1-The Revenant Main Theme 2.41
2-Hawk Punished 2.14*
3-Carrying Glass 3.07**
4-First Dream 3.05**
5-Killing Hawk 3.49
6-Discovering River 1.11
7-Goodbye to Hawk 3.41
8-Discovering Buffalo 2.43**
9-Hell Ensemble 2.38
10-Glass and Buffalo Warrior Travel 1.51
11-Arriving at Fort Kiowa 1.21
12-Church Dream 2.38**
13-Powaqa Rescue 5.35***
14-Imagining Buffalo 2.39+
15-The Revenant Theme 2 1.54
16-Second Dream 1.13**
17-Out of Horse 3.57
18-Looking for Glass 2.51+
19-Cat & Mouse 5.42***
20-The Revenant Main Theme
Atmospheric 2.50
21-Final Fight 6.35++
22-The End 2.16
23-The Revenant Theme (Alva Noto Remodel) 4.00**

*Alva Noto & Bryce Dessner
**Ryuichi Sakamoto & Alva Noto
***Ryuichi Sakamoto & Alva Noto
& Bryce Dessner
+Bryce Dessner
++Ryuichi Sakamoto & Bryce Dessner.

Musique  composée par:

Ryuichi Sakamoto/Alva Noto

Editeur:

Milan Music 399 785-2

Monteurs musique:
Joseph S. DeBeasi, Richard Henderson,
Steven A. Saltzman, Curt Sobel,
Terry Wilson

Mixage score:
Conrad Hensel, Scott Michael Smith
Préparation musique:
Robert Puff
Producteur de l'album:
Stefan Karrer
Music clearance:
Christine Bergren

(c) 2015 Regency Entreprises/RatPac Entertainment/New Regency/Anonymous Content/M Productions/Appian Way/Alpha Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE REVENANT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ryuichi Sakamoto/Alva Noto
Cinéaste mexicain connu pour ses films régulièrement nominés aux Oscars comme « 21 Grams », « Babel », « Biutiful » ou « Birdman », Alejandro González Iñárritu s’est imposé en l’espace de quelques années comme un réalisateur talentueux possédant une certaine vision du cinéma, plus personnelle et subversive. Le cinéaste livre en 2015 l’un des meilleurs films de sa carrière, « The Revenant », librement adapté du roman « The Revenant : A Novel of Revenge » de Michael Punke publié en 2002, qui s’inspire de l’histoire vraie du trappeur américain Hugh Glass, qui réussit l’exploit de survivre à une violente attaque de grizzli en 1823 dans le Dakota du sud et rejoignit le Fort Kiowa à plus de 300 kilomètres en seulement six semaines. Le film se déroule exactement à la même époque. Hugh Glass (Leonard DiCaprio) sert de guide aux trappeurs du major Andrew Henry (Domhnall Gleeson), un officier de l’armée américaine qui possède une importante entreprise de fourrure, la Rocky Mountain Fur Company. Glass est accompagné de son fils Hawk (Forrest Goodluck), jeune homme à moitié Pawnee. Un jour, le campement est sauvagement attaqué par une troupe d’Arikara, des natifs américains qui vivent dans le Dakota du Nord. Glass suggère alors aux survivants de voyager à pied vers le Fort Kiowa plutôt que de suivre la rivière, ce qui risquerait de les rendre vulnérable. Peu de temps après, Glass est brutalement attaqué par un grand grizzli et laissé pour mort. L’un des trappeurs, John Fitzgerald (Tom Hardy), suggère que le groupe tue Glass pour abréger ses souffrances afin de repartir aussi tôt pour éviter d’être à nouveau attaqués par les Arikara. Le major Henry accepte de lui tirer une balle dans la tête mais change finalement d’avis à la dernière minute : il propose alors une prime supplémentaire à ceux qui resteront pour veiller auprès de Glass. Hawk, le jeune Jim Bridger (Will Poulter) et Fitzgerald acceptent finalement de rester, ce dernier étant surtout motivé par l’argent. Peu de temps après le départ du reste des trappeurs d’Henry, Fitzgerald tente de tuer Glass, mais Hawk le remarque, obligeant Fitzgerald à le poignarder à mort devant un Glass impuissant. Le lendemain matin, Fitzgerald réussit à convaincre Bridger que les Arikaras s’approchent de leur position et qu’ils doivent abandonner Glass à son sort. Bridger découvre alors, horrifié, que Fitzgerald lui a menti au sujet de Glass. A leur retour à Fort Kiowa, Fitzgerald prétend à Henry que Glass est mort et qu’Hawk a disparu. Pendant ce temps, Glass reprend peu à peu des forces et tente d’échapper aux Arikaras, qui recherchent Powaqua (Melaw Nakehk’o), la fille du chef de la tribu qui a été kidnappée. Au cours de son périple, Glass va faire la connaissance d’un indien Pawnee, Hikuc (Arthur Redcloud) qui lui révèlera une importante vérité : « la vengeance est entre les mains du seigneur ».

