1-Incubation 1.07
2-The Covenant 3.25
3-Neutrino Burst 2.57
4-A Cabin On The Lake 1.55
5-Sails 3.18
6-Planet 4 (Main Theme) 2.06
7-Launcher Landing 1.19
8-Wheat Field 1.39
9-Spores 2.17
10-The Med Bay 7.25
11-Grass Attack 3.16
12-Dead Civilization 2.51
13-Survivors 1.35
14-Payload Deployment 1.46
15-Command Override 1.47
16-Face Hugger 3.56
17-Chest Burster 1.24
18-Lonely Perfection 3.21
19-Cargo Lift 4.44
20-Bring It To My Turf 2.05
21-Terraforming Bay 3.02
22-Alien Covenant Theme 1.42

Musique  composée par:

Jed Kurzel

Editeur:

Milan Records 36838-2

Score produit par:
Peter Cobbin, Kirsty Whalley
Programmation musicale/ingénieur:
Matt Lovell
Orchestrations:
Hugh Brunt, Adam Langston,
James Brett, John Ashton Thomas

Orchestre:
London Contemporary Orchestra
Monteurs score:
Cécile Tournesac, Fiona Cruickshank
Préparation score:
Cécile Tournesac
Programmation MIDI:
David Menke, Jean-Gabriel Raynaud
Monteurs musique:
Tony Lewis, Arabella Winter
Theme from Alien
Composé par:
Jerry Goldsmith
Direction musicale pour
20th Century Fox:
Danielle Diego
Musique supervisée pour la
20th Century Fox:
Patrick Houlihan
Production musicale supervisée
pour la 20th Century Fox:
Rebecca Morellato
Business affairs pour
20th Century Fox:
Tom Cavanaugh
Music clearance pour
20th Century Fox:
Ellen Ginsburg
Coordination soundtrack pour la
20th Century Fox:
Joann Orgel
Producteurs exécutifs pour
Milan Records:
JC Chamboredon, Stefan Karrer
Manager de production:
Pablo Manyer

Artwork and pictures (c) 2017 Twentieth Century Fox Film Corporation. All rights reserved.

Note: ***
ALIEN COVENANT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jed Kurzel
« Alien Covenant » est la suite directe de « Prometheus » (2012), à nouveau réalisé par Ridley Scott et sorti en salles en 2017. Le film permet au réalisateur du légendaire « Alien » de se replonger dans la saga qu’il inaugura brillamment en 1979, suite à un « Prometheus » très inégal qui semble avoir fortement divisé le public et les critiques (« Prometheus » inaugurait une série de films ‘prequels’ censés raconter l’histoire avant « Alien »). L’histoire se déroule en 2104, des années après la catastrophe de la mission du Prometheus. L’USCSS Covenant, un vaisseau spatial de la Weyland-Yutani, se dirige vers la planète Origae-6 qui se trouve à l’autre bout de la galaxie afin d’y implanter une nouvelle colonie. Le vaisseau transporte ainsi 2000 colons en hibernation, 1000 embryons humains et un équipage composé d’une quinzaine de membres, incluant l’androïde Walter (Michael Fassbender), bâti sur le même modèle que son cousin David. Hélas, une importante avarie provoque la mort de plusieurs personnes à bord du vaisseau incluant le capitaine Jacob Branson (James Franco). Christopher Oram (Billy Crudup), le second en chef, décide de prendre les commandes du Covenant. Oram reçoit alors un mystérieux signal en provenance d’une planète inconnue qui se trouve sur leur trajectoire. Malgré les mises en garde de l’officier principal Daniels Branson (Katherine Waterston), la veuve du capitaine, Oram décide de se rendre sur la planète où l’équipage découvre l’épave du vaisseau de David et Shaw, qui s’est écrasé il y a plusieurs années. SPOILER - Persuadés d’avoir découvert un monde paradisiaque recouvert de forêts, de lacs et de champs de blé, l’équipage du Covenant va découvrir une bien sombre réalité : de mystérieux spores contaminent plusieurs membres de l’équipage et provoquent la naissance brutale d’un Néomorphe, une créature monstrueuse qui décime une partie de l’équipage. C’est alors que les survivants font la connaissance de David, l’androïde qui a survécu à l’expédition maudite du Prometheus. Ce dernier sauve les survivants et les ramène dans la cité des Ingénieurs recouverte de cadavres calcinés. David explique alors ce qu’il s’est passé il y a plusieurs années : le mystérieux liquide noir a été libéré par accident et a terrassé toute la civilisation des Ingénieurs. Oram découvre ensuite que David a conçu un gigantesque laboratoire biologique en créant une nouvelle race de xénomorphes – c’est lui qui est à l’origine de la création des aliens - Dès lors, les survivants du Covenant comprennent qu’ils sont en danger et doivent trouver un moyen de quitter cet enfer et de rejoindre le Covenant dirigé par le pilote en chef Tennessee (Danny McBride).

