1-San Francisco Night 3.42
2-Main Title 1.45
3-The Pool 2.39
4-Time To Get Up 2.06
5-High And Dry 3.03
6-Something In Return 2.19
7-The Rules 3.04
8-The Last Autograph 4.09
9-The Car 5.53
10-Kidnap And Rescue 4.30
11-Harpoon 3.09
12-The Pier, The Bridge, And The City 3.41

Musique  composée par:

Lalo Schifrin

Editeur:

Aleph Records 042

Album produit par:
Nick Redman
Producteur exécutif:
Donna Schifrin
Remix score:
Michael Matessino
Montage et mastering:
Daniel Hersch
Monteur musique:
Donald Harris

Artwork and pictures (c) 1988 Warner Bros. Inc. and The Malpaso Company. All rights reserved.

Note: ***
THE DEAD POOL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Lalo Schifrin
Cinquième et dernier film de la franchise des Inspecteurs Harry, « The Dead Pool » (L’inspecteur Harry est la dernière cible) est réalisé par Buddy Van Horn et sort en 1988. Personnage emblématique des années 70, Harry Callahan n’est plus que l’ombre de lui-même dans ce dernier film tourné sans réelle passion, sans ambition particulière hormis celle de reproduire une dernière fois tout ce qui faisait le charme et l’intérêt des films précédents. Le fait même que « The Dead Pool » ait été confié à Buddy Van Horn – complice habituel d’Eastwood avec lequel il avait déjà tourné des scènes dans « Magnum Force » et qui l’avait aussi dirigé dans « Any Which Way You Can » (1980) – est assez révélateur de l’état d’esprit avec lequel Eastwood décida de faire ce film, dont il se préoccupait peu. Il faut dire que les années 80 furent particulièrement enrichissantes pour l’acteur/réalisateur, ayant ainsi tourné quelques grands classiques comme « Firefox » (1982), « Honkytonk Man » (1982), « Pale Rider » (1985) ou « Heartbreak Ridge » (1986). Hélas, l’époque n’était plus aux Inspecteurs Harry, une franchise tombée en désuétude dans les eighties, et qu’Eastwood ressuscitera le temps d’un cinquième et dernier film probablement conçu pour des questions d’ordre contractuelle. L’histoire débute alors qu’Harry Callahan vient de témoigner contre le puissant mafieux Lou Janero envoyé en prison. Le succès de l’affaire vaut à l’inspecteur de devenir la nouvelle star people du San Francisco Magazine et le plus célèbre représentant des forces de l’ordre à San Francisco. Peu de temps après, l’inspecteur échappe à une attaque des hommes de main de Janero et se voit assigné un nouvel équipier, un policier d’origine asiatique spécialisé dans les arts martiaux, Al Quan (Evan C. Kim). Callahan et Quan sont ensuite chargés d’enquêter sur la mort de Johnny Squares (Jim Carrey), un chanteur de rock célèbre assassiné dans sa roulotte alors qu’il tournait un clip vidéo musical pour un film d’horreur conçu par le réalisateur Peter Swan (Liam Neeson). Peu de temps après, c’est au tour du producteur Dean Madison d’être assassiné. Callahan et Quan fouillent alors les affaires de Madison et découvrent une liste contenant plusieurs noms incluant les leurs et celui de Peter Swan. Il s’avère que le réalisateur et son producteur participent au jeu du « dead pool », dans lequel les participants doivent inscrire les noms des célébrités qui vont mourir, soit de manière naturelle, soit en rapport avec la profession dangereuse qu’ils exercent. Avec la complicité de la journaliste Samantha Walker (Patricia Clarkson), Harry Callahan et Al Quan continuent d’enquêter sur la liste noire alors qu’ils sont les prochaines cibles d’un redoutable tueur en série. Leur enquête les conduit à un certain Harlan Rook (David Hunt), un fan dérangé et schizophrénique de Peter Swan qui reproche à ce dernier de lui avoir volé toutes ses idées.

