1-Opening Titles 2.02
2-Chris Hitches a Ride 3.30
3-Tracy Cries 5.19
4-Summer in the Keys 1.43
5-Drug Revelation 2.39
6-Chris at Transent 1.27
7-Fine Mi Lass 1.41
8-Moon to Pool 1.44
9-The Bust 3.40
10-Chris and Mum Move 3.07
11-End Credits 3.11

Musique  composée par:

Trevor Jones

Editeur:

Intrada MAF 7021D

Musique produite par:
Trevor Jones
Supervision musique:
Peter Afterman
Montage musique:
Dan Carlin Jr
Orchestrations:
Guy Dagul
Coordination pour
Contemporary Media Music Productions:
Victoria Seale
Manager projet musical:
Dawn Soler
Supervision associé musique:
Diane DeLouise Wessel
Consultant exécutif musique:
Jim Ladd
Album produit par:
Douglass Fake, Roger Feigelson

Artwork and pictures (c) 1992 Metro-Goldwyn-Mayer. All rights reserved.

Note: ***
CRISSCROSS
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Trevor Jones
« CrissCross » est une comédie dramatique intimiste du britannique Chris Menges, plus connu pour son drame « A World Apart » en 1988 qui évoquait l’apartheid en Afrique du sud dans les années 60. « CrissCross » est quand à lui adapté du roman éponyme de Scott Sommer, qui s’est par ailleurs chargé lui-même du scénario du film. L’histoire se déroule à Key West en 1969, au moment de l’atterrissage de la mission Apollo11 sur la Lune. On y suit l’histoire de Christopher Cross (David Arnott), jeune garçon de 12 ans qui vit seul avec sa mère Tracy (Goldie Hawn). Leur vie a basculé le jour où John (Keith Carradine), le père de Christopher et ancien pilote de chasse durant la guerre du Vietnam, les a abandonnés après être devenu alcoolique à son retour du conflit. Cela fait aujourd’hui trois ans que Chris n’a pas revu son père, qui s’est retiré à des kilomètres de Key West dans un monastère. Pour occuper ses journées et ramener un peu d’argent à la maison, Chris délivre des journaux et ramène des poissons afin d’aider sa mère qui travaille dans un bar. Un jour, le jeune garçon découvre que les poissons qu’il ramène contiennent en réalité de la drogue destinée à un cuisinier de la ville. Mais un jour, Chris découvre que sa mère est en réalité strip-teaseuse dans un bar. Bouleversé et choqué, Chris décide de devenir dealer pendant quelques temps en revendant la drogue qu’il a amassé pour obtenir suffisamment d’argent et inciter sa mère a quitter son travail dégradant dans le bar. Au même moment, Tracy fait la connaissance du mystérieux Joe (Arliss Howard) dont elle tombe amoureuse, un écrivain venu passer quelques jours à Key West, et qui s’avère être en réalité un policier en couverture chargé d’enquêter sur le trafic de drogue qui sévit en ville.


UN DRAME INTIMISTE SOBRE ET TOUCHANT


Construit à la manière d’un roman, « CrissCross » repose quasi intégralement sur la narration en voix off du jeune Christopher, qui raconte l’histoire selon son point de vue. Le film évoque la relation compliquée entre le jeune garçon et sa mère à la dérive, obligée de faire un boulot minable et dégradant de strip-teaseuse pour essayer de survivre et s’occuper de son fils depuis que son mari est parti brusquement il y a trois ans. Le scénario est plutôt intéressant mais l’ensemble reste sans surprise, d’autant qu’il y a des incohérences évidentes. Par exemple, on ne comprend pas comment Christopher a amassé toute la drogue qu’il a récupéré dans les poissons sans que le destinataire ne lui dise quoique ce soit ou s’en aperçoive ! Quand on voit toute la quantité de cocaïne qu’il a récupéré dans les sachets planqués dans les poissons, comment se fait-il que Jetty (J.C. Quinn), le propriétaire du restaurant local, ne se soit pas manifesté, alors que Chris travaille dans ses cuisines quotidiennement ? C’est ce qu’on appelle un « plot hole » magistral ! A noter quelques têtes bien connues au casting comme Steve Buscemi, Keith Carradine, James Gammon ou Arliss Howard, mais le film doit aussi beaucoup au duo campé par David S. Arnott (le seul rôle de sa carrière puisqu’après ce film, il ne tourna plus jamais au cinéma !) et Goldie Hawn.

