1-All About Faith 2.38
2-The Prophecy 1.41
3-Thomas and Simon 3.06
4-Questions of Doubt 0.54
5-Out the Window 1.27
6-Stealing the Soul 1.25
7-Medallion/Going Home 1.40
8-Angels Beckon 1.55
9-Refuge 1.15
10-Gabriel 2.49
11-Mary and Simon 1.16
12-Part Of The Plan 2.06
13-Transfer Of The Soul 2.58
14-Mesa 3.00
15-Drawings 2.28
16-Hawthorn's Film 3.05
17-Burning Uziel 2.04
18-Jealousy 2.16
19-Fate 3.26
20-No Giving In 3.20
21-The Mine 4.14
22-Confession 2.02
23-Breaking Through 1.38
24-Lucifer 2.27
25-He's Coming 2.28
26-Up In Flames 2.13
27-Divine Intervention 1.23
28-Prophecies 3.15

Musique  composée par:

David Williams

Editeur:

Perseverance Records PRD 013

Album produit par:
David Williams, Robin Esterhammer
Mixage, orchestration,
interprétation et production:
David Williams
Mastering:
David Williams

(c) 1995 First Look Pictures/NEO Motion Pictures/Overseas FilmGroup. All rights reserved.

Note: ***1/2
THE PROPHECY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by David Williams
« The Prophecy » est le premier volet d’une saga cinématographique à succès ayant lancé la mode des films d’attaques angéliques. Entendez par-là que le film montre une vision plus sombre des Anges de la Bible et évoque leur révolte contre Dieu et leur souhait de s’en prendre aux hommes. Depuis, le sujet a été largement réactualisé au cinéma et à la télévision avec des films comme « Legion » (2010) ou les séries TV « Dominion » (2014) ou certains épisodes de « Supernatural » (2005). Réalisé en 1995 par Gregory Widen – son premier long-métrage pour le cinéma, après avoir écrit les scripts de « Highlander » et « Backdraft » - « The Prophecy » est un thriller surnaturel qui nous plonge au coeur d’une guerre millénaire opposant les Anges dans les cieux. Thomas Dagget (Elias Koteas) est un inspecteur de police de Los Angeles qui souhaitait autrefois devenir prêtre mais a perdu la foi, suite à de terrifiantes visions évoquant la guerre des anges. Daggett enquête ainsi sur le corps mutilé d’un homme qui ne semble pas humain – il s’appelle en réalité Uziel et est le principal lieutenant de l’ange Gabriel (Christopher Walken) - L’inspecteur trouve dans ses affaires personnelles un chapitre inconnu de l’Apocalypse évoquant l’idée que les anges n’acceptent pas que Dieu ait placé les hommes au dessus d’eux. Arrivé sur Terre avec les siens, Gabriel recherche l’âme d’un guerrier qui se serait incarnée dans un corps humain, celui d’un vétéran de la guerre du Viêt-Nam, le colonel Arnold Hawthorne (Patrick McAllister), et qui pourrait faire basculer leur guerre à leur faveur. Simon (Eric Stoltz), l’un des anges rebelles, s’oppose aux actions de Gabriel et arrive en premier sur Terre pour dérober l’âme convoitée du corps d’Hawthorne et la cacher dans celui de Mary (Moriah Shining Dove Snyder), une petite fille d’origine amérindienne. Gabriel retrouve Simon et le force à lui révéler la position exacte de l’âme guerrière, mais en vain. Après avoir tué son rival, Gabriel retrouve la trace de la petite Mary et menace désormais la vie de sa famille et de son entourage. Pendant ce temps, Thomas réalise l’ampleur des événements et comprend que les anges sont sur Terre et se livrent un combat sans merci, jaloux du fait que l’amour de Dieu se soit porté sur les humains plutôt que sur eux.


