1-Main Title 2.14
2-Lillian's Heart Attack 3.18
3-Gaining Access To The Tapes 2.48
4-Michael's Gift To Karen 6.53
5-First Playback 3.20
6-Race For Time 4.52
7-Final Playback/End Titles 6.50

Musique  composée par:

James Horner

Editeur:

Varèse Sarabande
VCD-47215

Producteur exécutif:
John Tap, Tom Null,
Chris Kuchler

Album produit par:
James Horner

Artwork and pictures (c) 1983 MGM (Metro-Goldwyn-Mayer). All rights reserved.

Note: ****
BRAINSTORM
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by James Horner
'Brainstorm' est un film un peu particulier dans le sens où le tournage du film s'est terminé sur une véritable catastrophe générale peu commune. Réalisé par Douglas Trumbull, vétéran des effets spéciaux à Hollywood ('2001: A Space Odyssey', 'The Andromeda Strain', 'Close Encounters of The Third Kind', etc.), 'Brainstorm' est son deuxième film hollywoodien après 'Silent Running' (1972) qui marqua son premier coup d'essai derrière une caméra. Malheureusement pour lui, 'Brainstorm' est aussi le dernier film hollywoodien de Douglas Trumbull. Effectivement, les ennuis ont commencés avec la mort de Natalie Wood, qui interpréta dans ce film le dernier rôle de sa vie, et certainement pas le meilleur! L'actrice se serait noyé alors qu'elle était sur un bateau avec des amis. Suite à ce décès brutal et inattendu, la production du film a tenté de faire couler 'Brainstorm' et de détruire définitivement le projet, mais c'était sans compter sur la hargne et la détermination de Douglas Trumbull qui voulut poursuivre son projet jusqu'au bout, quitte à se mettre définitivement à dos les producteurs hollywoodiens. Ceci a eu pour principale conséquence de bannir définitivement Trumbull d'Hollywood, qui ne tournera par la suite que des petits court-métrages indépendants et signera les effets spéciaux pour des films IMAX ou pour des parcs d'attractions. Hélas, ce ne fut pas la seule conséquence qu'entraîna la mort de Natalie Wood sur le film de Trumbull, mais avant de rentrer plus en détail dans cette sombre histoire, on pourra tout d'abord s'intéresser à l'intrigue et au scénario du film.

Le Dr. Michael Brace (Christopher Walken) et sa collègue Lillian Reynolds (Louise Fletcher) ont mis au point une machine révolutionnaire, capable de ressentir et de voir à l'intérieur de l'esprit d'une autre personne équipée du même système. Les possibilités sont infinies: en connectant une personne sur une autre par le biais de ce système, cette personne peut être amenée à ressentir toutes les émotions de l'autre individu, à voir ce qu'il voit, à goûter ce qu'il mange, sans oublier le fait qu'il est possible d'enregistrer cela sur des vidéos spéciales que la machine peut diffuser par la suite. Seul problème: utilisé de manière excessive, la machine peut finir par griller le cerveau de son utilisateur et provoquer sa mort. Les choses se dégradent avec la mort de Lillian, qui décède dès suite d'une terrible crise cardiaque. Avant de mourir, Lillian a eu le temps d'enregistrer sa mort sur une vidéo 'interdite' enfermée soigneusement dans un laboratoire secret par le responsable du projet. Michael, qui travaillait sur cela avec sa femme Karen (Natalie Wood), se voit rejeté du projet qu'il a mis au point avec Lillian. Devenu trop dangereux, le projet 'Brainstorm' est revendu à l'armée qui compte bien s'en servir à des fins militaires. Pendant ce temps, Michael, bien décidé à ne pas se laisser faire, va tout tenter pour récupérer la précieuse bande 'interdite' que lui a laissé Lillian avant de mourir, et qui contient le terrifiant enregistrement de sa propre mort.

