1-Hotel Mira 3.02*
2-Whatever Happened to Paradise? 2.20*
3-Burden of Truth 2.05**
4-SD Cards 2.39*
5-Hawaii Guitar Theme 1.05**
6-Running Out of Time 2.24*
7-After All.Three Hops to Anyone 2.20*
8-Happiness Montage 1.39**
9-Ed Copies Data
(Secret Downloading Variation) 6.23**
10-Telling Lindsay 3.47*
11-Download to Rubik 4.32*
12-Secret Downloading
(Boys Noize Remix 2) 4.11***
13-Ed is on TV 2.29**
14-Snowden Moscow Variation 3.39**

*Adam Peters
**Craig Armstrong
**Craig Armstrong/Boys Noize.

Musique  composée par:

Craig Armstrong/Adam Peters

Editeur:

Deutsche Grammophon DEGR-002559302

Orchestre Craig Armstrong:
The London Sinfionetta, Metro Voices
Orchestrations:
Dave Foster
Musique additionnelle:
Adam Peters, Steve Davis,
David Donaldson, Antye Greie

Montage musique:
Katherine Miller
Album produit par:
Craig Armstrong

Artwork and pictures (c) 2016 Sacha Inc. All rights reserved.

Note: ***
SNOWDEN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Craig Armstrong/Adam Peters
Oliver Stone s’est fait connaître dans les années 80 et 90 pour ses films évoquant des conflits célèbres dans le monde ou des thèmes politiques qui lui sont chers. « Salvador », « Platoon », « Born on the Fourth of July », « JFK », « Nixon », « World Trade Center », tous ces films ont en commun cette même volonté de dénoncer les travers de la société américaine ou d’évoquer des guerres ou des grands personnages de l’histoire. Il était donc plus qu’évident que le cinéaste, auto-proclamé « anti-américain » depuis des années, finirait par s’intéresser à une autre figure majeure du contre-pouvoir US : Edward Snowden, l’homme qui révéla en 2013 les détails concernant plusieurs programmes de surveillance de masse américains et britanniques, révélations qui eurent des conséquences directes dans la politique de nombreux états du monde durant les années suivantes – en France par exemple, on se souvient que de nombreuses personnalités ont interpellé en juillet 2013 le gouvernement de François Hollande dans une lettre ouverte publiée dans Libération pour dénoncer l’un des plus grands scandales de l’histoire d’internet et des libertés – Le film « Snowden » sort donc en salles en 2016 et s’apparente à un biopic mélangeant politique, espionnage et intrigue à suspense, tout en reprenant les grandes lignes de l’histoire d’Edward Snowden et les événements qui l’ont amené à révéler au public tout ce qu’il savait sur la surveillance de masse conduite par la NSA depuis des années en Amérique.

Le film débute en 2013 alors qu’Edward Snowden ( Joseph Gordon-Levitt) arrange une réunion clandestine dans un hôtel de Hong Kong avec la réalisatrice de documentaire Laura Poitras (Melissa Leo) et le journaliste Glenn Greenwald (Zachary Quinto). Snowden souhaite ainsi révéler des informations classées secret défense concernant les activités de surveillance illégales conduites par la NSA. On découvre alors le passé de Snowden : après s’être fracturé le tibia en 2004, le jeune homme n’a pu intégrer les forces spéciales de l’U.S. Army comme il le souhaitait et a été réformé. Dès lors, Snowden, désireux d’aider son pays, rejoint la CIA et réussit haut la main des tests sur ordinateur, s’attirant la reconnaissance de son supérieur, le directeur Corbin O’Brian (Rhys Ifans). Ce dernier l’amène ensuite à « la colline », où il est formé aux rudiments de la cyberguerre. Il découvre alors la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act), amendée depuis 2001 par le USA Patriot Act sous l’administration Bush pour y inclure la recherche de terroristes qui ne sont pas soutenus par un gouvernement étranger. C’est au cours de cette période que Snowden fait la rencontre de Lindsay Mills (Shailene Woodley), une jeune femme qu’il a connu par le biais d’un site web de rencontre amoureuse et qui deviendra sa compagne. Mais les choses basculent lorsque Snowden accepte de travailler à Genève en 2007 sous une couverture diplomatique où il fait la connaissance de Gabriel Sol (Ben Schnetzer), un expert en informatique qui lui révèle l’ampleur des systèmes de surveillance électronique de la CIA. A la suite d’un ordre de son supérieur hiérarchique qu’il jure irrecevable, Snowden commence à s’interroger sur les choix éthiques de ses actions et décide de quitter la CIA.


