1-Freed 2.10
2-Makeover 2.21
3-A Spat 1.35
4-Anna Wakes 1.41
5-Blueprints 1.29
6-Car Fun 1.07
7-Trouble in Paradise 2.35
8-That's Not Hyde 2.25
9-Jack the Knife 1.15
10-Welcome Home 2.39
11-Hiking 1.09
12-Nightmare 1.55
13-Bail 3.05
14-Seeing Red 2.43
15-Going Gets Rough 2.34
16-Ransom 3.57
17-The Envelope 1.45
18-Rescue 6.40

Musique  composée par:

Danny Elfman

Editeur:

Back Lot Music 716

Album produit par:
Danny Elfman
Conduit par:
Pete Anthony
Orchestrations:
Pete Anthony, Philip Klein,
Jon Kull

Enregistrement et mixage:
Noah Scot Snyder
Montage musique:
Bill Abbott, Angie Rubin

Artwork and pictures (c) 2018 Universal Pictures. All rights reserved.

Note: **
FIFTY SHADES FREED
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Danny Elfman
« Fifty Shades Freed » (Cinquante nuances plus claires) et le troisième et dernier volet de la saga inspirée des romans de E. L. James. Le film est de nouveau confié à James Foley, déjà auteur de l’opus précédent. L’histoire se passe peu de temps après « Fifty Shades Darker ». Christian Grey (Jamie Dornan) et Anastasia (Dakota Johnson) viennent tout juste de se marier et profitent de leur lune de miel jusqu’à ce qu’ils apprennent que quelqu’un a pénétré les bureaux du siège social de l’entreprise Grey pour y voler des documents informatiques. Le voleur a été identifié sur des caméras de sécurité : il s’agit de Jack Hyde (Eric Johnson), l’ancien patron d’Anastasia qui a tenté de l’agresser et qui a été renvoyé pour harcèlement sexuel. Pour renforcer sa protection, Christian décide alors d’engager une nouvelle équipe chargée de la sécurité, et demande à Ana de ne plus quitter la maison.

Mais la jeune femme ignore les demandes de Christian et sort un soir dans un bar pour y retrouver son amie Kate Kavanagh (Eloise Mumford). A son retour, Ana est brusquement agressée par Jack qui l’a retrouvé, avant d’être arrêté par l’équipe de sécurité chargée de veiller sur Anastasia. Voyant qu’elle lui a désobéit, Christian décide de punir Ana à sa façon avec un nouveau jeu sexuel masochiste, mais Ana réalise qu’elle a besoin de plus de liberté. Peu de temps après, les choses se corsent lorsqu’Anastasia avoue à Christian qu’elle est enceinte. Bouleversé et furieux, Christian se rend dans un bar où il se saoule et retrouve Elena Lincoln, son ancienne amante et ex-dominatrice, qui l’a initié très jeune aux pratiques SM. Lorsque Christian revient ivre le soir, Ana découvre furieuse qu’il a a contacté Elena, ce qui met en péril l’équilibre du couple. Les choses se gâtent davantage lorsque Jack est libéré sous caution et contacte Ana au téléphone : il a kidnappé Mia, la sœur de Christian, et réclame une rançon de 5 millions de dollars en liquide dans 2 heures.


UN DERNIER OPUS PARESSEUX


La saga « Fifty Shades of Grey » n’a jamais rien eu de vraiment passionnant depuis le début. Le film a joué sur le buzz du livre d’E. L. James, à savoir l’audace avec laquelle l’ouvrage décrivait un couple amateur de pratiques sado-masochistes en tout genre. Le plus drôle avec cette série de films (et de livres), c’est que personne n’ose avouer qu’il les regarde et en même temps, les chiffres sont là pour prouver que la saga « Cinquante nuances de Grey » touche quand même une bonne partie du public, d’une façon ou d’une autre. Pourtant, en y regardant d’un peu plus près, ces films ne sont en réalité que de banales comédies romantiques agrémentées de scènes de sexe qui se voulaient torrides et osées mais ne sont finalement que des coups d’épée dans l’eau, tant l’ensemble est finalement très suggéré de manière assez inoffensive. Tout sauf les brûlots qu’Hollywood a essayé de nous vendre, et ce « Fifty Shades Freed » cristallise à lui tout seul tout ce qui ne marche pas dans cette saga : mou, inintéressant, plat, insipide, peu excitant, tels sont les adjectifs de ce conte pour midinette en manque d’amour.

