Film de George Miller réalisé en 1987, 'The Witches of Eastwick' (Les sorcières d'Eastwick) met en scène la rencontre de trois filles paumées face au diable qui va les séduire de différentes façons, incarné ici par le génial Jack Nicholson, une fois de plus excellent dans son rôle de gros méchant taré et répugnant. Le personnage de Nicholson, Daryl, est la représentation parfaite du mal à l'état pur: la réunion de tous les défauts: orgueilleux, immoral, égoïste, sans éthique, bref, un personnage peu recommandable qui va coucher avec chacune des trois demoiselles, ces dernières parlant finalement beaucoup de sexe et peu d'amour, d'où le côté plutôt satirique du film de George Miller, très lourd mais qui fait quand même sourire.

John Williams a composé une partition orchestrale de qualité pour le film de George Miller, sans faire pour autant partie de ses musts. Si le film s'avère être plutôt quelconque et assez décevant, la partition de John Williams rehausse quelque peu le niveau, même si le résultat final est assez passable, le compositeur pensant lui-même que sa musique pour 'The Witches of Eastwick' aurait put être bien meilleure. Effectivement, George Miller a fait un grand découpage de sa partition et a tenté d'en modifier son développement, ne laissant pas la possibilité à la musique de Williams de s'établir sereinement au sein du film.

Williams et Miller ont choisis l'axe de la dérision satirique et de l'humour noir sur cette partition. Le thème principal reste bien sur le fameux 'The Dance of the Witches', qui permet d'entendre un petit motif espiègle sautillant sur un rythme ternaire sautillant et plein de malice, répété tout au long du film et illustrant le trio des sorcières, formé dans le film par Michelle Pfeiffer, Cher et Susan Sarandon. Williams utilise un mélange orchestre/synthétiseurs plutôt inhabituel de sa part mais assez remarquable dans l'association musique/image. Si John Williams lui-même s'accorde à dire que le sérieux n'était pas le mot d'ordre du réalisateur mais bien celui de la dérision, on constate cependant que la plupart des pièces mettant en scène l'affrontement entre Daryl et le trio restent particulièrement massives, terrifiantes et sombres, la musique basculant par moment dans un style orchestral avant-gardiste à la fois chaotique, atonal et extrêmement dissonant (avec quelques touches électroniques expérimentales et particulièrement intéressantes), un style d'écriture massif qui rappelle parfois les délires orchestraux de certains musiciens 'contemporains' avant-gardistes des années 60/70, la musique apportant tout son lot de noirceur et d'humour noir au film de George Miller. On appréciera ainsi la façon dont le compositeur s'amuse à développer son thème principal dès le début du film à l'aide des synthétiseurs très années 80, très vite rejoints par les cordes et les vents, le compositeur n'hésitant pas à transformer son thème en une sorte de petit scherzo espiègle illustrant les péripéties des les trois sorcières.

L'ensemble de la partition de John Williams pour 'The Witches of Eastwick' conserve un sens de l'ironie omniprésent jusqu'à la fin du film, malgré le fait que la partie du score présente dans le film inclut essentiellement les morceaux sombres et massifs. Rajoutons à cela que le CD de la BO de 'The Witches of Eastwick' reste assez difficile à trouver, et vous comprendrez alors pourquoi il vaut mieux se rabattre sur la piste isolée du DVD du film, qui propose le score original de John Williams dans son intégralité. Au final, 'The Witches of Eastwick' reste une BO pleine de bonnes idées, mélangeant frisson et humour noir, avec des orchestrations inventives et une utilisation des synthétiseurs assez originales de la part de John Williams. Cependant, nous ne sommes pas ici en présence du grand John Williams de Spielberg ou de Lucas car il manque le petit 'plus' propre à cette musique, le petit truc qui la rendrait géniale si John Williams avait composé cette BO pour un film de Spielberg - il faut croire que la collaboration avec George Miller n'a pas été très inspirante sur 'The Witches of Eastwick', surtout si l'on y ajoute les problèmes liés au remontage de la musique dans le film. Voilà donc une partition originale, intéressante, superbement écrite mais pas forcément indispensable, un score à réserver en priorité aux fans de John Williams!


---Quentin Billard