1-Main Title
(Theme From Basic Instinct) 2.15
2-Crossed Legs 4.50
3-Night Life 6.03
4-Kitchen Help 3.59
5-Pillow Talk 5.00
6-Morning After 2.29
7-The Games Are Over 5.36
8-Catherine's Sorrow 2.41
9-Roxy Loses 3.17
10-An Unending Story 7.56

Musique  composée par:

Jerry Goldsmith

Editeur:

Varèse Sarabande
VSD-5360

Album produit par:
Jerry Goldsmith
Producteur exécutif:
Robert Townson
Superviseur de la musique:
Harry Shannon
Assistant exécutif:
Tom Null
Montage de la musique:
Ken Hall

Artwork and pictures (c) 1992 Carolco/Le Studio Canal+ V.O.F All rights reserved.

Note: ***1/2
BASIC INSTINCT
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Jerry Goldsmith
Film choc de l'année 1992, 'Basic Instinct' est un thriller psychologique diabolique. Paul Verhoeven revient à la charge après le brutal 'Total Recall' sur un film qui lui permit une fois de plus de défier les commissions de censures américaines en nous offrant ses ingrédients habituels à partir du script ingénieux mais finalement assez quelconque de Joe Eszterhas: sexe excessif et violence sanguinaire, les ingrédients habituels du 'hollandais violent' renouant quelque part ici avec ses films hollandais qui suscitèrent la controverse dans son pays - malgré l'aspect choquant de certains de ses films américains, le réalisateur s'est tout de même bien calmé en arrivant à Hollywood. Pas facile de défier les énormes commissions de censure américaine et autres organismes reflétant la moralité américaine un peu spéciale, qui ne mettra aucun 'rating' pour certains films très violents et nous imposera un NC-17 pour une ou deux scènes de sexe soft. 'Basic Instinct' est un thriller psychologique érotique mettant en scène Michael Douglas et la diabolique Sharon Stone dans un jeu sexuel pervers et sans issue. La mise en scène est captivante tout en demeurant assez banal. L'intrigue est ingénieuse et le réalisateur nous ballade partout en accumulant les indices pour finalement mieux nous perdre, et ce jusqu'au plan final qui apparaît comme une véritable révélation évidente pour tout ceux qui auront bien suivi l'histoire.

Tout commence alors qu'un certain Johnny Boz, star du rock, est retrouvé assassiné nu dans son lit. Le détective Nick Curran (Michael Douglas) est chargé d'enquêter sur ce meurtre sanguinaire. Très vite, une première piste le conduit à Catherine Tramell (Sharon Stone, envoûtante garce), une écrivaine manipulatrice diplômée en psychologie et en littérature et qui a vu Boz la nuit du crime. Froide et sûre d'elle, Catherine semble vouloir jouer à un petit jeu psychologique avec Nick et les autres flics (fameuse scène des jambes croisées sensuelles dans la salle d'interrogatoire au poste de Police), Tramell étant une garce extrêmement intelligente et très rusée. La psychiatre Beth Gardner (Jeanne Tripplehorn), l'ex petite-amie de Nick découvre alors que le meurtrier imite les crimes décrits dans les livres écrits par Catherine. Nick va sombrer petit à petit dans le jeu de Catherine et va devenir complètement obsédé par cette femme (fatale) et par l'idée de démasquer et d'arrêter le criminel. Les soupçons se portent tous sur Catherine. Pourtant, elle se montre totalement à l'aise avec les policiers et passe à travers le détecteur de mensonges sans une seule faute. Mais Nick continue de croire qu'elle ment et qu'elle est la véritable coupable. Le flic entêté continue de jouer au jeu dangereux de Catherine qui s'offre à lui dans une rage sexuelle brutale et dénuée de tout sentiment, jusqu'à ce qu'elle réussisse habilement à brouiller son esprit et à le faire changer d'avis quand à l'identité même du tueur.