UNE SERIE-B FANTASTICO-RELIGIEUSE TIEDASSE…



« The Prophecy » s’intéresse ainsi au mythe de la créature angélique issue de la Bible et présente ici ces êtres célestes comme de terribles chasseurs hors pair au flair exceptionnel – ils peuvent humer l’air et retrouver la trace de quelqu’un à des kilomètres – En évoquant l’idée que les Anges se rebellent contre Dieu, jaloux de ne plus être les favoris du Seigneur, le film de Gregory Widen mélange habilement théologie, ésotérisme religieux et thriller d’épouvante avec quelques scènes gores intenses. Malheureusement, on sent que le budget est ici très limité : du coup, les effets spéciaux sont ratés pour la plupart, la réalisation est à peine digne d’une série TV ou d’une série-B fauchée, et les acteurs semblent complètement perdus, et ce malgré la présence de têtes connues à l’affiche, à commencer par le vétéran Christopher Walken, avec son teint blafard et sa coupe de cheveux improbable : l’acteur incarne ici un ange Gabriel psychotique qui cabotine à l’extrême, parfois même à la limite du caricatural – l’acteur n’a visiblement pas peur du ridicule ! – Le film se veut assez sérieux et mélange pourtant très maladroitement l’horreur, l’action et le suspense avec des touches d’humour ratées, et notamment ces scènes décalées où Gabriel se balade avec un suicidaire ou une femme en fin de vie à qui il refuse la mort. Face à lui, des acteurs renommés comme Elias Koteas ou la sexy Virginia Madsen semblent se demander ce qu’ils font ici. Et que dire de seconds rôles faiblards comme Eric Stoltz, Amanda Plummer ou Adam Goldberg. Seul Viggo Mortensen s’en tire bien ici, campant un Lucifer intense et envoûtant, introduit lors du dernier acte du film. C’est d’autant plus regrettable que l’idée de départ du film était excellente : évoquer les anges comme des êtres déchus, qui ont perdu leur grâce et vont agir par jalousie envers les hommes (qu’ils qualifient dans le film de « singes savants »), comme de véritables mercenaires dont la cause semble perdue d’avance.


Le film est parfois étrange, notamment lors de scènes dérangeantes avec des enfants, comme cette séquence où Simon embrasse la petite fille pour lui transmettre l’âme (on frôle la pédophilie !) ou cette autre scène durant laquelle Gabriel tient un enfant sur ses genoux de manière perverse. Curieusement, les rôles sont parfois inversés ici : Simon, qui est censé représenter le bien, se comporte de manière froide et distante tout au long du récit, incapable d’exprimer la moindre émotion (il est pourtant du côté des hommes). De l’autre côté, Gabriel est ultra-expressif de manière quasi grotesque. Et c’est finalement Lucifer qui va faire pencher la balance à la fin du film en se mettant du côté des hommes, pour empêcher les anges de créer un deuxième Enfer dans les cieux. « The Prophecy » contient donc de bonnes idées et propose un scénario somme toute assez intéressant, mais s’avère être piètrement réalisé et totalement fauché (les effets visuels sont vraiment médiocres !). Etonnamment, le film connaîtra un certain succès à sa sortie en 1995, obtiendra le statut de film culte au fil des années et sera suivi de quatre autres films : « The Prophecy II » (1998), « The Prophecy : The Ascent » (2000), « The Prophecy : Uprising » (2005) et « The Prophecy : Forsaken » (2005), des séries-B horrifiques dont la qualité ira décroissante, jusqu’à sombrer dans le ridicule absolu lors d’ultimes épisodes totalement navrants. Avec le recul, on a encore toutes les peines du monde à comprendre comment « The Prophecy » a pu connaître un tel succès, tant le film semble raté sur plus d’un point.