UN BIOPIC LONGUET QUI NE RÉVÈLE RIEN DE NOUVEAU


Habitué à signer des films qui dénoncent l’état de la société américaine ou du monde en général, Oliver Stone a semblé en petite forme ces dernières années, alternant entre des hauts et des bas. On se souvient notamment d’un « World Trade Center » un peu maladroit et bourré de pathos, réalisé tout juste 5 ans après les attentats du 11 septembre 2001, et que certains considèrent comme une « erreur » dans la carrière du cinéaste américain. « W » fut en revanche une charge féroce mais un brin convenue et caricaturale contre le gouvernement de George W. Bush. Stone s’essaya même à l’exercice complexe de la suite avec « Wall Street : Money Never Sleeps » (2010) qui semble là aussi n’avoir convaincu qu’une partie des critiques malgré un grand succès en salles. Hélas, « Snowden » n’est certainement pas le film le plus brillant de la filmo en dents de scie d’un Oliver Stone devenu un brin plus conventionnel dans ses choix filmiques de ces dernières années. Le film est une reconstitution à la hauteur de son sujet, servi par un casting prestigieux comme souvent chez le réalisateur : Joseph Gordon-Levitt est confondant de vérité et ressemble de manière troublante au vrai Ed Snowden. A ses côtés, Shailene Woodley, Melissa Leo, Zachary Quinto, Tom Wilkinson, Scott Eastwood, Timothy Olyphant, Rhys Ifans ou Nicolas Cage campent des seconds rôles solides et bien développés. Le film dévoile de manière pédagogique la complexité des programmes de surveillance américains : on y découvre, de façon fort bien documentée, tous les logiciels et les appareils informatiques utilisés par la CIA ou la NSA pour espionner des millions d’américains et de personnes à travers le monde.

Le film n’est d’ailleurs guère avare en détail et dévoile même les noms des programmes utilisés – et notamment le fameux XKeyscore dévoilé par Snowden en 2013 - les moteurs de recherche, les techniques illégales employées par les informaticiens qui travaillent pour ces programmes, et bien sûr un accès quasi total à tous les réseaux informatiques du monde entier pour espionner l’ensemble de la population. Malgré tout, le film a bien du mal à convaincre : la réalisation est bonne bien qu’un brin trop sage et policée, la direction d’acteur est impeccable et le rythme assez bien dosé (néanmoins il y a pas mal de longueurs). Mais on n’apprend rien de nouveau, et si vous avez suivi de façon assidue l’histoire d’Edward Snowden à la télévision en 2013, le métrage d’Oliver Stone ne vous apprendra rien que vous ne sachiez déjà (hormis les détails informatiques, et encore...). On se retrouve alors ici avec un problème similaire avec « World Trade Center » : indubitablement, « Snowden » est sorti trop tôt. 3 ans après les événements relatés dans le film, c’est fort peu, et pour écrire et réalisé un biopic de ce genre, il est généralement plus prudent et raisonnable d’attendre au moins une décennie.

Une oeuvre cinématographique qui s’inspire de la vie d’un personnage public ou d’une célébrité quelconque demande toujours du recul, de la réflexion. Ici, c’est tout le contraire : le film semble avoir été fait trop vite, de façon simpliste. On nous montre des faits que l’on connaît déjà, et on veut nous les faire passer pour une révélation bouleversante alors que tout a déjà été dit sur Snowden. Le fait même que le film se termine avec le vrai Snowden dans sa résidence à Moscou – il est interdit de séjour aux États-Unis et toujours recherché par les forces de l’ordre – a quelque chose de troublant : on se dit alors « pourquoi en avoir fait un film ? N’aurait-il pas été plus judicieux d’en faire un documentaire ? ». « Snowden » tente alors de nous questionner sur les nombreux problèmes éthiques soulevés par la cyberguerre et la surveillance de masse dans une Amérique post-2001, mais la réflexion semble caduque car les médias sont déjà passés par là trois ans auparavant. Pire encore, le fait même que le film s’avère un brin plus pompier lorsqu’il tente de faire de Snowden un héros typiquement américain fait basculer les 15 dernières minutes du film dans une espèce d’emphase lourdingue dont on se serait passé volontiers. D’ailleurs, les critiques ne s’y sont pas trompé et le film a bien eu du mal à rencontrer son public à sa sortie en salles en 2016.



