1-Return to Croft Manor 8.13
2-Seeking Endurance 1.09
3-The Bag 1.49
4-Path of Paternal Secrets 3.39
5-The Devil's Sea 4.11
6-Let Yamatai Have Her 13.23
7-Figure in the Night 4.15
8-Remember This 3.26
9-Never Give Up 5.36
10-Karakuri Wall 4.38
11-What Lies Underneath Yamatai 8.35
12-There's No Time 4.01
13-Becoming the Tomb Raider 7.15
14-The Croft Legacy 2.00

Musique  composée par:

Junkie XL

Editeur:

Sony Masterworks 19075837882

Album produit par:
Tom Holkenborg
Orchestrations:
Edward Trynek, Henri Wilkinson,
Jonathan Beard

Musique additionnelle:
Aljoscha Christenhuss,
Antonio di Iorio

Enregistrement et mixage:
Tom Holkenborg
Montage musique:
Simon Changer

Artwork and pictures (c) 2018 MGM/Square Enix/Warner Bros. All rights reserved.

Note: **1/2
TOMB RAIDER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Junkie XL
Après deux films de bien piètre qualité, la franchise « Tomb Raider » semblait ne plus avoir un grand avenir au cinéma. Rappelons pour ceux qui l’auraient oublié qu’il s’agit à l’origine d’une célèbre série de jeux vidéos d’aventure et d’exploration mettant en scène l’aventurière Lara Croft, la célèbre aventurière qui reste à ce jour l’une des plus célèbres héroïnes du monde des jeux vidéos. Sa première aventure, « Tomb Raider » sortie sur PS1 et Saturn en 1996 marqua durablement les esprits en imposant des graphismes 3D révolutionnaires pour l’époque. La pérennité de la licence est largement assurée par Core/Square Enix et Crystal Dynamics depuis maintenant plus de 20 ans déjà. Hélas, il faut aussi se souvenir que les adaptations de jeux vidéo au cinéma ont rarement été de franche réussite : on se souvient notamment des nanars atomiques que furent « Super Mario Bros », « Double Dragon » ou « Street Fighter » dans les années 90, sans oublier les navets d’Uwe Boll (« Alone in the Dark », « House of the Dead », « BloodRayne », « Postal », « Far Cry ») ou des adaptations plus modernes et foncièrement décevantes (« Max Payne », « Hitman », « Prince of Persia », « Assassin’s Creed »). Seul Christophe Gans réussi à tirer son épingle du jeu avec son excellente adaptation de « Silent Hill » en 2006, inspirée du fameux titre phare de Konami, mais il semblait jusqu’à présent faire office d’exception, avec le récent échec du « Warcraft » de Duncan Jones ou la catastrophe annoncée de « Rampage » (2018), très librement adapté du méga classique de Bally Midway.

A l’annonce du reboot de « Tomb Raider » au cinéma, les fans avaient de quoi s’inquiéter : comment relancer la franchise de Lara Croft après deux films décevants avec Angelina Jolie dans le rôle-clé ? Pourtant, le nouveau film réalisé par le norvégien Roar Uthaug est une bonne surprise et s’avère être une adaptation de qualité, qui tire sa force en s’inspirant du jeu « Tomb Raider » de Crystal Dynamics sorti sur PS3, Xbox360 et PC en 2013. On y découvre l’histoire d’une Lara Croft (Alicia Vikander) beaucoup plus jeune, âgée de 21 ans, qui refuse de prendre la succession de l’entreprise familiale après la disparition de son père Richard Croft (Dominic West) il y a sept ans. Lara préfère oeuvrer en tant que coursière à vélo dans les rues de Londres où elle gagne sa vie modestement. Elle finit pourtant par se voir contrainte d’accepter l’héritage de son père et a désormais accès au bureau de Richard, où elle découvre un message pré-enregistré laissé par son géniteur. Ce dernier lui révèle le résultat de ses recherches sur Himiko, une fameuse reine mythique du Yamatai (un très ancien royaume japonais) qui possédait le pouvoir de vie et de voir sur tous les êtres vivants du royaume.

Richard demande alors à Lara de détruire ses recherches afin d’empêcher quiconque de mettre la main dessus, mais Lara, intriguée, décide d’en savoir plus et se lance à la recherche du Yamatai, suivant les indices laissés par son père. Elle se rend alors à Hong Kong et loue les services de Lu Ren (Daniel Wu), capitaine du navire Endurance, afin de la conduire à l’île du diable, l’île qui abriterait le Yamatai. Mais à la suite d’une violente tempête, Lara Croft échoue près de l’île et se retrouve capturée par les hommes de main de Mathias Vogel (Walton Goggins). Ce dernier travaille pour une organisation secrète nommée la Trinité, et aurait tué Richard Croft pour voler le résultat de ses recherches et découvrir le tombeau d’Himiko avant lui. Lara réussit finalement à s’échapper sur l’île et doit désormais affronter les membres de la Trinité et empêcher Vogel de découvrir le tombeau d’Himiko et de libérer un pouvoir maléfique sur le monde entier. Mais au cours de son périple, Lara va apprendre à repousser ses limites et va retrouver quelqu’un qui lui est cher sur l’île, quelqu’un issu de son passé.