UNE PARTITION MUSICALE PLUS INSPIREE QUE LE FILM…


La partition musicale du compositeur David Williams apporte une ambiance très particulière au film de Gregory Widen. Arrivé tardivement sur le film, Williams n’eut qu’à peine 18 jours pour écrire la musique de « The Prophecy ». Le sujet religieux du film incita ainsi la production à réclamer une musique associée aux voix, ce que le compositeur accomplit principalement en utilisant des banques de son commerciales contenant de nombreux samples de choeurs et de voix, que David Williams retravailla par la suite pour les intégrer dans sa partition. Faute d’un budget plus conséquent, Williams n’eut pas accès à une vraie chorale mais du se contenter d’utiliser des banques de sons adroitement juxtaposées dans ses propres compositions. Le résultat est un mélange hybride de mixage, de collages sonores et d’influences musicales diverses. Très vite, Williams opta pour une approche mélangeant orchestre traditionnel, synthétiseurs, samples de voix et sonorités indiennes/ethniques évoquant le monde spirituel des anges et de Dieu. L’album s’ouvre par ailleurs sur un premier morceau aux consonances éminemment religieuses dans « All About Faith » avec ses choeurs accompagnés de petites percussions, de flûte de pan et de cordes (on croirait par moment entendre un bout de « The Mission » d’Ennio Morricone). Dans « The Prophecy », la tonalité sombre du film transparaît plus clairement avec ses cordes sombres et désespérées, évoquant la bataille des anges qui se révoltent contre Dieu.



ANALYSE DU SCORE



« Thomas and Simon » nous introduit à la dimension thriller du film avec une première pièce à suspense atmosphérique qui évolue très vite vers un thème de cordes associé dans le film aux anges guerriers. Dans une note du livret de l’album publié par Perseverance, David Williams explique qu’il souhaitait avant tout évoquer la tristesse des personnages qui se cherchent et semblent errer dans le film plutôt que d’accentuer la noirceur ou les frissons, ce que le compositeur va néanmoins faire mais de manière assez modérée. Le ton dramatique du thème de « Thomas and Simon » est assez représentatif de la partition de « The Prophecy », avec le mélange de rythmes synthétiques, de samples de voix et de cordes (synthétiques, elles aussi !). De la même façon, « Questions of Doubt » suggèrent l’errance des anges déchus en révolte contre Dieu avec ce ton mélancolique, amer et résigné. « Out the Window » évoque la première scène de l’attaque de l’ange Usiel au début du film dans l’appartement. Le morceau bascule ici dans un style horrifique plus agressif et chaotique où l’on ressent malheureusement les limites des samples synthétiques employés par David Williams, corrects mais qui flirtent dangereusement avec la musique de série-B pure. « Medallion/Going Home » développe les samples de voix pour rappeler encore une fois le ton spirituel du récit et l’errance mélancolique des personnages, qui doutent, qui remettent en cause leurs choix, leurs convictions – notamment le protagoniste principal campé par Elias Koteas – L’emploi du piano apporte ici une dimension intimiste très réussie à la musique de « The Prophecy ».

« Angels Beckon » plonge quand à lui dans un style plus expérimental et avant-gardiste à l’aide d’une utilisation étrange des voix et des choeurs, qui nous immergent ici dans le monde surnaturel des anges. L’idée même qu’il s’agisse de voix retravaillées est plutôt bien vu de la part de David Williams : elles rappellent que les anges ressemblent à l’extérieur à des humains mais qu’ils n’en sont pas au fond d’eux. Même chose pour « Refuge » et ses voix planantes sur fond de tenues mélancoliques et mystérieuses à la fois. « Gabriel » développe les harmonies dramatiques de cordes de façon plus poignante pour le personnage de l’ange maléfique campé par Christopher Walken. Le thème de la bataille des anges est repris par ailleurs dans « Gabriel » après avoir été introduit dans « Thomas and Simon ». David Williams développe aussi plusieurs passages résolument atmosphériques à partir de plusieurs éléments sonores divers comme il le fait notamment dans « Mary and Simon » ou « Part of the Plan ». Le thème religieux de l’ouverture est repris ici, apportant une certaine émotion au film, suggérant l’idée de la foi et du rapport au divin, avec l’apport indispensable du piano.