Iñárritu livre avec « The Revenant » un film fort, puissant et viscérale, une véritable expérience de survie qui va bien au-delà de tous les survivals que l’on a pu voir sur nos écrans ces dernières années. Entièrement filmé en lumière naturelle dans des décors sauvages exceptionnels – le film a été tourné à Calgary au Canada, dans le Montana aux Etats-Unis puis en Argentine pour les séquences finales dans la neige - « The Revenant » est une expérience cinématographique grandiose et bouleversante, qui doit beaucoup à la ténacité d’Iñárritu, qui a réussit à conserver sa vision de bout en bout à travers un tournage très éprouvant, dans des conditions extrêmes – DiCaprio racontera qu’il a du tourner un certain nombre de scènes qui furent les plus difficiles de toute sa carrière – qui mirent les nerfs de l’équipe technique à rude épreuve, à tel point que certains membres de l’équipe de tournage quitteront le projet tandis que d’autres seront simplement renvoyés. Souvent comparé aux oeuvres littéraires de James Fenimore Cooper et son incontournable « The Last of the Mohicans », « The Revenant » est davantage un film sur la survie et la relation entre un père et son fils, doublé d’une évocation des cultures amérindiennes du XIXe siècle et une histoire de vengeance et de rédemption qui pose la question de la moralité d’un tel concept. Comme le dit lui-même l’indien Pawnee qui aide Glass vers le milieu du film : « la vengeance est entre les mains du seigneur ».

Le film est aussi une exceptionnelle réussite technique : outre une photographie absolument remarquable (incluant des séquences de visions mystiques inspirées d’Andreï Tarkovski), le réalisme des séquences les plus extrêmes sont tout bonnement ahurissantes, il paraît même difficile de croire que tout cela n’est qu’illusion. Parmi les grands moments du film : l’affrontement brutal entre Glass et le grizzli, le massacre au début du film, la scène éprouvante où Glass, obligé de survivre dans la neige, se réfugie dans le cadavre d’un cheval qu’il éviscère pour pouvoir se cacher à l’intérieur, et bien entendu la confrontation finale avec Fitzgerald. « The Revenant » est par ailleurs un film dur et extrême, ponctué de séquences particulièrement sanglantes, où Iñárritu ne cherche jamais à glorifier la violence mais la montre de manière incroyablement réaliste, sans artifice, sans personnification aucune. Frôlant l’aspect documentaire, « The Revenant » est une formidable histoire de survie et de vengeance servie par un casting impeccable et l’interprétation extraordinaire de Leonardo DiCaprio et Tom Hardy – il faut néanmoins rappeler qu’un film au sujet totalement similaire était déjà sorti en 1971 : « Man in the Wilderness » de Richard C. Sarafian, lui aussi déjà inspiré de la vie d’Hugh Glass - Enorme succès au box-office 2015, le film se verra récompensé nominé 12 fois aux Oscars, où il remportera l’Oscar du meilleur réalisateur, du meilleur acteur pour DiCaprio et de la meilleure photographie pour Emmanuel Lubezki, sans oublier 3 Golden Globes aux Academy Awards (meilleur film dramatique, meilleur réalisateur et meilleur acteur dans un film dramatique).

La musique de « The Revenant » a été confiée au compositeur japonais Ryuichi Sakamoto, épaulé par le musicien allemand Alva Noto et le compositeur américain Bryce Dessner, qui a écrit la musique additionnelle du film. Véritable travail de collaboration, le score de « The Revenant » est en grande partie enregistré au Seattlemusic Scoring Stage à la prestigieuse chapelle Bastyr de Seattle avec les musiciens du Northwest Sinfonia dirigés par Sakamoto. La partie enregistrée par Bryce Dessner est quand à elle confiée à une formation berlinoise de 25 musiciens nommée « Stargaze » et conduite par André de Ridder. La bande originale est par ailleurs complétée par quelques musiques préexistantes réutilisées ici pour les besoin du film (et notamment la pièce symphonique « Become Ocean » de l’américain John Luther Adams créée en 2013). A la première écoute, la musique de « The Revenant » s’avère être un vrai travail de collaboration, la participation des uns se nourrissant de celle des autres pour un résultat parfaitement cohérent dans le film. Le récit débute sur les cordes hésitantes entrecoupées de silence du « Main Title », reconnaissable à ses harmonies tragiques de cordes à la fois minimalistes et tout en retenue. « Hawk Punished » utilise quand à lui d’étranges effets électroniques quasi expérimentaux nous plongeant dans une atmosphère très particulière à l’écran. De la même façon, « Carrying Glass » joue sur des effets sonores mixés de façon inventive (incluant des bruitages de souffle) et des drones pour un résultat résolument atmosphérique et étrangement mélancolique. Le travail des drones s’intensifie dans « First Dream » pour une scène où Glass fait son premier rêve. On notera ici le jeu particulier d’un violoncelle solitaire brillamment interprété avec délicatesse par Hildur Gudnadottir, entrecoupé de drones conçus par Alva Noto.

