1-Opening 1.35
2-A Shattered Family 3.20
3-John's Regression 5.36
4-Meeting at the Church 2.23
5-Angela's Statement 3.30
6-Trouble Sleeping 1.59
7-Pittsburgh 1.57
8-In Roy's Bedroom 3.11
9-They'll Kill Me 2.24
10-The Black Mass 2.56
11-Mom Was Followed 3.22
12-This Is All For You 1.36
13-Too Many Pieces 2.57
14-Night Call 2.37
15-A Way To Confuse You 5.34
16-Secret Recipe 3.34
17-Back To The Tapes 1.56
18-This Is Science 2.15
19-The Fight 2.07
20-Evil Itself 5.01
21-It's My Fault/End Credits 5.26

Musique  composée par:

Roque Baños

Editeur:

Lakeshore Records LKS 34520

Musique conduite et orchestrée par:
Roque Baños
Orchestre:
Pro Art Orchestra of London
Voix:
Lotte Rhodes
Coordinateur orchestre:
Colin Sheen
Coordinateur Abbey Road Studios:
Colette Barber
Opérateurs ProTools:
Toby Hulbert, John Prestage
Production musique:
Tessy Diez Martin
Producteur album:
Richard Glasser
Coordinateur album:
Sienna Jackson
Producteurs album pour
Lakeshore Records:
Skip Williamson, Brian McNelis
Directeur A&R:
Eric Craig

Artwork and pictures (c) 2015 MOD Entertainment/MOD Producciones/Himenoptero/Regression Canada Inc/Telefonica Studios/Regression A.I.E. All rights reserved.

Note: ***1/2
REGRESSION
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Roque Baños
Après son somptueux « Agora » sorti en 2009, le cinéaste Alejandro Amenabar s’était fait discret au cinéma. Il faut dire qu’hormis les nombreuses récompenses et la reconnaissance des critiques concernant son film, « Agora » avait bien eu du mal à rentrer dans ses frais (le film avait coûté 70 millions de dollars et n’en rapporta que 39 !). C’est finalement en 2015 qu’Amenabar écrit et réalise son nouveau long-métrage, « Regression », thriller psychologique haletant évoquant l’univers des cultes sataniques. L’histoire se déroule dans le Minnesota en 1990. L’inspecteur Bruce Kenner (Ethan Hawke) enquête sur l’affaire liée à John Gray (David Dencik), un homme qui reconnaît avoir agressé sexuellement sa fille de 17 ans, Angela (Emma Watson), mais n’a plus aucun souvenir de cette agression. Intriguée, la police décide de faire appel au Dr. Kenneth Raines (David Thewlis), qui pratique la thérapie par régression sur John Gray afin de lui permettre de retrouver la mémoire. La régression est une thérapie psychologique qui consiste à mettre un patient sous hypnose et lui permettre, par le biais d’un questionnement précis adressé directement à son inconscient, de revenir dans son passé et d’avoir ainsi accès à des zones oubliées de sa mémoire. Au cours de sa première séance de régression, Gray se souvient enfin de l’événement exact et affirme maintenant que l’inspecteur de police George Nesbitt (Aaron Ashmore) aurait agressé la jeune fille. Ce dernier est arrêté et mis en garde en vue, puis finalement relâché, faute de preuve. Bruce Kenner rencontre ensuite la jeune Angela, qui lui révèle qu’un culte satanique serait lié à son agression : elle se souvient ainsi que des gens portant des masques et des costumes terrifiants auraient abusé d’elle pendant que d’autres personnes prenaient des photos de la scène. Roy Gray (Devon Bostick), le frère d’Angela, qui a quitté la maison il y a des années, révèle à son tour lors d’une séance de régression que des individus portants d’étranges habits de cérémonie ont pénétré sa chambre lorsqu’il était plus petit. Bruce et le Dr. Raines soupçonnent alors Rose (Dale Dickey), la grand-mère de Roy, d’être impliquée à son tour dans le mystérieux culte satanique décrit par ses deux petits-enfants. Peu de temps après, Bruce commence à faire des cauchemars dans lesquels il voit de terrifiants rites sataniques. Angela lui apprend ainsi que les membres du culte la traquent et cherchent à l’assassiner depuis qu’elle a révélé la vérité à la police.