LE RETOUR TRIOMPHANT DE LARA CROFT AU CINÉMA


Les fans attendaient ce nouveau « Tomb Raider » avec impatience et le résultat semble finalement être à la hauteur des attentes. Pour ce reboot cinématographique, les concepteurs du film ont décidé de reprendre les grandes lignes du jeu de 2013, avec quelques libertés prises au niveau du scénario. Le principal point fort du film c’est donc Alicia Vikander, qui parvient à succéder habilement à Angelina Jolie en campant une Lara Croft beaucoup plus jeune et plus expérimentée. L’actrice suédoise apporte une force et une conviction évidente à son héroïne, mais ici on appréciera le portrait plus nuancé de la jeune Lara, plus fragile et touchante et forcément plus humaine et beaucoup moins froide que l’image de l’héroïne dans les anciens jeux, que rien ni personne ne semblait pouvoir atteindre. On découvre ici une jeune aventurière inexpérimentée et vulnérable qui reste toujours autant badass mais qui mène aussi une double quête : celle de son père disparu depuis des années et celle du tombeau mythique de la reine Himiko. Lara doit apprendre à survivre pour la première fois de sa vie dans un monde dangereux et inhospitalier en utilisant sa force, son intelligence et sa détermination, une sorte de rite initiatique vers l’âge adulte.

Saluons au passage l’effort de Roar Uthaug et son équipe pour avoir parfaitement su retranscrire l’essence même du jeu de 2013 : on retrouve ici la même ambiance de « survival » sur une île sauvage, et même si l’histoire autour de Mathias Vogel est un peu différente de celle du jeu, le résultat est finalement assez proche malgré tout. Le film nous gratifie par ailleurs de séquences d’action somptueuses, comme celle où Lara se retrouve suspendue à l’aile d’une épave d’avion au dessus de cascades, celle où elle affronte les hommes de Vogel avec son arc et ses flèches ou la longue exploration du tombeau d’Himiko avec sa horde de pièges mortels et d’énigmes mystérieuses en tout genre, le tout servi par le montage dynamique des vétérans Stuart Baird et Michael Tronick. Vikander reste l’attraction majeure du film et son interprétation de Lara Croft devrait logiquement marquer les esprits. On espère par ailleurs retrouver l’actrice dans de futurs épisodes, en espérant que la série maintienne ce même niveau de qualité, rare dans les adaptations de jeux au cinéma !


UNE PARTITION PERCUSSIVE ET ROBUSTE


C’est Junkie XL alias Tom Holkenborg qui a été choisi pour écrire la musique de « Tomb Raider ». Le compositeur, habitué des productions Remote Control d’Hans Zimmer, est connu pour avoir écrit les scores de films tels que « 300 Rise of an Empire », « Divergent », « Run All Night », « Deadpool » ou « Mad Max Fury Road ». A la première écoute de la musique dans le film, aucune surprise particulière : on retrouve le Junkie XL des musiques d’action modernes, mélangeant orchestre et électronique sans surprise particulière. L’aventure débute dans les 8 minutes de « Return to Croft Manor » alors que Lara se voit contrainte d’accepter l’héritage de son père et retourne au manoir de Richard Croft. La musique est ici à la fois intime, mélancolique (on y retrouve les violoncelles élégiaques des passages plus dramatiques de « Mad Max Fury Road ») et mystérieuses, avec ses touches électroniques qui suggèrent un sentiment de découverte et d’appréhension, le tout accompagné de quelques notes de clavier et d’un brin de sound design traditionnel. Les notes plus mélancoliques de piano et de cordes suggèrent ici la quête du père sans aucune équivoque. On devine un semblant d’émotion mais Junkie XL/Holkenborg ne va pas plus loin dans cette direction.

Des sonorités plus sombres et mystérieuses apparaissent alors vers la 7ème minute pour évoquer l’énigme de la mythique reine Himiko, le morceau se concluant sur des accords plus héroïques et déterminés de cordes, dévoilant le thème principal de Lara Croft. Dans « Seeking Endurance », la musique accompagne l’arrivée de Lara à Hong Kong en évitant le piège facile des musiques ethniques/asiatiques habituelles. Le compositeur met ici l’accent sur les pulsations électroniques modernes et une série de développements autour du thème principal héroïque de cordes. Dans « The Bag », Junkie XL dévoile un autre aspect de la partition de « Tomb Raider » : une avalanche de percussions tribales et survoltées dans la continuité de « 300 : Rise of an Empire » et « Mad Max Fury Road ». Rien de bien neuf donc, mais la musique fonctionne très bien à l’écran tout en restant purement fonctionnelle et ultra prévisible.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


