1-En mai 8.56
2-L'étau se resserre 3.58
3-Ils resteront trois 5.05
4-Traverser la guerre 1.55
5-Tout laisser 2.51
6-Ils arrivent 3.39
7-Respirations 4.07
8-Tous ensemble 2.38
9-Et même les animaux sont avec eux 4.37
10-A la recherche de la paix 6.29

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Quartet Records QR207

Produit par:
Ennio Morricone
Supervision et production score:
Pascal Mayer
Assistant supervision musique:
Steve Bouyer
Ingénieur son et mixage:
Fabio Venturi

(c) 2015 Nord-Ouest Productions/Pathé/Artémis Productions/France 2 Cinéma/Appaloosa Distribution/Clap Trap/Une Hirondelle Productions/Canal+/Ciné+/France Télévisions/SofiTVciné 2/Cofinova 11/Palatine Etoile 12. All rights reserved.

Note: ****
EN MAI, FAIS CE QU'IL TE PLAÎT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
« En mai, fais ce qu’il te plaît » est le 4ème long-métrage de Christian Carion après « Une hirondelle a fait le printemps » (2001), « Joyeux Noël » (2005) et « L’Affaire Farewell » (2009). Pour son nouveau métrage, Carion évoque la France au début de l’occupation allemande en 1940. Alors que les allemands viennent d’envahir le pays, des millions de personnes quittent le nord de la France pour se réfugier dans d’autres villes du pays. On suit alors l’exode du maire d’un petit village, Paul (Olivier Gourmet) et sa femme Mado (Mathilde Seigner). Au même moment, Hans (August Diehl) et son jeune fils Max (Joshio Marlon), deux allemands qui ont fuis leur pays pour échapper au nazisme, se retrouvent en France où ils tentent de passer incognito. A leur tour, ils se retrouvent embarqués dans le grand exode du pays, prenant la route aux côtés des fermiers du village de Paul. Mais lorsqu’Hans est arrêté par la police française qui a découvert ses origines allemandes, le petit Max se retrouve confié aux bons soins de Suzanne (Alice Isaaz), la jolie institutrice du village qui va entamer le voyage aux côtés des siens. Lorsqu’Hans est finalement libéré, il tente de retrouver son fils au village de Paul mais découvre hélas que tous les habitants sont partis sans laisser la moindre trace. Un message laissé par Max sur le tableau de la classe de Suzanne permet à Hans de réaliser que son fils participe à l’exode avec les autres habitants du village. Hans se met alors en route dans l’espoir de retrouver son fils. Au cours de son périple, il croisera la route de Percy (Matthew Rhys), un soldat écossais échoué en France et dont l’escadron tout entier a été décimé par les allemands.


UN DRAME SUR LA GUERRE ASSEZ CONVENU


« En mai, fais ce qu’il te plaît » évoque ainsi un sujet rarement évoqué au cinéma, celui de l’exode de ces milliers de français qui traversèrent la France tout entière pour fuir l’invasion allemande en 1940. Christian Carion s’est par ailleurs inspiré de l’histoire de sa propre mère originaire de Cambrai, qui aurait fui les allemands le 17 mai 1940 avec les 8 millions de français, l’occasion pour le réalisateur d’évoquer le destin de ces grands oubliés de l’histoire française officielle. Basé sur des témoignages authentiques, le film se veut réaliste et propose une reconstitution assez fidèle des événements, mais « En mai, fais ce qu’il te plaît » est plus le destin croisé de plusieurs personnages qu’un véritable drame bouleversant sur la guerre et l’exode des civils. Le scénario repose entièrement sur une poignée de personnages à la manière d’un film choral consensuel : Hans, l’allemand exilé en France qui recherche son jeune fils Max, Paul, le maire bougon qui devient un meneur d’hommes, Percy, le soldat écossais échoué en France qui va chercher à revenir chez lui, Albert (Laurent Gerra), le paysan qui ne veut pas quitter ses terres, etc.