Si « Fifty Shades Darker » était à coup sûr le pire film de la franchise, ce troisième épisode ne fait ni meilleur ni pire que son prédécesseur. Les mêmes défauts sont toujours là, à commencer par une réalisation télévisuelle terne de James Foley, qu’on a pourtant connu bien plus inspiré. Le film repose encore une fois sur le duo Jamie Dornan/Dakota Johnson et les scènes de sexe sont beaucoup plus nombreuses que dans l’opus précédent, probablement pour assumer le côté « apothéose » du grand final de la série. Mais cela ne suffit pas à en faire un film réussi. Le scénario, principal point noir de ce troisième volet, ne fait qu’exploiter les thèmes du précédent film sans rien apporter de nouveau : en gros Anastasia et Christian vivent leur première année de mariage sans gros bouleversements, jusqu’à ce que Jack Hyde, l’ennemi juré d’Ana, débarque à nouveau et vienne semer le chaos. Autant dire que si E.L. James ou les scénaristes du film n’avaient pas inclus ce personnage, nous serions certainement mort d’ennui étant donné qu’il ne se passe quasiment rien dans ces films.

Pire encore, la saga tourne dangereusement en rond depuis « Fifty Shades Darker » qui voulait introduire un aspect thriller que l’on retrouve aussi dans « Freed » mais n’y parvenait pas, faute d’un scénario indigent et d’un rythme mal foutu (trop de longueurs, trop lent, etc.). C’est exactement le même problème qui plombe ce métrage : l’ensemble est de nouveau trop long, trop paresseux et trop mou pour réellement convaincre. Le pire restant le côté finalement très lisse du film : d’un milliardaire mégalo, mystérieux et adepte du bondage extrême, Christian Grey est devenu pépère et s’est rangé auprès de sa dulcinée, ce qui donne droit à des sommets de ringardise comme cette séquence où tout le monde est ébahi parce que monsieur joue et chante devant son piano, comme dans une mauvaise comédie romantique comme on en voyait dans les années 80 du temps de Meg Ryan et Tom Hanks. En délivrant son message ultra conservateur sur le mariage et la vie de famille, « Fifty Shades Freed » est ce genre de film insupportable qui vous promet du hard et se conclut en hymne au soft. Il était temps que la saga s’achève, en espérant que quelqu’un dans un studio n’ait pas la bonne idée de proposer un spin-off ou un reboot, sait-on jamais !


UN DANNY ELFMAN TRÈS FONCTIONNEL


Hélas, même Danny Elfman s’est montré assez peu inspiré sur la musique de « Fifty Shades Freed ». Comme dans les deux précédents films, la musique est de nouveau co-écrite avec David Buckley, qui signe ici la musique additionnelle et a co-produit le score du film. Le score de « Fifty Shades Freed » s’inscrit dans la continuité directe de « Fifty Shades of Grey » et « Fifty Shades Darker ». On retrouve le même mélange de cordes, piano et synthétiseurs. Le thème principal de la série reconnaissable à ses quelques notes de piano ouvre le film dans « Freed » (vers 0:09) avec guitare, cordes et quelques éléments électroniques discrets. On retrouve ici un style plus minimaliste avec l’emploi des solistes (violoncelle, piano, marimba) qui évoquerait presque le style de Thomas Newman. La musique est ici clairement romantique, évoquant la vie de mariage d’Anastasia et Christian. Dans « Makeover », on retrouve le style épuré et électronique du Elfman de « The Circle » (2017), avec son lot de rythmes synthétiques, de riff de basse, de pizzicati de cordes, d’effets sonores du violoncelle électrique et de petites percussions atmosphériques sans grande envergure – on croirait entendre ici les musiques de Steve Jablonsky pour les épisodes de la série TV « Desperate Housewives » -


ANALYSE DE LA MUSIQUE


Les morceaux de Danny Elfman sont généralement assez courts, ce qui ne permet pas au compositeur de développer pleinement toutes ces idées qui passent donc furtivement d’un morceau à un autre, le score étant très morcelé et manquant cruellement de développement, de nuances. Dans « A Spat », c’est le calme avant la tempête dans un mélange tendre et apaisé de cordes, piano et guitare romantique alors que le couple coule des jours heureux. Elfman mise aussi sur la sobriété et la retenue dans « Anna Wakes » avec ses cordes lentes et apaisées où Anastasia apprend à apprécier son nouveau quotidien maintenant qu’elle est l’épouse de Christian Grey – le morceau se termine par ailleurs sur le thème d’Ana au piano, repris du premier film - Dans « Blueprints », l’ambiance se veut plus mystérieuse avec ces petits rythmes électroniques modernes et ces cordes discrètes façon « The Circle » ou le récent « The Girl on the Train » (2016) . A noter ici une brève allusion au thème principal (aux cordes à 0:29). « Car Fun » évoque la scène où Ana et Christian roulent à toute vitesse à bord de leur voiture. Elfman saisit l’occasion pour nous offrir ici un bref morceau de rock accompagné de basse, batterie et guitare électrique.

