1-The Mole 5.35*
2-We Need Our Army Back 6.28**
3-Shivering Soldier 2.52**
4-Supermarine 8.03**
5-The Tide 3.48*
6-Regimental Brothers 5.04***
7-Impulse 2.36**
8-Home 6.02+
9-The Oil 6.10**
10-Variation 15 (Dunkirk) 5.51+
11-End Titles (Dunkirk) 7.12++

*Hans Zimmer (Sir Edward Elgar)
**Hans Zimmer
***Hans Zimmer, Lorne Balfe
(Sir Edward Elgar)
+Hans Zimmer, Benjamin Wallfisch
(Sir Edward Elgar)
++Hans Zimmer, Lorne Balfe,
Benjamin Wallfisch (Sir Edward Elgar).

Musique  composée par:

Hans Zimmer

Editeur:

WaterTower Music

Album produit par:
Christopher Nolan, Hans Zimmer
Monteur superviseur musique:
Alex Gibson
Monteur musique:
Ryan Rubin
Score produit par:
Lorne Balfe
Musique additionnelle:
Satnam Singh Ramgotra,
Andy Page, Andrew Kawczynski

Programmation séquenceur:
Steve Mazzaro
Ingénieurs technique score:
Chuck Choi, Stephanie McNally
Programmation synthés:
Hans Zimmer
Services production musicale:
Steven Kofsky
Design instrument digital:
Mark Wherry
Assistante de Hans Zimmer:
Cynthia Park
Manager studio pour
Remote Control Productions:
Shalini Singh
Equipe sampling:
Taurees Habib, Raul Vega
Design synthés:
Howard Scarr, Drew Jordan,
Ed Buller

Préparation musique:
Booker T. White
Direction de la musique pour
Warner Bros Pictures:
Paul Broucek
Direction pour WaterTower Music:
Jason Linn
Music business affairs:
Lisa Margolis

Artwork and pictures (c) 2017 Warner Bros. All rights reserved.

Note: ***
DUNKIRK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer
Christopher Nolan est devenu en quelques années un spécialiste des films spectaculaires aux visuels forts : « Batman Begins », « The Dark Knigth », « Inception », « Interstellar », tous ces titres parlent d’eux-mêmes. Trois ans après « Interstellar » (2014), Nolan change radicalement de registre et s’essaie pour la première fois de sa carrière au genre du film de guerre en s’inspirant d’un fait méconnu de la 2nde Guerre Mondiale : l’opération Dynamo, qui s’est déroulée entre mai et juin 1940 durant la bataille de Dunkerque dans le nord de la France. Près de 400.000 soldats britanniques, canadiens, français et belges se sont retrouvés coupés de leurs arrières par l’armée allemande qui piégea les alliés sur la plage de Dunkerque. Winston Churchill, alors premier ministre du Royaume-Uni, déclara qu’il s’agissait d’un désastre militaire colossal, qui entraîna par la suite la chute de la France aux mains de l’armée allemande. Pour les besoins du film, l’histoire est alors racontée à divers moments de la journée, par plusieurs personnages différents, dont on découvre le destin au cours de ces quelques jours sombres et terrifiants. Alors que l’opération Dynamo est mise en place par l’Angleterre pour évacuer les soldats du Corps expéditionnaire britannique (CEB) vers leur pays, des jeunes soldats, des pilotes, des marins ou des civils se retrouvent embarqués dans cette gigantesque évacuation difficile. On y suit alors l’histoire de Tommy (Fionn Whitehead), unique survivant d’une embuscade allemande, qui fait la connaissance de Gibson (Aneurin Barnard) et Alex (Harry Styles).

Ces trois hommes essaient alors d’embarquer sur un navire hospitalier, mais le bâtiment est coulé par les bombes allemandes. Ils décident ensuite de tenter leur chance sur un destroyer allié, mais le navire est à son tour coulé par un U-boat allemand. Au même moment, des bateaux civils sont réquisitionnés par la Royal Navy pour secourir les soldats à Dunkerque. On suit alors les pérégrinations de M. Dawson (Mark Rylance), un marin expérimenté accompagné de son fils Peter (Tom Glynn-Carney) et du jeune George (Barry Keoghan) à bord du Moonstone. Au cours de leur voyage, Dawson, Peter et George recueillent un soldat allié échoué en pleine mer (Cillian Murphy). Lorsque ce dernier apprend que le Moonstone se dirige tout droit vers Dunkerque, il perd complètement la raison et bouscule George qui se blesse mortellement en tombant dans les escaliers du bateau. On suit aussi l’histoire de Farrier (Tom Hardy), un pilote de la Royal Air Force qui dirige un Spitfire avec deux autres collègues afin d’empêcher les allemands de couler un dragueur de mines. Enfin, « Dunkirk » nous raconte aussi l’histoire du commandant Bolton (Kenneth Branagh), qui fut l’un des principaux responsables de l’évacuation de plus de 300.000 hommes à Dunkerque, soit beaucoup plus que ce qu’espérait Churchill.