Mais ce qui fonctionnait parfaitement sur le papier a bien du mal à susciter un quelconque enthousiasme à l’écran. « En mai, fais ce qu’il te plaît » est incontestablement un film joli, servi par une bonne photographie et des acteurs convaincants, August Diehl en tête de liste dans le rôle du père prêt à tout pour retrouver son fils, sans oublier la conviction d’Olivier Gourmet ou de Mathilde Seigner. En revanche, les seconds rôles campés par Alice Isaaz ou l’acteur/comique Laurent Gerra paraissent plus ternes et guère passionnants, la faute à des dialogues réellement consistants ou des scènes vraiment mémorables. Le rythme est bien entretenu : Christian Carion prend le temps de poser sa caméra à travers quelques plans assez contemplatifs, typique d’une certaine vision d’un cinéma français intimiste et épuré, magnifié ici par les décors de la campagne du Nord de la France. On aurait simplement aimé que le film prenne davantage de risque, ose encore plus et aille dans des directions plus inattendues. Au lieu de cela, Carion livre un produit calibré tout public, plein de bons sentiments et avec une tendance à la moralisation un peu agaçante (scène inutile où Paul sermonne deux commerçants comme des gamins). Le problème, c’est qu’à force d’insister sur les histoires personnelles, Carion survole celle, plus importante, de l’exode des habitants du village. Le tout est donc filmé sans conviction particulière, sans réelle passion, alors que le sujet en réclamait bien plus. On attend encore un vrai film sur l’exode des 8 millions de français en 1940…



UNE MUSIQUE LYRIQUE DU MAESTRO ITALIEN


Le film a été monté à l’origine avec des musiques pré-existantes d’Ennio Morricone. C’est le superviseur de la musique Pascal Mayer qui décida finalement de contacter le maestro italien lui-même qui visionna un premier montage du film avec sa musique et remarqua qu’elle fonctionnait parfaitement avec les images. Peu de temps après, l’équipe réussit finalement à convaincre le grand Ennio Morricone de participer au film en se rendant directement chez lui à Rome. Le résultat, c’est 44 minutes de lyrisme pur fidèle à la sensibilité habituelle du maestro italien. Le compositeur, aujourd’hui âgé de 86 ans, n’a rien perdu de son inspiration et nous le prouve une fois de plus avec « En mai, fais ce qu’il te plaît », qui marque le retour d’Ennio Morricone sur un film français après « Vatel » en 2000 ou « L’Enfant du Sahara » en 2014. Le travail du maestro italien sur « En mai, fais ce qu’il te plaît » ne surprendra personne mais nous permet de retrouver avec bonheur le lyrisme exceptionnel du compositeur. Le score est écrit pour un orchestre symphonique traditionnel – avec les musiciens du Roma Sinfionetta - incluant un orgue dont les sonorités quasi religieuses sont dévoilées dès les premières notes du thème principal « En Mai ».


ANALYSE DE LA MUSIQUE

Le thème évoque ici l’exode des français et la quête d’Hans pour retrouver son fils Max. Il s’agit d’une de ces mélodies poignantes et déchirantes dont seul Morricone possède le secret. On pense ici aux grandes mesures du compositeur : il y a du « Cinema Paradisio » et du « Once Upon A Time In America » dans cette musique. A noter la façon dont Morricone développe son thème pendant 8 minutes sur « En Mai », avec son entêtant ostinato de 4 notes ascendantes répétitives à l’orgue, auxquelles viennent s’ajouter la mélodie des cordes et des flûtes. La musique est utilisée avec parcimonie dans le film, intervenant lors des moments-clé de l’histoire. Dans « Ils resteront trois », Morricone introduit le second thème de la partition, mélodie lyrique et paisible associée à Paul, Mado et les habitants du village. Il s’agit encore une fois de l’un de ces thèmes de cordes classique et bouleversant rempli d’harmonies d’une finesse et d’une délicatesse extraordinaire, qui rappelle ici aussi « Cinema Paradisio ». A noter le retour de l’orgue aux consonances spirituelles qui apporte une vraie personnalité à la musique du film de Christian Carion. On notera aussi l’apport de la clarinette qui renforce le climat paisible et tendre de la musique et du film.

