1-The 1960's:
The Turbulent Years 5.04
2-Main Title...
The White House Gate 4.16
3-Growing Up In Whittier 2.43
4-The Ellsberg Break-In
And Watergate 2.43
5-Love Field: Dallas,
November 1963 4.53
6-Losing a Brother 3.17
7-The Battle Hymn of
The Republic 1.03 *
8-Making a Comeback 2.21
9-Track 2 and The Bay of Pigs 4.46
10-The Miami
Convention, 1968 3.09
11-The Meeting With Mao 3.09
12-"I Am That Sacrifice" 4.49
13-The Farewell Scene 5.01

* Ecrit par: William Steffe,
Julia Ward Howe

Musique  composée par:

John Williams

Editeur:

Hollywood Records
HI-62043-2

Album produit par:
John Williams
Montage de la musique:
Ken Wannberg
Assitant montage:
Kelly Mahan-Jaramillo
Producteur en charge du soundtrack:
Budd Carr
Directeur en charge de la musique pour Hollywoods Records:
Mitchell Leib
Coordinateur de la
production de l'album:
Sylvia Nestor

Artwork and pictures (c) 1995 Cinergi Pictures Entertainment Inc. All rights reserved.

Note: ***1/2
NIXON
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by John Williams
Cinq ans après l'excellent « JFK », le réalisateur Oliver Stone renoua avec le genre du film politique en adaptant cette fois-ci à l’écran la fameuse histoire du scandale du Watergate sous la présidence de Richard Nixon aux Etats-Unis, dans la fin des années 60 début 70. On ne pourra qu'applaudir l'excellente performance d’Anthony Hopkins pour son interprétation confondante de vérité du sombre personnage de Richard Nixon, un être partagé entre "lui" et "Nixon", entre un homme qui veut faire bouger les choses et un individu avide de pouvoir, manipulateur et opportuniste. Tout comme « JFK », on retrouve le même type d'ambiance tendue, avec de nombreux plans d'archive et une reconstitution du fameux scandale du Watergate qui secoua la Maison Blanche et entraîna la démission de Nixon en 1974 - il est le seul président américain de l’histoire à avoir démissionné. Le film relate donc la jeunesse de Nixon à Whittier en Californie, sa rencontre avec sa femme Pat Ryan (Joan Allen), son ascension au pouvoir, sa participation très critiquée à la guerre du Viêt-Nam et enfin pour finir sa démission et son départ de la Maison Blanche en hélicoptère, à la fin du film. Malgré sa longueur assez conséquente (183 minutes et 212 minutes dans le Director’s Cut), « Nixon » s’avère être un film très captivant et aussi très étonnant de la part d’Oliver Stone, homme de gauche depuis toujours : le réalisateur nous dépeint de façon très nuancée un Richard Nixon complexe (auquel le cinéaste semble parfois favorable dans son film) et ose même poser une question plus polémique concernant les conséquences de la démission de Nixon sur la politique extérieure du pays (le Viêt-Nam communiste aurait il envahi le Viêt-Nam du sud si Nixon était resté au pouvoir ?). Moins passionnant et mémorable que le puissant « JFK », « Nixon » reste en tout cas l’un des meilleurs films politiques d’Oliver Stone, qui doit beaucoup à l’interprétation complexe et riche d’Anthony Hopkins !