UNE RECONSTITUTION HISTORIQUE PUISSANTE…


Fidèle à son sens du visuel, Christopher Nolan s’intéresse donc à cet épisode méconnu de la 2nde Guerre Mondiale où près de 400 000 hommes se retrouvèrent bloqués sur les plages de Dunkerque par la Wehrmacht, tandis que la Grande-Bretagne organisa l’une des plus grandes évacuations maritimes du XXe siècle. Au premier abord, on pourrait se dire que Nolan s’est aventuré dans des contrées qui lui sont étrangères : comment peut-on ainsi passer d’une trilogie sur Batman ou des blockbusters métaphysiques comme « Interstellar » ou « Inception » à un grand film de guerre solidement documenté et fidèle aux faits qu’il relate à l’écran ? Nolan répond à cette question en nous offrant un film qui bouscule ses propres habitudes de cinéaste. Ici, ce ne sont plus les effets visuels ou les artifices dramatiques qui intéressent le réalisateur mais bien le réalisme de ses scènes et la mécanique du suspense. Nolan déclara qu’il avait voulu concevoir « Dunkirk » sous la forme d’un vaste survival où tout se limiterait à la question de la survie dans les conditions les plus difficiles. En ce sens, le film est d’une richesse ahurissante et véhicule une tension permanente à la limite parfois du supportable (largement renforcée par une musique expérimentale incroyablement stressante et survalorisée à l’écran !).

Si l’on pourra reprocher la tendance du réalisateur à livrer un film de guerre tout public et un brin aseptisé (pas une seule goutte de sang, un comble pour un film sur la 2nde Guerre Mondiale !), il ne fait nul doute que Nolan signe avec « Dunkirk » l’un des meilleurs films de sa carrière et aussi son oeuvre la plus intense et la plus aboutie sur le plan formel, sans artifice, mais avec une véritable démarche d’auteur. Le vrai « plus » du film, c’est surtout sa narration par strate : les destinées des différents personnages de l’histoire sont racontées à différents moments d’une même journée et chaque moment s’entrecroise ou se chevauche de façon audacieuse. C’est ainsi que l’on passe parfois d’un scène en début d’après-midi à une scène en pleine nuit et inversement, sans véritable transition. Entre les mains d’un réalisateur lambda, une telle audace narrative pourrait s’avérer bordélique, mais Nolan tire toute la substance de son parti-pris scénique et se paie le luxe de livrer l’un des meilleurs de guerre que l’on ait vu à Hollywood au cours de ces 10 dernières années.

Construit à la manière d’un film muet d’Eisenstein (on pense au « Cuirassé Potemkine » ou à « Alexandre Nevsky »), « Dunkirk » est une reconstitution historique épique et sombre qui reflète l’horreur de la guerre, matinée d’influences revendiquées : Nolan déclara avoir été inspiré sur ce film par Hitchcock, Clouzot, Bresson, Murnau, Lang et même Kafka et Joseph Conrad, autant d’influences qu’il semble avoir maîtrisé au plus haut point grâce à une mise en scène finalement bien plus audacieuse qu’elle n’y paraît, mais débarrassée du faste et des artifices visuels des « Dark Knight », « Inception » ou « Interstellar ». On note donc la façon dont le film se rapproche du cinéma muet du XXe siècle : peu de dialogues, des scènes très visuelles et une omniprésence de la musique qui véhicule une tension et une angoisse viscérale à peine supportable (too much ?), le tout filmé en IMAX 70mm pour une immersion plus incroyable dans cette histoire unique.

Le casting réunit de jeunes comédiens anglais à peine connus (on retrouve néanmoins les habitués de Nolan dont Cillian Murphy ou Tom Hardy) pour mieux renforcer l’idée d’agneaux sacrifiés et envoyés à l’abattoir. Le récit s’attache ainsi à retranscrire l’angoisse de ces jeunes hommes pris au piège qui luttent désespérément pour leur survie en attendant que leur pays fasse quelque chose pour eux. Enfin, le film n’est pas trop long (1h45) et contient son lot de scènes anthologiques comme cette séquence finale où Farrier traverse les plages de Dunkerque et finit par se poser intact avant d’être récupéré par les allemands, le tout sur fond de monologue vibrant et passionné. Énorme succès à sa sortie en salles en 2017, « Dunkirk » a rapporté plus de 500 millions de dollars à travers le monde et reste aujourd’hui le film de guerre le plus rentable de toute l’histoire du cinéma. L’avenir nous dira si le film de Christopher Nolan est à même de rejoindre les chefs-d’oeuvre du genre.