UNE PARTITION ATMOSPHÉRIQUE ET IMMERSIVE


La musique de « Snowden » a été confiée à Craig Armstrong et Adam Peters. C’est le troisième film qu’Armstrong fait pour Oliver Stone après « World Trade Center » (2006) et « Wall Street : Money Never Sleeps » (2010). Quand à Adam Peters, ce musicien anglais ancien membre du groupe Echo and the Bunnymen signa sa première partition solo pour « Savages » de Stone en 2012. Pour les besoins de la musique de « Snowden », Armstrong et Peters ont donc uni leurs efforts pour concocter une partition sombre, atmosphérique et rythmée, évoquant à l’aide d’une bonne dose d’électronique l’univers informatique et high-tech dévoilé dans le film. Pour les besoins du film, le score est partagé en deux parties : celle d’Armstrong et celle de Peters (d’ailleurs, la séparation est bien indiquée sur l’album) mais dans un style cohérent et unifié qui colle parfaitement aux images du film d’Oliver Stone. Le film débute d’ailleurs par « Hotel Mira » composé par Adam Peters, qui met en avant les synthétiseurs, les claviers et les rythmes électroniques menaçants sur fond de cordes et de violoncelle, le tout interprété par Peters lui-même. Plus intéressant, « Whatever Happened to Paradise ? » dévoile l’un des thèmes majeurs du score de « Snowden », une très belle mélodie pour piano et vocalise, interprétée par Korinna Knoll. Ce thème évoque les sentiments de Snowden au sujet de l’état de la société dans laquelle il vit et des manipulations de la CIA et de la NSA.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


On reconnaît ensuite le style de Craig Armstrong dans « Burden of Truth » avec ses cordes hésitantes et ses choeurs lointains enregistrés avec les membres du Metro Voices et l’orchestre du London Sinfonietta. « SD Cars » (composé par Adam Peters) tente de faire monter la tension en maintenant ses rythmiques électroniques habituelles et ses notes éthérées de claviers, de guitare électrique et de synthétiseurs. L’univers de cyber-espionnage et d’informatique high-tech décrit dans le film permet aux deux compositeurs de dévoiler tout un attirail électronique moderne évident, bien que l’on constate malgré tout que la partie allouée à Craig Armstrong est plus émotionnelle et orchestrale, tandis que celle d’Adam Peters se résume bien souvent aux pistes à suspense plus électroniques – on ne sait d’ailleurs pas ce qui a justifié un tel duo dans le film, ou si Peters est arrivé pour remplacer une partie de la musique d’Armstrong. Cette interrogation est en partie justifiée par le fait qu’un album contenant tout le score orchestral de Craig Armstrong est sorti après l’album officiel de 14 pistes avec des morceaux non présents dans le film -

L’arrivée de Snowden et Lindsay à Hawaï est illustrée dans le nostalgique « Hawaii Guitar Theme » avec ses notes de piano en écho intime et tout en retenue. Il s’agit en réalité du thème romantique développé par Armstrong pour illustrer la romance entre Edward et Lindsay dans le film, mais malheureusement peu représenté sur l’album de 14 pistes (on le retrouve surtout sur le CD orchestral de Craig Armstrong!).

Les parties à suspense électroniques d’Adam Peters demeurent plus prévisibles et guère passionnantes comme dans « Running Out of Time ». La musique est ici plus fonctionnelle et difficilement dissociable des images. On y retrouve un style atmosphérique et synthétique qui rappelle parfois les travaux d’Atticus Ross et Trent Reznor sur les films de David Fincher (comme « Gone Girl » ou « The Social Network »). On devine un sentiment d’émotion et d’espoir dans « After All, Three Hops to Anyone » mais c’est « The Happiness Montage » qui retient particulièrement ici notre attention, Armstrong reprenant son thème romantique pour Edward et Lindsay dans une très belle variante pour cordes et piano (le style rappelle son travail sur des comédies romantiques comme « Love Actually » ou « Me Before You »).

