1-Buttkong 2.57
2-The Flood 2.05
3-The Unit In Beavis' Pants 2.07
4-Dying In The Desert 3.33
5-The ATF 1.21
6-Dallas and Muddy 1.47
7-Searching for the TV 0.51
8-Beavis The Sperm 1.45
9-The Freeway Incident 1.35
10-Defcon 4 1.46
11-Judgorian Chant 0.37
12-Mr. President, We're
Never Gonna Score 1.50
13-The Walk Into The Sunset 1.04
14-The Standoff 3.31
15-Aunque La Mona 0.54*
16-Mucha Muchacha 3.01**

*Not contained in film
**Ecrit et interprété par
Juan Garcia Esquivel.

Musique  composée par:

John Frizzell

Editeur:

Milan Records 73138 35787-2

Score produit par:
John Frizzell
Orchestre:
The London Metropolitan Orchestra
Orchestrations:
Frank Bennett, Emile A. Bernstein
Préparation musique:
Steven L. Smith
Supervision de production musicale:
Graham Walker

(c) 1996 Paramount Pictures/MTV Productions/Geffen Pictures. All rights reserved.

Note: ***
BEAVIS AND BUTT-HEAD
DO AMERICA
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Frizzell
A l’origine, « Beavis & Butt-Head » est une série d’animation de Mike Judge diffusée entre 1993 et 1997, suivi de quelques nouveaux épisodes tournés en 2011. Il s’agit d’une célèbre série culte américaine de la télévision, qui fut rapidement interdite aux moins de 14 ans. La série évoque les aventures rocambolesques de Beavis et Butt-Head, deux ados fan de hard-rock/metal totalement déglingués, une sorte de variation trash sur le thème de « Wayne’s World ». Totalement satirique, la série est rapidement devenue culte en raison de l’attitude atypique des deux jeunes ados de la série : Beavis et Butt-Head ont ainsi la particularité de n’être surveillés par aucun parent, de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent. Ils ne sont jamais sortis avec des femmes mais sont obsédés par le sexe, ils adorent aussi la violence et les choses morbides. Beavis est blond avec une grosse tête, il porte un tee-shirt Metallica. C’est un pyromane qui a un problème avec le café et le sucre : lorsqu’il en absorbe en trop grande quantité, il se transforme en Cornholio, un personnage imaginaire totalement déglingué. Butt-Head, lui, c’est le brun avec un appareil dentaire, qui porte un tee-shirt d’AC/DC. On le reconnaît à ses rires imbéciles et son comportement déviant. Toute la série tourne ainsi autour de l’incroyable stupidité de ces deux anti-héros qui passent leur temps à ricaner comme des andouilles, sont analphabètes, font des choses illégales et n’ont aucun sens moral.

La série est produite par MTV et devient rapidement un vrai phénomène de société aux Etats-Unis. Véritable icône pop de la culture trash des années 90 au même titre que le « South Park » de Trey Parker et Matt Stone, « Beavis & Butt-Head » fut rapidement adapté en un long-métrage qui sortit en salles en 1996 sous le titre « Beavis & Butt-Head Do America » (Beavis et Butt-Head se font l’Amérique). Le film est à nouveau réalisé par Mike Judge et résume en 81 minutes tout l’essentiel de l’univers de la série TV. On y retrouve nos deux ados attardés qui ricanent constamment et passent leur temps à parler de sexe et à multiplier les bêtises en tout genre. Obsédés à l’idée de séduire une fille – ce sont d’éternels puceaux frustrés ! – Beavis et Butt-Head découvrent un jour que quelqu’un a volé leur télévision. Ils s’embarquent alors dans une folle aventure pour tenter de la retrouver. Peu de temps après, ils arrivent dans un motel où un écriteau indique « TV dans toutes les chambres », persuadés qu’ils peuvent récupérer une télévision dans une chambre d’hôtel. Ils y font alors la connaissance d’un certain Muddy Grimes, qui attend l’arrivée de deux tueurs à gage. Muddy prend alors Beavis et Butt-Head pour les deux professionnels qu’il attendait et leur demande de « se faire » sa femme. Comme ils ont encore une fois tout compris de travers, les deux ados croient que Muddy leur demande de « coucher » avec sa femme et se rendent alors à Las Vegas pour y rencontrer Dallas Grimes. Beavis et Butt-Head se retrouvent alors embarqués dans une folle aventure où ils vont déjouer sans même le savoir une conspiration liée à une arme biologique secrète nommée le X-5 Unit, seront poursuivis par les hommes de l’ATF dirigés par l’agent Flemming, visiteront le Grand Canyon et le Park National Yellowstone, traverseront le désert à pied, déclencheront une procédure DEFCON 4 de l’armée américaine et empêcheront de justesse une arme biologique de se répandre devant la Maison-Blanche.


