1-Ragnarok Suite 8.53
2-Running Short on Options 2.56
3-Thor Ragnarok 1.09
4-Weird Things Happen 1.46
5-Twilight of the Gods 6.14
6-Hela vs. Asgard 4.30
7-Where Am I? 1.39
8-Grandmaster's Chambers 1.18
9-The Vault 3.47
10-No One Escapes 3.01
11-Arena Fight 3.32
12-Where's The Sword? 4.33
13-Go 1.43
14-What Heroes Do 1.37
15-Flashback 2.59
16-Parade 2.20
17-The Revolution Has Begun 1.47
18-Sakaar Chase 2.12
19-Devil's Anus 4.52
20-Asgard Is A People 4.21
21-Where To? 2.22*
22-Planet Sakaar 2.14
23-Grandmaster Jam Session 3.17

*Contient "Thor Theme"
Composé par Patrick Doyle.

Musique  composée par:

Mark Mothersbaugh

Editeur:

Hollywood Records D002722102

Album produit par:
Mark Mothersbaugh
Enregistrement et mixage:
Alan Meyerson
Montage musique:
Steve Durkee
Conduit par:
John Ashton Thomas
Orchestrations:
John Ashton Thomas, Tommy Laurence,
Geoff Lawson

Musique additionnelle:
Wataru Hokoyama, Tim Jones

Artwork and pictures (c) 2017 Marvel Studios. All rights reserved.

Note: ****
THOR RAGNAROK
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Mark Mothersbaugh
« Thor Ragnarok » est le troisième épisode de la série des « Thor » toujours produit par Marvel et inspiré de la fameuse série de comic books de Stan Lee, Larry Lieber et Jack Kirby. C’est aussi le dix-septième film de l’univers cinématographique Marvel et le cinquième film de la Phase III juste après « Captain America : Civil War » (2016), « Doctor Strange » (2016), « Guardians of the Galaxy Vol.2 » (2017) et « Spider-Man : Homecoming » (2017). L’histoire de ce troisième opus se déroule deux ans après les événements en Sokovie et la chute d’Ultron dans « Avengers : Age of Ultron » (2015). Thor (Chris Hemsworth) recherche depuis deux ans les Pierres d’Infinité afin d’éviter qu’elles tombent entre de mauvaises mains. Mais au cours de son périple, Thor a été fait prisonnier dans le monde souterrain de Surtur, Muspellheim (le monde du feu dans la mythologie nordique). Thor réussit néanmoins à s’échapper et à défaire Surtur à qui il dérobe la couronne que le démon comptait unir avec l’éternelle flamme pour déclencher le Ragnarok, une prophétie annonçant la fin des temps et la destruction d’Asgard. Thor retourne ensuite dans son royaume et découvre que son père Odin, grand monarque d’Asgard, n’est plus présent et que son frère adoptif Loki veille sur le royaume en se faisant passer pour lui. Thor décide alors d’emmener Loki sur Terre pour y retrouver leur père qui se trouve maintenant dans une maison de retraite. Ils font alors la connaissance du Docteur Steven Strange (Benedict Cumberbatch) au Sanctum Sanctorum de New York et demande à ce que les Asgardiens quittent la Terre. Strange les téléporte ensuite en Norvège où se trouve finalement Odin, mais ce dernier, vieillissant et malade, informe ses deux fils que sa mort prochaine va entraîner un profond bouleversement à Asgard, marquant le retour d’Hela (Cate Blanchett), leur soeur aînée et déesse de la mort, qui réclame le droit de siéger sur le trône d’Asgard.