Le film dresse ainsi le portrait d’une relation mère/fils fragile, sur fond d’expédition lunaire durant l’année 1969. A ce sujet, on se demande d’ailleurs quel est l’intérêt d’avoir fait situer l’histoire cette année là, car il n’y a finalement aucun lien direct entre les événements sur la lune et le récit décrit dans le film, un choix étrange donc ! Si Goldie Hawn reste fidèle à elle-même dans ce film, touchante dans le rôle de cette mère au bout du rouleau, prête à tous les sacrifices pour subvenir au besoin de son jeune fils de 12 ans quitte à faire un métier dégradant, c’est bien le jeune David S. Arnott qui est LA vraie star du film. Le jeune acteur s’impose ici par son charisme évident, d’autant qu’il est omniprésent d’un bout à l’autre du film, accompagnant aussi le récit par sa voix off récurrente. Drame social réalisé sobrement et sans artifice, « CrissCross » est donc un film touchant évoquant des sujets graves (l’absence d’un père, le trafic de drogue) ou plus légers (les premiers émois amoureux de l’adolescence). Dommage que les 20 dernières minutes versent dans un style thriller/polar un peu bizarre, qui sonne faux par rapport au reste d’un film somme toute assez touchant, mais sans grande envergure, très minimaliste et plutôt convenu.


UN TREVOR JONES INTIMISTE ET ÉMOUVANT


Avec « CrissCross », Trevor Jones s’est vu offrir l’occasion d’écrire une partition plus minimaliste et intimiste comme il l’avait déjà fait sur le film « Dominick and Eugene » en 1988. Rompant pour l’occasion avec son style symphonique plus éclatant de « Dark Crystal » ou « The Last of the Mohicans », Trevor Jones compose pour « CrissCross » un score minimaliste, sobre et épuré, très intimiste et tout en retenue. Pour les besoins du film, Jones enregistre sa partition avec un orchestre à cordes et une guitare soliste brillamment interprétée par le guitariste américain classique John Williams, la guitare étant ici l’instrument-clé du score de « CrissCross ». A cela s’ajoute une trompette interprétée par Guy Barker, un saxophone (Andy Sheppard), une clarinette (Jack Brymer), quelques synthétiseurs (interprétés par Trevor Jones lui-même) et une guitare électrique (Gerry Leonard). Le score repose avant tout sur un très beau thème principal, simple et touchant, dévoilé par la guitare acoustique dès le début du film dans « Opening Titles ». Ce thème, aisément mémorisable, évoque l’histoire du jeune Chris et de sa mère Tracy en toute intimité.


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Dans « Chris Hitches a Ride », Trevor Jones reprend son très beau thème principal et y ajoute une trompette soliste et quelques synthétiseurs planants tendance new-age, dans un style qui rappelle parfois ce que composa Hans Zimmer quelques années auparavant sur « A World Apart » en 1988 (probablement à la demande de Chris Menges). Le thème est par ailleurs omniprésent tout au long du film, souvent varié mais très reconnaissable dans ses différentes itérations. Il revient ainsi dans le très beau « Tracy Cries » où Jones évoque avec beaucoup de pudeur les pleurs de Tracy, lorsque cette dernière revient chez elle effondrée, après que Chris lui ait sévèrement reproché de faire un métier dégradant. A noter l’emploi de la guitare solo vers le milieu du morceau, Jones jouant davantage la carte de l’économie de moyens et de l’épure pour mieux renforcer le côté mélancolique et intime de la scène. « Summer in the Keys » met l’accent sur les synthétiseurs et la trompette, Jones développant ici le thème B du « Opening Titles » dans un arrangement évoquant curieusement la musique baroque, accompagné de synthés new age et de marimba.

