1-Opening Bell 2.40
2-Bear Market 1.30
3-Initial Claims 1.13
4-Triple Buy 4.46
5-Molly 3.42
6-Human Error 2.00
7-Hostile Takeover 5.13
8-Outside World 5.06
9-Rallying Market 2.24
10-High Frequency Fraud 3.11
11-Market Crash 2.12
12-Closing Bell 1.33
13-Global Players 3.39

Musique  composée par:

Dominic Lewis

Editeur:

Sony Classical 886445876307

Album produit par:
Dominic Lewis, Al Clay
Score produit par:
Henry Jackman
Direction de la musique pour
Sony Pictures:
Lia Vollack
Monteurs musique:
Richard Ford, Jack Dolman,
Daniel Waldman

Arrangements additionnels:
Antonio Andrade
Programmation synthés:
Tom Skyrme
Orchestré et conduit par:
Stephen Coleman
Préparation musique:
Booker T. White
Productions de services musicaux:
Matthew K. Justmann
Sony Classical Licensing:
Mark Cavell
Sony Classical Product Development:
Klara Korytowska

Artwork and pictures (c) 2016 CTMG and (p) 2016 TriStar Productions, Inc. All rights reserved.

Note: ***
MONEY MONSTER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Dominic Lewis
« Money Monster » est le nouveau long-métrage réalisé par Jodie Foster sorti en 2016. Ce n’est pas la première fois que l’actrice passe derrière la caméra puisque sa première réalisation remonta à 1991 avec « Little Man Tate », suivi de « Home for the Holidays » en 1995 et « The Beaver » en 2011. Pour son quatrième film, Jodie Foster s’intéresse cette fois-ci au monde de la finance et des marchés boursiers dans « Money Monster ». On y suit l’histoire de Lee Gates (George Clooney), un présentateur célèbre d’une émission TV, « Money Monster », qui prodigue des conseils financiers et analyse les tendances à Wall Street. 24 heures plus tôt, IBIS Clear Capital, une importante entreprise américaine, a vu le cour de ses actions chuter de façon vertigineuse et inexpliquée, ayant fait perdre à ses investisseurs la somme astronomique de 800 millions de dollars. Le crash financier d’IBIS serait du à un bug informatique lié à l’algorithme qui gère les transactions financières. Peu de temps après, un jeune homme nommé Kyle Budwell (Jack O’Connell) débarque subitement dans les studios, une arme à la main, et prend en otage Lee Gates devant les caméras et des millions de spectateurs. Kyle a été ruiné après avoir suivi les conseils en « stock-picking » de Lee à la télévision concernant les actions d’IBIS, considérée quelques heures avant comme une valeur sûre. Le jeune homme vient aujourd’hui demander des explications musclées, tandis que la réalisatrice Patty Fenn (Julia Roberts) continue de tourner à la demande expresse de Kyle. Mais lorsqu’il réalise que Lee est incapable de répondre à ses questions, Kyle exige alors de rencontrer le PDG d’IBIS Walt Camby (Dominic West), mais ce dernier reste introuvable. Désormais, Lee et Patty n’ont plus que quelques heures pour trouver une solution car la police vient de débarquer dans les studios de l’émission et s’apprête à donner l’assaut à tout moment.

« Money Monster » s’avère donc être une double charge contre les malversations des gros financiers de Wall Street et l’abrutissement des médias et de la télévision. Réalisé efficacement par une Jodie Foster plutôt inspirée, le film est un thriller dense et nerveux reposant sur un compte à rebours dont l’issue semble on ne peut plus claire : comme il le dit lui-même dans le film, Kyle Budwell sait que dès qu’il a mis les pieds dans le studio de télévision, il n’en ressortirait pas vivant, mais il tente aujourd’hui le tout pour le tout, bien décidé à demander des comptes à ceux qui l’ont conduit à la ruine, à commencer par Lee Gates, showman et présentateur à succès d’une émission ultra populaire suivie chaque jour par des milliers de spectateurs, qui prétend offrir de précieux conseils en matière d’actions boursières mais qui s’avère être bidon, monté de toute pièce pour un public beauf et crédule. Et c’est là que le film marque un point, car derrière le thème de Wall Street et des marchés boursiers, il y a surtout celui de l’abrutissement en masse et de la désinformation de la télévision et d’internet : d’un côté, il y a l’américain moyen qui se révolte face au système qui l’écrase et des riches qui se moquent complètement de lui (bien que cette vision soit assez manichéenne dans le film), mais il y aussi le présentateur à succès qui vit dans sa tour d’Ivoire et qui tente en vain de sauver sa peau en demandant à tous les téléspectateurs de miser sur l’action IBIS en direct, et qui réalise peu de temps après que l’action vient non seulement de chuter mais que sa vie n’a finalement aucune valeur auprès du public.