Comme souvent, il y a une profondeur ahurissante dans la musique de Morricone, et malgré l’utilisation discrète du score sur les images, les scènes où le score apparaît s’en retrouvent transfigurées, renforcées par une émotion palpable à la fois discrète et réellement présente. Evidemment, il y a des moments plus sombres où l’on retrouve le style plus dissonant habituel du compositeur, comme dans « L’étau se resserre » où il est question d’une confrontation avec deux soldats allemands dans une ferme. Morricone accentue ici le travail autour des cordes avec un contrepoint classique et magistral qui rappelle parfois ses musiques thriller/polar des années 80/90 : on pense ici à « The Untouchables » ou « In The Line of Fire ». A noter l’apport de la clarinette qui résonne ici de manière plus mystérieuse aux côtés de cordes plus incisives et menaçantes. De la même façon, « Traverser la guerre » suggère un climat d’insécurité et de danger dans le film alors que les exilés craignent la présence des allemands qui peuvent se trouver n’importe où et débarquer à n’importe quel moment - le morceau rappelle parfois certaines mesures de « The Thing » -

« Tout laisser » nous renvoie à l’idée du sacrifie des villageois qui laissent tout derrière eux pour fuir l’invasion allemande. Morricone évoque discrètement la culture française en utilisant habilement un accordéon, un harmonica et un violoncelle dans un trio saisissant, d’une retenue et une sobriété exemplaire. Il y a une pudeur évidente dans la musique du maestro qui reflète la sagesse du vieux maître de 86 ans et l’intelligence de son approche musicale des images. On retrouve alors le thème principal repris de façon poignante aux cordes à 1:30, qui rappelle beaucoup l’inoubliable « Deborah’s Theme » de « Once Upon A Time In America », de par sa progression harmonique et mélodique. Le maestro a par ailleurs la bonne idée de ne pas se limiter à son style lyrique habituel mais évoque aussi l’aspect plus sombre du film de Carion comme le rappelle « Ils arrivent », suggérant l’arrivée des nazis dans le village, alors qu’Hans et Percy se cachent dans une maison. Morricone développe à nouveau son style plus sombre aux cordes mais sans jamais virer à la cacophonie, préférant optant pour une approche très tonale, incluant un passage étrangement comique à base de cordes et bois sautillants un brin moqueurs. « Respirations » évoque les retrouvailles familiales entre Hans et Max à la fin du film avec le retour du superbe thème de cordes de « Ils resteront trois ». Cette idée transparaît aussi dans « Tous ensemble » où la musique devient plus chaleureuse, partagée entre la beauté éthérée des cordes et la légèreté paisible et cristalline de la flûte et du célesta, dans une écriture évoquant la musique baroque.


UNE CONCLUSION APAISANTE

Le thème principal revient enfin dans l’élégiaque « Et même les animaux sont avec eux » vers la fin du film, à nouveau associé à l’idée de l’exode et de ses français prêts à tous les sacrifices pour retrouver la paix et fuir le nazisme. A noter la manière subtile dont Morricone suggère l’idée de la paix avec le retour du duo flûte/célesta plus léger et presque amusant, qui contraste habilement avec le caractère plus solennel et tendre des cordes. Enfin, « A la recherche de la paix » reprend une dernière fois le thème familial aux cordes avec l’apport impressionnant d’une trompette soliste qui rappelle parfois « City of Joy », sans oublier les vocalises féminines opératiques d’une chanteuse rappelant les grandes heures des partitions somptueuses de Morricone avec l’éternelle Edda Dell’Orso – on pense ici à « Casualties of War » ou au thème exceptionnel de « The Red Tent » -

Il y a donc dans « En mai, fais ce qu’il te plaît » des influences évidentes des grandes oeuvres du passé d’Ennio Morricone : on pense à « Once Upon A Time in America », « Cinema Paradisio » ou « La Califfa » pour les exemples les plus évidents. Force est de constater qu’à 86 ans passés, Ennio Morricone reste un compositeur exceptionnel qui n’a rien perdu de son immense talent et demeure le maître absolu de la musique de film (après plus de 50 ans d’une carrière unique en son genre!). Même sur un film mineur comme « En mai, fais ce qu’il te plaît », le musicien italien sait trouver l’inspiration et nous offrir le meilleur de lui-même. La musique apporte une pudeur, une émotion indéniable au film sans jamais verser dans le mélodrame, mais avec un profond respect pour le sujet de ces gens qui se sont exilés dans leur propre pays, un hommage à ces 8 millions de français dont l’histoire méritait d’être enfin racontée au cinéma. Évidemment, on pourra toujours reprocher le manque d’originalité de l’approche de Morricone qui ne dévie jamais de son style et ses idées habituelles, mais le tout est écrit avec une telle maîtrise et une telle passion – rare de nos jours au cinéma – qu’on ne peut qu’applaudir le compositeur et vibrer au son de sa nouvelle partition pour le film de Christian Carion. A ne pas manquer !



---Quentin Billard