« The Dead Pool » s’intéresse cette fois-ci au rôle des médias dans les enquêtes policières, critiquant la manière dont ils exploitent la violence ou les célébrités. Le thème semblait intéressant et aurait pu déboucher sur un nouvel épisode subversif plus typique des années 80 – le film sort à une époque où la violence dans le cinéma américain est très décriée – mais il n’en est rien. « The Dead Pool » est filmé avec les charentaises. Clint Eastwood campe ici un Harry Callahan vieillissant qui semble s’être assagi et n’est plus que l’ombre de lui-même. Le fait même que Callahan fasse équipe avec un jeune flic chinois expert en arts martiaux – chose improbable dans les anciens films – nous le prouve amplement. Callahan doit désormais montrer un visage plus lisse et conventionnel au public américain des années 80 en quête de héros et de valeurs sûres en pleine ère Reaganienne, du moins est-ce la pensée (ridicule) des producteurs de la Warner, soucieux de rentabiliser un dernier film dont personne ne croit plus vraiment. Même le réalisateur Buddy Van Horn, plutôt connu en tant que doubleur d’Eastwood et cascadeur, semble avoir été placé là pour faire le strict minimum : poser sa caméra et attendre que les choses se passent. Il manque clairement dans « The Dead Pool » une ambition artistique, un scénario digne de ce nom. A noter que le film met en scène quelques acteurs qui deviendront célèbres des années plus tard : Liam Neeson et surtout Jim Carrey, dans un de ses tous premiers rôles au cinéma, bien avant ses comédies loufoques des années 90 – on peut aussi apercevoir de brefs caméos des membres de « Guns N’ Roses » - Niveau action, le film laisse quelque peu à désirer et s’avère assez mou et mal rythmé, hormis quelques bonnes séquences comme la poursuite en voitures dans les rues de San Francisco (empruntée à « Bullitt ») ou l’affrontement final au cours duquel Callahan descend le tueur en l’empalant sur un mur avec un gros lance-harpon qui s’avère être un accessoire de cinéma, scène très ironique pour celui qui prenait toujours l’habitude d’utiliser son .44 Magnum pour dégommer les malfrats. On retiendra malgré tout quelques bonnes répliques cinglantes typiques de la saga, et notamment cette punchline assassine que Callahan balance à Janero en prison, menacé par Hicks, le nouveau molosse costaud de l’inspecteur : « tu vas probablement venir ici dans ce bureau de poste, et il va t’oblitérer la gueule comme un timbre ! ». Non dénué d’humour et d’une certaine forme de dérision, « The Dead Pool » n’est pas un ratage complet mais fait malgré tout pâle figure au regard des précédents films de la saga. Avec un succès très relatif et fort timide au box-office 1988, « The Dead Pool » marquera la fin des aventures de l’Inspecteur Harry Callahan, la boucle étant bouclée.

Lalo Schifrin rempile une dernière fois sur le long-métrage de Buddy Van Horn, signant une quatrième et dernière partition musicale plus typique de son style musical des années 80. Après avoir renoué avec la saga de l’inspecteur Harry dans « Sudden Impact » en 1983, Lalo Schifrin prolonge ses idées du précédent film dans « The Dead Pool ». Epoque oblige, la franchise se trouve cette fois vers la fin des années 80. Le monde a évolué, tout comme le style musical de Schifrin et la carrière de Clint Eastwood. Le compositeur choisit donc de reprendre les formules musicales habituelles de la franchise tout en modernisant le propos à l’aide de synthétiseurs et de rythmes pop typiques des années 80. C’est ce que semble nous dire le « Main Title », l’incontournable générique de début qui débute sur les boîtes à rythme rappelant celles de l’ouverture de « Sudden Impact ». L’accent est largement mis ici sur les synthétiseurs avec des harmonies assez riches de cuivres et cordes et un nouveau thème syncopé sur fond de notes rapides des synthétiseurs évoquant l’univers urbain du film et le style musical ambiant des années 80. Dans « The Pool », Schifrin nous plonge tout de suite dans l’ambiance avec un premier morceau sombre et menaçant alors que l’on observe le tueur dans l’ombre en train de rédiger sa liste de futures victimes, à l’aide de cordes et de vents sombres incluant l’utilisation du waterphone (comme dans « Sudden Impact ») et de quelques éléments électroniques. La seconde partie, plus rythmée, nous permet de retrouver les traditionnelles rythmiques funky de batterie/basse avec le retour du thème cool d’Harry à la guitare, alors qu’on l’aperçoit en train de conduire sur le pont de San Francisco : la reprise héroïque de son thème à la fin de « The Pool » lorsque Callahan défait les agresseurs envoyés par le mafieux Lou Janero est assez agréable et plutôt inédite dans la saga des inspecteurs Harry ! A noter que « The Pool » introduit par ailleurs le nouveau thème de la partition, un motif menaçant de six notes associé au tueur qui traque les victimes de sa liste. Le thème est audible ici à partir de 0:04 et reviendra tout au long du film, traduisant l’obsession glaciale du tueur en série pour sa liste de célébrités.