UNE PARTITION EXPÉRIMENTALE ET STRESSANTE


Hans Zimmer retrouve à nouveau Christopher Nolan après avoir signé pour lui les musiques de « Batman Begins » (2005), « The Dark Knight » (2008), « Inception » (2010), « The Dark Knight Rises » (2012) et « Interstellar » (2014). Pour « Dunkirk », les visuels puissants du film et la narration particulière du récit incitèrent le réalisateur à demander à Zimmer et son équipe une partition totalement différente de ce qu’il fait habituellement. C’est ainsi qu’il fut décidé d’écrire une musique complètement expérimentale, bruitiste, essentiellement constituée de boucles sonores, de sons mécaniques et industriels gargantuesques et déshumanisés, reflétant l’angoisse viscérale des jeunes soldats pris au piège des allemands à Dunkerque. Dans une note du livret de l’album, Chris Nolan explique que l’objectif de Zimmer et son équipe – Lorne Balfe, Andy Page, Andrew Kawczynski et Benjamin Wallfisch - était d’expérimenter autour des sons et notamment de la fameuse gamme de Shepard, un concept inventé par Roger Shepard en 1964 qui consiste en une gamme constituée de sons complexes synthétiques crées par le mélange de signaux sinusoïdaux de fréquences séparées par un intervalle d’octave – Pour les besoins du film, Zimmer a donc eu recours à une approche mécanique et froide à base de samples, de percussions et de sonorités électroniques torturés et déformés dans tous les sens possibles, sans oublier l’atout majeur de « Dunkirk » : une réappropriation du célèbre « Nimrod » (Variation « Enigma » N°9) du compositeur anglais Edward Elgar écrit entre 1898 et 1899. Le choix de « Nimrod » n’est guère anodin, car on sait que cette musique est très populaire chez les britanniques et très souvent jouée lors des cérémonies funéraires. La pièce d’Elgar est utilisée durant la longue séquence finale, déstructurée et déconstruite pour les besoins de la film.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Le ton est donné dès l’ouverture (« The Mole ») : Zimmer et son équipe nous plongent dans une ambiance obscure et suffocante à base de nappes sonores et de drones synthétiques inquiétants. A noter ici un autre élément-clé du score : l’emploi d’un sample crée à partir du son de la propre montre de Christopher Nolan, qui sert à maintenir une pulsation et une tension permanente au cours de certaines scènes. Quelques cordes sont employées ici dans le but de concevoir un climat d’angoisse et d’incertitude permanente à base de dissonances, de vibratos ou d’effets sonores en tout genre. Une bonne partie de la musique de « Dunkirk » est basée sur de longs crescendos et des montées de tension permanentes qui semblent ne jamais se relâcher jusqu’à la fin du film. Sur l’album, l’écoute paraît assez terne et vide mais à l’écran, l’impact de la musique sur les images de Nolan est purement viscérale : on se plaît à penser que le film devient très stressant grâce à la musique de Zimmer et sa bande, effet garanti ! Dans « We Need Our Army Back », Zimmer s’essaie à la musique contemporaine lorsqu’il multiplie les effets sonores avant-gardistes des contrebasses vers 3:18 avec ses étranges clusters, ses glissandos en harmoniques sifflantes ou ses sul ponticello (technique consistant à frotter les cordes avec l’archet au niveau du chevalet de l’instrument, ce qui rend le son plus métallique et froid). Ici aussi, Zimmer accentue la dimension psychologique et émotionnelle du récit en plaçant sa composition du point de vue du ressenti des personnages. La musique exprime ici le sentiment d’être pris au piège, la peur de mourir à chaque instant.

De la même façon, « Shivering Soldier » semble exprimer une incertitude sourde avec sa trompette lointaine et ses nappes sonores obscures. « Supermarine » est quand à lui l’un des morceaux-clé du score de « Dunkirk ». Le morceau repose sur un impressionnant ostinato rythmique crée à partir du son de la montre de Nolan et d’une pulsation électronique entêtante. Pendant 8 minutes, Zimmer élabore un très long crescendo durant la scène de l’affrontement entre les Spitfire anglais et les avions allemands qui tentent de bombarder les navires alliés et le dragueur de mines. Il s’agit sans aucun doute de l’un des morceaux les plus reconnaissables dans le film, notamment grâce à un mixage audio ultra généreux sur les images qui rend la musique omniprésente et écrasante (trop?). Les percussions sont ici de la partie avec notamment des effets sonores étranges et une sorte de son de sirène crée par des cordes synthétiques qui traversent l’ensemble de « Supermarine », tandis que les cuivres semblent s’élever progressivement de la masse avec un thème puissant et ascendant qui apporte une force redoutable aux images. A noter que « The Oil » propose un développement sonore similaire de « Supermarine » dans le film.