« Alien Covenant » est donc la suite directe de « Prometheus » et propose une relecture de la mythologie conçue par Ridley Scott à la fin des années 70 avec « Alien ». A 80 ans, le cinéaste n’a rien perdu de son talent de metteur en scène et nous livre un suspense spatial gore et intense qui s’interroge cette fois-ci sur le thème du créateur et de ses créations : jusqu’où peut-on aller pour créer ? Est-il possible de créer dans la destruction et le chaos ? SPOILER - Véritable variation sur le thème du « Frankenstein » de Mary Shelley – auquel le film fait référence au détour d’un dialogue très « littéraire » entre les deux androïdes Walter et David – « Alien Covenant » continue d’explorer l’idée des créateurs après les découvertes quasi religieuses de « Prometheus » (qui a crée la race humaine ? Dans quel but ?), en évoquant la chaîne ininterrompue de la vie : les Ingénieurs ont crée les humains, les hommes ont crée les androïdes, et l’androïde a crée les aliens, un cycle de création perpétuelle dans lequel chaque créateur a été dépassé à un moment ou un autre par sa création, le fameux pêché d’hubris des grecs ou l’orgueil de l’individu inspiré d’une démesure passionnée, qui tente de se prendre pour Dieu – la figure mythologique de David est plus que flagrante ici, comme le suggère cette scène introductive où l’androïde trouve son nom en observant la statue de David s’apprêtant à affronter le géant Goliath – et comme il ne peut y avoir qu’un seul Dieu qui gouverne au Paradis, David décide ainsi de détruire les autres dieux (les Ingénieurs) et d’imposer sa volonté sur ses créations, ayant pris conscience de son existence et de sa capacité à aller plus loin que les hommes (ses propres créateurs). Et parce qu’il a conscience des limites de son créateur Weyland et de ses congénères humains (qui vieilliront alors que lui réalise qu’il est immortel), David décide à son tour de donner la vie et de réaliser son potentiel, refusant de n’être qu’un simple faire-valoir des humains. Et comme dans « Frankenstein », la créature finit par se retourner contre le créateur, David devenant ainsi une sorte de Dieu maléfique et omnipotent qui veut nettoyer le monde de la race humaine pour concevoir une nouvelle forme de vie supérieure, plus puissante et plus apte à gouverner le nouveau monde.