Dur retour à la réalité pour la super-star de la télévision qui se voit alors contraint sous la menace d’une arme de réaliser un vrai travail de journaliste et d’enquêteur, épaulé par sa fidèle complice Patty Fenn et son caméraman qui décident alors de retrouver Walt Camby, le PDG d’IBIS, pour découvrir la vérité sur les 800 millions de dollars qui ont mystérieusement disparu des comptes de l’entreprise. On pourra toujours trouver le film assez simple et platement réalisé, mais Jodie Foster parvient à convaincre grâce à un scénario captivant qui reflète les préoccupations de nos sociétés modernes – l’argent de la finance et le pouvoir des médias – et qui s’avère bien plus malin qu’il n’y paraît. Kyle Budwell est désespéré et prêt à tout pour réclamer des comptes à tous ceux qui l’ont conduit à la ruine. Il est la voix de toute cette Amérique populaire, cette classe moyenne qui se révolte enfin contre l’arrogance des riches qui vivent dans leurs buildings et amassent des millions sur le dos de la population. D’un autre côté, on pourrait croire que Lee Gates a enfin compris le message de Kyle lorsqu’il décide de l’aider à résoudre l’enquête sur Walt Camby et les 800 millions de dollars – on jurerait même que Lee est touché par le syndrome de Stockholm à la fin du film – mais il ne faut pas non plus oublier que sa réalisatrice Patty insiste pour que tout soit filmé en direct en pensant au coup publicitaire et médiatique qu’ils vont créer grâce à cette émission totalement improvisée devant des millions de spectateurs.

ATTENTION, SPOILER : A ce sujet, les spectateurs attentifs remarqueront un plan lourd de sens juste après que Kyle ait été abattu dans la rue par la police : un spectateur qui vient d’assister dans un bar à l’exécution du jeune homme en direct à la télévision se remet immédiatement à jouer au baby-foot, visiblement peu choqué par ce qu’il vient de voir : triste constat d’une époque où la mort est banalisée par la télévision et où le spectateur a perdu son humanité et sa capacité à s’émouvoir à force de se gaver d’images abrutissantes et nihilistes. On pourrait aussi penser que le spectateur est simplement blasé et ne croit pas en la véracité de ce qu’il vient de voir : « à tous les coups, c’est une mise en scène ! » pourrait-il penser. Sa réaction est-elle par ailleurs condamnable ? Ne devrait-on pas plutôt protester contre l’asservissement du peuple par les médias ? Le public lui-même n’est-il pas en premier responsable de cet asservissement ? Chacun aura sa réponse à ces questions clé, « Money Monster » soulève donc des questions capitales et interroge le public sur des enjeux majeurs de notre société actuelle. Quand au monde de la finance, la complexité des spéculations, des transactions financières et des marchés boursiers est telle que la plupart des spectateurs lambda auront bien du mal à comprendre les rouages du système, et les explications que Lee donne vers la fin du film au sujet des malversations financières de Walt Camby en Afrique du Sud sont assez indigestes. Ainsi donc, si « Money Monster » n’a rien d’un chef-d’oeuvre en soi, il soulève une quantité importante de questions liées à notre monde moderne et repose quasi entièrement sur son formidable trio d’acteur formé par George Clooney, Julia Roberts et l’excellent Jack O’Connell, mâchoire serrée et arme au poing, prêt à en découdre avec le système.

La musique de « Money Monster » a été confiée à Dominic Lewis, connu pour ses nombreuses musiques additionnelles sur des scores d’Hans Zimmer et d’Henry Jackman, incluant pêle-mêle « Kung Fu Panda 2 », « Rango », « Puss in Boots », « X-Men First Class », « Wreck-it-Ralph », « Man On a Ledge », « G.I. Joe – Retaliation », « Big Hero 6 » ou « Kingsman ». Lewis réalisa en 2015 l’un de ses premiers efforts en solo sur le film d’action « Spooks : The Greater Good ». C’est par le biais d’Henry Jackman que Dominic Lewis a été recommandé à Jodie Foster sur « Money Monster », le compositeur ayant été obligé d’écrire une musique électro-acoustique en un temps record (à peine 3 semaines). A noter pour ailleurs qu’Henry Jackman est crédité au générique du film en tant que producteur de la musique de Lewis, un geste fair-play de la part du musicien pour qui Lewis a travaillé pendant plusieurs années et à qui il renvoie aujourd’hui l’ascenseur. Le score débute ainsi dans « Opening Bell », introduisant le thème principal, une mélodie rythmique aux synthétiseurs sur fond de rythmes électroniques modernes et rapides, évoquant le monde de l’information et des médias contemporains. Le thème fait parfois vaguement penser à un jingle d’émission TV moderne et se construit autour de pulsations électro incessantes qui correspondent parfaitement à l’esthétique visuelle du film de Jodie Foster, qui souhaitait par ailleurs un son moderne sur son film et rien qui sonne comme quelque chose d’hollywoodien.