Dans « Killing Glass/Killing Hawk », Sakamoto évoque les méfaits de Fitzgerald avec le retour des drones et du thème principal de cordes de l’ouverture, traité ici à travers les expérimentations sonores d’Alva Noto. La musique nous plonge dans une ambiance froide reflétant les décors enneigés du film, avec quelques effets aléatoires de col legno des cordes qui semblent se répandre de façon abrupte dans la musique pour la scène où Fitzgerald tue Hawk. On nage clairement ici dans une ambiance assez onirique et surréaliste, dû en partie à la capacité des compositeurs à éviter toute approche hollywoodienne au profit d’une atmosphère musicale très particulière, hors des sentiers battus. Les cordes apportent une certaine chaleur au film dans « Discovering River », avec comme toujours des éléments électroniques vaporeux qui viennent se greffer aux parties orchestrales. Dans « Discovering Hawk », Sakamoto utilise les Ondes Martenot, instrument électronique rare brillamment interprété ici par Motoko Oya. Le timbre si particulier des Ondes Martenot apporte ici un certain mysticisme à la musique, et notamment pour la scène où Glass pleure sur le corps de son fils tué par Fitzgerald. La musique de « The Revenant » conserve ainsi une approche résolument atmosphérique, jouant sur les ambiances sombres, planantes et latentes, créant un sentiment de solitude, de survie, d’isolement à l’écran. Dans « Hell Ensemble », on retrouve ce jeu hésitant des cordes entrecoupées de silence, à la manière de l’ouverture. Ici aussi, il est question de la survie dans une nature impitoyable et primale, et la musique contribue grandement à l’écran à véhiculer cette sensation de manière fort naturelle, sans aucun artifice sonore particulier.

Le thème principal revient dans « Buffalo Travel », où les cordes sont remplacées par des pads synthétiques mystérieux et lointains. Le travail autour du sound design est ici intéressant et fort immersif, reflétant cette étrange mélancolie et cette froideur qui caractérise si bien la musique de « The Revenant ». Le violoncelle revient dans « Arriving Fort » pour l’arrivée au Fort Kiowa, suivi de la scène où Glass fait un rêve dans une église (« Church Dream »), morceau qui prend l’apparence d’un adagio de cordes poignantes et dramatiques. Les 5 minutes intenses de « Powaqa Rescue » illustrent quand à elles la scène où Glass part délivrer Powaqa kidnappée par les canadiens, avec une approche résolument atmosphérique, lente et intense. L’album nous présente par ailleurs un autre thème du score, « Revenant Theme », associé à Hugh Glass dans le film, évoquant sa volonté de survie et de vengeance. Le thème est dominé ici par un magnifique duo entre le piano et le violoncelle, qui apporte ici une gravité impressionnante et minimaliste à la musique. On appréciera aussi l’apport des Ondes Martenot dans « Out of Horse » qui contribuent au climat onirique et assez surréaliste de la musique, tandis que « Finding Glass » nous amène au dernier acte du film, et la traque avec Fitzgerald. « Finding Glass » s’avère par ailleurs brutal et sombre, tandis que « Cat & Mouse » suggère un climat de chasse à l’homme à l’aide de percussions diverses, de cordes frénétiques, de claquements de mains et de bourdonnements expérimentaux des synthétiseurs. Le combat final entre Glass et Fitzgerald est illustré dans les 6 minutes sombres et moroses de « Final Fight », dominé par ses percussions belliqueuses utilisées de manière fort inventive et en grande partie improvisées – on nage clairement ici dans une esthétique musicale avant-gardiste et contemporaine ! –

« The Revenant » s’avère donc être une partition très particulière, un travail de collaboration fort intéressant entre Ryuichi Sakamoto, Alva Noto et Bryce Dessner. Utilisée intelligemment à l’écran, la musique ne cherche pas à illustrer mais contribue davantage à l’ambiance générale du film, de par son esthétique résolument atmosphérique et son refus des conventions hollywoodiennes. Inventive et profondément immersive, la musique de « The Revenant » n’est certes pas le chef-d’oeuvre du siècle mais reste une partition impressionnante dans sa capacité à véhiculer des émotions avec finesse tout en jouant sur des textures sonores froides, perdues dans un océan de mélancolie et de solitude. La musique demeure minimaliste et retenue, évitant tout accès mélodramatique pour travailler davantage autour du silence. La musique évoque la nature sauvage et tente à son tour de représenter les grandes étendues enneigées du Dakota du sud, avec une intelligence et une certaine réflexion sur le rôle de la musique à l’écran, où le score est placé librement avec beaucoup d’adresse. On sait par ailleurs qu’Alejandro González Iñárritu a pris l’habitude de demander à ses compositeurs d’écrire des musiques d’ambiance non-conventionnelles, et le travail de Ryuichi Sakamoto et de ses collègues sur « The Revenant » ne fait pas exception à la règle : à découvrir sans plus tarder avec l’un des meilleurs films de l’année 2015 !




---Quentin Billard