Avec « Nixon », Oliver Stone retrouve le compositeur John Williams après deux partitions mémorables pour « Born on the 4th of the July » et « JFK ». « Nixon » permet ainsi à John Williams de poursuivre l’atmosphère sombre, psychologique et oppressante qu’il a mis en place dans « JFK », amplifiée ici par une atmosphère plus orientée vers le suspense et les montées de tension illustrant la corruption politique et les tension au Viêt-Nam. Le thème principal, un motif de cordes ascendant plutôt ample et ambigu (« The 1960’s : The Turbulent Years »), évoque clairement Nixon dans ses moments les plus agités tout comme lorsqu'il repense aux événements plus dramatiques de sa jeunesse. L'harmonie apparemment sombre et complexe du thème ne peut qu'évoquer le côté négatif du personnage, apportant une étrange mélancolie un peu sombre au personnage d’Anthony Hopkins, résumant avec brio toute la complexité du personnage. Ce thème peut paraître ample et solennel à la première écoute, mais on s'aperçoit très vite qu'il n'a rien de vraiment héroïque ni même de particulièrement solennel en soi. Une fois de plus, Williams fait basculer ses harmonies dans des dissonances et des enchaînements plus complexes, osés et ambigus, une sorte de conflit entre deux personnages, un positif et un négatif qui n'arriveraient pas à prendre le dessus sur l'autre. C'est tout le résumé du personnage de Nixon, tiraillé toute sa vie entre deux pôles. « The 1960’s : The Turbulent Years » évoque à la fois les magouilles politiques mais aussi le personnage machiavélique de Nixon, ainsi que les nombreuses turbulences qui secouèrent le pays dans les années 60. Ainsi, on découvre dans le morceau le deuxième grand thème de la partition, un thème plus rythmé, martial et cuivré, dominé par des trompettes amples et guerrières typiques de John Williams. Ce thème est associé dans le film à la crise qui sévit tout au long des années 60 (la Baie des Cochons, l'assassinat de Kennedy, la guerre au Viêt-Nam, le bombardement par Nixon du Cambodge, le scandale du Watergate, etc.) et illustre la tension permanente qui règne dans le pays au sujet de la gestion de cette crise. On pourra toujours reprocher au compositeur d’avoir curieusement manqué de nuance pour cette partie plus martiale/guerrière, là où il avait pourtant réussi à faire quelque chose de plus nuancé pour le personnage de Nixon, mais qu’importe, le résultat s’avère être tout bonnement splendide : John Williams signe un nouveau thème mémorable pour l’ouverture de « Nixon », un thème guerrier (que l’on nommera le thème de la crise) qui n’est pas sans rappeler le célèbre thème de l’empire de « Star Wars The Empire Strikes Back » !

John Williams a crée une véritable ambiance thriller pour un film qui décrit essentiellement la corruption politique de Nixon et de certains membres de son équipe. Cette ambiance thriller finit par hanter très rapidement les images du film d’Oliver Stone, un fait très flagrant dès le « Main Title » dans lequel John Williams décrit le plan sur la Maison Blanche en utilisant une musique orchestrale oppressante, un plan montrant de façon assez sarcastique et caricaturale la Maison Blanche sur fond d’éclairs en arrière-fond, comme pour suggérer ironiquement s'il s'agit des Enfers. Oppressant, voilà bien le mot qui correspond à cette musique, car si « JFK » dispensait déjà son lot de suspense et de montées de tension, la partition de « Nixon » nous permet de retrouver une atmosphère glauque et dissonante assez similaire, et ce tout au long du film. Le « Main Title » nous permet ainsi de retrouver des orchestrations typiques du maestro américain : cordes pesantes, cuivres graves, percussions distantes, piano « thriller » et même synthétiseurs atmosphériques et sombres qui rappelle les expérimentations électroniques saisissantes menées par le compositeur sur « JFK » (Williams touchant rarement aux synthétiseurs dans ses musiques). Les amateurs d’un Williams plus atonal et agressif seront aux anges avec le sombre « The Ellsberg Break-In and Watergate », véritable musique de thriller avec ses sonorités électroniques agressives, ses cordes dissonantes et ses effets instrumentaux inquiétants. A noter l’emploi de quelques rythmiques synthétiques qui rappellent clairement certains sons entendus dans « JFK » et le morceau « Dennis Steals The Embryo » du score de « Jurassic Park » (1993). Dans le même ordre d’idée, « Love Field : Dallas, November 1963 » illustre l’assassinat de Kennedy avec un nouveau morceau de suspense atonal sinistre, pesant et oppressant.

