1-Hannah and Volmer 4.34
2-Nobody Ever Leaves 1.49
3-Bicycle 1.59
4-The Rite 3.42
5-Feuerwalzer 3.44
6-Magnificent, Isn't It 2.11
7-Actually, I'm Feeling Much Better 1.59
8-Clearly, He's Lost His Mind 2.49
9-Our Thoughts Exactly 1.04
10-Volmer Institut 3.02
11-Terrible Darkness 3.18
12-Lipstick 4.21
13-Waiting 0.56
14-Zutritt Verboten 3.38
15-There's Nothing Wrong
With You People 1.25
16-Lockhart's Letter 2.12
17-Volmer's Lab 3.32
18-I Wanna Be Sedated 3.38*

*Interprété par Mirel Wagner
Ecrit par Benjamin Wallfisch.

Musique  composée par:

Benjamin Wallfisch

Editeur:

Milan Records 36812-2

Score produit par:
Benjamin Wallfisch
Co-producteur soundtrack:
Chris Craker
Choeur:
Crouch End Festival Chorus
Music clearance and legal:
Christine Bergren
Orchestrations:
Matt Dunkley, David J. Krystal
Monteur musique:
Carlton Kaller
Supervision copiste musique:
Jill Streater
Assistant technique score:
Max Sandler

Artwork and pictures (c) 2016 Regency Enterprises/New Regency Productions/Blind Wink Productions/Studio Babelsberg/TSG Entertainment. All rights reserved.

Note: ****
A CURE FOR WELLNESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Benjamin Wallfisch
Après l’échec de son « Lone Ranger » chez Disney, Gore Verbinski souhaitait renouer avec le style plus sombre et fantastique de son « The Ring » en réalisant « A Cure for Wellness », connu en France sous le titre « A Cure for Life ». Thriller psychologique mâtiné d’épouvante et de fantastique, « A Cure for Wellness » est une redoutable descente aux enfers qui rappelle incontestablement les films d’épouvante psychologique des années 70, une sorte de brûlot suffocant et torturé particulièrement dérangeant et étrange, comme on en voit très rarement de nos jours à Hollywood. Co-écrit par Verbinski lui-même aux côtés de son scénariste Justin Haythe, « A Cure for Wellness » raconte l’histoire troublante de Lockhart (Dane DeHaan), un jeune cadre d’une grande entreprise de produits financiers new-yorkaise qui est chargé par ses supérieurs hiérarchiques de retrouver un certain Roland Pembroke, le dirigeant de l’entreprise qui a disparu dans un mystérieux centre de cure thermale des Alpes suisses. Arrivé sur les lieux, Lockhart fait la rencontre du directeur de l’institut, le Dr. Heinrich Volmer (Jason Isaacs) qui se montre réticent à l’idée de laisser partir Pembroke. Comprenant que la situation est dans une impasse, Lockhart s’apprête à partir lorsque son véhicule est victime d’un terrible accident de la route. Le jeune homme se retrouve alors hospitalisé et placé sous les soins du Dr. Volmer dans l’institut même, avec une jambe plâtrée. Lockhart fait ensuite la connaissance d’Hannah (Mia Goth), une mystérieuse jeune fille qui vit à l’institut depuis des années et qui reste le patient privilégié du Dr. Volmer. Lockhart croise ensuite la route de Victoria Watkins (Celia Imrie), l’une des pensionnaires de l’établissement qui lui révèle la terrible histoire survenue il y a 200 ans, alors que l’institut a été construit sur les ruines du château du baron von Reichmerl. Ce dernier souhaitait avoir un héritier de sang pur et décida d’épouser sa soeur qui était stérile. Le baron découvrit alors un remède contre la stérilité de sa soeur en menant une série d’expériences interdites sur des paysans de la région, jusqu’à ce que les gens du village mettent le feu au château et décident de pendre la soeur du baron. Obsédé à l’idée de retrouver Pembroke par tous les moyens, Lockhart va tenter d’en savoir plus et va découvrir les sinistres secrets qui hantent les couloirs de l’institut du Dr. Volmer.