Dans « Drug Revelation », Jones rompt complètement le climat intimiste de sa partition en utilisant les synthétiseurs de manière plus expérimentale et dissonante. On retrouve clairement ici le Trevor Jones des musiques de thriller comme « Angel Heart », « Runaway Train » ou « Sea of Love ». Le morceau accompagne la séquence où Chris découvre que les poissons qu’il ramène en ville cachent en réalité de la drogue, et décide finalement de garder la cocaïne pour lui afin de la revendre à bon prix pour permettre à sa mère d’arrêter son travail de strip-teaseuse au bar. Trevor Jones a toujours été très inspiré pour les ambiances glauques et lugubres avec ses synthétiseurs et certaines sonorités noires de « Drug Revelation » annoncent clairement certains passages de partitions à venir : « Cliffhanger » (on y retrouvera des samples de « CrissCross »), « Hideaway », « From Hell » ou même « G.I. Jane ». « Drug Revelation » fait planer une ombre de menace sur les scènes en rapport avec la drogue dans le film.

Le thème principal de guitare n’est jamais loin comme le rappelle le joli « Chris at Transent », tandis que le compositeur s’essaie à la musique classique dans le très beau « Fine Mi Lassa » avec son violoncelle soliste, mais c’est bien la guitare de John Williams qui domine une bonne partie du film comme le rappelle le tendre et nostalgique « Moon to Pool » reflétant les états d’âme de Christopher et de sa mère Tracy. Dans « The Bust », Jones reprend une nouvelle fois les synthétiseurs menaçants et atmosphériques de « Drug Revelation » durant la séquence finale de l’échange qui foire, conduisant à l’arrestation de Chris et des trafiquants de drogue qui sévissent en ville. Le morceau est par ailleurs mixé discrètement dans la scène, comme si Chris Menges avait voulu gommer la dimension musicale et concevoir un bruit de fond un peu lourd, sec et menaçant. La tension monte de plus en plus tout au long de « The Bust », rappelant les moments les plus sombres de « Angel Heart » ou « Sea of Love » avec son lot de dissonances grimpantes et angoissantes, jusqu’à ce que des percussions synthétiques viennent s’ajouter à la masse pour l’intervention des policiers.


UNE CONCLUSION APAISANTE


Enfin, « Chris and Mum Move » évoque la fin de l’aventure et le départ de Chris et Tracy pour une nouvelle vie suite à leur déménagement, alors que Tracy s’est enfin décidé à quitter son travail pour démarrer une vie plus saine et élever correctement son fils. Le thème principal est de nouveau repris à la guitare et aux cordes sans originalité particulière, débouchant sur le superbe « End Credits » pour le générique de fin du film. Jones reprend ici son thème principal arrangé cette fois-ci pour saxophone avec cordes, guitare, clarinette et trompette. Jones nous rappelle ici son savoir-faire indéniable dans le domaine de la musique classique, avec, à 2:08, une superbe reprise de son thème B à la trompette dans un arrangement évoquant la musique baroque (aussi reconnaissable avec une marche d’harmonie très classique et un peu kitsch), passage qui fait penser à certaines musiques de Bill Conti des années 70/80, avec un côté très européen d’esprit fort appréciable.

Ainsi donc, Trevor Jones livre avec « CrissCross » une partition intimiste de grande qualité, alternant entre les nombreuses itérations de son superbe thème principal et les quelques moments à suspense dominés par des synthétiseurs typiques de ce que fait Trevor Jones à la fin des années 80. Au rythme lent et langoureux du film de Chris Menges, le compositeur sud-africain répond ici par une musique émouvante, nostalgique et tout en sobriété, sans jamais mettre une note plus en avant qu’une autre. Cet équilibre difficile reflète le savoir-faire du musicien qui, en 1992, a déjà quelques beaux projets derrière lui et est devenu une valeur sûre d’Hollywood à cette époque. Évidemment, « CrissCross » fait partie des partitions mineures du compositeur tombées dans l’oubli au fil des années, mais qui mériterait néanmoins qu’on s’y attarde davantage, en espérant qu’Intrada réédite un jour cette très jolie partition qui mérite d’être redécouverte et appréciée à sa juste valeur, dans la continuité de sa cousine, la musique de « Dominick and Eugene ».



---Quentin Billard