1-The Wailing Wall 1.43
2-Jaffa To Stamboul 1.27
3-Arrival 2.02
4-The Orient Express 1.28
5-Departure 1.00
6-Judgement 2.29
7-Touch Nothing Else 2.53
8-MacQueen 2.19
9-Twelve Stab Wounds 2.58
10-The Armstrong Case 1.21
11-Mrs. Hubbard 1.33
12-This Is True 2.51
13-Keep Everyone Inside 1.24
14-Confession 1.50
15-Geography 1.24
16-One Sharp Knife 2.23
17-Ma Katherine 1.09
18-True Identity 2.07
19-Dr. Arbuthnot 1.53
20-It Is Time 1.06
21-Justice 9.29
22-Poirot 2.39
23-Never Forget 3.58*
23-Orient Express Suite 3.19

*Interprété par Michelle Pfeiffer
Ecrit par Patrick Doyle
Paroles de Kenneth Branagh.

Musique  composée par:

Patrick Doyle

Editeur:

Sony Classical 546634.2

Album produit par:
Patrick Doyle
Montage musique:
Robin Morrison, Graham Sutton,
Cecile Tournesac

Orchestrations:
Patrick Doyle
Conduit par:
James Shearman
Mixage et enregistrement:
Nick Taylor

Artwork and pictures (c) 2017 Twentieth Century Fox. All rights reserved.

Note: ****
MURDER ON THE ORIENT EXPRESS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Patrick Doyle
« Murder on the Orient Express » fait partie de ces classiques incontournables de la littérature policière que l’on ne présente plus. Il s’agit de l’oeuvre phare d’Agatha Christie publiée en 1934, l’un de ces plus célèbres romans policiers avec « Ten Little Niggers ». On se souvient par ailleurs que le roman avait déjà été porté au cinéma en 1974 dans l’excellente version de Sidney Lumet avec un casting phare (Albert Finney, Lauren Bacall, Jacqueline Bisset, Michael York, Sean Connery, Vanessa Redgrave, Jean-Pierre Cassel, Ingrid Bergman, Anthony Perkins, etc.). C’est vers 2013 que l’on entend enfin parler d’une nouvelle adaptation du roman d’Agatha Christie au cinéma, produit en partie par Ridley Scott et la Fox et confié à Kenneth Branagh, qui tient à la fois le poste de réalisateur mais aussi d’acteur puisqu’il est l’interprète d’Hercule Poirot, le célèbre enquêteur belge et personnage-clé de l’oeuvre d’Agatha Christie. L’histoire débute en 1934. Après avoir résolu une enquête à Jérusalem, Hercule Poirot (Kenneth Branagh) souhaite rester quelques temps à Istanbul lorsque son ami Bouc (Tom Bateman), directeur de l’Orient Express, lui offre une chambre dans le prestigieux train.

Peu de temps après le début de son voyage, Poirot est contacté par Edward Ratchett (Johnny Depp), homme d’affaire peu scrupuleux qui souhaite l’engager en tant que garde du corps, ce à quoi Poirot refuse catégoriquement. La nuit, le détective entend des bruits provenant de la cabine de Ratchett et aperçoit alors une personne dans le couloir habillée en kimono rouge. Une avalanche surgit alors et oblige de le train à s’arrêter sur les rails pendant quelques temps. Le lendemain matin, Poirot découvre que Ratchett a été assassiné durant la nuit : son corps a été lacéré par douze coups de couteau. Pendant que les réparations du train avancent, Poirot et son ami Bouc réunissent les passagers et décident d’enquêter sur le meurtre de Ratchett.