Avec un scénario somme toute assez alambiqué et fort complexe, « A Cure for Wellness » est un film particulièrement impressionnant et aussi très étrange. Pour préparer l’acteur Dane DeHaan au rôle du jeune Lockhart, Gore Verbinski chargea le comédien de regarder quelques classiques de l’épouvante avant de commencer à tourner, et plus particulièrement « Shining », « The Omen » et « Rosemary’s Baby ». Il est vrai qu’il y a un peu de tout cela dans « A Cure for Wellness ». La seule différence avec la plupart des productions horrifiques actuelles, c’est la liberté de ton ahurissante avec laquelle Verbinski a réalisé son film, à tel point que l’on se demande même comment le réalisateur a réussi à monter un tel projet dans un paysage hollywoodien hyper formaté et largement édulcoré. Le film s’avère porté par une ambiance particulièrement glauque et malsaine, abordant des thèmes tabous comme l’inceste ou les expériences interdites sur des êtres humains. Porté par une esthétique gothique/baroque assez troublante, le film rappelle aussi bien « Shining » que « Rosemary’s Baby » dans la façon dont il présente l’horreur par le biais de trouvailles visuelles déroutantes et des visions grotesques et délirantes – la scène de bal vers la fin du film rappelle indéniablement Polanski – Construit sous la forme d’un gigantesque puzzle dans lequel le héros campé par Dane DeHaan tente de recoller chaque pièce au gré de moult péripéties terrifiantes, le scénario de « A Cure for Wellness » nous amène petit à petit vers le terrible secret sur lequel repose l’institut du Dr. Volmer qui, paradoxalement, se situe dans un cadre idyllique et bucolique en plein coeur des Alpes suisses. Le film s’avère très dérangeant, torturé et beaucoup trop long (2h23 !), si bien que le public, découragé par sa longueur fastidieuse et son abondance d’images glauques et de thématiques malsaines, a décidé de bouder le film à sa sortie en salles en 2017 – le film a coûté 40 millions de dollars mais n’en rapportera que 26 ! – Pourtant, « A Cure for Wellness » est un film un peu à part dans un contexte cinématographique d’une pauvreté affligeante. Avec son esthétique stupéfiante, ses idées visuelles d’anthologie (le fameuse scène où Mia Goth se baigne dans une baignoire remplie de sangsues), son scénario complexe, sa réalisation oppressante et un casting constitué d’acteurs peu connus, le long-métrage de Gore Verbinski – à des années lumières de ses « Pirates of the Carribean » - pourrait bien devenir dans les années à venir un nouveau classique de l’épouvante psychologique, à ne surtout pas rater !

Habitué à travailler depuis plusieurs années avec Hans Zimmer et son équipe, Verbinski s’est cette fois-ci tourné vers Benjamin Wallfisch pour la musique de « A Cure for Wellness ». Enregistrée avec les musiciens du Chamber Orchestra de Londres et des choristes du Crouch End Festival Chorus et du Trinity School Boys Choir, le score de « A Cure for Wellness » s’impose dès la première écoute comme une oeuvre de choix de la part de Benjamin Wallfisch, visiblement très inspiré par son sujet. Le film débute au son de la voix du jeune enfant soprano Sebastian Exall dans « Hannah and Volmer ». Ce thème mélancolique et innocent – qui rappelle une berceuse enfantine d’antan – n’est pas sans rappeler l’introduction du « Rosemary’s Baby » de Krzysztof Komeda ou le « Hide & Seek » de John Ottman. La berceuse est associée dans le film à la jeune et énigmatique Hannah. Wallfisch accompagne ici cette douce mélodie par des cordes, un piano et des voix discrètes. Le second thème du score est celui associé au Dr. Volmer, dévoilé au piano dès 0:42, thème mélancolique sur un tempo de valse lente associée au passé trouble du personnage campé dans le film par Jason Isaacs. Le thème de Volmer est repris avec élégance par le jeune soprano et les choeurs à 2:36. Ne ratez pas aussi la reprise du thème au violon soliste à 3:56. Wallfisch nous plonge ici dans une ambiance à la fois mystérieuse, poétique et onirique où règne une douce mélancolie rêveuse et sombre à la fois, une introduction vaguement gothique de toute beauté, comme aurait pu en faire Christopher Young ou Jerry Goldsmith. Minimaliste, l’ouverture de « A Cure for Wellness » possède ce côté fascinant et envoûtant qui nous incite à en savoir davantage, avec ses harmonies douces et énigmatiques, une ouverture de toute beauté !

« Nobody Ever Leaves » reprend le thème du Dr. Volmer au piano sur un tempo plus lent et calme, un calme apparent qui cache en réalité un terrible secret. Wallfisch opte ici pour une approche classique dans son écriture, élégante et raffinée. Le retour de la berceuse chantée par l’enfant apporte ici une émotion particulière au morceau, avec sa tristesse sous-jacente et son innocence rêveuse, contrecarrée par des cordes sombres et des choeurs d’enfants lointains en fond sonore, comme pour rappeler l’idée d’un secret tapis dans l’ombre. « Bicycle » illustre la scène où Lockart et Hannah se rendent dans le village sur une bicyclette. Wallfisch met ici l’accent sur des harmonies majestueuses et plus lumineuses des cordes. A noter ici les arpèges rapides du violon et du piano dans un style toujours très classique et élégant. Ici aussi, le compositeur parvient à créer un climat envoûtant à travers ses harmonies ambiguës, à la fois séduisantes et empreintes d’un mystère inexplicable, d’un poids émotionnel insaisissable. Inversement, « The Rite » semble beaucoup plus clair et impose un ton plus sombre et brutal au récit à l’aide de sonorités électroniques brumeuses et de choeurs menaçants. A noter ici l’emploi de la chorale d’adultes qui apporte une dimension quasi gothique au film, avec le retour du thème du Dr. Volmer aux voix. La seconde partie de « The Rite » accompagne la séquence de la valse frénétique à la fin du film. Wallfisch pastiche ici le style des valses classiques de la fin du XIXe siècle, celles de Strauss ou de Tchaïkovski durant la scène de l’étrange bal surréaliste qui accompagne le rituel final de Volmer.

