1-Livin' On The Edge
Of The Night 3.40*
2-The Way You Do
The Things You Do 3.15**
3-Back To Life
(Jam On The
Groove Mix) 5.09***
4-Laserman 4.48+
5-Singing In
The Shower 4.23++
6-I'll Be Holding On 5.40+++

Black Rain Suite

7-Sato 4.45
8-Charlie Loses His Head 7.03
9-Sugai 6.55
10-Nick and Masa 2.52

*Interprété par Iggy Pop
Ecrit Jay Rifkin
et Eric Rackin
Produit par Don Was
**Interprété par UB40
Ecrit par Robert Rogers
et William Robinson
Produit par UB40
***Interprété par
Soul II Soul
avec Caron Wheeler
Ecrit par Beresford Romeo,
Simon Law, Paul Hooper
Produit par
Jazzie B., Nellee Hooper
pour Silent Productions
+Ecrit, interprété
et produit par Ryuichi Sakamoto
++Interprété par
Les Rita Mitsuko
et Sparks
Ecrit par Ron Mael
et Russell Mael
Produit par Tony Visconti
et Les Rita Mitsuko
+++Interprété par
Gregg Allman
Ecrit par Hans Zimmer
et Will Jennings
Produit par David Paich.

Musique  composée par:

Hans Zimmer

Editeur:

Virgin records CDV 2607

Score produit par:
Hans Zimmer, Jay Rifkin
Producteur exécutif de l'album:
Ridley Scott
Superviseur de la musique:
Dick Rudolph

Artwork and pictures (c) 1989 Paramount Pictures. All rights reserved.

Note: ***1/2
BLACK RAIN
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Hans Zimmer
Avec 'Black Rain', Ridley Scott évoque avec maestria le traditionnel choc des cultures en associant un flic américain et japonais dans le Japon d'aujourd'hui à la poursuite d'un yakusa sans scrupules. Nick Conklin (Michael Douglas) et son collègue Charlie Vincent (Andy Garcia) sont deux flics de New York plutôt ordinaires. Un jour, alors qu'ils prenaient un verre dans un bar, ils se retrouvent mêlés à une guerre de gang entre des yakusas japonais au moment où l'un d'entre eux, le sanguinaire Sato (Yusaku Matsuda), assassine deux de ses compatriotes devant de nombreux témoins. Nick et Charlie interviennent, et ce n'est qu'au bout d'une course poursuite haletante qu'ils finiront par arrêter Sato. Ils reçoivent alors l'ordre d'escorter le criminel jusqu'au Japon, à Osaka. Arrivé sur place, Sato arrive à les berner et s'échappe grâce à ses complices qui se sont fait passer pour des policiers japonais. Brimés par la police japonaise d'Osaka, Nick et Charlie sont contraints de servir d'observateurs à l'enquête de l'inspecteur Matsumoto (Ken Takakura). Mais l'impulsivité de Nick et le manque d'initiative de la police japonaise vont obliger les deux flics américains à dépasser leur fonction d'observateur et à braver les règles de conduite japonaises, afin de mener eux-mêmes leur enquête et de retrouver Sato. A force de persévérance et de conviction, ils finissent par convaincre Matsumoto de se joindre à leur enquête, et ce malgré la désapprobation de ses supérieurs. Au cours d'une perquisition dans un ancien repère de Sato, Nick vole un faux billet de banque qu'il s'apprêtait à montrer à Matsumoto. Mais ce dernier l'a aperçu en train de voler l'argent et a décidé de le dire à son supérieur, par respect pour son devoir et son honneur. Mais alors que le clash culturel et philosophique entre Nick et Matsumoto ne cesse de s'amplifier, Charlie se retrouve confronté un jour en pleine rue par des motards de Sato qui lui tendent une embuscade et le décapitent. Désormais, pour Nick, il s'agit d'une vengeance personnelle. Suivant le code d'honneur japonais, il va décider de tout mettre en oeuvre pour retrouver Sato et venger Charlie et son honneur. Bouleversé par la mort de Charlie, Matsumoto se laissera finalement convaincre et se joindra à Nick pour mettre hors d'état de nuire Sato et sa bande.