UNE ADAPTATION PAS INDISPENSABLE…


Adapter à nouveau « Murder on the Orient Express » au cinéma était un pari un peu insensé : que pouvait bien avoir à raconter de plus Kenneth Branagh que n’aurait pas déjà fait Sidney Lumet dans sa version de 1974 ? La réponse est quelque peu nuancée, car si l’on retrouve les grandes lignes du roman d’Agatha Christie et celles du film de 74, Branagh opte ici pour une approche plus modernisée, utilisant une caméra HD 65mm comme le fit Christopher Nolan dans « Dunkirk » ou comme le fit Branagh dans son « Hamlet » en 1996. Le film repose quasi exclusivement sur les épaules de Branagh, qui campe un Hercule Poirot plus obsessionnel, fantasque et entêté, assez éloigné de l’image de dandy véhiculée par Albert Finney dans le film de 74 ou dans la série TV avec David Suchet. Le film s’autorise ainsi quelques libertés avec le roman original : par exemple, Poirot confronte les passagers à l’extérieur du train vers la fin du film alors que dans le roman, toute l’intrigue se passe exclusivement à l’intérieur de l’Orient Express.

Autre point fort du film : une distribution de luxe, le film réunissant un casting de choix avec Penélope Cruz, Willem Dafoe, Judi Dench, Johnny Depp, Josh Gad, Derek Jacobi, Michelle Pfeiffer, Daisy Ridley ou Tom Bateman. La photographie est très soignée, tout comme la mise en scène qui maintient un suspense tenace durant les 114 minutes du métrage, et ce même si l’on connaît déjà toute l’histoire sur le bout des doigts. Avec des décors somptueux (le prologue à Jérusalem, les scènes à Istanbul, la traversée des les Balkans enneigés, les intérieurs luxueux de l’Orient Express) et des images numériques plus modernes, « Murder on the Orient Express » est une habile tentative de remettre l’oeuvre d’Agatha Christie au goût du jour en touchant tous les publics, d’où la diversité évidente du casting constitué de vétérans britanniques, américains et de jeunes premiers (Daisy Ridley, la révélation féminine des nouveaux « Star Wars »). Seul regret de taille ici : le côté terne et lisse des seconds rôles.

Alors que Branagh centre le film sur un Poirot fantasque et plus humain (cf. les photos avec sa bien-aimée), les vétérans comme Derek Jacobi, Judi Dench, Willem Dafoe ou Michelle Pfeiffer paraissent curieusement effacés dans le film, hormis l’excellente Daisy Ridley ou Josh Gad. La seule bonne idée de la direction d’acteur vient ici du rôle à contre-emploi confié à Johnny Depp, peu habitué aux rôles de salaud et qui s’avère ici très convaincant dans le rôle de cet homme d’affaire paranoïaque qui semble avoir beaucoup de choses à se faire pardonner. Hélas, il manque quelque chose pour faire de ce « Murder on the Orient Express » une adaptation réellement passionnante et audacieuse : les seconds rôles auraient certainement mérité plus de consistance, on aurait aimé connaître davantage l’histoire de la famille Armstrong, on aurait aimé être davantage surpris par le film, et malgré quelques libertés un brin timides, l’ensemble reste finalement très sage et très convenu et a bien du mal à atteindre le degré d’intensité du film de Sidney Lumet. On peut même se demander s’il était réellement nécessaire d’adapter à nouveau ce roman archi connu au cinéma. Reste que le succès du film au box office devrait conduire la Fox à mettre en chantier sa suite logique : « Death on the Nile ».