Hela retrouve alors Thor et Loki et réussit à détruire le marteau mythique de Thor. Elle retourne ensuite à Asgard par le biais du Bifröst resté ouvert et se débarrasse de Thor et Loki qui se retrouvent éjectés du faisceau lumineux. A son arrivée à Asgard, Hela recrute Skurge (Karl Urban) qui devient son exécuteur et principal bras-droit puis force la cité entière à se soumettre à son pouvoir malgré l’hostilité des troupes d’Hogun (Tadanobu Asano), qu’elle réduit à néant sans aucun effort. Elle révèle ensuite à Skurge la vérité sur le secret du Royaume des Dieux : Odin et Hela furent autrefois de grands conquérants qui détruisirent des civilisations entières jusqu’à ce qu’Odin décide de renoncer à tous ces massacres pour stopper la soif de tuerie de sa fille, qu’il envoya dans une prison dimensionnelle. A l’aide de l’éternelle flamme, Hela fait ressusciter l’armée des morts hors des catacombes d’Asgard et ramène à la vie Fenrir, un loup géant qui fut autrefois la monture de la déesse de la mort. Pendant ce temps, Thor se retrouve piégé dans un autre monde sur Sakaar, une planète entouré d’étranges portails cosmiques.

Thor est fait prisonnier par Scrapper 142 (Tessa Thompson) qui l’emmène alors auprès du Grand Maître (Jeff Goldblum), un tyran qui règne en maître absolu sur Sakaar et organise régulièrement le tournoi des champions, où s’affrontent des guerriers-esclaves jetés dans des arènes lors de duel à mort pour le plus grand bonheur de la foule. Au cours de son périple, Thor découvre que le guerrier qu’il doit affronter, le champion incontesté du Grand Maître, n’est autre qu’Hulk en personne (Mark Ruffalo), qu’il retrouve enfin après sa disparition à la fin de « Avengers : Age of Ultron ». Il retrouve aussi Loki qui est devenu entre temps l’allié du Grand Maître et réalise plus tard que Scrapper 142 porte le tatouage des Valkyries, les anciennes guerrières d’élite d’Asgard, mais hélas pour lui, Scrapper 142 a tourné la page sur un lointain passé qu’elle cherche à oublier en buvant des litres d’alcool. Désormais, Thor n’a plus qu’une seule solution : convaincre Hulk de l’aider à s’échapper de Sakaar pour rejoindre Asgard et sauver son peuple et son royaume des griffes maléfiques de sa soeur Hela.


UN TROISIÈME ÉPISODE FUN ET DÉCOMPLEXÉ


Annoncé depuis 2014, « Thor Ragnarok » est cette fois-ci confié au réalisateur néo-zélandais Taika Waititi révélé en 2014 avec sa comédie horrifique « What We Do In The Shadows » co-réalisée avec Jermaine Clement. Très vite, Waititi et Marvel Studios décidèrent de faire de ce troisième épisode des aventures de Thor un blockbuster beaucoup plus fun et décomplexé, largement plus axé sur l’humour et la dérision, une décision en grande partie inspirée par l’attitude de Chris Hemsworth, l’acteur principal de Thor qui s’avère être un gros déconneur sur les tournages et qui aime bien multiplier les blagues en tout genre. Résultat : le film est certainement le meilleur des trois épisodes, les deux autres étant de simples blockbusters décérébrés et fadasses hormis un premier épisode qui se rattrapait encore avec un sous-texte shakespearien inspiré par la culture britannique de Kenneth Branagh. D’emblée, Marvel choisit de prendre le contre-pied des deux précédents films en optant pour une approche comédie assez rafraîchissante, le tout rythmé par une bande son provenant tout droit d’un film des années 80.

On y retrouve la déferlante habituelle d’effets spéciaux numériques, de décors grandioses et de scènes de bataille énormes, mais le fait même que le film ne se prenne jamais trop au sérieux et opte pour une longue succession d’humour, de gags et de dérision permanente remporte largement les suffrages auprès du public. Fait inattendu, « Thor Ragnarok » prend des allures de buddy movie des années 80 en associant Thor à Hulk, qui vont partager l’aventure après avoir quitté Sakaar, la planète du Grand Maître où des gladiateurs s’affrontent à mort dans une arène gigantesque pour divertir le public. On appréciera l’arrivée de la nouvelle méchante campée par une Cate Blanchett qui semble s’être bien éclatée à jouer la déesse de la mort maléfique (bien qu’elle cabotine un brin avec son maquillage de gothique ténébreuse un peu surfait), mais c’est bien ici le duo Chris Hemsworth/Mark Ruffalo qui remporte la partie, sans oublier la jolie Tessa Thompson (vue récemment dans « Creed ») qui campe une Valkyrie au caractère dur qui tente de tourner la page et d’oublier les douleurs du passé en avalant des litres entiers d’alcool. Certaines scènes où sont réunies les quatre personnages principaux – Thor, Loki, Hulk et Scrapper 142 - valent leur pesant d’or : on sent clairement que les comédiens se sont bien éclatés durant le tournage et leur plaisir, visible à l’écran, est largement communicatif !