Scénaristiquement, « Alien Covenant » est plutôt intéressant et s’inspire de la mythologie, de la musique et de littérature – les citations à Lord Byron et Mary Shelley, les références musicales à Richard Wagner – affichant un degré d’intelligence rare dans un blockbuster hollywoodien de la fin des années 2010. Pourtant, le film est bien loin d’être exempt de défaut, à commencer par une relecture trop chargée du premier « Alien » de 1979. Ridley Scott cède clairement aux sirènes du fan-service en remakant quasi plan par plan certaines scènes-clé de son chef-d’œuvre de 79 : on retrouve ainsi dans « Covenant » un homme et une femme tués ensemble par l’alien (comme Parker et Lambert vers la fin du premier film), une héroïne qui tente d’éjecter le xénomorphe dans l’espace, un autre personnage qui tente de brûler le monstre dans les moteurs en fusion du vaisseau, une scène d’exploration de l’épave, un mystérieux signal reçu par l’équipage du vaisseau (qui va justifier une expédition inattendue sur une planète inconnue), la traditionnelle scène gore de chest-buster, la séquence du face hugger qui se jette violemment sur une malheureuse victime – Scott va même jusqu’à reprendre les bruitages originaux de la créature du premier film – On a trop souvent l’impression d’assister à un pâle remake modernisé de « Alien », mais sans le génie du film original. Ridley Scott a malgré tout de la suite dans les idées et certaines séquences sont dignes d’intérêt et probablement amenées à devenir culte : ainsi, la naissance – douloureuse – du tout premier alien de l’univers est l’un des moments forts du film : pour une fois dans la saga, l’accouchement est vécu comme un moment d’émotion et non comme un acte horrible et sanglant, et ce même si Scott ne lésine pas sur l’hémoglobine durant la séquence du chest-buster. Et lorsque le bébé alien singe les gestes de son créateur ému jusqu’aux larmes sur fond de musique mélancolique, l’ironie de la situation est on ne peut plus claire et étonnamment subversive dans l’univers de la série. Hélas, la scène est gâchée par une idée visuelle absolument minable : le look humanoïde du bébé alien, qui déploie ses bras et ses jambes sur toute leur longueur, un élément totalement incongru et incohérent avec la mythologie de la saga – dans tous les films, les bébés aliens n’ont jamais eu de membres complètement formés ! –

Pour un peu, on croirait presque revoir cette fameuse scène parodique dans le « Spaceballs » (1987) de Mel Brooks, où l’on retrouvait John Hurt à nouveau malmené par un chest-buster qui en profitait pour réaliser un numéro musical de Broadway devant des spectateurs ébahis. Et c’est là tout le malheur de ce « Alien Covenant » qui oscille constamment entre des idées intéressantes et des éléments beaucoup plus décevants, un film trop inégal pour convaincre pleinement. Entre ses clins d’oeils assénés lourdement au premier « Alien » (y compris dans la réutilisation des thèmes musicaux de Jerry Goldsmith), ses scènes de dialogue intéressantes mais un brin bavardes et ses trouvailles visuelles éparses, le film a bien du mal à se forger sa propre identité. L’ensemble reste trop hybride, galvaudé par une logique commerciale évidente (faire de l’argent facile sur le dos d’une saga mythique) et un scénario bancal qui ne permet pas à « Covenant » de réaliser pleinement tout son potentiel. Point positif : il faut tout de même admettre que le film est visuellement splendide, magnifié par une photographie à couper le souffle – notamment durant les scènes dans les champs de blé ou dans l’espace - Quand aux fameux xénomorphes qui sont enfin présents dans ce film, force est de constater que les aliens sont ici décevants et curieusement peu intéressants : à trop vouloir faire des monstres de simples bêtes sauvages affamées, Scott a totalement perdu le caractère bio-organique et érotique des monstres imaginés en 1979 par H.R. Giger. Les aliens sont ici très différents des autres films : entre une capture-motion basique et des images numériques bancales, on a bien du mal à croire aux séquences avec les xénomorphes : l’ensemble sonne faux curieusement, peut être parce que Scott a voulu en faire des tonnes et n’a pas réussi à retrouver l’intensité effrayante et suggestive de la créature du premier film. Les aliens sont ici trop différents des autres films, y compris dans leur look et dans leur manière de se déplacer.