« Transfer of the Soul » rappelle clairement l’orientation atmosphérique sombre de la musique de « The Prophecy » : le mélange entre les samples de voix et les synthétiseurs créent ici une ambiance très particulière indissociable du film de Gregory Widen. Dans « Mesea », Williams va même jusqu’à expérimenter autour des percussions et de l’électronique comme l’aurait fait Christopher Young sur certaines de ses compositions électroniques des années 80. On y retrouve l’emploi de flûtes de pan évoquant les origines indiennes de la petite Mary (Moriah Shining Dove Snyder). La tension monte d’un cran dans « Drawings », tandis que « Hawthorn’s Film » verse dans l’horreur pure lorsque Thomas regarde le film relatant les crimes de guerre d’Hawthorn. Le thème de la bataille des anges revient ensuite dans « Burning Uziel » lorsque Gabriel se rend à la morgue pour y brûler les restes d’Usiel. On ressent ensuite une certaine gravité dans « Jealousy » lorsque le film rappelle la jalousie de Gabriel et des siens envers Dieu, qui a préféré les hommes aux anges. David Williams accentue toujours plus ici les ambiances sonores particulières de sa musique, nous plongeant davantage dans la pénombre, dans un monde surréaliste au-delà de nos limites terrestres (largement favorisé ici par l’emploi de l’électronique).

C’est le cas dans les atmosphériques « Fate » et « No Giving In ». « The Mine » reprend quand à lui le thème de cordes sombres de « The Prophecy », rappelant la fameuse prophétie qui dit qu’une âme noire sera découverte sur Terre et servira d’arme contre l’humanité toute entière. « The Mine » est par ailleurs un autre passage à suspense qui baigne dans une ambiance ésotérique et planante assez impressionnante, totalement surréaliste. Le morceau se conclut par ailleurs sur un passage horrifique et agressif qui annonce clairement ce que fera David Williams quelques années après sur le film « Phantoms » (1998). Le thème religieux poignant revient dans le superbe « Confession » tandis que « Breaking Through » nous amène au dernier acte du film lors de la confrontation finale avec Gabriel. « He’s Coming » utilise brièvement des choeurs a cappella tandis que Williams s’évertue à faire monter la tension lors de l’inexorable affrontement final, qui explose dans le violent « Up In Flames ». Enfin, « Divine Intervention » évoque la lumière du paradis à la fin du film, qui intervient pour détruire l’âme maudite d’Hawthorne. Williams verse clairement ici dans un style atonal/dissonant plus radical et agressif, très réussi malgré des moyens un peu limités (beaucoup de samples utilisés ici). Enfin, le thème religieux conclut l’aventure dans « Prophecies » suivi du thème des anges.



UN SCORE ESOTERIQUE TRES PARTICULIER…



Vous l’aurez donc compris, David C. Williams nous invite ici à un voyage ésotérique et surnaturel dans le monde des anges rebelles et des batailles épiques et spirituelles, avec un mélange intéressant de samples de voix, de samples d’orchestre et de synthétiseurs. Malgré des moyens limités, Williams parvient à livrer une composition impressionnante grâce à ses différentes ambiances sonores qui reflètent son travail de réflexion sur la thématique du film et les enjeux de cette bataille mystique/théologique. « The Prophecy » n’a rien d’un score d’exception et aurait certainement gagné en profondeur avec l’apport d’un vrai orchestre et d’une véritable chorale, mais force est de constater que David Williams a su se montrer suffisamment malin pour contourner le problème des limites techniques de la musique pour concocter un score atmosphérique véritablement impressionnant, qui dégage une mélancolie mystérieuse et immersive. Les voix semblent surgir ici de l’au-delà et accompagnent le film avec une certaine intensité, sans jamais en faire des tonnes à l’écran. Le film a connu un certain succès et a généré plusieurs suites, tandis que le score de « The Prophecy » reste encore à ce jour l’oeuvre la plus connue de David C. Williams pour le cinéma américain. Curieusement, la BO est restée inédite en CD pendant de nombreuses années, jusqu’à ce que le label Perseverance Records se décide enfin à sortir un album de la musique de David Williams en 2006. Pour finir, rappelons que David Williams a réussi l’exploit de tout écrire, enregistrer, interpréter et mixer lui-même en seulement 18 jours. Le résultat, sans être inoubliable, est suffisamment impressionnant pour susciter l’intérêt de l’auditeur/spectateur. « The Prophecy » nécessite une écoute approfondie sur l’album pour mieux apprécier les subtilités d’une partition très particulière qui reste à ce jour l’un des meilleurs travaux de David C. Williams.




---Quentin Billard