UNE PARTITION CLASSIQUE ET EXOTIQUE


Patrick Doyle retrouve à nouveau Kenneth Branagh pour la onzième fois après « Henry V » (1989), « Dead Again » (1991), « Much Ado About Nothing » (1993), « Frankenstein » (1994), « Hamlet » (1996), « Love’s Labour Lost » (2000), « As You Like It » (2006), « Sleuth » (2007), « Thor » (2011) et « Cinderella » (2015). Le score de Patrick Doyle s’avère être extrêmement expressif, valorisant les images tout en apportant une intensité et une émotion au récit reflétant aussi bien les sentiments et la pensée d’Hercule Poirot que l’enquête liée à l’Orient Express et au meurtre d’Edward Ratchett. Le score est écrit pour un orchestre symphonique traditionnel agrémenté de nombreux solistes, incluant notamment des instruments ethniques et un piano. Le score débute sur les très orientaux « The Wailing Wall » à grand renfort de cordes et de darboukas évoquant la séquence introductive à Jérusalem. Dans « Jaffa to Stamboul », Doyle évoque la scène où Poirot se rend à Istanbul à l’aide du traditionnel duduk arménien et de quelques cordes. Le compositeur dévoile ici le premier thème-clé du score, le thème du voyage, entendu au duduk dès 0:08 et repris par les cordes à 0:31.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Ce thème majestueux et noble sera associé au voyage de Poirot à bord de l’Orient Express. On ressent un sentiment grisant de départ pour une grande aventure dans le milieu de « Arrival », reprenant les darboukas orientales de « The Wailing Wall ». Dans « The Orient Express », Doyle dévoile le thème d’Hercule Poirot avec des cordes énergiques sur fond de piano dansant, de cymbalum et de percussions quasi mécaniques associées au train. A noter par ailleurs que le cymbalum est là pour évoquer les décors de la Yougoslavie où se retrouve coincé le train dès le premier quart du film. Le thème de Poirot évoque clairement l’esprit vivace du célèbre enquêteur belge. « Departure » reprend le superbe thème majestueux du voyage pour le départ de l’Orient Express vers le début du film. Dès « Judgement », la musique devient soudainement plus nuancée, plus sombre, le piano devient plus hésitant, avec quelques notes furtives de cymbalum et de duduk. « Touch Nothing Else » évoque la scène de crime sur un ton résolument plus sombre à l’aide d’harmonie planante et dramatique des cordes. A noter la reprise du thème d’Hercule Poirot dans « MacQueen » pour la rencontre entre Poirot et Hector MacQueen (Josh Gad). Le thème du personnage de Kenneth Branagh devient ici plus mystérieux, plus énigmatique.

L’enquête autour du meurtre de Ratchett devenant alors la priorité absolue de Poirot, la musique suggère clairement ici les sentiments et la psyché du détective belge, qui utilise son intellect et sa capacité de déduction pour élucider cette affaire. A noter la manière dont Doyle reprend ce thème de manière plus mystérieuse au piano et aux cordes. « Twelve Stab Wounds » réutilise le duduk de manière énigmatique avec le cymbalum (en écho) et des cordes sombres lorsque Poirot remarque que Ratchett a reçu 12 coups de couteau. Doyle crée ici une ambiance particulière plutôt inhabituelle de la part du compositeur, reflétant l’inventivité de son travail sur « Murder on the Orient Express ». Plus important, « The Armstrong Case » introduit un thème majeur du score, le thème mélancolique liée à la famille du colonel Armstrong, une vieille affaire qui se trouve être liée à l’enquête actuelle d’Hercule Poirot. Il s’agit d’une mélodie poignante et triste pour piano et violoncelle qui deviendra l’idée principale du score de Patrick Doyle, notamment lors du final. Il s’agit par ailleurs d’un morceau assez bouleversant de par sa simplicité et la pureté de la ligne mélodique du violoncelle, un pur moment de poésie et de lyrisme qui nous permet de retrouver le Patrick Doyle de l’émotion et de l’élégance que l’on connaît tellement.

« Mrs. Hubbard » développe le motif de l’énigme que l’on retrouvera tout au long du film lorsque Poirot interroge les suspects et tente d’élucider le mystère lié au meurtre de Ratchett. A noter la façon dont le compositeur manipule les sons de cymbalum dans « This is True » auxquels il rajoute systématiquement de l’écho, probablement pour évoquer l’Orient Express et les décors enneigés du film. Encore une fois, Doyle parvient à concevoir une ambiance planante, mystérieuse et intrigante qui reflète aussi bien les mystères liés à l’enquête de Poirot que l’intellect du détective. Dans « Keep Everyone Inside », la musique apporte un sentiment de panique avec des cordes et des percussions plus agressives, tandis que « Geography » reprend le thème de l’affaire Armstrong avec un piano délicat et des cordes poignantes, alors que Poirot réalise qu’il existe des connexions entre les suspects du train et l’affaire du kidnapping puis du meurtre de la petite Daisy Armstrong qui défraya la chronique il y a quelques années.