Quant on s'attarde un peu sur l'intrigue du film, on se dit que cela partait d'une idée particulièrement intéressante et hélas sous-développé dans le film. Le réalisateur nous offre ainsi quelques exemples de l'immense potentiel de cette machine révolutionnaire mis au point par des scientifiques géniaux, mais qui ne tarderont pas à perdre le contrôler de leur projet. Evidemment, la mort prématurée de Natalie Wood a obligé le réalisateur a avoir recours à des solutions de dernière minute pour terminer le film avec elle malgré son départ vers l'au-delà. Et à ce sujet, ironie du sort, il est justement question de départ vers l'au-delà à la fin du film, le réalisateur nous offrant sa propre vision de l'enfer et du paradis après la mort, une vision à la fois caricaturale mais visuellement très réussie - l'enfer est représenté par des âmes tourmentées enfermées dans un décor organique gore et macabre, tandis que le paradis est représenté comme une sorte d'immense noyau spatial intense et féerique où les âmes flottent lentement mais sûrement. Le problème vient surtout ici des nombreux 'plot holes' du scénario, des problèmes qui s'expliquent par le fait que Trumbull a été obligé de remonter toute la seconde partie de son film et de faire réécrire le scénario qui a particulièrement souffert d'un point de vue de la cohérence et de la continuité. Quant on rentre dans la dernière demi heure du film, on se rend compte à quel point rien de tout ce que l'on voit ne colle, que les personnages principaux opèrent un volte-face inexpliqués: le but de départ est de mettre au point cette invention - à la fin, il est juste question d'expérience sensorielle sur la mort et l'au-delà! Le problème, c'est que l'on passe de l'un à l'autre sans aucune cohérence, sans aucune transition. Il manque un fil logique, et les exemples de problèmes de cohérence sont ici nombreux (par exemple: comment Michael arrive t'il à mettre un tel souk dans le laboratoire avec juste un ordinateur?). Grâce à des plans déjà tournés auparavant avant la mort de Natalie Wood, Trumbull a réussi à finir le film avec deux ans de retard puisque 'Brainstorm', qui a été tourné en 1981, sorti finalement en 1983. Hélas, en regardant la fin particulièrement bâclée, on sent à quel point le réalisateur était pressé de mettre fin à son calvaire et de boucler définitivement le film, ce qui ne va pas sans décevoir le spectateur qui était en droit à s'attendre à quel chose d'un peu plus audacieux qu'un simple happy-end ringard et inexpliqué (Michael n'est-il pas censé être mort à la fin du film?). Voilà donc un film de science-fiction assez particulier, intéressant de par son sujet mais extrêmement décevant de part sa mise en scène et le traitement d'un scénario complètement saccagé par de catastrophiques remaniements de dernières minutes. A noter que le film est dédié à la mémoire de Natalie Wood.

Pour James Horner encore très jeune à l'époque (une trentaine d'années seulement), 'Brainstorm' est un projet déterminant pour sa future carrière sur plus d'un point. Tout d'abord, il faut rappeler que le compositeur s'était déjà fait remarquer peu de temps auparavant avec son mémorable 'Star Trek II'. 'Brainstorm' confirmera en 1983 que James Horner est désormais une valeur sure du cinéma, déjà à l'aise dans tous les registres (comédie avec 'The Pursuit of D.B. Cooper', comédie dramatique avec le téléfilm 'A Piano for Mrs. Cimino', horreur avec 'Humanoids From The Deep' ou 'The Hand', action/aventure avec 'Krull' ou 48 Hrs.', etc.). La partition symphonique d'Horner pour 'Brainstorm' est aussi majeure car elle annonce tous les futurs éléments du style du musicien: on y entendait déjà pour la première fois le désormais célèbre motif de 4 notes cher au compositeur, repris du début de la première symphonie de Rachmaninov et massivement utilisé plus tard dans des scores tels que 'Willow', 'Mask of Zorro', 'Enemy at The Gates', 'Troy', etc.), un style action annonçant déjà 'Aliens', un goût pour l'atonalité typique des partitions 'eighties' du compositeur et clairement influencé de ses études avec Ligeti, etc. On y retrouve aussi des choeurs d'enfants éthérés qui introduisent et concluent le score d'une manière tout à fait similaire à celle de 'Krull', et que l'on retrouvera par la suite dans diverses BO de Horner (on pense par exemple à 'Glory' ou 'Braveheart'). Horner a crée une ambiance à la fois envoûtante et sombre pour le film de Trumbull, évoquant à la fois les pouvoirs de cette machine révolutionnaire et les conséquences néfastes qui résultent des abus de cet engin. Dans son 'Main Title', Horner donne d'entrée le ton du score: des choeurs d'enfants (sollicités relativement dans l'aigu, un peu comme dans 'Krull' et plus tard dans 'Glory') chantent mystérieusement a cappella avant que l'orchestre n'introduise un impressionnant cluster à l'annonce du titre du film, symbolisant tout le côté sombre de l'histoire du film. Les choeurs sont ici synonymes de mystère et d'inquiétude, évoquant l'aspect fantastique de l'intrigue entourant le projet 'Brainstorm'.

