1-Overture 2.33
2-Treehouse Inventions 2.01
3-Cheering Up The Mountain 0.47
4-Predator in their Midst 1.14
5-Research and Development 3.18
6-Shaking, Not Stirred 0.26
7-On Mortality 0.46
8-Henry's Final Wish 3.41
9-A Tender House Call 1.05
10-Book Discovery: System Of Abuse 2.03
11-Do You Have Prince Albert
In A Can ? 5.30
12-Target Practice 1.43
13-Forging Ahead 2.01
14-Peter's Lament 2.50
15-The Parable Of The Talents 4.18
16-Christina's Dance 3.32
17-Susan For Justice 4.48
18-Peter The Great 1.44
19-Into The Fire 2.24
20-Closing The Book on Henry 0.34

Musique  composée par:

Michael Giacchino

Editeur:

Back Lot Music Digital Only

Produit par:
Michael Giacchino
Montage musique:
Paul Apelgren, Stephen M. Davis
Music clearance and legal:
Christine Bergren
Orchestrations:
Robert Elhai, Mark Gasbarro,
Tim Simonec

Supervision musique:
Dave Jordan, Jojo Villanueva
Coordination musique:
Shannon Murphy

Artwork and pictures (c) 2017 Double Nickel Entertainment/Sidney Kimmel Entertainment. All rights reserved.

Note: ***
THE BOOK OF HENRY
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Michael Giacchino
Colin Trevorrow réalise un changement de cap radical deux ans après « Jurassic World » en 2015 en tournant « The Book of Henry » qui sort en salles en 2017. Il s’agit d’un drame intimiste évoquant le destin d’une mère célibataire qui doit joindre les deux bouts pour élever seule ses deux enfants. Susan Carpenter (Naomi Watts) travaille ainsi en tant que serveuse dans un bar d’une petite banlieue de l’Hudson Valley. Elle vit seule avec son jeune fils de 11 ans Henry (Jaeden Lieberher) et son plus jeune fils Peter (Jacob Tremblay). Henry est un surdoué et véritable génie précoce qui pense et vie comme un adulte : c’est lui qui s’occupe des comptes bancaires de sa mère et s’intéresse aux capitaux côtés en bourse. Il connaît aussi les mathématiques et la médecine et construit des objets en tout genre dans sa cabane aménagée dans la forêt derrière la maison. Henry est amoureux de Christina Sickleman (Maddie Ziegler), leur jeune voisine qui vit seule avec son beau-père Glenn (Dean Norris), un commissaire de police très connu et respecté en ville. Henry commence alors à soupçonner que Christina est malheureuse et maltraitée par Glenn. Il tente alors de contacter les services sociaux mais en vain, même la directrice de son école, Janice Wilder (Tonya Pinkins), refuse d’en entendre parler, faute de preuve évidente.

Incapable de trouver la moindre solution, Henry monte alors un plan en secret qu’il rédige dans son livre à la couverture rouge : trouver le moyen de tuer Glenn pour sauver Christina. Mais la vie de la petite famille bascule le jour où Henry est transporté d’urgence à l’hôpital à la suite de violentes convulsions. Le médecin David (Lee Pace) leur informe alors d’une terrible nouvelle : Henry est atteint d’une tumeur au cerveau inopérable. Comprenant qu’il ne lui reste plus quelques jours à vivre, Henry demande alors à sa mère de lire son livre rouge et de s’occuper de ses comptes bancaires. Après le décès tragique d’Henry, Susan, effondrée, tente de reprendre le cours de sa vie pour s’occuper de son autre fils Peter. Elle se souvient alors du livre d’Henry et décide d’y jeter un oeil. Elle retrouve ensuite une cassette audio laissée par Henry qui lui révèle l’intégralité de son plan : supprimer discrètement Glenn Sickleman et sauver Christina pour de bon. D’abord hésitante et paniquée, Susan décide finalement de redonner un sens à sa vie et de tout faire pour sauver sa petite voisine de son beau-père tyrannique.


UN DRAME INTIMISTE BANCAL ET BIZARRE


« The Book of Henry » est au final à des années lumières du précédent film de Colin Trevorrow. Le réalisateur souhaitait ainsi changer de registre après le blockbuster « Jurassic World » et s’oriente davantage cette fois-ci vers le cinéma indépendant. Pourquoi pas ? Sauf que le réalisateur a bien mal choisi son sujet, car « The Book of Henry » est un drame intimiste particulièrement bancal, handicapé par un scénario fourre-tout et maladroitement exécuté. Le film vaut surtout par son trio campé par l’excellente Naomi Watts dans le rôle d’une mère solitaire et dépassée qui tente de tout faire pour s’occuper de ses deux jeunes fils mais qui passe la majeure partie de son temps à délaisser les tâches ménagères, à jouer aux jeux vidéos ou à se saouler avec son amie et collègue Sheila (Sarah Silverman). Susan incarne ici la figure maternelle qui n’arrive pas à trouver sa place dans la vie et dans son propre foyer, qui ne parvient pas à se comporter comme une adulte responsable. A ses côtés, le jeune Jaeden Lieberher (vu récemment dans le remake somptueux de « It ! ») est LA révélation du film. Le jeune comédien incarne un génie de 11 ans qui mène une vie d’adulte et réfléchit comme un adulte, surprenant tout son entourage pour son intelligence précoce. A ses côtés, son jeune frère Peter (Jacob Tremblay, que l’on verra dans le très attendu « The Predator » de Shane Black en septembre 2018) est admiratif d’Henry et souhaiterait être comme lui.