Pendant ce temps, Catherine écrit un nouveau roman inspiré de se liaison avec Nick et dans laquelle elle décrit ce qu'elle vit avec lui, en précisant que 'le flic tombe amoureux de la fille qu'il ne lui faut pas et qui tue le flic à la fin de l'histoire'. Manipulatrice, Catherine se sert à la fois de Nick pour son propre plaisir sexuel ainsi que pour son roman. Mais la mort du lieutenant Marty Nilsen avec qui Nick avait eu une sévère altercation quelques temps auparavant n'arrange pas les choses. Injustement soupçonné de ce meurtre, le policier est déchargé de l'enquête. Mais son obsession l'oblige à la continuer quand même tout en plongeant de plus en plus dans le jeu pervers de Catherine. Finalement, Nick ne sait plus qui est vraiment le coupable à la fin de l'histoire, et le dernier plan du film vient nous révéler ce qui semble être finalement assez évident depuis le début du film. Evidemment, 'Basic Instinct' joue sur les scènes de sexe sulfureuses qui ont fait couler beaucoup d'encre aux Etats-Unis et qui ont forgés la réputation du film. Inexorablement, Paul Verhoeven touche au but: en faisant marcher la polémique, le film a gagné un grand succès. En conclusion, quoique l'on puisse penser de 'Basic Instinct', on ne pourra qu'apprécier le scénario astucieux qui joue sur les conventions du genre, tout en appréciant le talent de Sharon Stone parfaite lorsqu'il s'agit de jouer des mantes religieuses perverses et rusées.

Après son score explosif pour 'Total Recall', Jerry Goldsmith revient sur 'Basic Instinct' pour sa seconde collaboration avec Paul Verhoeven et probablement l'une des plus célèbres partitions des années 90. Le score de 'Basic Instinct' est d'une intensité rare tout au long du film, composé en étroite collaboration avec le réalisateur lui-même. A ce propos, Paul Verhoeven dit lui même dans le livret de l'album:
"Nous avons passé de nombreux jours à chercher une atmosphère pour ce thriller érotique très spécial. Jerry joua ses pièces sur le synthétiseur, ce qui me donna une idée assez claire de la complexité et la richesse des orchestrations finales(...)"

Partition symphonique avec utilisation traditionnelle des synthétiseurs (effets rythmiques, percussions électroniques, ambiances sonores envoûtantes, etc.), la partition de Jerry Goldsmith retranscrit de manière très efficace toute l'intensité psychologique et érotique du film de Verhoeven, et ce à l'aide d'orchestrations très élaborées et de trois thèmes importants qui reviennent sans cesse dans la musique comme de véritables leitmotive hypnotisants. Le ‘Main Title’ débute avec le très envoûtant thème principal confié aux cordes avec une harpe et un son synthétique étrange interprétant la mélodie principale (notons ces sons métalliques de synthétiseur en écho dans ce morceau, résonant de façon à la fois obsédant et inquiétant et qui reviendra très souvent dans les passages les plus atmosphériques du score). Cette sonorité cristalline et mystérieuse du synthétiseur qui illustre la mélodie du thème principal apporte une émotion très particulière à la musique dans le film (Goldsmith reprendra ce principe dans le ‘Main Title’ de 'Hollow Man' qui marquera en 2000 sa troisième et dernière collaboration avec Paul Verhoeven). Cette sonorité mystérieuse et floue renforce dès les premières secondes du film le climat envoûtant de l'ambiance du film et du jeu d'acteur de Sharon Stone. Ce son sera donc continuellement rattaché tout au long du film au personnage de la sulfureuse Catherine Tramell et de son thème envoûtant et mystérieux.

Le mystère est aussi un élément majeur dans cette musique, le mystère inquiétant entourant le personnage de Sharon Stone en femme fatale insondable, véritable déesse du sexe, ange de la mort qui piège les hommes dans ses filets et les tue en prenant du plaisir. Goldsmith retranscrit parfaitement le côté sensuel et glacial d'un personnage qui semble dénué de toute émotion et sentiment dans le mystérieux 'Crossed Legs', célèbre séquence anthologique des jambes croisées dans la salle d'interrogatoire (et qui valut à elle seule d’offrir au film de Verhoeven une solide réputation sulfureuse). Le compositeur réutilise les sons en écho et la sonorité cristalline du thème de Catherine en apportant à ce morceau un côté à la fois sombre, intriguant, sensuel, mystérieux et impalpable. Les cordes retranscrivent à merveille l’érotisme et la froideur du personnage (le jeu des cordes, très travaillées tout au long de la partition de Goldsmith, renvoie aux grandes musiques hitchcockiennes de Bernard Herrmann), avec un caractère à la fois lourd et léger en même temps, la musique semblant flotter dans les airs de manière envoûtante avec des cordes sensuelles et inquiétantes. Le compositeur fait ici quelques brèves allusions au thème de Nick (Michael Douglas), plus sombre et plus terre-à-terre que celui de Catherine, qui semble tourner en rond de façon obsédante. C'est en tout cas l'impression qui se dégage de ce splendide 'Main Title' retranscrivant le caractère atmosphérique, froid et obsédant de la musique de ‘Basic Instinct’.