Malgré cela, le scénario reste somme toute assez creux. Certes, le film est fun et totalement décomplexé, Taiki Waititi, qui vient du monde de la comédie, a su insuffler à ce blockbuster ce soupçon d’humour qui faisait cruellement défaut aux anciens films. A ce sujet, on citera la fameuse scène de la pièce de théâtre au début du film, où Loki est interprété par Matt Damon et Odin campé par Sam Neill. Pour l’anecdote, c’est suite à une blague entre Chris Hemsworth et Matt Damon que ce dernier se serait retrouvé à faire un bref caméo au début de ce film ! Le problème, c’est qu’hormis l’arrivée d’une nouvelle méchante et la menace qui pèse désormais sur Asgard sur fond de prophétie de fin du monde (le Ragnarok), le film ne raconte pas grand chose. Une bonne partie du récit va se dérouler sur Sakaar et tourne quelque peu en rond. Le film est une longue succession de répliques drôles, de situations cocasses et de gags en tout genre (avec quelques allusions aux « Avengers » et une séquence avec le Doctor Strange) mais on oublie encore une fois de creuser un scénario assez vide où les enjeux dramatiques, pourtant très sérieux, sont réduits à néant par l’humour omniprésent dans le film. Ainsi, la longue bataille finale contre Hela échoue quelque peu dans ses ambitions : on ne sait plus s’il faut encore prendre tout cela à la rigolade ou frissonner lorsque les héros sont en danger et réalisent qu’ils n’arriveront pas à battre la déesse de la mort, beaucoup trop puissante pour eux.

Malgré cela, « Thor Ragnarok » fourmille d’idées en tout genre : la bataille introductive contre Surtur rythmée sur la fameuse reprise du « Immigrant Song » de Led Zeppelin (hélas trop souvent utilisée de nos jours au cinéma ou dans les bande-annonces), le final où Karl Urban fonce tête baissée dans la mêlée avec ses deux fusils mitrailleurs façon jeu vidéo, la planète ultra colorée et excentrique du Grand Maître campé par un Jeff Goldblum hilarant et cabotin, le look très bande dessinée des décors, les synthétiseurs années 80 de la musique, les clins d’oeil aux anciens films Marvel (Loki qui s’amuse comme un petit fou lorsqu’Hulk massacre Thor en lui rappelant ce que ça fait, clin d’oeil à la fin du premier « Avengers ») etc. Tout cela fonctionne parfaitement mais tend à masquer un scénario un peu vain où les enjeux dramatiques sont annihilés par les nombreux ressorts comiques du film : à force de toujours sourire et de multiplier les vannes, le film oublie ses thèmes plus sérieux pourtant au coeur de l’intrigue : la destruction de Mjolnir, la mort d’Odin, la terreur et la violence que sème Hela dans Asgard, et le Ragnarok, titre-clé du film malheureusement totalement sous-exploité dans le scénario. Malgré cela, le film s’avère très divertissant et reste le meilleur épisode de la trilogie, assurément.