« Path of Paternal Secrets » dévoile davantage l’idée de la quête du père grâce à ses accords plus déterminés des cordes. « The Devil’s Sea » illustre l’arrivée à l’île du diable avec le retour des percussions ‘action’ habituelles du compositeur et des cordes plus sombres et agressives. Après la course poursuite à Hong Kong de « The Bag », « The Devil’s Sea » est le second morceau d’action majeur de « Tomb Raider », où l’on retrouve ici le chaos et la fureur de « Mad Max Fury Road » et « 300 : Rise of an Empire ». Hélas, le compositeur a déclaré que le studio (la MGM) lui avait demandé d’écrire un score moderne et fonctionnel sans thème reconnaissable, et il faut dire que « The Devil’s Sea » est assez symptomatique de cette approche lourdingue et décevante de la musique, juste placardée sur les images mais sans aucun relief. Il y a une intensité et une brutalité évidente dans « The Devil’s Sea » mais aussi une véritable maladresse dans l’écriture (percussions placardées partout, cordes synthétiques ‘cheap’ qui sortent tout droit d’une mauvaise banque de son, Junkie XL étant obligé d’avoir recours à cet artifice pour les passages trop complexes à jouer pour les vrais musiciens de l’orchestre !).

Hélas, la longueur conséquente des pistes sur l’album n’est pas là pour arranger l’affaire. Ainsi les 13 minutes interminables de « Let Yamatai Have Her » paraissent durer une éternité sur l’album et ont bien du mal à tenir la route en dehors des images. Ultra fonctionnelle, la musique bascule trop souvent dans du sound design paresseux pour évoquer le Yamatai et la quête du tombeau d’Himiko sur l’île. Même le passage d’action dès la septième minute déçoit par son utilisation répétitive des percussions et de sforzandos peu inspirés de cuivres ou de cordes dissonantes et cacophoniques – on croirait parfois réentendre la musique décevante de Graeme Revell sur le premier « Tomb Raider » de 2001 – De la même façon, « Figure in the Night » bascule trop souvent dans la cacophonie pure et les rythmes bateaux. Junkie XL veut faire le plus de bruit et le résultat est difficilement supportable en écoute isolée, mais heureusement plus convaincant sur les images. Dans « Remember This », Lara retrouve son père, scène touchante brillamment suggérée par des cordes plus lyriques, reprenant le thème du père entendu vers la fin de « Figure in the Night ».

Curieusement, Junkie XL s’avère finalement bien plus inspiré lors des passages plus intimistes et dramatiques que dans les parties d’action où il met régulièrement les pieds dans le plat avec la finesse d’un camion 12 tonnes. Le thème du père est à nouveau présent au début de « Never Give Up » avec ses cordes dramatiques et ses violoncelles élégiaques, mais très vite, les percussions tonitruantes du compositeur viennent reprendre le dessus, avec le retour du thème principal héroïque de Lara aux cuivres entre 1:44 et 1:53. le passage épique vers 4:31 fait plaisir à entendre et rappelle les moments les plus puissants de « Mad Max Fury Road », hélas, l’approche est ici trop furtive et jamais développée de façon conséquente (à noter une allusion au thème du père vers 4:52). Dans « Karakuri Wall », on entame le dernier acte du film dans la tombe d’Himiko, débouchant sur le sombre et agressif « What Lies Underneath Yamatai ». La scène sert de prétexte à Junkie XL pour mettre davantage l’accent sur le sound design et les sonorités caverneuses évoquant l’exploration du tombeau maléfique d’Himiko.

Le thème du père revient encore une fois avec ses cordes tragiques dans « There’s No Time » avant de céder la place à un ultime morceau d’action enragé et brouillon. Enfin, le thème principal revient dans « Becoming the Tomb Raider » lors d’une grosse envolée du thème à 2:00 avec des cuivres héroïques qui semblent vouloir reprendre le dessus. A noter l’autre reprise réussie du thème vers 3:47 accompagné d’accords épiques et dramatiques assez saisissants, mais là aussi à peine développés moins d’une minute. Dès lors, on devine que le thème prend une tournure plus ample, au fur et à mesure que Lara Croft prend de l’assurance et apprend à maîtriser ses peurs et à se dépasser. Les accords plus optimistes à 5:32 viennent marquer la fin de l’aventure et apportent un sentiment de soulagement lorsque Lara réapparaît à la surface, ayant triomphé du combat final dans le tombeau d’Himiko. Le thème de Lara est finalement repris de façon plus puissante aux cuivres vers 6:00 puis à 1:43 dans « The Croft Legacy ».


UNE CONCLUSION TRÈS MITIGÉE


« Tomb Raider » est assez symptomatique de ce type de musique d’action moderne écrite à la va-vite et sans talent particulier. Il y a évidemment de bonnes idées notamment à travers les deux thèmes assez présents tout au long du film mais toujours suffisamment bien exploité, mais l’ensemble reste trop fonctionnel, prévisible et écrit de façon lourdingue pour convaincre réellement. Dommage, car lorsqu’on connaît la qualité des musiques de la saga vidéoludique des « Tomb Raider », difficile de s’imaginer qu’aucun compositeur n’ait pu écrire une seule partition réellement mémorable sur les trois films conçus entre 2001 et 2018 (hormis peut être celle plutôt correcte d’Alan Silvestri sur le film de 2003). Hélas, il faudra encore une fois se contenter d’un score d’action ultra fonctionnel qui colle parfaitement aux images mais à bien du mal à convaincre pleinement en écoute isolée. C’est bien dommage…



---Quentin Billard