Après une introduction mystérieuse, Horner nous plonge très vite dans une ambiance tourmentée avec le sinistre 'Lillian's Heart Attack', que les fans du compositeur connaissent bien puisqu'il est l'un des premiers avec 'Star Trek II' à introduire le désormais célèbre motif de 4 notes cher au compositeur (encore repris récemment dans le score de 'Troy'). Des cordes glaciales et agitées créent une ambiance terrifiante pour la séquence où Lillian est en train de mourir d'une terrifiante attaque cardiaque et qu'elle est sur le point d'enregistrer sa propre mort, d'où l'impressionnant crescendo de terreur du morceau, les cordes alternant avec le motif de 4 notes aux trompettes jusqu'à un impressionnant climax orchestral. Avec ces deux premiers morceaux, Horner montre déjà un savoir-faire qui en dit long sur le reste du score. Il nous prouve en tout cas qu'il semble déjà avoir trouvé sa voie dès 1983, étant donné que certains passages du score de 'Brainstorm' sont étonnamment proche de ce que fera par la suite Horner. On change d'atmosphère dans un 'Gaining Access To The Tape' basé sur un ostinato rythmique confié aux timbales avec une harpe et des cordes. Le ton se fait ici plus rythmé, une sorte de course contre la montre qui décrit le parcours de Michael pour tenter d'accéder à la fameuse bande interdite. On notera ici l'utilisation d'un motif de cordes/cors qu'Horner reprendra plus tard dans 'Combat Drop' de son score pour 'Aliens'. Il est même particulièrement étonnant de constater à quel point 'Gaining Access To The Tape' rappelle beaucoup certains futurs scores d'action du compositeur (genre 'Sneakers' par exemple). Dans un même registre, Horner fait encore plus monter la tension dans le bien nommé 'Race For Time' où il reprend ce motif action pour la scène où Michael met le souk dans le laboratoire par le biais de son ordinateur. On est déjà ici très proche du style du 'Combat Drop' d'Aliens, dans un style nettement moins martial cependant, et ce même si les percussions sont ici de rigueur (cloches, caisse claire, timbales, etc.).

'Michael's Gift To Karen' est une pièce un peu à part dans le score de 'Brainstorm' étant donné qu'elle est la seule à développer la romance renaissante entre Michael et sa femme Karen. Les choeurs et les cordes introduisent le morceau dans un style plus paisible, plus serein, accompagnant la séquence où Michael revoit des images de sa vie avec Karen à travers ses enregistrements. Les choeurs d'enfants sont ici associés à l'amour entre Michael et Karen, comme si Horner cherchait à retranscrire à travers la sonorité angélique de la chorale une idée d'un amour perdu, d'une vie perdue à reconstruire ensemble. Horner en profite pour nous dévoiler un très joli 'Love Theme' inattendu confié à un piano. Le 'Love Theme' est d'ailleurs assez inspiré du fameux 'Quintette en La Majeur' opus 114 de Franz Schubert et plus particulièrement de son célèbre air 'La Truite'. Ceci s'explique d'ailleurs par le fait que Karen est une musicienne pianiste et qu'on la voit au début du film jouer ce célèbre mouvement de Schubert avec ses amis musiciens. Horner calque le schéma du célèbre air de Schubert et en fait une nouvelle mélodie plutôt romantique, nostalgique et légère, accompagné dans un premier par des cordes et les très belles voix du 'Ambrosian Singers Boys Choir of New College'. On appréciera surtout ici la reprise du thème au piano avec une petite formation de cordes dans l'esprit de la musique de chambre de Schubert. Horner caricature un peu ici le style classique de la première partie du 18ème siècle afin de mieux servir la scène en question, preuve que le compositeur ne manque pas d'idée (du moins à cette époque!).