'Black Rain' a beau être un énième film policier conventionnel et sans originalité, il n'en demeure pas moins intéressant dans la manière dont Ridley Scott s'amuse à croiser deux cultures, deux mondes diamétralement opposés, celle de l'Amérique (l'occident) et du Japon. En arrivant au pays du Soleil levant, Nick et Charlie découvrent un monde régit par un code d'honneur strict, un respect total de la hiérarchie, etc. Ils comprennent très vite que s'ils veulent continuer leur enquête, ils vont devoir bousculer ce sacro-saint code de l'honneur et jouer avec leurs propres règles, quitte à s'attirer des ennuis avec la police japonaise et leurs supérieurs américains. Le film vaut aussi par la personnalité et la cohérence qu'apporte le réalisateur aux protagonistes principaux. Nick est le flic typiquement américain, impulsif, stressé, cynique, qui se fiche pas mal des règles. Matsumoto est quand à lui le modèle même du japonais respectueux de sa tradition et de la rigidité du code d'honneur, qui ne se lâche jamais, qui semble être entièrement soumis à ses supérieurs hiérarchiques, discret, patient, calme et contrôlé. Charlie est quand à lui un type plus cool, plus jeune que Nick et aussi plus réfléchi, et qui s'accommode avec plus de facilité que son coéquipier à son sort, ce qui lui vaut très vite la sympathie de Matsumoto. Pour finir, Sato, le grand méchant de service, est le modèle même du criminel japonais qui a finit par s'accommoder à la pensée occidentale, bravant violemment toute notion de respect de la hiérarchie, d'humilité, d'honneur, de soumission, etc. Il est l'archétype même du méchant déshumanisé et sans scrupules, Ridley Scott en profitant pour glisser au passage quelques messages à travers la bouche d'un personnage japonais du film qui fait la morale à Nick en expliquant que ce sont les occidentaux qui ont crées des criminels comme Sato, sans oublier la fameuse discussion au sujet des ravages de la bombe atomique de 1945, d'où le titre du film ('Black Rain' = la pluie noire), accentuant une fois encore le fossé qui sépare l'Amérique du Japon, un fossé à la fois cultuel et historique. Malgré le côté un peu stéréotypé de son entreprise, Ridley Scott arrive à donner un sens véritable à son film qui ne se limite pas qu'à une simple quête de vengeance personnelle mais qui démontre aussi avec habileté comment deux cultures opposées peuvent s'associer à l'occasion pour accomplir une tâche commune. On suit donc avec un certain plaisir le trio Nick/Charlie/Matsumoto dans leurs péripéties au pays du Soleil levant. Pour le reste, Ridley Scott nous gratifie d'une mise en scène classique mais efficace, d'un décor à la fois sombre et inquiétant (les ruelles sombres d'Osaka rappellent par moment celles de la ville futuriste moribonde de 'Blade Runner') et d'un casting de qualité - il faut savoir que Yusaku Matsuda, l'acteur qui interprète Sato dans le film, était atteint d'un cancer au moment où il tourna le film. Sachant que jouer dans 'Black Rain' allait aggraver sa santé, il décida néanmoins d'interpréter son rôle jusqu'au bout, précisant que de cette façon, il vivrait pour toujours. Comme quoi, le sens de l'honneur japonais est bien loin d'être fictionnel!

'Black Rain' inaugurait en 1989 la première collaboration entre Ridley Scott et Hans Zimmer, qui signa là l'un de ses premiers scores d'action majeur. Encore entiché à cette époque de son style synthétiseur années 80, Zimmer livra néanmoins une partition d'action majeure qui sera déterminante pour la suite de sa carrière puisqu'elle lancera le style de ses musiques d'action des années 90 et celles de Media Ventures. Il faut dire que composer la musique de 'Black Rain' n'a pas été une partie de plaisir pour Hans Zimmer, qui dut constamment affronter l'un des producteurs du film, Stanley R. Jaffe, qui détestait ce que le compositeur avait écrit pour le film. S'ensuivit alors une collaboration chaotique et parfois brutale - une partie de la musique de Zimmer fut rejetée par Ridley Scott lui-même. Finalement, Zimmer a quand même réussit à accoucher d'une partition d'action originale pour l'époque, qui ouvrait de nouveaux horizons pour la musique de film à Hollywood. Le score s'articule essentiellement autour d'une pléiade de claviers électroniques et autres synthétiseurs chers au compositeur, agrémenté de quelques rares touches orchestrales (assurées par Shirley Walker, l'orchestratrice attitrée de Hans Zimmer à l'époque) et des traditionnelles sonorités asiatiques évoquant ici le monde du Japon. Le score de Zimmer dépeint le côté sombre et noir du film, utilisant des nappes de synthé, des sonorités électroniques sombres (bien que trahissant la technologie musicale électronique de la fin des années 80) et des sonorités japonaises, et ce dès 'Sato', qui évoque les méfaits du méchant du film au début de l'histoire. On notera la façon dont Zimmer couple ici nappes de synthé atmosphériques avec sonorités japonaises, suivi de quelques percussions électroniques pour la scène de la poursuite au début du film. C'est cette utilisation des percussions qui reste ici originale pour l'époque, Zimmer expérimentant avec tous les sons électroniques mis à sa disposition pour élaborer une atmosphère musicale indissociable des images du polar de Ridley Scott.