UNE PARTITION DYNAMIQUE ET RÉJOUISSANTE


Le choix du compositeur Mark Mothersbaugh sur « Thor Ragnarok » était assez intéressant et très inattendu, surtout après deux pointures comme Patrick Doyle sur le premier film et Brian Tyler sur le deuxième opus. Mothersbaugh est plus connu pour sa collaboration aux films de Wes Anderson : « The Royal Tenenbaums », « Rushmore », « Bottle Rocket », « The Life Aquatic with Steve Zissou ». On citera aussi ses musiques de films animés comme « The Lego Movie », des jeux vidéos ou des séries animées comme « Rugrats » ou « Pee-wee’s Playhouse ». Véritable artiste à part entière, Mark Mothersbaugh est aussi un chanteur – membre du groupe de rock satirique Devo - et un peintre à succès influencé par le surréalisme et Andy Warhol, qui aurait exposé ses toiles dans plus de 150 galeries d’art au cours de ces 20 dernières années. Le choix inattendu de Mothersbaugh sur « Thor Ragnarok » s’explique avant tout par les goûts musicaux du réalisateur Taika Waititi. Dans ses anciens films, le cinéaste néo-zélandais a toujours eu recours à des chansons des années 80. Waititi aurait même raconté qu’il aurait aimé confier « Thor Ragnarok » à Queen si Freddie Mercury était encore en vie. Sachant que Mark Mothersbaugh maîtrise ce style de musique avec son groupe Devo, Waititi s’affaira ainsi à obtenir le compositeur sur ce troisième épisode de la saga « Thor ».


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Dès la première écoute, aucun doute possible : Mothersbaugh livre un score symphonique épique et aventureux dans la continuité de ceux de Patrick Doyle et Brian Tyler mais avec une bonne dose de synthétiseurs années 80 et d’électronique kitsch/rétro façon Jean-Michel Jarre, le musicien qui servit de principale source d’inspiration à Mothersbaugh sur « Thor Ragnarok ». La musique a été enregistrée avec un grand orchestre symphonique d’une centaine de musiciens et une grande chorale de 30 chanteurs et chanteuses accompagnés d’une pléiade de synthétiseurs rétro assez impressionnants. Le mélange entre les orchestrations épiques traditionnelles des productions Marvel et les synthétiseurs pop années 80 est un pur régal et apporte une certaine personnalité musicale particulière à « Thor Ragnarok ». Le score repose avant tout sur le nouveau thème principal associé à Thor, que Mothersbaugh dévoile sur l’album dans le superbe « Ragnarok Suite » à 1:07. Le nouveau thème musical de Thor dégage un sentiment de puissance, d’espoir et de majestuosité absolument remarquable : il est tout simplement le meilleur thème musical que l’on ait entendu dans toute la saga Thor ! Mothersbaugh jouera d’ailleurs parfaitement avec cette mélodie tout au long du film qu’il développera à loisir, parfois même sous un angle électronique 80’s kitsch assez savoureux !

Hela, la déesse de la mort et soeur de Thor et Loki, a droit à son propre thème que l’on découvre pour la première fois dans « Twilight of the Gods ». Le thème d’Hela est un motif menaçant, sombre et puissant constitué de 4 notes que l’on entend ici aux cors à 4:05. Ce motif est souvent accompagné de cuivres massifs, de percussions, de cordes en trémolos et de voix féminines lugubres. On retrouve le thème sournois de la déesse de la mort dans « Hela vs. Asgard » lorsque la méchante campée par Cate Blanchett affronte l’armée d’Asgard pour imposer son autorité. Le thème est alors repris aux cuivres à 0:41. Le troisième thème est celui associé à Odin au cours des scènes où il se trouve en Norvège. Mothersbaugh évoque alors ces séquences en ayant recours à un hardanger, une sorte de violon norvégien traditionnel à 4 cordes et qui contient aussi 4 ou 5 cordes sous-jacentes utilisées pour la résonance de l’instrument. Les sonorités aisément reconnaissables du hardanger sont employées au tout début de « Twilight of the Gods » de manière étrangement paisible et planante, alors que Thor et Loki retrouvent Odin en Norvège, avant que le père des dieux rende son dernier souffle lors d’une reprise poignante de son thème aux cordes (à 2:38). A noter que Mark Mothersbaugh utilise aussi les sonorités plus familières du duduk arménien et celles, particulières, du nyckelharpa, un instrument suédois traditionnel qui s’apparente à une vièle à roue, origine d’Uppland au nord de Stockholm.