UN HYMNE A LA POP CULTURE TRASH AMERICAINE


« Beavis & Butt-Head Do America » est bel et bien dans la veine de la série TV : stupide, trash, vulgaire, satirique, ironique, geek, sexiste, le film est tout cela à la fois. Mike Judge joue ici la carte des quiproquos et des malentendus en plaçant Beavis et Butt-Head dans des situations totalement invraisemblables tout en jouant sur l’incroyable stupidité des deux ados, qui ne réalisent même pas ce qu’ils sont en train de faire. Tout le scénario tourne ici autour de la frustration de nos deux affreux jojos qui rêvent de « se faire une fille » et dépriment lorsqu’ils réalisent que leur télévision a disparue. S’en suit une longue série de gags en tout genre, de dialogues vulgos et de situations hallucinantes où les deux ados deviendront bien malgré eux des héros américains. Le problème, c’est qu’en supprimant le ressort comique habituel de la série, à savoir la télévision, Mike Judge oblige alors Beavis et Butt-Head à quitter leur nid douillet pour voyager un peu partout dans le pays. Le film s’éloigne quelque peu du ton satirique de la série TV lorsqu’il se transforme en une sorte de road movie trash à la limite du teen-movie. Pourtant, les bonnes idées ne manquent pas : la rencontre avec Muddy dans le motel et le malentendu qui s’en suit, la scène des hallucinations dans le désert, la rencontre avec les parents des deux ados (qui ignorent alors qu’il s’agit de leurs parents !), les scènes avec le prof hippie ou la séquence finale à la Maison-Blanche. Chaque scène est un prétexte à une tonne de gags loufoques et d’humour bien gras – cf. scène avec la grand-mère dans le bus, durant laquelle Beavis se défonce avec les pastilles de mamie ! – Le film égratigne à l’occasion le gouvernement américain et le système de défense U.S. Gros carton au box-office 1996, « Beavis & Butt-Head Do America » s’adresse avant tout aux fans de la série de MTV, à voir en V.O. pour mieux apprécier les jeux de mots (impossibles à traduire) et le doublage de grandes stars comme Demi Moore ou Bruce Willis.



ANALYSE DE LA MUSIQUE DU FILM…


Le compositeur américain John Frizzell est quasiment un débutant lorsqu’il est choisi par la production pour écrire la musique de « Beavis & Butt-Head Do America ». Le musicien débuta sa carrière à la télévision en assurant les orchestrations sur la musique de Ryuichi Sakamoto pour la mini-série « Wild Palms » en 1993, à seulement 27 ans. En 1995, il signe la musique de deux téléfilms, « Whose Daughter Is She ? » et « It Was Him or Us ». Il compose ainsi la musique pour plusieurs épisodes de la série TV « VR.5 » avec Lori Singer entre 1995 et 1997. Sa première musique pour le cinéma, il la livre sur « Red Ribbon Blues » de Charles Winkler en 1996. « Beavis & Butt-Head Do America » est alors le deuxième film de John Frizzell pour lequel le compositeur se voit offrir l’opportunité de livrer une partition symphonique somme toute relativement classique et ambitieuse. Enregistrée avec les musiciens du London Metropolitan Orchestra, la musique de « Beavis & Butt-Head » est construite à la façon d’une grande musique d’aventure, évoquant aussi bien l’humour du film que les péripéties extravagantes auxquels se retrouvent confrontés bien malgré eux les deux affreux jojos. « Buttkong » donne immédiatement le ton lors de l’ouverture du film qui parodie King Kong. Frizzell saisit l’occasion de nous offrir un morceau d’action dantesque à base de cordes agitées et de cuivres démesurés. Les orchestrations sont ici très soignées et riches, témoignant du savoir-faire impressionnant du jeune compositeur encore inconnu du grand public en 1996.