La majeure partie de la partition de Jerry Goldsmith repose sur ce caractère très atmosphérique oscillant entre le thème de Catherine et celui de Nick, accentuant l'aspect psychologique de la musique et son aspect froidement érotique avec ces cordes sombres dénuées de tout sentiment, à l'instar du personnage de Sharon Stone dans le film. De temps à autre, le compositeur nous offre quelques parties d’action plus musclées comme l'intense 'Night Life' ou le superbe 'Roxy Loses', qui demeure un parfait exemple du talent de Jerry Goldsmith à composer des grandes musiques d'action complexes et sophistiquées. 'Night Life' débute avec une reprise action du thème de Nick et son motif de neuf notes très reconnaissable, et ce alors qu'il engage une poursuite en voiture avec Catherine qui essaie de le semer sur la route. On admirera la façon dont Goldsmith fait progressivement monter la tension dans son orchestre pour aboutir sur une brève partie d'action utilisant des percussions synthétiques (comme Goldsmith le fera aussi dans son score pour 'Malice', thriller de 1993). 'Night Life' évoque dans un second temps le caractère obsédant et inquiétant de cette musique mystérieuse et intrigante qui crée une ambiance incomparable dans le film de Verhoeven. Dans 'Kitchen Help', Goldsmith réutilise le très envoûtant thème de Catherine alors que cette dernière prend un pic à glace devant Nick pour casser un bloc de glace et lui donner des glaçons pour sa boisson. Ce geste à la fois inquiétant et sensuel dans les mains de Catherine prend une tournure très mystérieuse avec cette superbe reprise de ce thème toujours confié à ce son cristallin et froid du synthétiseur, une texture électronique décidément très bien choisi par Goldsmith et qui renforce la personnalité glaciale et insondable du personnage de Sharon Stone et l’ambiance très psychologique et complexe de la musique du film.

On admirera la façon très spéciale dont Jerry Goldsmith évoque une scène de sexe dans 'Pillow Talk' avec des cordes/vents très froids renforcés par une inquiétante ligne de basse du piano qui suggère que quelque chose ne tourne pas rond. Progressivement, le compositeur fait monter la tension de façon très intense dans son orchestre, comme pour évoquer l'orgasme violent de Catherine, intense et effrayant à la fois (dans le film, on croit que Catherine va tuer Nick à coup de pic à glace mais il n'en est rien). Le deuxième 'orgasme' orchestral arrive avec une autre montée de tension très suggestive et très froide en même temps : oubliez ici toute notion d'amour. Le sexe s'apparente dans le film de Verhoeven à une arme perverse et très efficace entre les mains de cette redoutable mante religieuse qu'est l'ensorcelante Catherine Tramell. Jerry Goldsmith décrit aussi dans le film l'idée que les deux personnages sont enfermés dans une relation charnelle ambigüe sans issue, apparemment dénuée de tout sentiment amoureux (la scène finale du film laisse d'ailleurs planer un doute à ce sujet).

On prolonge cette ambiance mystérieuse avec un énième retour du thème de Catherine dans 'Morning After' tandis que le sombre 'The Games are Over' illustre la scène où Catherine apprend à Nick que tout est fini, que le jeu est terminé puisqu'elle a enfin fini d'écrire son roman. Son thème est repris dans une variante déformée avec des cordes toujours aussi froides et calmes en apparence, mais éminemment perverses dans le fond (à l’image même du personnage de Sharon Stone). Le morceau prend alors une tournure plus violente lorsque Gus se fait poignarder par le meurtrier dans la scène de l'ascenseur. On appréciera une fois de plus la manière dont Jerry Goldsmith fait progressivement monter la tension jusqu'à l'inévitable conclusion sanguinaire, et ce alors que Nick réagit trop tard en tente de se ruer vers l'appartement pour avertir Gus. Le morceau prend alors une tournure action assez violente avec une nouvelle utilisation des percussions électroniques et acoustiques (à noter ici un petit motif rythmique développé d'abord aux xylophones et repris aux cordes pour ponctuer le caractère très violent de la scène). 'Catherine's Sorrow' s'ouvre sur le thème de Nick repris aux cordes alors que ce dernier se rend chez Catherine pour la découvrir en train de pleurer, alors que c'est la première fois dans le film où elle montre un peu d'émotion à Nick. Son thème est repris de façon lente et mystérieuse avec des cordes toujours aussi froides, comme pour rappeler une fois de plus que Catherine Tramell est avant tout une brillante et diabolique manipulatrice de génie. La réutilisation très fréquente de son thème tout au long du film renforce l'obsession de Nick envers cette femme et son envie de mettre la main sur le meurtrier.