« Regression » marque le retour d’Alejandro Amenabar au registre des thrillers, un genre qu’il maîtrise depuis ses débuts avec « Tesis », « Abre los ojos » ou « The Others ». Il faut dire que le cinéaste hispano-chilien était attendu au tournant après le drame « Mar Adentro » et l’imposant « Agora ». Réalisé à la manière d’une série-B à suspense, « Regression » s’avère être un thriller assez mitigé : tout d’abord de part sa réalisation télévisuelle qui peine à renouer avec l’éclat visuel et la précision technique des films précédents d’Amenabar. Le film contient de bonnes idées, des scènes très intenses – notamment lors des séquences de cauchemar évoquant les rituels sataniques – mais aussi des moments de flottement plus hasardeux et quelques stéréotypes déjà vus milles fois auparavant (le flic entêté que personne ne veut croire, qui va se confronter à une enquête impossible jusqu’à en perdre la raison). L’intrigue en elle-même et l’ambiance urbaine du film rappelle clairement les thrillers de David Fincher façon « Se7en » ou les premiers polars de Bryan Singer au milieu des années 90. Ethan Hawke campe ainsi un inspecteur de police désabusé et tourmenté par l’enquête déstabilisante sur laquelle il travaille inlassablement, soucieux de connaître la vérité par tous les moyens. Face à lui, Emma Watson change radicalement de registre et interprète une jeune adolescente brisée et traumatisée, qui passe la majeure partie du film à pleurer.

Le film aurait pu ainsi sombrer dans la série-B pure avec son lot de scènes à suspense et de visions cauchemardesques si Amenabar n’avait pas eu l’intelligence d’apporter un redoutable twist à son récit qui prend une toute autre tournure lors du dernier acte du film. Rappelant judicieusement que le cinéma est avant tout l’art de l’illusion, le film évoque au final l’idée du fanatisme et de la paranoïa collective en nous rappelant que toute parole doit toujours être pesée dans une enquête policière, y compris dans les affaires de viol sur mineur. Amenabar évoque ainsi les croyances obscurantistes typiques de certains états des U.S.A., à une époque – les années 90 – où les témoignages sur les cultes sataniques se multipliaient de manière inquiétante. Tout n’est ici qu’un prétexte à une réflexion sur la parole, ou comment des mots ou des croyances peuvent affecter tout un groupe d’individus et faire basculer des âmes innocentes dans la tourmente. On aurait simplement aimé un peu plus d’originalité et de folie visuelle dans une mise en scène somme toute très sage, qui joue la carte de la suggestion mais manque clairement d’ambition, de personnalité. Au final, « Regression » est un thriller réussi, certes, mais demeure un film mineur dans la filmographie d’Amenabar, que l’on a quand même connu bien plus inspiré.

Le compositeur barcelonais Roque Banos signe sa première collaboration à un film d’Alejandro Amenabar en livrant une musique sombre et torturée pour « Regression ». Ecrit dans la continuité de ses précédents travaux pour « Intruders » ou « Evil Dead », le score de « Regression » fait la part belle aux vocalises éthérées, aux cordes dissonantes et aux sursauts orchestraux terrifiants et oppressants. Enregistrée aux mythiques studios d’Abbey Road par les musiciens du Pro Art Orchestra of London (le même orchestre qui interpréta « Evil Dead » et « Intruders »), incluant la voix de la soliste Lotte Rhodes, la musique de « Regression » se dirige sans surprise vers un style musical très orienté suspense/horrifique plutôt conventionnel. « Opening » dévoile le thème principal du score, mélodie mélancolique interprétée ici par la voix de la jeune soliste (élément qui rappelle le score de « Intruders ») qui apporte un côté innocent et fragile au thème – elle est associée dans le film au personnage d’Emma Watson - avec des voix fantomatiques et des cordes sombres annonciatrices de la tonalité oppressante du long-métrage d’Amenabar. « A Shattered Family » évoque la famille détruite de John Gray de manière tragique, à l’aide d’un piano mélancolique, de cordes amères et d’un violon soliste épuré. Dans « John’s Regression », on assiste à la première séance de régression de John Gray à l’aide de l’utilisation intéressante du son d’une pendule qui sert à hypnotiser le patient du Dr. Kenneth Raines. Roque Banos nous plonge ici dans une atmosphère plus mystérieuse et inquiétante à l’aide du piano, des cordes dissonantes et de nappes synthétiques obscures – on pense parfois ici au style thriller de James Newton Howard –