« Feuerwalzer » accompagne la confrontation finale entre Lockhart et Volmer à l’aide d’une superbe reprise du thème de Volmer sous la forme d’une valse déchaînée. Le morceau se transforme très vite en déchaînement orchestral d’action entrecoupé d’allusions brillantes à la valse. Wallfisch en profite pour développer le superbe thème d’Hannah à l’orchestre, juxtaposé à celui de Volmer dans une coda dramatique et brutale de haut niveau, dont l’intérêt est rehaussé par l’emploi remarquable de choeurs apocalyptiques. Impossible de passer ensuite à côté de la très belle reprise du thème d’Hannah dans « Magnificent, Isn’t It », jouée ici délicatement par une boîte à musique et un violoncelle – en référence à la figurine de la ballerine que Lockart offre à la jeune fille – « Actually, I’m Feeling Much Better » reprend le thème de Volmer sur un ton plus urgent et inquiétant, avec ses cordes frénétiques et ses cuivres massifs, incluant quelques effets bourdonnants des synthétiseurs. « Clearly He’s Lost His Mind » nous plonge quand à lui dans une ambiance ténébreuse et menaçante à l’aide de cordes graves et de sonorités dissonantes qui instaurent un malaise à l’écran. Benjamin Wallfisch en profite ici pour expérimenter autour des voix fantomatiques et des synthétiseurs étranges et lugubres. Plus étonnant, « Our Thoughts Exactly » utilise des synthétiseurs analogiques à la manière de Goblin ou de John Carpenter dans les années 80. La dimension gothique de la musique est toujours très présente, notamment à travers les voix qui évoquent les secrets de l’institut de cure thermale du Dr. Volmer. A ce sujet, « Volmer Institut » illustre l’arrivée de Volmer à l’institut au début du film à l’aide d’instruments métalliques inventifs et d’harmonies majestueuses et mystérieuses à la fois.

« Terrible Darkness » nous ramène dans la noirceur pour un autre passage à suspense de la partition de « A Cure for Wellness ». A noter la façon dont Wallfisch joue ici sur le calme et le silence pour mieux faire monter la tension jusqu’à une seconde partie plus dissonante et chaotique. La musique évoque ici la folie qui envahit l’institut de Volmer, les patients dont l’état de santé se dégrade anormalement et la menace qui pèse continuellement sur Lockart à l’intérieur de ce bâtiment. Dans « Lipstick », Wallfisch accentue le travail autour de l’électronique, des voix, du piano martelé dans le grave et des cordes dissonantes pour parvenir à ses fins. Le compositeur va même jusqu’à expérimenter autour de samples étranges et insolites qui déstabilisent le spectateur et nous plongent dans un climat d’effroi totalement surréaliste – est-ce un rêve ? Est-ce la réalité ? – Si le but du compositeur était ici de susciter un malaise à l’écran, c’est très réussi, « Lipstick » étant de loin l’un des passages les plus dérangeants de « A Cure for Wellness ». « Zutritt Verboten » est un autre passage d’action chaotique utilisant l’électronique de manière fort inventive, y compris dans la partie rythmique. « There’s Nothing Wrong with You People » illustre la scène où Lockhart tente de faire réagir les patients à la fin du film pendant un dîner dans le salon principal, en les alertant sur leur état de santé et les mensonges de Volmer. Le compositeur parvient ici à faire monter la tension avec le retour de ses sonorités synthétiques bourdonnantes et de ses nappes sonorités torturées. Enfin, « Volmer’s Lab » reprend une dernière fois les thèmes de Volmer et d’Hannah pour une conclusion fort satisfaisante.

Benjamin Wallfisch signe donc un score de très grande qualité pour « A Cure for Wellness », probablement l’un de ses meilleurs travaux à ce jour pour le cinéma. La partition est inspirée, sombre, mystérieuse et immersive, reflétant parfaitement toute la complexité d’un récit dérangeant où rien ne semble être réel, où le danger est omniprésent à chaque couloir, chaque chambre ou chaque pièce que Lockhart visite dans cet institut de cure thermale. La musique apporte cette sensation de mystère gothique, de suspense glauque et d’idées mélodiques mélancoliques et poignantes à un film déjà très intense, chacun se nourrissant du travail de l’autre dans une symbiose artistique évidente. Si Gore Verbinski cherchait un remplaçant à Hans Zimmer, il semble enfin l’avoir trouvé en la personne de Benjamin Wallfisch, qui signe donc une partition de très grande qualité pour « A Cure for Wellness », un score envoûtant à ne surtout pas rater, qui est en passe de devenir une nouvelle référence dans la filmographie du compositeur britannique !



---Quentin Billard