« The Flood » prolonge ce climat d’action et d’aventure avec un autre morceau musclé qui alterne les envolées orchestrales et percussives à la limite du mickey-mousing. « The Unit in Beavis’ Pants » apporte quand à lui un brin de fantaisie et d’inventivité avec des effets sonores amusants de flûte et quelques éléments mickey-mousing (notamment dans l’emploi du xylophone). On notera ici le côté très sarcastique de la musique, qui alterne entre petites percussions façon ‘film d’espionnage’, rythmes martiaux et orchestrations plus inventives et fantaisistes (à noter ici l’emploi très réussi du piano). La séquence de la traversée du désert (« Dying in the Desert ») permet à Frizzell de s’amuser davantage autour de ses différentes trouvailles sonores. Ici, le compositeur emploie une guitare et des pizz de contrebasse pour arriver à ses fins. La musique vire même à l’épique avec une superbe envolée chorale grandiose et une guitare latino évoquant le désert et la lente agonie de Beavis et Butt-Head. Frizzell semble se faire plaisir en multipliant ici les idées musicales et les ambiances avec une vraie inventivité et une générosité évidente. Dans « The ATF », il évoque les membres de l’ATF à grand renfort de rythmes martiaux et de cuivres belliqueux emprunts d’une ironie évidente. On notera encore une fois l’inventivité fantaisiste des orchestrations, qui rappellent parfois Danny Elfman. « Dallas and Muddy » est un bref passage à suspense où l’on retrouve un mélange d’orchestre et de piano assez incisif.

On retrouve les effets sonores de flûte traversière dans « Searching for the T.V. » (une partie de ces effets sonores serviront de samples à Frizzell pour « Alien Resurrection » l’année d’après !), avec le retour des choeurs épiques évoquant la quête des deux ados pour retrouver leur télévision. Plus amusant, « Beavis the Sperm » vire à la comédie pure avec ses pizzicati sautillants typiques des musiques mickey-mousing (l’ombre de Danny Elfman n’est guère loin encore une fois !). La séquence de l’énorme carambolage sur l’autoroute (« The Freeway Incident ») permet à Frizzell de nous offrir un bref déchaînement orchestral très réussi et virtuose. Le déclenchement par le gouvernement américain du « DEFCON 4 » permet ensuite au musicien de développer les rythmes martiaux associés aux agents de l’ATF dans un bref morceau d’action – à noter que la plupart des morceaux du score sont très courts et ne permettent que très rarement à Frizzell de développer réellement ses différentes ambiances musicales – Frizzell va même jusqu’à citer ironiquement le célèbre air américain de « Hail to the Chief », pour la scène où Beavis, devenu Cornholio, utilise par mégarde le téléphone rouge de la Maison-Blanche et déclencher accidentellement le DEFCON 4.


UNE CODA PLEINE D’IRONIE…


« Mr. President, We’re Never Gonna Score » conclut l’aventure en beauté dans une sorte d’hymne solennel triomphant, alors que Beavis et Butt-Head sont devenus des héros américains bien malgré eux (hélas, ils n’ont toujours pas réussi à tirer leur coup !). A noter ici l’emploi des choeurs, alors que John Frizzell s’amuse clairement à pasticher les musiques solennelles de James Horner pour « Apollo13 » (1995). La coda de « The Walk into the Sunset » développe des choeurs quasi féeriques et grandioses alors que Beavis et Butt-Head s’éloignent vers le soleil couchant à la fin du film, une coda faussement triomphante bourrée de dérision et de second degré. L’album nous propose pour finir un morceau bonus du score, « The Standoff », passage d’action oscillant entre tension et cuivres musclés, débouchant sur une coda dramatique avec les choeurs. « The Standoff » accompagne la séquence finale devant la Maison-Blanche entre Beavis, Butt-Head, Muddy et les agents de l’ATF.

On ressort donc plutôt convaincu par la partition orchestrale très soignée de John Frizzell pour « Beavis & Butt-Head Do America », même si l’ensemble n’a rien de foncièrement original et pêche parfois par son manque de personnalité et de singularité. Frizzell se contente bien souvent d’appliquer toutes les recettes musicales sur les images du long-métrage animé de Mike Judge pour souligner les différentes péripéties et situations du film. Il manque encore à la musique de Frizzell ce petit plus qui lui permettrait de se distinguer de la masse, un soupçon de maturité ou d’audace peut-être ? Toujours est-il que le score de « Beavis & Butt-Head Do America » est assez plaisant et constitue un premier travail de qualité pour le jeune Frizzell, à seulement un an avant la claque magistrale et monstrueuse de « Alien Resurrection » : à découvrir donc, pour mieux comprendre les débuts de John Frizzell au cinéma !




---Quentin Billard