Zimmer profite alors de ce morceau pour installer rapidement le premier thème de sa partition, un thème aux consonances asiatiques clairement associé au Japon (on l'entend parfaitement à partir de 2.53 dans 'Sato'). De par son utilisation de sonorités électroniques/asiatiques, le score de 'Black Rain' se rapproche étrangement de la musique des films d'action hongkongais de cette époque, un style que l'on retrouvera régulièrement dans les musiques de films asiatiques des années 80 et 90, ce qui renforce aussi le côté original de cette partition. 'Charlie Loses His Head' est l'un des premiers morceaux majeurs du score (à noter que l'album ne contient que 20 minutes de score et omet énormément de passages d'action et de morceaux de suspense tout aussi intéressants). Le morceau accompagne ici la scène où Charlie affronte la bande des motards et se fait décapiter par Sato. On notera ici le côté sombre, violent et enragé de la musique, Zimmer utilisant des percussions électroniques avec une efficacité rare, doublé par un sens du rythme inné chez le compositeur. A noter l'utilisation ici des cordes dissonantes qui renforcent la noirceur et la violence de ce morceau, évoquant non seulement la mort brutale de Charlie mais aussi la colère et la douleur de Nick, incapable de venir en aide à son ami, piégé derrière un grillage, obligé d'assister impuissant à cette scène. C'est donc avec une intensité inattendue que le compositeur accompagne cette scène-clé du film, dévoilant ainsi un talent jusqu'ici insoupçonné pour les musiques d'action.

La seconde partie de 'Charlies Loses His Head' révèle une atmosphère de tristesse beaucoup plus poignante, où Zimmer dévoile enfin le magnifique thème principal de sa partition, une mélodie empreinte d'une certaine mélancolie parsemé de quelques connotations japonaises. La musique accompagne la scène où Nick et Matsumoto déplorent la mort de Charlie et se partagent ses affaires, comme le veut la tradition japonaise. On retrouve ici une atmosphère méditative et langoureuse véhiculée par les nappes de synthétiseur et qui convient parfaitement à cette atmosphère de tristesse (à noter que le thème principal apparaît pour la première fois dans le film lorsque Nick rencontre Joyce alias Kate Capshaw dans la boîte de nuit japonaise). Finalement, la troisième partie du morceau nous dévoile un autre grand moment de la partition, accompagnant la scène où Nick, enragé, détruit tout chez Sato. Zimmer évoque habilement la rage, la colère et la souffrance du personnage de Michael Douglas en utilisant une basse électronique et des harmonies de cordes martelés avec énergie et témoignant du goût du compositeur pour le côté émotionnel de sa musique. 'Sugai' débute quand à lui sur un nouveau passage plus rythmé à l'aide d'une rythmique électronique déterminé, de quelques sonorités électroniques bien choisies et des sonorités japonaises pour la scène où Nick et Matsumoto suivent un des complices de Sato. On notera ici l'efficacité de l'utilisation des percussions et de quelques lignes mélodiques/harmoniques qui relancent constamment le rythme du morceau et qui s'avèrent être très agréables à écouter tout au long de cette scène de filature. Finalement, 'Nick and Masa' conclut le film de manière majestueuse sur une magnifique touche d'espoir, Zimmer reprenant son thème principal dans toute sa splendeur, évoquant la victoire de Nick et Matsumoto et leur honneur retrouvé. On notera ici la façon dont le compositeur s'amuse à juxtaposer le thème principal et le thème japonais qui prend ici une ampleur majestueuse clairement associé à Matsumoto. Zimmer ajoute finalement une guitare électrique pour personnifier le caractère plus occidental de Nick, une conclusion parfaite et émouvante pour ce premier score d'action majeur de Hans Zimmer, l'une des partitions incontournables du Zimmer de la fin des années 80 qui, à défaut de signer un chef-d'oeuvre impérissable, nous livre une composition inspirée qui allait véritablement lancer à Hollywood la mode des musiques d'action à la Media Ventures pour les années à venir!


---Quentin Billard