1-An Uncertain Future/Main Title 3.38
2-Shelby & Percy 5.55
3-Hannah's Fall 1.58
4-The Mystery of the Night 1.21
5-Open For Business 2.25
6-Remembering Eli 1.54
7-The Trees 1.39
8-A Gift From The Forest 4.43
9-Reading The Letters 2.02
10-A Healing Balm 5.59
11-A New Life For Gilead 1.25
12-Wrongful Blame 2.15
13-A Desperate Decision 5.07
14-...Care Of The Spitfire Grill 9.53

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Sony Classical SK 62776

Album produit par:
James Horner
Orchestrations de:
James Horner
Monteur musique:
Jim Henrikson
Préparation musique:
Bob Bornstein
Enregistrement et mixage:
Shawn Murphy

Artwork and pictures (c) 1996 Castle Rock Entertainment. Package (c) 1996 Sony Music Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE SPITFIRE GRILL
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
Drame intimiste écrit et réalisé en 1996 par Lee David Zlotoff – l’auteur de la série culte « MacGyver » de 1985 – « The Spitfire Grill » ( La Seconde Chance) raconte une histoire de rédemption dans une petite ville rurale du Maine. On y suit l’histoire touchante de Percy Talbott (Alison Elliott), une jeune femme qui vient tout juste de sortir de prison et qui trouve un job dans la petite ville de Gilead, où elle officie en tant que serveuse au Spitfire Grill tenu par Hannah (Elle Burstyn), une vieille dame aigrie et intolérante. Très vite, les habitants de la ville commencent à s’interroger sur la mystérieuse Percy. Certains voient par ailleurs d’un très mauvais oeil la présence d’une étrangère dans leur communauté : c’est notamment le cas de Nahum (Will Patton), le neveu d’Hannah et la mari de Shelby (Marcia Gay Harden), la seconde serveuse du Spitfire Grill. Lorsqu’Hannah se retrouve immobilisée après avoir fait une mauvaise chute chez elle, Percy et Shelby décident de sauver le Grill en reprenant les choses en main. C’est alors que Percy a l’idée d’organiser un concours d’écriture où chaque participant devra écrire un texte en échange d’un peu d’argent, et dont le vainqueur deviendra le nouveau propriétaire du Spitfire Grill. Alors que les lettres s’amoncellent de jour en jour, Percy, Shelby et Hannah semblent enfin retrouver l’espoir. Hélas, Nahum, toujours aussi suspicieux, découvre que Percy est sortie récemment de prison et va tout faire pour tenter de la discréditer, jusqu’à la faire accuser à tort d’avoir dérobé l’argent dans le coffret-fort d’Hannah. Pendant ce temps, Percy tente d’établir le contact avec Johnny B. (John M. Jackson), un mystérieux ermite qui vit dans les bois, et qui semble avoir un lien avec Hannah. Avec les accusations lancées contre Percy, les choses vont s’envenimer dans la petite ville et chacun sera confronté à ses propres actions et le poids de sa conscience.

« The Spitfire Grill » est donc un récit touchant sur la rédemption, la compassion et les problèmes économiques des petites villes rurales de l’Amérique. Réalisé de manière classique sans aucun artifice particulier, le film se veut plutôt simple à l’échelle humaine. Produit par Castle Rock Entertainment (à qui l’on doit notamment des classiques des 90’s comme « Misery », « City Slickers », « In The Line of Fire » ou « The Shawshank Redemption »), le long-métrage de Lee David Zlotoff a connu un certain succès au festival de Sundance en 1996 bien que son accueil critique et commercial ait été plus mitigé par la suite. Alison Elliott campe une Percy Talbott particulièrement convaincante, une jeune femme brisée qui tente de donner une seconde chance à son existence en démarrant une nouvelle vie dans une petite ville, seconde chance qui lui sera refusée par certains individus méfiants et soupçonneux – la question étant de savoir s’il est possible de refaire sa vie quand on sort de prisons au bout de quelques années – « The Spitfire Grill » nous propose aussi une formidable galerie de personnages féminins en tout genre autour du trio formé par Alison Elliott, Marcia Gay Harden et Ellen Burstyn. Chronique douce-amère de ces femmes en quête de rédemption (chacune pour des raisons différentes), « The Spitfire Grill » est donc une jolie comédie dramatique dont les fonds récoltés à la sortie du film au cinéma permirent de construire des écoles maternelles pour 450 enfants à Southaven dans le Mississippi. Par la suite, le film sera même adapté à Broadway sous la forme d’une comédie musicale en 2001, écrite par Fred Alley et James Valcq.