Et que dire des personnages totalement inconsistants, le pire étant que Ridley Scott passe au moins 30 minutes à évoquer les relations de couple (dont on se fiche royalement) pour finalement aboutir à une longue succession de scènes gores et de mises à mort sanguinolentes durant lesquelles les personnages servent de chair à canon, mais dont on se fiche complètement (la psychologie est aux abonnés absents ici !). Exit ici la dimension sociale des personnages du premier « Alien » (les officiers au dessus, les ouvriers en dessous), tout ce qui intéresse ici Scott, c’est de savoir qui va mourir en premier et de quelle façon il va baisser le rideau ! « Alien Covenant » délaisse alors la réflexion philosophique sur la création et se transforme en un slasher-movie à peine digne d’une série-B gore des années 80. On était pourtant en droit d’attendre autre chose de la part d’un cinéaste visionnaire comme Ridley Scott ! En bref, « Alien Covenant » est un film frustrant, inégal, qui ne tient pas complètement ses promesses. Le film contient de très beaux moments, des scènes magistrales et d’autres malheureusement fort décevantes et parfois même médiocres (Scott expédie lamentablement le sort des Ingénieurs pour justifier de futurs films sans eux !), mais après la frustration de « Prometheus », difficile d’être plus enthousiasmé par « Alien Covenant », qui reste un opus mineur dans la saga des xénomorphes les plus célèbres du cinéma – il y a des signes qui ne trompent pas : quand on en vient à se dire que les aliens étaient beaucoup plus crédibles dans « Alien vs Predator Requiem », c’est la preuve incontestable qu’il y a un vrai problème ! – Ridley Scott a annoncé d’autres métrages qui lui permettront de prolonger l’histoire débutée avec « Prometheus » tout en renforçant le lien avec le début du premier « Alien », mais il faut quand même admettre que notre enthousiasme de fan semble battre de l’aile suite à ces deux déconvenues cinématographiques : peut-être est-il temps pour Scott de céder sa place à un réalisateur possédant un autre point de vue, une autre vision du sujet ?

La musique de « Alien Covenant » était initialement prévue pour Harry Gregson-Williams, qui commença à travailler sur le film courant 2016 (il avait aussi participé à la musique de « Prometheus » aux côtés de Marc Streitenfeld). Hélas, des problèmes d’emploi du temps et de différends artistiques empêchèrent le compositeur d’œuvrer plus longuement sur le film, et le musicien finit par quitter la production avant d’être remplacé au pied-levé par le jeune compositeur australien Jed Kurzel, chanteur et guitariste du groupe The Mess Hall. Enregistrée avec les musiciens du London Contemporary Orchestra, la musique de « Alien Covenant » réutilise largement les fameux thèmes musicaux du premier « Alien » de Jerry Goldsmith. « Prometheus » contenait déjà de maigres allusions à la musique du premier « Alien », mais cette fois, « Covenant » va plus loin et réutilise massivement l’opus musical de Goldsmith pendant une bonne partie du film : ainsi, toute la première heure est essentiellement dominée par des reprises et des réarrangements du score de « Alien », à tel point que Jed Kurzel n’a pas grand chose de plus à nous proposer hormis quelques passages orchestraux plus ordinaires. En revanche, la musique change clairement de style durant la seconde partie du film : on retrouve alors le style plus électronique et moderne de Jed Kurzel, plus proche de son travail sur « Assassin’s Creed ». Le compositeur cède le pas à une série d’expérimentations sonores et d’un travail de sound design assez élaboré. D’un point de vue thématique, le score repose sur le célèbre thème de trompette du « Alien » de Jerry Goldsmith dévoilé dans « The Covenant » et « Planet 4/Main Theme ». Kurzel utilise aussi le fameux motif de flûtes en échoplex intégré dans quelques morceaux, et notamment vers la fin de « Planet 4/Main Theme » ou dans « Wheat Field » pour la séquence où l’équipage du Covenant traverse les champs de blés de la mystérieuse planète 4.