« Time To Get Up » prolonge le suspense du début du film à l’aide de cordes sombres, de notes mystérieuses de harpe et de guitare électrique. Comme dans « Sudden Impact », Schifrin accentue ici l’utilisation de l’orchestre traditionnel mais n’oublie pas pour autant ses rythmiques de batterie reconnaissables comme le rappelle la fin plus nerveuse et brutale de « Time To Get Up ». On retrouve ici le thème du tueur de la liste aux contrebasses à 0:57, repris ensuite à 1:43 pour la scène où il tue Johnny Squares dans sa roulotte. « High and Dry » développe de façon similaire le thème entêtant et glacial du tueur avec les sonorités cristallines du synthétiseur, des cordes en harmoniques sur fond d’accompagnement de la harpe et du waterphone pour une autre scène où le criminel continue d’ajouter des noms à sa liste. Les percussions électroniques sont ici assez présentes, maintenant une tension constante avec l’utilisation de la guitare électrique aux consonances plus rock. Schifrin en profite par ailleurs pour expérimenter ici autour de l’électronique, apportant quelques sonorités asiatiques inattendues pour la scène où Al Quan aide Callahan à arrêter des criminels qui viennent d’attaquer un restaurant chinois. La scène permet à Schifrin de renouer habilement ici avec son style musical de « Enter the Dragon » (1973) et « Golden Needles » (1974). « The Rules » nous offre quand à lui un passage plus romantique avec saxophone, guitare et clavier pour la scène où Callahan flirte avec la journaliste Samantha Walker. La seconde partie, jouée au piano, est très réussie et témoigne du talent du compositeur pour les musiques plus romantiques et intimistes.

« The Last Autograph » permet au compositeur de reprendre ses rythmes traditionnels de batterie/congas avec une solide reprise du thème cool d’Harry au saxophone à 0:58. On retrouve aussi un passage de pop/rock typique des années 80 qui rappelle la décennie à laquelle le score de « The Dead Pool » a été composé. La thématique du tueur est ensuite reprise vers la deuxième minute, comme pour rappeler à travers ce leitmotiv obsédant que le danger guette toujours Harry et les futures victimes du psychopathe. Schifrin accentue ici le travail autour des dissonances avec l’emploi caractéristique du waterphone et des cordes. Dans « The Car », le compositeur évoque la fameuse poursuite avec la petite voiture télécommandée piégée. Au côté un peu ridicule de la séquence, Schifrin répond par une musique emprunte d’un certain second degré, débutant avec un motif rythmique des cuivres/xylophone et des timbales un peu grotesque mais porteur d’une tension évidente. Le motif du tueur est ici largement développé tout au long de la séquence où la voiture d’Harry et Al va être traquée par la petite voiture piégée. Schifrin fait monter ici la tension de manière inventive, oscillant entre les dissonances, les ponctuations martelées des cuivres et les clusters stridents du waterphone sur fond de variations menaçantes au thème obsédant du tueur. La traque s’intensifie ensuite avec l’apparition de la batterie. « Kidnap and Rescue » nous amène ensuite au dernier acte du film, alors que Samantha est kidnappée par le tueur, obligeant Callahan à se lancer à sa poursuite jusqu’au port, durant la longue confrontation finale. C’est l’occasion pour le compositeur de développer plus intensément le thème du tueur avec ici une rythmique de batterie/congas renforcée durant l’arrivée au port.

La traque entre Callahan est le tueur est massivement illustrée dans « Harpoon », où l’on retrouve des allusions à l’un des motifs récurrents d’Harry avec une utilisation étrange de motifs aux synthétiseurs, du piano martelé dans le grave, de cuivres dissonants et des orchestrations nerveuses et inventives. Schifrin rappelle ici son goût pour les musiques avant-gardistes et multiplie les idées sonores et instrumentales avec brio tout au long de la poursuite et la fusillade avec le tueur, et ce jusqu’à la fameuse séquence finale où le tueur meurt d’une façon assez particulière. Enfin, le film se conclut sur le superbe « The Pier, The Bridge and the City », qui reprend une dernière fois le fameux thème mélancolique d’Harry Callahan. Schifrin profite de la fin de la saga pour conclure cette prestigieuse série de 5 films par une reprise grandiose et mémorable de ce superbe thème touchant à la trompette sur fond d’harmonies jazzy du clavier. Très vite, le thème s’intensifie avec la rythmique, la basse, le saxophone et le synthétiseur. Harry a fait tout ce qu’il avait à faire, il est temps pour Clint Eastwood et Lalo Schifrin de dire adieu à ce personnage célèbre qui aura traversé deux décennies à Hollywood : on devine par ailleurs une nostalgie évidente dans le superbe « The Pier, the Bridge and the City ». Car, même si la partition de « The Dead Pool » n’est certes pas la musique la plus aboutie et la plus passionnante de la franchise (en plus d’être étonnamment courte), elle n’en demeure pas moins très réussie, témoignant de l’habileté du compositeur à varier les ambiances et les idées dans une série en très nette perte de vitesse. « The Dead Pool » est probablement l’épisode le moins réussi de la saga mais la musique demeure intéressante et accrocheuse (notamment grâce au thème du tueur qui reste assez obsédant et envoûtant à l’écran), même s’il y a fort à parier que les amateurs de Lalo Schifrin préfèreront davantage l’audace de « Dirty Harry » ou la brutalité sèche de « Magnum Force » ou « Sudden Impact ».




---Quentin Billard