Le quatrième thème est celui associé au Grand Maître. Les scènes sur la planète Sakaar sont par ailleurs régulièrement illustrées par une musique résolument électronique, avec un mélange de synthétiseurs analogiques 80’s qui semblent surgir tout droit d’un score d’Harold Faltermeyer ou de Giorgio Moroder. C’est le cas dès « Grand Master’s Chambers » où l’on retrouve le style plus fantaisiste et excentrique habituel de Mothersbaugh avec ses synthés analogiques modulaires très reconnaissables. Le Grand Maître (campé par Jeff Goldblum dans le film) n’a pas de mélodie à proprement parler mais se voit attribué une identité sonore assez forte à base de synthés analogiques kitsch et rétro. Ces éléments traversent une bonne partie des scènes sur Sakaar dans « No One Escapes », « Arena Fight », « What Heroes Do » ou le délirant « Parade », une sorte de source music festive pour une cérémonie de Sakaar constituée uniquement de synthétiseurs analogiques. Parmi les autres idées thématiques, on notera l’emploi des choeurs masculins ténébreux associés au démon Surtur dans « Running Short of Options » pour la scène où Thor affronte le démon au début du film et empêche la concrétisation du Ragnarok. Le morceau dévoile par la même occasion le premier morceau d’action du score, un pur déchaînement orchestral complexe et virtuose d’une puissance redoutable, comme on en avait encore jamais entendu dans la filmographie de Mark Mothersbaugh, peu habitué aux films de super-héros !

Le thème principal est repris lors du générique de début du film dans « Thor : Ragnarok » avec sa batterie/guitare électrique rock très années 80 – on jurerait entendre la musique de « Flash Gordon » de Queen - et ses arpèges électroniques qui font parfois penser au « Tron Legacy » de Daft Punk. Autre idée intéressante ici : Mothersbaugh tente de créer une certaine continuité avec les musiques des anciens épisodes en reprenant les thèmes musicaux de Patrick Doyle et Brian Tyler au détour de quelques scènes-clé du film. Dans « Weird Things Happen », Mothersbaugh s’amuse même à pasticher la musique de « Doctor Strange » de Michael Giacchino (reconnaissable à son style indien à base de sitar et de clavecin) pour la scène où Thor et Loki rencontrent le Dr. Strange à New York vers le début du film. Le final de l’aventure, « Where To ? », cite explicitement le thème de Patrick Doyle tiré du premier « Thor » aux cordes à 1:47 (à noter par ailleurs comment le thème de Doyle enchaîne ensuite avec le propre thème de Mothersbaugh en guise de conclusion). Le compositeur ira même jusqu’à citer dans le film le fameux thème de Joe Harnell pour la série TV « The Incredible Hulk » de 1977 (non présent sur l’album) lors de la rencontre détonnante entre Thor et Hulk dans les arènes de Sakaar.

Dès « Where Am I ? », Mothersbaugh nous plonge dans une ambiance étrange à base de synthétiseurs mystérieux et de pulsations électroniques kitsch lorsque Thor se réveille sur la planète Sakaar, désorienté, et ignore encore où il se trouve – la musique évoque ici clairement John Carpenter – Pendant ce temps, Hela monte en puissance sur Asgard avec une superbe reprise puissante et maléfique de son thème dans « The Vault » aux cuivres à 2:07, lorsque la déesse de la mort ressuscite ses anciens soldats et son loup géant. A noter ici l’emploi des vocalises féminines associées brillamment au personnage dans le film. On retourne ensuite sur Sakaar avec les synthés analogiques de « No One Escapes », dans un style qui rappelle les récents travaux de Daft Punk sur « Tron Legacy » ou M83 sur « Oblivion ». Élément intéressant : Mothersbaugh, qui est un vrai spécialiste des synthétiseurs, n’utilise pas l’électronique comme un simple élément de l’orchestre ou un faire-valoir mais crée de vraies textures sonores explorant toutes les possibilités des machines et de ses claviers en y incorporant conjointement les parties symphoniques. Dans « Arena Fight », il illustre la scène où Thor affronte Hulk avec une véritable frénésie d’idées, à l’aide de martèlements de trombones/timbales, d’arpèges virtuoses des synthétiseurs et de choeurs scandés brutalement. Mothersbaugh est un spécialiste des mélanges d’idées et de sonorités disparates, et un morceau d’action robuste comme « Arena Fight » lui permet de donner libre cours à son imagination, dans un style très rafraîchissant qui coïncidence autant avec les exigences musicales des productions Marvel que ses propres ambitions musicales personnelles.