Il faut quand même admettre que réentendre la musique de Jerry Goldsmith dans un blockbuster hollywoodien de 2017 fait plaisir à entendre et provoque quelques frissons, d’autant que les reprises sont très fidèles au modèle original de Goldsmith. Le Covenant a droit quand à lui à son propre thème, malheureusement mal développé et plutôt passe-partout : le thème est souvent introduit par un motif imitant l’échoplex de flûtes de Goldsmith (au début de « Alien Covenant Theme » et de « The Covenant », ou dans « Sails » vers 1:25). « A Cabin in the Lake » et « Sails » développent quand à eux un thème de cor plus intime et doux, associé à la mélancolie de Daniels et la perte de son mari. Le thème est introduit par un piano mélancolique au début de « A Cabin in the Lake » et sera malheureusement totalement abandonné par la suite. D’une façon générale, le score de « Alien Covenant » est d’une pauvreté étonnante au niveau thématique, car si l’on retire les morceaux arrangés de Goldsmith, il ne reste pas grand chose dans les idées proposées par Jed Kurzel – on est bien loin du brio thématique du « Prometheus » de Marc Streitenfeld qui contenait une multitude de thèmes musicaux ! – A noter néanmoins une idée sonore récurrente dans le score, un motif de 2 notes évoquant les aliens, introduit dès l’ouverture (« Incubation ») vers 0:30, un motif de 2 notes mystérieuses et entêtantes conçu à partir d’un sample de cordes de mandoline déformées et inversées, rendues ici méconnaissables (le compositeur aurait baptisé cet effet le « swinging gate »), comme si ce motif provenait de l’intérieur d’un corps ou d’un oeuf d’alien – on reste encore dans quelque chose de résolument organique - Cette idée rappelle d’ailleurs fortement certains samples similaires crées par Streitenfeld dans « Prometheus ». Le motif de 2 notes sera omniprésent dans le film, suggérant la menace des créatures et de leur créateur. Si l’on apprécie la majestuosité orchestrale de « Sails », la brutalité de « Neutrino Burst », l’arrivée grandiose sur la planète 4 (« Planet 4/Main Theme » et son envolée orchestrale exubérante, « Launcher Landing » dont les orchestrations rappellent étonnamment certains passages du « Alien Resurrection » de John Frizzell) ou la traversée mystérieuse des champs de blés (« Wheat Field »), le score entre dans sa seconde partie avec « Spores ».

Jed Kurzel élabore ici une série de sonorités organiques étranges et extra-terrestres pour évoquer la contamination par les mystérieux spores noirs qui vont semer le chaos parmi l’équipage du Covenant. Le motif de 2 notes est ici très présent, Kurzel évoquant clairement les spores à l’aide d’un sound design assez bizarre et surréaliste, accentuant la tension et le sentiment de panique. A ce sujet, les 7 minutes de « The Med Bay » sont particulièrement révélatrices de l’ambiance violente et gore du film : Kurzel élabore ici une longue montée de tension obsédante et brutale durant la séquence sanguinaire du Néomorphe et de la destruction de la navette. Le compositeur choisit de délaisser l’orchestre et axe toute sa musique sur le travail du sound design, à l’aide de pulsations synthétiques entêtantes et métronomiques et de percussions industrielles/mécaniques totalement déhumanisées. Il y a une logique sonore assez impressionnante dans « The Med Bay » même si l’ensemble reste trop simple pour convaincre totalement dans le fond. A l’écran, le morceau distille une terreur ahurissante même s’il s’avère peu enthousiasmant en écoute isolée. Kurzel parvient complètement à faire monter la tension et à accompagner la panique qui surgit brutalement avec la naissance du Néomorphe. A noter que le motif de 2 notes est répété inlassablement ici dans ce qui reste l’un des morceaux les plus sombres et les plus impressionnants de « Alien Covenant » - à noter curieusement l’emploi de ces sonorités industrielles répétitives qui évoquent curieusement les travaux d’Akira Yamaoka sur la série des « Silent Hill » : l’influence paraît plus flagrante dans « The Med Bay » vers 6:40 – « Grass Attack » prolonge cette approche sonore à l’aide d’un sound design plus glauque et brutal accompagné de cordes dissonantes suggérant les attaques du Néomorphe, le tout sur fond de percussions meurtrières et d’allusions au motif de 2 notes (à 0:59) ou au motif de flûtes de Goldsmith (à 1:07).