« The Tide » nous plonge dans une nouvelle ambiance angoissante à base de sonorités industrielles/mécaniques difformes, tandis que « Regimental Brothers » (co-écrit avec Lorne Balfe) reprend le thème ascendant de « Supermarine » dans une nouvelle variation tendue. A noter ici l’emploi des cordes dissonantes qui créent un sentiment de trouble et de désorientation grâce à d’étranges harmoniques flottantes et décalées quasi subliminales. Encore une fois, Zimmer opte ici pour une approche psychologique et viscérale, et l’ensemble de ses trouvailles sonores vont dans une seule et même direction : amplifier la terreur des soldats pris au piège sur les plages de Dunkerque. Les sons de montre reviennent dans « Impulse » avec les effets avant-gardistes des cordes. « Home » (co-écrit avec Benjamin Wallfisch) pousse les expérimentations encore plus loin pour l’un des morceaux les plus étranges et les plus insolites de la partition de « Dunkirk » : ici, les sons deviennent purement méconnaissables. Chaque sample semble avoir été transformé et modifié dans toutes les directions possibles. Wallfisch et Zimmer jouent ici sur un crescendo de la gamme Shepard pour un résultat proprement étonnant et terriblement répétitif et anxiogène dans le film. A 4:05, les deux compositeurs dévoilent le fameux « Nimrod » d’Elgar qui apporte un éclairage émotionnel soudain aux 15 dernières minutes du film.


UNE CONCLUSION PLUS APAISÉE


Dès lors, la musique devient soudainement tonale avec ses harmonies plus classiques évoquant la culture britannique des soldats alliés qui réussissent enfin à évacuer Dunkerque durant l’opération Dynamo. L’emploi de la musique d’Elgar est ici l’idée majeure de la coda de « Dunkirk », brillamment exécutée par Zimmer et ses complices. La musique apporte un sentiment de libération, de soulagement et de paix retrouvée assez poignante et puissante à l’écran. « Variation 15 (Dunkirk) » reprend le fameux « Nimrod » d’Elgar dans une variation poignante et bouleversante, notamment pour la superbe séquence où le Spitfire de Farrier survole les plages de Dunkerque à la fin du film durant le monologue final (« we shall fight on the beaches », le célèbre discours de Churchill en 1940). Wallfisch et Zimmer apportent des éléments électroniques au magnifique thème poignant d’Elgar et concluent le film sur une touche d’émotion assez impressionnante, avec une grâce qui semble tellement éloignée des expérimentations écrasantes et déshumanisées entendues précédemment. L’écart entre le final quasi angélique et le reste du score semble ici extrême, mais le résultat est à la hauteur de la mise en scène brillante de Nolan.

Évidemment, la musique de « Dunkirk » a beaucoup divisé les critiques en raison de l’omniprésence d’un style bruitiste et expérimental difficile à encaisser en écoute isolée et rendu très stressant à l’écran par un mixage généreux et omniprésent, mais certainement un brin « too much » pour la plupart des gens. On se souvient qu’à la sortie du film et de l’album, beaucoup de gens se sont acharnés sur « Supermarine » qu’ils ont considéré comme l’un des morceaux les plus insupportables de toute la carrière de Zimmer. En ce sens, nul ne pourra nier que « Dunkirk » est une musique qui ne laisse pas le public indifférent. Zimmer a tenté des choses et s’est orienté vers l’expérimentation pure, dans la continuité de certaines idées déjà employées dans « The Dark Knight » ou « Inception », mais il va ici beaucoup plus loin et brouille les pistes en gommant la frontière entre l’acoustique et l’électronique. On pointe souvent du doigt la médiocrité de l’écoute isolée de « Dunkirk » sur l’album mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit avant tout d’une musique de film, et sur ce plan, le résultat est totalement réussi. « Dunkirk » est certainement l’une des partitions les plus conceptuelles et les plus expérimentales que Zimmer et son équipe aient écrit au cours de ces 10 dernières années (avec peut être le récent « Blade Runner 2049 »), et même s’il ne s’agit certainement pas du meilleur travail de Zimmer chez Chris Nolan, le résultat est tout de même impressionnant de par ses choix sonores et musicaux qui n’ont pas fini de diviser les critiques et le public.




---Quentin Billard