La partition nous offre aussi quelques passages plus doux et nuancés, utilisant une formation plus restreinte avec cordes et piano, pour les moments plus intimes de Nixon, et notamment lorsqu'il pense à sa jeunesse dans la ferme familiale ou lorsqu'il est avec sa femme Pat. Un morceau comme « Growing Up In Whittier » développe le troisième thème du score de « Nixon », un thème plus lyrique, nostalgique et émouvant associé aux souvenirs de jeunesse de Nixon. La mélodie est confiée ici à une trompette solitaire sur fond de cordes et de harpe, le tout baignant dans les harmonies raffinées et sophistiquées typiques du compositeur, avec un classicisme d’écriture très réussi. « Growing Up In Whittier » s’impose par sa beauté un peu lointaine, son émotion nuancée, à la fois mélancolique, poétique et rêveuse : une bien belle réussite qui permet aussi à la partition de respirer entre deux morceaux plus sombres et atmosphériques. Un morceau comme « The Meeting With Mao » permet à Williams de renouer avec un style plus sombre et élégant, dominé par une écriture de cordes tourmentées et raffinées, une sorte de climax dramatique fort dans la partition de « Nixon ». « The Meeting With Mao » renforce à merveille cette idée d’inexorabilité, de descente aux enfers pour le président qui sait qu’il ne peut plus faire marche arrière et devra démissionner tôt ou tard. Quand à « I Am That Sacrifice », il s’agit d’une pièce très sombre, grave et mélancolique dominé par un piano fragile et des cordes sombres et amères, un autre morceau lui aussi très touchant mais aussi très nuancé, sombre et dramatique à la fois. « I Am That Sacrifice » s’impose par sa très grande retenue, sa noirceur profondément mélancolique et sa résignation extrêmement amère. Le morceau reflète aussi les sentiments de Nixon sur la fin de sa carrière, des sentiments complexes, dans un esprit tourmenté et torturé. Ces passages dramatiques interviennent aussi dans le film lorsque Nixon se souvient de son frère mort d’une tuberculose (« Losing a Brother ») ou lors des moments où le film montre les ravages de la guerre. Cependant, John Williams n'essaie jamais de faire du sentimentalisme. Ici, il se contente simplement de montrer avec une certaine froideur et une grande distance la triste réalité d'une sombre époque dans l'histoire des Etats-Unis.

L’atmosphère oppressante de la musique et ses couleurs orchestrales tendues trouvent leur apogée dans la scène où Nixon doit être hospitalisé d’urgence alors qu'il commence à cracher du sang. La musique explose alors de façon plus massive et agressive dans cette scène. Elle apporte un éclairage de terreur et d’angoisse aux images (à la limite du « grand-guignolesque » parfois !), Nixon sombrant petit à petit dans les enfers de son propre personnage. Puis, la tension retombe petit à petit mais la musique reste toujours aussi sombre. La partition aboutira enfin à sa conclusion dans « The Farewell Scene », alors que Nixon fait ses adieux en 1974, démissionnant de son poste de président après le scandale du Watergate. La musique, rappelant évidemment le thème familial et le thème de Nixon, s’avère être plus solennelle, toujours sombre et ambiguë, mais avec cette fois-ci une petite touche d'espoir pour renforcer le discours final de Nixon qui se veut optimiste sur l'avenir. La partie finale de « The Farewell Scene » oscille ainsi entre l’ambigüité d’un Nixon tourmenté, évoquant la dualité du bien et du mal du personnage, et l’espoir en un avenir meilleur suggéré ici par des cuivres plus solennels et majestueux.

En conclusion, « Nixon » s’avère être une nouvelle grande partition de John Williams, parfois assez difficile d’accès, mais qui apporte une tension et une atmosphère dramatique intense au film d’Oliver Stone. La musique évoque à la fois les années turbulentes de l’Amérique de Nixon mais aussi les tourments d’un être complexe et corrompu qui gouverna le pays dans certaines de ses heures les plus sombres, entre les allusions musicales à la guerre (« The 1960’s : The Turbulent Years ») et celles du personnage de Nixon (« The Farewell Scene »), la partition de John Williams s’impose tout au long du film même si l’on est loin ici de l’inventivité et des expérimentations synthétiques étonnantes de « JFK ». Plus orchestrale et surtout plus classique d’esprit, la musique de « Nixon » n’en demeure pas moins très réussie, entre le style sombre de « JFK » et le caractère plus élégiaque de « Born on the 4th of July ». Partition extrêmement cohérente dans la collaboration Oliver Stone/John Williams, « Nixon » apporte aussi un poids dramatique incontestable aux images du film, et ce même si on regrettera l’ambivalence d’un score parfois très subtil et retenu, et parfois exagérément massif - tout à l’image du personnage de Richard Nixon. Une grande réussite signée John Williams !


---Quentin Billard