« Dead Civilization » évoque les ruines et les corps calcinés des Ingénieurs à travers une ambiance apocalyptique et mystérieuse assez réussie. Jed Kurzel suggère ici un climat de désolation à l’aide de cordes sombres, de nappes sonores et de sonorités quasi orientales – notamment à travers le jeu du violoncelle de Caroline Dale - évoquant l’idée d’une civilisation lointaine. Dans « Survivors », plus rien ne semble sûr, la musique suggère clairement que quelque chose ne tourne pas rond. Kurzel opte ici pour une approche résolument atmosphérique et sans surprise. Plus intéressant, « Payload Deployment » se propose de manipuler les sons avec des samples plus glauques conçus à partir de sons de guitare électrique modifiés et le retour des percussions industrielles/mécaniques répétitives de « The Med Bay ». L’horreur pointe le bout de son nez dans « Face Hugger » pour la séquence où David emmène Oram observer les oeufs d’aliens. A 1:52, Kurzel utilise des effets avant-gardistes et stridents des cordes suraiguës pour évoquer les face huggers dans un style qui rappelle vaguement les passages plus dissonants du « Alien » de Goldsmith. On notera par ailleurs le retour du motif de 2 notes vers 2:24. Plus intéressant, « Chest Buster » évoque la naissance du premier alien à travers un morceau plus poignant pour cordes et piano, élégiaque et éthéré, peut être l’une des plus belles idées du score de « Alien Covenant ». On devine par ailleurs une certaine mélancolie dans « Lonely Perfection » (à noter que dans le film, le mix inclut une flûte à bec davantage mise en avant que sur l’album). La seconde partie du morceau reprend les sonorités stridentes de « Face Hugger » sur fond de rythmes plus nerveux et de dissonances agressives.

« Cargo Lift » évoque le dernier acte du film pour la première confrontation contre l’alien sur le toit du cargo aéroporté. Hélas, Kurzel se montre ici beaucoup moins habile dans les parties d’action, incapable de développer une partie orchestrale suffisamment conséquente. Du coup, le musicien se limite ici à des parties de cordes rythmiques rachitiques et à des percussions synthétiques entêtantes mais trop simplistes. Le morceau s’avère étonnamment répétitif et très bruyant : on est bien loin ici de l’éclat des passages d’action de « Prometheus » ou même de « Alien » ! Idem pour la confrontation finale dans le sur-percussif « Terraforming Bay », qui frôle la cacophonie pure – on retrouve ici les mêmes défauts que dans « Assassin’s Creed » - Bilan final plutôt mitigé pour « Alien Covenant » : alors qu’Harry Gregson-Williams n’a pas rempilé sur le film (même si son thème de « Prometheus » est réutilisé à quelques reprises), tout comme Marc Streitenfeld, Ridley Scott a décidé de se tourner vers Jed Kurzel, un choix étonnant puisque c’est la première fois que le cinéaste travaille avec ce jeune compositeur qui n’a toujours pas fait ses preuves et n’a rien d’un compositeur majeur du cinéma américain. S’agit-il d’une énorme erreur de casting ? Ce serait une première dans la saga « Alien » !

Effectivement, le score de « Alien Covenant » est assez déroutant : inégal à l’instar du film, la musique doit beaucoup aux nombreuses reprises musicales de Jerry Goldsmith (qui sont davantage le travail des orchestrateurs/arrangeurs que de Kurzel lui-même ! A ce sujet, il aurait été plus judicieux de mentionner le nom de Goldsmith sur l’album ou sur l’affiche du film !) et un peu moins au talent de Kurzel, qui se limite bien souvent ici à un travail de sound design intéressant dans la forme mais guère passionnant dans le fond. Le musicien australien a réussi à concevoir une vraie identité sonore à sa musique tout en apportant une certaine personnalité musicale au film de Ridley Scott, mais sans aucun éclat, sans aucune étincelle. Il y a de bonnes idées, certes, mais on est très loin ici du niveau d’exigence musicale maintenu par les concepteurs de la saga depuis ses origines en 1979 jusqu’à « Prometheus » en 2012. Peut-être que Jed Kurzel n’était tout simplement pas le compositeur le plus approprié pour un film d’une telle envergure ? Peut-être aurait-il fallut offrir une seconde chance à Marc Streitenfeld ? Quoiqu’on en pense, « Alien Covenant » reste au final un projet foncièrement frustrant, jusque dans sa musique qui, à l’image du film, contient des hauts et des bas impardonnables pour un opus d’une saga aussi exceptionnelle. Le premier faux pas de la série ?




---Quentin Billard