« The Spitfire Grill » est aussi connu pour la très belle partition musicale de James Horner, qui était alors au sommet de sa carrière en 1996. On se souvient d’ailleurs que le compositeur était habitué aux gros films qu’il mettait régulièrement en musique depuis les années 80 jusqu’au milieu des années 90. C’est pourquoi sa participation à un petit film intimiste comme « The Spitfire Grill » paraissait complètement inattendue. On raconte d’ailleurs que les producteurs du film, anticipant le succès de « The Spitfire Grill » au festival de Sundance 1996, auraient ainsi eu l’idée de faire appel à Horner pour booster le succès de leur film – dont la musique avait été initialement confiée à Bennie Wallace - On se souvient par ailleurs que la VHS française du film était sortie en 1999 avec la mention « Musique de James Horner, 2 Oscars 1998 pour la musique de Titanic ». C’est probablement l’une des rares fois où un petit film est vendu avec le nom du compositeur de la musique ! Le score est écrit pour un petit ensemble orchestral incluant des cordes, des bois, des cuivres, un piano, un violon, des guitares/banjo, une batterie et une harpe, le tout enregistré en 1995 par le vétéran Shawn Murphy aux studios Todd-AO Scoring Stage, studio fétiche d’Horner dans lequel il enregistra une bonne partie de ses musiques de film. A la première écoute, on apprécie le charme poétique et la délicatesse de la partition d’Horner, visiblement inspiré par son sujet. Comme toujours, le musicien est un spécialiste de l’émotion à fleur de peau et de l’évocation musicale des sentiments humains, et sa musique pour « The Spitfire Grill » accompagne le périple de Percy Talbott à Gilead tout au long du film, sans jamais verser dans le mélodrame ou la surenchère hollywoodienne. Minimaliste et toute en retenue, la musique d’Horner est à l’échelle humaine, réaliste, poignante et nostalgique.

Le film débute au son du piano de « An Uncertain Future/Main Title », alors que Percy vient tout juste de sortir de prison et arrive à Gilead pour travailler au Spitfire Grill d’Hannah. Le morceau se partage ici entre le piano et les bois (hautbois, flûte, clarinette) avant d’être rapidement rejoint par le reste de l’orchestre. On ressent ici toute l’élégance et la grâce de l’écriture d’Horner, aussi à l’aise dans le jeu des solistes que dans celui de l’orchestre, où chaque pupitre est valorisé, incluant les cuivres (et notamment le cor soliste). On a souvent comparé cette ouverture à celle de « To Kill a Mockingbird » (1962) d’Elmer Bernstein. Il est vrai qu’il y a une ressemblance étonnante dans la manière de faire, mais Horner possède sa propre personnalité et sait se distinguer de ses pairs tout en assumant pleinement ses références musicales, fruit d’une certaine expérience et d’une profonde connaissance de l’histoire de la musique. Il y a dans « An Uncertain Future/Main Title » une forme d’introspection typique de la partition de « The Spitfire Grill », un respect véritable pour les personnages du film et les enjeux dramatiques et émotionnels du récit. Dans « Shelby & Percy », Horner introduit les instruments solistes aux couleurs locales ‘americana’ : banjo, guitare, violon fiddle, petites percussions et piano. L’emploi de ces instruments fait parfois penser ici au style de Thomas Newman sur des films similaires, mais encore une fois, Horner parvient à se démarquer des autres grâce à une intelligence d’écriture véritable et très classique d’esprit. Quand aux instruments solistes, ils sont employés ici pour évoquer la petite ville rurale de Gilead et évoquer l’atmosphère bucolique et campagnarde du film.