Dans « Ed Copies Data », on entre dans le dernier acte du film alors que Snowden, excédé et las de cette vie, a pris la décision de copier les données à la NSA pour les dévoiler aux journalistes et au monde entier. Le morceau développe ici un climat de tension et d’incertitude tout en évoquant la détermination de Snowden, prêt à aller jusqu’au bout pour respecter ses convictions. Dans « Telling Lindsay », Ed révèle à sa fiancée la vérité sur ses actions. On notera ici la manière dont les notes hésitantes de piano sont noyées sous d’étranges effets de trémolos de cordes et de synthétiseurs mystérieux, révélant les tourments du jeune couple. Peters reprend ici son thème vocal associé à Lindsay dans « Whatever Happened to Paradise ? » (on pourrait presque considérer comme le 2ème thème romantique du score, vu cette fois-ci par Adam Peters). Le dernier acte du film débute dans « Download to Rubik » et « Secret Downloading », de longues séquences à suspense essentiellement dominés par des rythmes électroniques et des samples électros menaçants, lorsque Snowden télécharge illégalement les données qu’il cache ensuite sur une carte SD dans son rubik cube.


UNE CONCLUSION SOLENNELLE ET PATRIOTIQUE


Enfin, « Ed is on TV » apporte un sentiment de soulagement, d’émotion et de liberté retrouvée. Armstrong nous offre ici un morceau plus patriotique et solennel à l’aide de cordes et de trompette, comme il le fit dans certains passages de « World Trade Center ». « Snowden Moscow Variation » développe quand à lui le thème principal juxtaposé ici au thème romantique de Lindsay et Snowden. Ce morceau, absolument magnifique, apporte un flot d’émotion remarquable durant les 5 dernières minutes du film. Il évoque non seulement le monologue passionné final du film tout en accentuant la dimension héroïque des agissements de Snowden (à ce sujet, la prise de position d’Oliver Stone est on ne peut plus claire et un brin simpliste…). La reprise du Love Theme dans une version plus énergique, rythmée et optimiste semble en dire long sur la suite : Lindsay et Edward sont bien décidés à affronter l’avenir ensemble, malgré les épreuves. L’apport des choeurs du Metro Voices est ici indispensable, apportant un éclairage émotionnel saisissant à ce final, et même si l’on pourra toujours reprocher à Stone d’en avoir fait un peu trop (certains considèrent toujours Snowden comme un traître qui, en commettant ses actions illégales, a révélé des secrets qui auraient pu mettre en péril la sécurité des États-Unis et l’existence de milliers d’individus), « Snowden Moscow Variation » est un morceau sublime qui conclut un score malheureusement assez inégal et finalement sans grande surprise.

« Snowden » est donc un travail à quatre mains réalisé conjointement par Adam Peters et Craig Armstrong. Hélas, il semble difficile de percevoir les interactions entre les 2 parties du score, car malgré un style globalement cohérent et unifié, il existe toujours une vague scission entre les deux musiques, entre celle, plus orchestrale, d’Armstrong (l’écoute sur le CD qui lui est consacré paraît indispensable!) et celle plus électronique de Peters. Le problème, c’est qu’autant la partie d’Armstrong paraît intéressante, réussie et parfois même très touchante, autant celle d’Adam Peters n’offre rien de réellement stimulant en dehors des images, hormis quelques morceaux furtifs ou l’on devine des idées qui auraient mérité d’être davantage développés à l’écran (le thème vocal de « Whatever Happened to Paradise ? »). Le résultat est pourtant très réussi sur les images, où l’on ne distingue jamais le moment où l’on passe d’un morceau de Peters à celui d’Armstrong, mais l’écoute sur l’album paraît plus déconcertante, d’autant que les nombreux passages électroniques à suspense demeurent purement fonctionnels et sans grand éclat. Oliver Stone aurait peut être du se limiter simplement à l’apport de Craig Armstrong pour concevoir l’intégralité de la musique de « Snowden » plutôt que de faire appel à un second compositeur qui n’apporte rien de réellement passionnant au film ? A chacun d’en juger !




---Quentin Billard