L'autre grand passage d'action du score de ‘Basic Instinct’ intervient dans le superbe 'Roxy Loses', tandis que Nick poursuit un mystérieux individu en voiture qui a tenté de l'écraser. Ici, Jerry Goldsmith développe le troisième thème qui se trouve être un motif inquiétant de sept notes que l'on trouvait déjà dans 'The Games are Over' (et que Goldsmith a repris note pour note d’un motif identique dans sa partition pour le film ‘High Velocity’, datant de 1977). Ce motif évoquant la facette suspense du film de Paul Verhoeven et se retrouve développé dans une variante action enragée pour ce superbe morceau illustrant la poursuite et la confrontation entre Nick et Roxy en voiture. Soutenu par une ligne de basse synthétique discrète, le morceau évolue vers l'inévitable issue tragique: la mort de Roxy, jalouse de la relation qu'entretient Nick avec son amie Catherine et qui s’était mise en tête de le supprimer. 'Roxy Loses' est une pièce d'action excitante et frénétique au sein d'un score qui joue davantage sur le suspense et les faux-semblants plutôt que sur l'action musclée, qui se résume finalement à deux ou trois passages.

Cette sombre histoire trouve enfin sa conclusion dans 'An Unending Story', qui débute sur une reprise à la trompette du thème de Nick dans une allure plus déterminée, avant que le thème de Catherine ne refasse son apparition avec ses cordes glaciales et ensorcelantes pour l'ultime scène de sexe du film, où le compositeur illustre à nouveau le climax orgasmique de la scène dans une ultime et terrifiante montée de tension orchestrale, lorsque l’on croit encore que Catherine va tuer Nick à coup de poignard (l'histoire semble se répéter inlassablement). Finalement, un court motif de piano mystérieux vient apporter un peu de calme après la tempête, le calme apparent cédant très vite la place au motif de suspense de sept notes joué dans le grave du piano avant que le film ne se termine sur un dernier plan du pic à glace, illustré avec un sursaut violent de percussions et le motif de sept notes, développé ensuite au piano au début du générique de fin. Le principal défi du compositeur pour ce dernier morceau était donc de réussir à évoquer l’idée que l'histoire semble ne jamais se terminer tandis que l'ambiguïté continue de régner entre Nick et Catherine. La musique de Goldsmith nous rappelle une dernière fois que ces deux personnages sont tellement allés loin dans leur relation charnelle qu'ils ne peuvent plus en sortir et qu'ils se retrouvent piégés eux-mêmes dans cette relation obsédante et sans fin. 'An Unending Story' apporte donc une ultime touche intrigante et mystérieuse à cette histoire sans fin.

'Basic Instinct' est de loin l'une des meilleures partitions écrites par Jerry Goldsmith dans les années 90, une partition généralement très apprécié par les fans du compositeur qui devient très immersive et captivante au bout de plusieurs écoutes. Le compositeur n'avait jamais véritablement eu l’occasion d’aborder en musique le domaine du thriller psychologique jouant sur l'ensorcellement et la manipulation d'esprit. Jerry Goldsmith relève donc parfaitement ce nouveau défi musical et offre au défouloir sexuel de Paul Verhoeven une partition complexe et étonnamment nuancée, sombre, sensuelle, mystérieuse, intrigante et violente. Le thème de Catherine Tramell reste sans aucun doute l'un des thèmes les plus populaires du maestro, celui qui évoque immédiatement des images du personnage pervers et démoniaque qu'interprète Sharon Stone dans le film, un thème très évocateur qui permet de renouer avec l'atmosphère psychologique très intense de la musique dans le film. Indiscutablement, 'Basic Instinct' est une très grande réussite de la part d'un compositeur qui une fois de plus a réussit à trouver le ton juste sur ce sombre thriller érotique, et ce même si le score risque paraît assez difficile d'accès aux premières écoutes pour les novices. Voilà en tout cas l’un des grands chefs-d’œuvre du Jerry Goldsmith des années 90, une partition à ne manquer sous aucun prétexte!



---Quentin Billard