Sur le papier, tout cela tient la route, mais l’intrigue liée à la petite Christina et au plan que monte Henry dans son livre pour assassiner son beau-père violent Glenn a bien du mal à tenir la route. La première moitié du film, lente et déprimante, fonctionne plutôt bien en soi pour peu qu’on soit sensible à l’aspect larmoyant et tragique du récit. A ce sujet, la mort du petit Henry est incroyablement dure et bouleversante : il est très rare de voir un enfant mourir dans un film américain, et le thème du cancer des enfants reste un tabou à Hollywood. Mais dès la seconde moitié, on a l’impression de voir un nouveau film qui démarre. Pour se donner un nouveau but dans sa vie, Susan va se plonger dans les notes et l’enregistrement audio d’Henry qu’elle va suivre à la lettre, des écouteurs sur les oreilles, agissant alors comme une véritable machine prête à tuer son propre voisin. Quid du lien avec le reste de l’histoire ? Aucun ! Le thème même du génie d’Henry est sous-jacent mais finalement abandonné dans la seconde moitié du récit.

Le plus incroyable reste encore l’affiche du film, très réussie mais totalement trompeuse et mensongère : le film est vendu sur un visuel évoquant les films d’aventure familiaux des années 80 avec un soupçon de fantastique, mais à l’écran, il n’en est rien ! « The Book of Henry » est donc un métrage déprimant, plein de bonnes intentions mais qui échoue à susciter quoique ce soit faute d’un scénario réellement consistant, un film tristounet qui dérange à plus d’une reprise, sombre et trop décalé pour convaincre réellement. Curieusement, le film a été bien reçu par le public mais massacré par les critiques et la presse en général, certains affirmant que visionner « The Book of Henry » était une véritable torture ! Chacun aura tout le loisir de se faire son propre avis sur ce sujet…


UNE PARTITION INTIMISTE ET LYRIQUE


Michael Giacchino retrouve à nouveau Colin Trevorrow sur « The Book of Henry », deux ans après « Jurassic World ». Le compositeur livre pour le film une partition orchestrale minimaliste et émouvante, oscillant entre l’orchestre traditionnel et les instruments solistes comme le piano ou la guitare. C’est l’occasion pour Giacchino de sortir enfin du registre des musiques de blockbuster dans lequel il semble s’être enfermé depuis quelques années déjà. Le film débute au son de la très belle « Overture » qui dévoile le thème principal, mélodie nostalgique et entraînante confiée à un piano sur fond d’orchestre et de batterie pop. On appréciera ici l’écriture concertante et très classique du piano dont le thème apporte une certaine exubérance et un sentiment grisant d’insouciance évoquant clairement le monde de l’enfance, associé à Henry et Peter dans le film. Le thème est ainsi repris dans « Treehouse Inventions » pour évoquer de manière fantaisiste les inventions d’Henry dans la cabane qu’il partage avec son jeune frère. A noter ici l’emploi de la mandoline qui apporte un charme supplémentaire à ce très joli thème exubérant et fort plaisant.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Dès les premières minutes du film, Michael Giacchino choisit d’évoquer l’insouciance et l’enfance sans jamais révéler quoique ce soit du drame à venir. Idem pour « Cheering Up the Mountain » avec ses percussions ironiquement martiales ou son mélange de guitares/piano aux sonorités folk sur fond de castagnettes. Giacchino se montre ici plutôt inventif et l’énergie qui se dégage de sa partition fait plaisir à entendre, dans le film comme sur l’album. Pourtant, « Predator in Their Midst » est là pour nous ramener à la réalité avec un premier morceau plus lent, atmosphérique et mélancolique. Le compositeur opte ici pour une approche résolument minimaliste et épurée, constituée principalement de tenues de cordes et de note hésitante de piano. Le morceau se conclut par ailleurs de manière plus sombre et menaçante. Même chose pour « Research and Development » qui semble s’orienter vers une atmosphère étrange et planante, à l’aide de petites percussions et du piano. A noter la façon dont Giacchino développe son thème principal dans une tonalité mineure, très éloignée de l’exubérance de « Overture ». La musique semble vouloir en dire davantage cette fois-ci, nous rapprochant inexorablement de la tragédie à venir.