On retrouve le thème de piano de « An Uncertain Future » dans « Shelby & Percy », alors que les deux jeunes femmes décident de travailler ensemble pour aider Hannah au Spitfire Grill. A 3:33, Horner introduit un motif récurrent du score, une mélodie mystérieuse et aérienne de piccolo sur fond de tenues de cordes et de notes furtives du piano. Le thème évoque la forêt qui se trouve derrière le Grill d’Hannah et le mystérieux ermite qui vit dans les bois, et avec lequel Percy tente de rentrer en contact. « Hannah’s Fall » illustre la scène où Hannah vient de chuter et se retrouve paralysée. Ici aussi, Horner conserve son approche minimaliste et retenue, partagée entre le piano, les bois et des cordes délicates. « The Mystery of the Night » reprend le motif mystérieux de piccolo de « Shelby & Percy » alors que Percy semble de plus en plus fascinée par la forêt et l’énigmatique ermite qui s’enfuit à chaque fois qu’elle apporte de la nourriture dans le sac déposé régulièrement à l’arrière du Grill. Typiquement impressionnistes, les notes du piccolo semblent évoquer le chant d’un oiseau dans les arbres. Les instruments americana reviennent dans « Open for Business » sur fond de rythmique folk/blues très réussie, alors que les affaires reprennent au Spitfire Grill de Gilead. « Remembering Eli » joue davantage sur l’idée de la mémoire alors qu’Hannah confie ses souvenirs au sujet de son fils Eli. Comme toujours avec Horner, on ressent ici un profond respect, une émotion délicate avec ses harmonies poignantes et retenues de cordes, de piano et de vents.

Plus intéressant, « The Trees » introduit des synthétiseurs cristallins alors que Percy s’assoit au milieu de la forêt et observe la nature autour d’elle. On devine ici une certaine magie et une grâce poétique grâce à ses notes éthérées de piano et le retour du piccolo impressionniste. « A Gift from the Forest » illustre la séquence où Percy recherche l’ermite dans la forêt, avec le retour du thème de piano de Percy de « An Uncertain Future », couplé cette fois-ci au piccolo, au cor, au violon soliste et aux cordes, le piccolo conservant ce caractère bucolique évoquant ici aussi le chant des oiseaux dans les arbres. Mais le vrai point fort du score, c’est le superbe « Reading the Letters », qui introduit enfin le thème principal de « The Spitfire Grill ». Il s’agit d’une mélodie belle et poétique comme Horner savait si bien en faire sur ses films. Le thème est interprété ici par le violon fiddle sur fond de rythmes folk et de piano pour la séquence où Shelby, Percy et Hannah lisent les lettres qu’elles viennent de recevoir pour le concours d’écriture - les fans du compositeur citent d’ailleurs souvent « Reading the Letters » comme le plus beau morceau de la partition de « The Spitfire Grill » - « A Healing Balm » reprend et développe les idées musicales de « The Trees », « Hannah’s Falls » ou « Shelby & Percy », tout comme « A New Life for Gilead » où Horner travaille autour du thème principal à la guitare, au piano et aux cordes sur un rythme plus déterminé et plein d’optimiste, Percy s’ouvrant à nouveau la vie en même temps que la petite ville de Gilead, qui l’a enfin accepté comme elle le mérite. Pourtant, tout semble changer dans « Wrongful Blame », alors que Percy est accusée à tort du vol de l’argent d’Hannah.

« A Desperate Decision » nous amène ainsi au dernier acte du film, 5 minutes dramatiques et intenses où Shelby et Hannah recherchent activement Percy qui s’est enfuie dans la forêt pour y sauver Johnny B./Eli. Horner en profite pour développer ici le motif de piccolo et nous propose quelques mesures plus agitées où l’on retrouve son style orchestral dramatique habituel (notamment dans l’écriture des cuivres et des timbales) à travers une brillante montée de tension illustrant la traque dans la forêt. Enfin, « Care of the Spitfire Grill » conclut le film à travers 9 minutes d’une rare beauté, récapitulant l’essentiel de la partition de James Horner. « The Spitfire Grill » est donc une très belle partition intimiste et touchante qui, à défaut de faire partie des chefs-d’oeuvre du compositeur – qui a écrit des musiques bien plus mémorables et abouties – n’en demeure pas moins très touchante et réussie, indissociable du film de Lee David Zlotoff et du style lyrique si reconnaissable du compositeur. James Horner procède ici avec une extrême délicatesse, livrant un score minimaliste et tout en retenue pour le film. Souvent considéré comme un score très sous-estimé du compositeur, « The Spitfire Grill » mérite d’être redécouvert et apprécié à sa juste valeur !



---Quentin Billard