Dans « Where’s The Sword ? », on retourne dans la thématique lugubre et agressive d’Hela lorsque cette dernière recherche l’épée qui a été retirée du Bifröst. A 3:35, Mothersbaugh dévoile un thème majestueux et héroïque des cors associé dans le film à Heimdall, le protecteur du Bifröst campé à l’écran par Idris Elba, et qui s’improvise alors protecteur du peuple d’Asgard en l’absence de Thor et Loki. Le thème principal de Thor revient dans « Go » pour illustrer la scène où il va tenter de s’échapper de Sakaar avec Hulk. On arrive alors à « What Heroes Do », l’un des morceaux-clé du score de « Thor Ragnarok ». Mothersbaugh reprend ici le thème principal dans un superbe arrangement électro/pop années 80 assez magistral (l’influence de Jean-Michel Jarre est ici très reconnaissable!). Dans « The Revolution Has Begun », Thor incite ses compagnons d’arme à faire la révolution sur Sakaar, l’occasion pour le compositeur de nous offrir un autre délire musical à base de synthés analogiques eighties totalement rétro. Ne ratez pas la reprise magistrale du thème de Thor à 1:10 alors que le héros réussit à s’enfuit à bord du vaisseau Avenger avec Hulk.

La poursuite en vaisseaux de « Sakaar Chase » est un autre moment fort de la musique de « Thor Ragnarok ». Alors que n’importe quel autre compositeur aurait ici opté pour une approche symphonique/chorale ultra massive, Mark Mothersbaugh illustre la scène de la poursuite à l’aide de ses bons vieux synthétiseurs analogiques et d’une guitare électrique très années 80 à la manière de ses musiques synthétiques kitsch que l’on entendait parfois sur ses vieux space operas fauchés de la fin des années 70 et du début des années 80. La poursuite s’intensifie dans « Devil’s Anus » où Mothersbaugh incorpore de solides parties orchestrales à son flot ininterrompu de synthétiseurs. Le morceau est traversé de fulgurances héroïques et de variations thématiques intéressantes autour du thème de Thor. On retrouve aussi le thème d’Hela (à 2:10) qui continue de semer le chaos à Asgard pendant que les héros tentent de retourner sur leur monde. « Asgard Is A People » illustre la longue bataille finale contre Hela pour un ultime morceau d’action complexe et virtuose. Le morceau juxtapose les thèmes de Thor et d’Hela dans un affrontement épique richement orchestré, avec des choeurs démesurés et des cuivres dissonants, débouchant sur un final apocalyptique et puissant.


UN SCORE DÉCALÉ, FUN ET PUISSANT


Le film se termine sur « Planet Sakaar » qui est en réalité une reprise disco kitsch du thème de Thor sans oublier le délirant « Grandmaster Jam Session », une chanson pop/électro qui accompagne la scène où le Grand Maître rencontre Thor pour la première fois dans le film. Mothersbaugh ajoute ici d’étranges vocalises totalement excentriques et absurdes, renforçant l’humour du métrage de Waititi, dans un style qui rappelle les expérimentations de Mothersbaugh chez Devo. Ainsi donc, on ressort forcément comblé par l’écoute de la musique de « Thor Ragnarok » dans le film comme sur l’album, tant le choix du compositeur semble avoir déterminé en grande partie un style forcément décalé qui rompt merveilleusement avec la monotonie ambiante des musiques de super-héros à Hollywood. Mothersbaugh est resté fidèle à sa personnalité musicale hors-norme et concocte pour le film de Taika Waititi une musique grandiose, humoristique et excentrique qui mélange le meilleur des deux mondes (les productions Marvel, les musiques électroniques/pop des années 80) pour un résultat foncièrement intéressant, sans aucun doute l’une des meilleures partitions que l’on ait pu entendre sur un blockbuster Marvel au cours de ces 10 dernières années. Mark Mothersbaugh prouve par la même occasion qu’il est capable d’écrire de grands scores d’action épiques richement orchestrés, à tel point que l’on espère maintenant que les producteurs n’hésiteront pas à l’engager plus souvent sur des grosses productions d’une telle envergue. A ne pas rater !



---Quentin Billard