Le score de 'Brainstorm' nous révèle très rapidement une autre facette du style d'Horner, celle que l'on connaît la mieux à ses débuts, son goût pour la musique atonale. 'First Playback' est d'ailleurs très représentatif de ce style dissonant et massif, avec cuivres vrombissants, cordes désordonnées et vents stridents. Le morceau décrit la première scène où Michael diffuse l'enregistrement interdit, ce qui explique le sursaut orchestral au début du morceau. Horner cherche alors à nous installer dans une ambiance incertaine où règne une certaine noirceur et une tension relayée par le motif rythmique de 'Gaining Access To The Tapes'. On ne pourra pas passer à côté ici de l'écriture atonale de choeurs chaotiques dans une autre scène de play-back, où Horner nous dévoile une écriture orchestrale très proche des travaux de son maître Ligeti, parfois même de Penderecki et de Scelsi dans la manière de répartir certains nuages de sons entre eux. Il ne fait aucun doute que James Horner a été très marqué par cette musique atonale du milieu des années 50/60 au cours de sa jeunesse, et qu'il cherche quelque part à nous montrer à travers ce film qu'il a parfaitement digéré et compris ce style, que l'on retrouve aussi au début de 'Race For Time'. Cette sombre histoire trouve son apogée dans l'impressionnant 'Final Playback/End Titles' qui débute dans un bref fracas orchestral pour la traversée de la mort de Lillian vue par Michael sur son appareil. Horner applique une fois encore ici toutes les recettes de la musique atonale du milieu du siècle avec glissendi de cordes, nuages de sons, clusters de cordes, de cuivres, etc. La dernière partie de la pièce, plus lumineuse et paisible, décrit le paradis sur un ton quasi féerique et serein, enchaînant sur un sympathique et mystérieux 'End Titles' qui reprend les choeurs a cappella de l'introduction et une brève variante assombrie du 'Love Theme' à la Schubert, la musique semblant alors s'éloigner au loin vers l'au-delà (Horner fera pareil par la suite pour la fin du 'End Titles' de 'Legends of The Fall' et 'Braveheart').

Vous l'aurez compris, 'Brainstorm' est une première oeuvre majeure dans la carrière d'un James Horner encore assez jeune à l'époque. Plus que dans 'Star Trek II' et 'Battle Beyond The Stars', Horner annonçait déjà ici tous les éléments qui forgeront par la suite son style musical, même si l'on sent quand même que sa musique et ses orchestrations manquent encore de maturité et de finesse. Mais par rapport à ses tous premiers scores ('Up From The Depths', 'Humanoids From The Deep', 'Wolfen', 'Battle Beyond The Stars', etc.), Horner a fait de vifs progrès dès 1983. Le compositeur était bel et bien parti à l'ascension d'une belle carrière qui semble avoir depuis connu un essoufflement considérable. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est souvent bon de revenir aux premières oeuvres d'un compositeur pour pouvoir mieux apprécier par la suite son évolution et ses futures oeuvres. Sans être l'un des premiers grands chef-d'oeuvres du compositeur, 'Brainstorm' n'en demeure pas moins un premier score majeur à classer parmi les incontournables du jeune Horner que sont 'Krull' et 'Star Trek II'.


---Quentin Billard