A noter que, pour les besoins de la partition, Dominic Lewis a enregistré des sons à Wall Street ou dans des casinos pour évoquer le monde de l’argent et de la finance, samples qu’il a ensuite intégrés à sa partition pour concevoir la musique de « Money Monster ».Dans « Bear Market », Lewis introduit le deuxième thème du score, un motif de piano aux notes ascendantes associé dans le film à Kyle Budwell. Ce motif passe aussi furtivement dans « Initial Claims », alors que Kyle prend Lee en otage dans le studio de l’émission TV et réclame des explications à ceux qui l’ont conduit à la ruine. Dans « Triple Buy », Lewis accentue le travail autour des pulsations électroniques et des claviers dans un style qui rappelle parfois les travaux électroniques de Cliff Martinez ou de Blake Neely à la télévision (on pense notamment à ses scores pour la série TV « Mentalist »). « Triple Buy » reprend le thème principal avec l’ajout d’un orchestre à cordes associé dans le film à Lee Gates, pour ne pas perdre de vue l’aspect émotionnel et humain du récit. Lewis apporte un climat de détermination à « Triple Buy », lorsque Lee incite les téléspectateurs à enchérir sur l’action de IBIS pour sauver sa peau. Le compositeur suggère ici une montée d’espoir assez vibrante et touchante avec cette mélodie synthétique répétée inlassablement dans un crescendo très réussi, sans aucun doute l’un des meilleurs morceaux de la partition de « Money Monster ». « Molly » développe quand à lui des accords plus intimistes et mélancoliques de piano, des cordes et quelques pulsations synthétiques plus apaisées, lorsque Kyle réalise qu’il a tout perdu, y compris le respect de sa propre femme. La dernière partie de « Molly » devient par ailleurs plus sombre, plus menaçante et incertaine, alors que la police s’apprête à intervenir et que la situation se complexifie dangereusement dans le studio de télévision.

« Human Error » développe les pulsations électroniques et les samples de Wall Street ou des casinos, sur un ton beaucoup plus atmosphérique et franchement peu intéressant en écoute isolée. « Hostile Takeover » fait quand à lui monter la tension alors que Patty réalise que la police s’apprête à intervenir en tirant sur Lee pour désamorcer la bombe qu’il porte sur lui. Ici, Dominic Lewis gomme tout aspect mélodique et accentue le travail des pulsations et des nappes sonores. Néanmoins, le thème revient de manière tronquée sous la forme d’un ostinato de claviers vers 2:15. A noter ici la façon dont Lewis parvient à faire monter la tension d’un cran à l’aide de glissandi des cordes et de pulsations de plus en plus agressives, y compris dans l’emploi des samples sonores. Le thème revient ensuite à partir de 4:20 sur un tempo plus rapide et urgent, de façon plus dramatique (notamment grâce à l’apport indispensable des cordes). Certains passages sombres comme « Outside World » maintiennent le spectateur en haleine dans le film, tout comme « Rallying Market » qui reprend le thème principal dans un nouveau crescendo dramatique réussi similaire à celui de « Triple Buy », évoquant la quête de Kyle et Lee pour découvrir la vérité sur les fraudes de Walt Camby à la fin du film. Le thème est aussi repris de manière plus ample dans « High Frequency Fraud » où il semble atteindre une certaine apogée dramatique au fur et à mesure que l’on se rapproche de la révélation finale.

On notera l’emploi du violoncelle soliste de Dominic Lewis dans « Market Crash », qui reprend le thème de Kyle sous une forme plus lente et mélancolique, dénuée de toute forme de tension mais beaucoup plus contemplative et résignée, à l’image du personnage à la fin du film. Le piano pose ensuite des accords solitaires qui semblent en dire long sur la fin tragique du film. « Closing Bell » marque la fin des péripéties de Lee Gates et Patty Fenn avec une dernière reprise du thème principal plus optimiste et déterminée. Enfin, « Global Players » accompagne le générique de fin sur une ultime reprise du thème principal. Dominic Lewis signe donc un score électro/orchestral assez minimaliste et convaincant pour « Money Monster », même si l’on sent clairement que le score a été écrit rapidement, sans grande marge de manoeuvre, mais avec de bonnes intentions. Le score apporte une tension constante au film de Jodie Foster et évoque les émotions des personnages et des situations tout au long des épreuves qu’ils vont devoir traverser ensemble. On aurait simplement aimé entendre quelque chose d’un peu plus original et de plus ambitieux pour ce film, qui aurait certainement mérité quelque chose de plus fort, de plus mémorable. Néanmoins, le score de « Money Monster » possède un capital sympathie indéniable grâce à son thème principal entêtant et ses bonnes idées sonores. Clairement, Dominic Lewis sait où il va mais il lui manque encore une personnalité musicale forte pour se détacher de son mentor Henry Jackman et s’imposer dans la cour des grands. Gageons que ses prochains projets en solo lui permettront de s’épanouir et de laisser davantage libre cours à son imagination !



---Quentin Billard