« Trouble in Paradise » semble annoncer les nuages dans le ciel qui couvrent le soleil. Des notes plus fragiles de piano et des accords mélancoliques de cordes laissent présager que les choses ne vont pas tarder à se gâter. Il s’agit d’un morceau poignant comme on en entend rarement chez Elfman, révélant la partie plus minimaliste et émotionnelle de son écriture. Ici, un piano, un violoncelle, une guitare et quelques cordes suffisent à susciter une émotion élégante et à fleur de peau, une belle réussite même si le film n’en méritait pas tant. Dans « That’s Not Hyde », Elfman suggère le retour de Jack Hyde, l’ancien patron d’Anastasia et la menace qu’il représente aujourd’hui pour le couple. Le compositeur met ici l’accent sur les rythmes électroniques et les sonorités plus sombres et intrigantes dans un style plus atmosphérique, où l’on retrouve des allusions au thème principal de piano. Évidemment, Jack n’a pas de motif à proprement parler mais se voit souvent illustré dans le film par des sonorités sombres et menaçantes.

C’est effectivement le cas dans « Jack the Knife » pour la scène où Jack agresse Anastasia dans son appartement avec un couteau. Elfman illustre ici la tension à l’aide d’un morceau à suspense plus sombre et agressif traversé de percussions et de rythmes électroniques musclés, bien qu’encore une fois la courte durée de la musique (et de la scène) empêche à ces différentes idées de culminer réellement. Dans « Welcome Home », Ana découvre sa nouvelle maison luxueuse. On retrouve le style mélancolique et épuré de « Ana Wakes » ou « Trouble in Paradise », sans originalité particulière et plutôt ennuyeux en écoute isolée. « Hiking » met l’accent sur la guitare électrique soft, le piano et les rythmes synthétiques tout à fait ordinaires dans le film. Dans « Nightmare », Elfman évoque les tourments d’Anastasia qui commence à faire des cauchemars et imagine que Jack s’en prend à elle et son couple. Le compositeur saisit l’occasion de nous offrir un nouveau morceau à suspense atmosphérique et sombre tout en retenue.


UNE CONCLUSION PEU RÉJOUISSANTE


Avec « Bail », on entre dans le dernier acte du film alors que Jack est arrêté avant d’être relâché après que quelqu’un ait payé sa caution. La partie suspense de « Fifty Shades Freed » est franchement guère passionnante et hyper fonctionnelle. Le fait même que Jack n’ait aucune identité musicale particulière dans le film n’aide guère les choses, et visiblement, Elfman est plus à l’aise pour les passages romantiques/émotionnels que les montées de tension ou de suspense. Des passages plus atmosphériques comme « Seeing Red » ou « Going Get Rough » fonctionnent parfaitement dans le film mais laissent franchement à désirer sur l’album : à force de trop vouloir épurer chaque note et chaque son, Elfman en oublie le simple plaisir d’écouter et sa partition devient ridiculement anecdotique et franchement inintéressante, alors qu’il avait encore réussi à faire des choses plus captivantes sur le premier film, « Fifty Shades of Grey ». Ici, on sent clairement qu’Elfman n’en a plus rien à faire et se contente du strict minimum, pas plus, pas moins.

« Ransom » évoque la séquence finale du kidnapping de Mia et la demande de rançon de Jack à la fin du film. Elfman met ici l’accent sur les percussions, les sonorités électroniques et les cordes tendues dans un style toujours très proche de Thomas Newman mais aussi des musiques plus modernes façon Brian Tyler ou Hans Zimmer. La tension monte tout au long des 3 minutes 57 de « Ransom » sans originalité particulière. Difficile de reconnaître ici la patte pourtant si reconnaissable de Danny Elfman : aucune fantaisie, aucune recherche sonore réelle dans cette musique, rien de réellement passionnant ou d’engageant. L’aventure touche à sa fin dans le touchant « The Envelope » et les 6 minutes intenses de « Rescue » pour le sauvetage final de Mia et Anastasia. Elfman développe ici son style action plus moderne (celui de « The Kingdom ») à base de samples et de rythmes électros contemporains sans grande originalité. Le morceau se conclut par ailleurs sur le thème d’Anastasia au piano/violoncelle qui semble enfin libéré et apaisé.

Pour un film évoquant des pratiques sexuelles/SM débridées, on est particulièrement étonné ici par la tiédeur ultra lisse de la musique de Danny Elfman : rien d’excitant, rien de réellement passionnant dans la partition écrite par le musicien fétiche de Tim Burton, rien qui donne envie de s’en relever la nuit (sans jeu de mot). Cela fait maintenant depuis quelques années qu’Elfman semble s’éloigner de son style orchestral habituel, préférant les approches plus modernes et minimalistes comme dans « Tulip Fever », « The Circle » ou « The Girl in the Train ». Cette évolution, normale dans la carrière d’un compositeur qui a quand même enchaîné les grandes partitions épiques et massives pendant plusieurs décennies, a malheureusement un effet pervers : à cause de son économie de moyens imposé ou des projets qu’il choisit, Elfman est obligé de museler sa personnalité fantaisiste et son sens de l’excès musical. Pire encore, pour un film censé être hot et évoquant les fantasmes sexuels, la musique de « Fifty Shades Freed » est étonnamment lisse et inintéressante, preuve s’il en est de la médiocrité de cette franchise cinématographique qui se termine enfin, en espérant qu’Elfman saura mieux choisir ses prochains films !



---Quentin Billard