Dans « Shaking, Not Stirred », on retrouve le Giacchino plus dissonant et expérimental de la série TV « Lost » ou « Let Me In » avec ses effets de violoncelle mystérieux. « On Mortality » plonge ensuite l’auditeur dans une douce atmosphère de mélancolie à l’aide d’un piano minimaliste et touchant. « Henry’s Final Wish » évoque de manière pudique les derniers instants du jeune Henry à l’hôpital sans jamais verser dans le mélodrame. Giacchino retrouve ici l’approche émotionnelle minimaliste de « Let Me In » à travers ses accords dramatiques et poignants de cordes qui font particulièrement leur effet à l’écran. On appréciera ici l’extrême pudeur avec laquelle Giacchino illustre cette scène particulièrement difficile, reprenant l’approche concertante du piano avec l’orchestre (il y a un côté très beethovenien dans ce morceau qui rappelle le début de l’adagio du « Concerto de l’empereur » du maître allemand). Dans « A Tender House Call », on devine un sentiment de perte et de vide, les notes de guitare et de piano deviennent ici plus délicates, fragiles et hésitantes.

« Book Discovery : System of Abuse » paraît quand à lui plus vigoureux, plus énergique. Giacchino reprend la batterie pop de l’ouverture mais sur un ton plus sérieux et tendu. Susan découvre le livre rouge d’Henry et y découvre le plan orchestré par son jeune fils pour éliminer Glenn et sauver Christina. Ici aussi, Giacchino joue sur une réelle économie de moyens entre la guitare, le piano et les percussions. Les arpèges de piano ascendants de « Do You Have Prince Albert in a Can ? » nous plongent dans une atmosphère résolument mélancolique et un peu résignée, puis très vite, le tempo s’accélère et la musique devient plus dramatique, plus intense, cédant la place à une ambiance plus sombre et énigmatique. De la même façon, « Target Practice » illustre la scène où Susan append à tirer avec le fusil à lunette en suivant les instructions d’Henry dans son casque. On retrouve ici le très joli thème principal repris gracieusement au violoncelle sur fond de harpe et de tenues de synthés. « Forging Ahead » s’avère plus sombre et crée dans le film un sentiment de danger et d’appréhension, alors que Susan décide de mettre l’étrange plan d’Henry à exécution.

« Peter’s Lament » évoque quand à lui les sentiments de Peter qui se souvient de son frère Henry. Ici aussi, Giacchino opte pour une approche épurée tout en sobriété avec le piano et la harpe sur fond de nappes synthétiques discrètes. Il règne ici un sentiment de solitude, de douce mélancolie, très vite rompue par le retour des percussions et du thème principal transposé en mineur à 2:05 au piano. A noter par ailleurs l’emploi des percussions métalliques diverses dans l’intense « The Parable of the Talents » qui renforcent la tension alors que Susan s’apprête à abattre Glenn durant la nuit où Peter et Christina font leur représentation lors de la fête de l’école. A noter l’emploi de rythmes électroniques et d’étranges glissandi de cordes qui font monter la tension dans un passage résolument « thriller » plutôt inhabituel chez le compositeur. Il s’agit par ailleurs du climax de la partition, « Christina’s Dance » ramenant finalement la paix au sein du film durant la très belle scène où Christina exécute sa danse sur scène lors de la fête de l’école.

Giacchino conserve ici l’approche concertante classique du piano avec l’orchestre, tandis que le morceau évolue très rapidement vers un amoncellement agressif de dissonances et de clusters des cordes dans un registre proche des musiques d’épouvante. Le mélange entre le tonal et l’atonal est ici plus expérimental et provoque un malaise évident à l’écran lors du montage en parallèle de Susan qui s’apprête à abattre Glenn dans la forêt et Christina qui danse lors de la fête de l’école. « Susan for Justice » conclut d’ailleurs cette longue séquence avec un autre morceau dissonant constitué de cordes nerveuses et de percussions agressives à la limite de l’action, alors que Susan révèle à Glenn qu’elle sait tout sur ce qu’il a fait subir à Christina et qu’elle s’apprête à le dénoncer. La retour du thème principal au piano et violoncelle dans « Peter the Great » apporte un sentiment de soulagement salvateur durant la scène où Peter exécute son numéro de magie sur scène et triomphe au spectacle de l’école. Idem pour « Into the Fire » où le thème paraît enfin plus apaisé, semble avoir atteint sa plénitude tout en demeurant discret et doux.


UNE CONCLUSION TRES PAISIBLE


Le score de « The Book of Henry » se conclut ainsi tout en sobriété, un peu comme il a commencé. Michael Giacchino prouve avec le nouveau film de Colin Trevorrow qu’il n’est pas que le compositeur des blockbusters hollywoodiens mais qu’il sait aussi faire dans la sobriété et l’économie de moyens lorsque le film le réclame. Son travail sur « The Book of Henry » reste un effort mineur dans la filmographie du compositeur mais révèle malgré tout sa volonté de choisir des sujets plus sérieux, plus matures que ceux qu’il met régulièrement en musique à Hollywood. Évidemment, cette approche musicale liée au cinéma indépendant reste une parenthèse anecdotique dans la carrière du compositeur mais force est de reconnaître que le musicien a de la suite dans les idées et est capable de surprendre lorsqu’il s’en donne les moyens. A découvrir donc, pour tous ceux qui souhaiteraient sortir des musiques de blockbusters habituelles de Michael Giacchino !



---Quentin Billard