« Ma Katherine » est l’un des moments d’émotion saisissants du score de « Murder on the Orient Express », pour la séquence où Poirot s’adresse à la photographie de sa femme décédée Katherine et lui jure de résoudre cette enquête. Comme toujours, Doyle n’est jamais aussi inspiré que lorsqu’il s’agit d’évoquer les sentiments humains avec un lyrisme et une élégance remarquable, et « Ma Katherine » confirme à nouveau cet état de fait. Dans « True Identity », on retrouve cette ambiance mélancolique, sombre et planante typique de la partition de « Murder on the Orient Express », avec ses notes énigmatiques de cymbalum en écho qui semblent surgir tout droit du passé des suspects, et apportent un éclairage particulier aux images du film de Kenneth Branagh. « Dr. Arbuthnot » fait quand à lui monter la tension avec l’un des rares passages d’action du score où l’on retrouve les percussions ‘action’ de scores plus récents comme « Thor » ou « Rise of the Planet of the Apes ». Le thème d’Armstrong revient dans le poignant « In Time » mais ce sont réellement les 9 minutes bouleversantes et incroyablement intenses de « Justice » qui vont permettre à la partition de Patrick Doyle d’atteindre des sommets.

Le compositeur développe ici le thème de piano de l’affaire Armstrong dans son intégralité à travers un adagio bouleversant d’une tristesse et d’une grâce extraordinaire. Le thème, absolument sublime, intervient pour la séquence où Poirot réunit tous les suspects à l’extérieur du train et leur expose ses deux théories au sujet du meurtre de Ratchett, aboutissant à la terrible vérité (que je ne révélerai pas pour ceux qui ne connaîtraient pas le roman ou qui n’auraient pas vu le film !). Les fans de Patrick Doyle doivent impérativement écouter « Murder on the Orient Express » pour y retrouver toute la quintessence de l’art du compositeur écossais à travers les 9 minutes déchirantes et exceptionnelles de « Justice », formidables sur les images et encore plus bouleversantes en écoute isolée. Il se pourrait bien qu’il s’agisse par ailleurs de l’un des plus beaux morceaux que Doyle ait écrit de toute sa carrière pour le cinéma.


UNE CONCLUSION BOULEVERSANTE


L’aventure se termine sur la reprise jazzy du thème d’Hercule Poirot au piano dans l’excellent « Poirot » et la chanson écrite par Doyle et Branagh, « Never Forget », reprenant une dernière fois la mélodie de l’affaire Armstrong et formidablement interprétée par Michelle Pfeiffer, un autre moment de pure grâce émotionnelle dans la partition de « Murder on the Orient Express ». Malgré des hauts et des bas, la nouvelle partition de Patrick Doyle pour Kenneth Branagh est de loin l’une des plus belles partitions de l’année 2017. On pourra toujours reprocher au compositeur d’avoir semblé moins inspiré durant tout le milieu du film, mais la manière dont il fait évoluer ses thèmes et développe sur les images une atmosphère mystérieuse, envoûtante et mélancolique est une véritable révélation pour tous ceux qui attendaient de la part du compositeur un nouveau coup de grâce sur un film de son complice de toujours Kenneth Branagh. Le score mérite d’être découvert sans hésitation, ne serait-ce que pour apprécier l’extraordinaire « Justice » et sa reprise vocale de « Never Forget » dans le film. Il ne fait par ailleurs aucun doute que « Murder on the Orient Express » est l’un des sommets de la collaboration Kenneth Branagh/Patrick Doyle, même si le score connaît une baisse de régime à mi-parcours et s’avère parfois un brin fonctionnel sur les images. A ne surtout pas manquer !



---Quentin Billard