sont meurtriers » (1987), « L.627 » (1992), « La Fille de D’Artagnan » (1994) et « La Princesse de Montpensier » (2010). Le score de « Quai d’Orsay » a été enregistré à Paris avec un ensemble instrumental incluant un orchestre à cordes, des vents, une basse (Ridardo Del Fra), un piano, des percussions (Jean Pierlot), un saxophone (Frédéric Couderd), une clarinette, une trompette et un didgeridoo brillamment interprété par Raphaël Didjaman, et qui apporte une couleur particulière à la partition. Le film débute au son de « Arrivée au Quai d’Orsay » qui impose une pulsation rythmique continue à l’aide de percussions, d’ostinatos de cordes/piano et d’un thème de trompette. Les orchestrations sont ici très soignées, Sarde privilégiant chaque pupitre et offrant un rôle à tous les instruments solistes du score. La musique repose sur ce premier thème évoquant l’arrivée du jeune Arthur Vlaminck au Quai d’Orsay au début du film, avec un sentiment d’effervescence largement véhiculé par l’emploi des différents instruments soutenus par l’ostinato de cordes, percussions et piano, et une écriture à la fois mélodique et très contrapuntique. « Le Bureau d’Arthur » évoque par ailleurs les premiers jours de travail d’Arthur au ministère des affaires étrangères avec une valse lente dominée par les cordes et les vents. A noter ici l’emploi impromptu du didgeridoo et des effets sonores de la flûte qui viennent apporter une couleur étrangement mystique aux images, comme pour apporter une touche d’humour inattendue à cette description d’un ministère où la vie bouillonne sans cesse entre les vas et viens incessants des occupants du Quai d’Orsay.

Dans « La Routine », Philippe Sarde évoque astucieusement la routine et le train-train dans la vie d’Arthur à l’aide d’un morceau vif et coloré dominé par le saxophone, les bois et les cordes. Ici aussi, on appréciera le côté extrêmement coloré des orchestrations et la façon dont le compositeur parvient à établir un dialogue musical entre chaque ligne mélodique des différents instruments. Dans « Maupas », Sarde évoque le flegme ahurissant du personnage de Niels Arestrup qui interprète un directeur de cabinet nonchalant et adepte des aspirines, non sans humour : on retrouve ici un marimba, un trombone et des cordes sur un nouveau tempo de valse lente, développant pour l’occasion un thème associé à Claude Maupas dans le film. A noter que la musique est utilisée avec parcimonie dans le film, essentiellement présente durant certaines scènes de montage ou pour les moments-clé de l’histoire, comme dans l’agité « Résolution d’un Conflit » avec ses trémolos effervescents de cordes ou son riff de basse. Les morceaux sont souvent très courts, permettant à Sarde de passer d’une ambiance à une autre sans jamais perdre de vue l’omniprésence des mélodies et de son jeu de couleurs instrumentales. On retrouve par exemple le thème principal d’Arthur dans « Sandwich Réflexion » tandis que « Stabylo » pastiche, non sans humour, le style des musiques de polar pour évoquer l’agitation incessante et les manies obsessionnelles du ministre Alexandre Taillard de Worms (et notamment son rituel qui consiste à stabyloter les phrases importantes de ses documents). De la même façon, « La Course du Ministre » évoque le marathon quotidien du ministre qui doit s’occuper des différents dossiers à longueur de journée à un rythme effréné. Sarde choisit par ailleurs de mettre ici l’accent sur les percussions, le didgeridoo, le piano, le basson et des cordes dissonantes à la limite du polar.

« Arrivée à New York » développe un thème bondissant de cordes sur un accompagnement rythmique de percussions, basse et effets sonores du didgeridoo. Philippe Sarde se montre ici particulièrement inventif et extravagant, n’hésitant pas à mélanger les styles et les sonorités pour arriver à ses fins, apportant un humour considérable au film. C’est notamment le cas dans « Oubanga » pour la scène du conflit africain, avec son utilisation plus nerveuse des vents et des percussions évoquant là aussi une musique de thriller, le tout englobé d’un second degré constant. Dans « Manuel de Résolution des Crises », le rythme devient tout aussi pressant tandis que « Réveil d’Urgence » accentue dans le film les harmonies plus dissonantes sans jamais en faire de trop ni se prendre trop au sérieux. Enfin, « Discours à l’ONU » accompagne le discours final d’Alexandre Taillard de Worms à l’ONU avec le retour du thème principal similaire à « Arrivée au Quai d’Orsay » : la boucle est bouclée ! A noter que l’album publié par Quartet Records nous propose en guise de bonus quelques chansons de Bertrand Burgalat extraites du film. Alors qu’il vient d’atteindre ses 70 ans, Philippe Sarde confirme une fois de plus avec ce très sympathique « Quai d’Orsay » qu’il reste l’un des plus talentueux compositeur du cinéma français, qui n’a rien perdu de son inspiration après avoir composé pendant près de 40 ans pour la toile française. On regrette simplement que le musicien soit devenu si rare ces dernières années – Sarde a avoué à plusieurs reprises ne pas apprécier l’évolution du cinéma français depuis les années 2000 – ce qui ne l’empêche pas de rester fidèle à ses cinéastes favoris comme Bertrand Tavernier, André Téchiné ou Jacques Doillon, pour qui il vient de composer la musique de « Rodin » en 2017.




---Quentin Billard