« Meeting At the Church » évoque la détermination de l’inspecteur Bruce Kenner lorsqu’il se rend à l’église pour y rencontrer la jeune Angela et discuter avec elle. On retrouve ici un mélange de cordes/piano et la voix soliste de Lotte Rhodes associée à Angela. A 1:46, Banos dévoile le second thème du score, un motif d’une poignée de notes de piano et d’un violon fragile associé au traumatisme de la jeune fille – à noter que le motif de piano d’Angela rappelle curieusement le thème du « Presumed Innocent » de John Williams – Dans « Angela’s Statement », Banos suggère les allusions à la secte satanique à l’aide de chuchotements maléfiques et de variantes sinistres au thème principal par des cordes en harmoniques glaciales. Le compositeur nous plonge ici dans une atmosphère atonale et macabre qu’il maîtrise parfaitement, avec l’omniprésence du piano qui reste ici l’instrument clé du score de « Regression ». Le compositeur en profite aussi pour renouer avec l’écriture avant-gardiste de « Intruders » et « Evil Dead » grâce à ses glissandi ou clusters dissonants des cordes. A noter l’intervention de la voix vers 2:15 qui reprend le thème sous la forme d’un étrange chant ecclésiastique lointain. « Trouble Sleeping » renforce le caractère oppressant du film en instaurant le malaise alors que Kenner commence à être malmené par d’étranges cauchemars la nuit. Banos répond à cette scène par une musique plus agressive à l’aide de sursauts orchestraux de terreur empruntés à « Evil Dead ».

L’histoire semble ensuite avancer quelque peu dans « Pittsburgh » puis l’on retrouve les sons de pendule de l’hypnose dans « In Roy’s Bedroom » pour une séquence où Angela raconte sous hypnose ce qui lui est arrivée, à elle et son frère. Ici aussi, Banos nous plonge dans une atmosphère horrifique à l’aide de cordes dissonantes et violentes, d’allusions menaçantes et mystérieuses au thème principal au piano. Il y a une certaine mélancolie sombre dans « They’ll Kill Me » où le thème, omniprésent dans le score, semble régulièrement malmené, au fur et à mesure des avancées de l’enquête de Kenner et des révélations d’Angela. Quelques chuchotements viennent évoquer ici discrètement l’intrigue liée à la secte satanique, mais Roque Banos évite de tomber dans le piège de la musique satanique en suggérant l’histoire de la secte de façon plus subtile et nuancée, maintenant un doute sur la véracité des propos d’Angela. De la même façon, « The Black Mass » accompagne la scène où Kenner assiste horrifiée à un rituel satanique, à l’aide de cordes dissonantes, de sonorités oppressantes, d’effets vocaux et de notes graves de piano. Le thème revient ensuite dans « Mom Was Followed » avec le rôle majeur du piano qui évoque les sentiments et les doutes des personnages. « This Is All For You » suggère alors la menace qui pèse sur Kenner, avec le renfort des chuchotements maléfiques et des dissonances agressives de cordes et de cuivres.

Et alors que l’enquête semble stagner dangereusement comme le suggère le torturé « Too Many Pieces », « Night Call » vient renforcer la tension avec un énième sursaut orchestral terrifiant parsemé de techniques instrumentales avant-gardistes. « A Way To Confuse You » vient brouiller les pistes avec ses cordes glaciales et ses notes sombres de piano tandis que Kenner se rapproche enfin de la vérité, alors que « Back To The Tapes » est l’un des rares passages d’action du score, lorsque Kenner décide d’en avoir le coeur net et se replonge dans les enregistrements audio fait avec Angela, recherchant un indice qui lui aurait échappé. Roque Banos crée un climat plus déterminé à l’aide de cordes rythmées et de notes énergiques du piano débouchant sur le mystérieux « This Is Science », avec ses cordes amples et ses notes énigmatiques de harpe et de piano. La confrontation finale débute dans le brutal mais bref « The Fight » qui nous amène enfin à la révélation finale de « Evil Itself », où Banos reprend le thème principal et la thématique mélancolique d’Angela (au piano à 2:38) dans une coda dramatique et résignée. Enfin, « It’s My Fault/End Credits » conclut le film en reprenant une dernière fois le thème principal magnifiquement interprété par le garçon soliste, une coda de toute beauté où la mélodie principale, mélancolique et poignante, atteint enfin son apogée émotionnelle – un moment fort du score de Roque Banos -

« Regression » est donc un score thriller rondement mené mais exécuté sans surprise par un Roque Banos en pilotage automatique. Le compositeur va directement là où on l’attend et n’apporte aucune originalité particulière à sa composition. L’ensemble témoigne d’un professionnalisme admirable et apporte la noirceur et l’émotion nécessaire aux images du long-métrage d’ Alejandro Amenabar mais peine à laisser un souvenir durable à l’auditeur. Le score semble très influencé par les précédentes partitions de Banos et notamment celles pour « Intruders » ou « Evil Dead ». Plutôt conventionnelle et sans surprise, la musique de « Regression » est à l’image du film lui-même : bien faite, de très bonne facture mais guère mémorable et sans aucune originalité particulière. Les fans de Roque Banos apprécieront à coup sûr son travail sur « Regression », mais ceux qui s’attendaient à entendre le musicien barcelonais se renouveler sur le film d’Amenabar devront passer leur tour et privilégier plutôt des partitions bien plus abouties comme « Intruders » ou « Evil Dead » : pour les fans du compositeur seulement !




---Quentin Billard