1-Main Titles 3.42
2-Blush Response 5.47
3-Wait For Me 5.27
4-Rachel's Song* 4.46
5-Love Theme 4.56
6-One More Kiss, Dear** 3.58
7-Blade Runner Blues 8.53
8-Memories of Green 5.05
9-Tales of The Future*** 4.46
10-Damask Rose 2.32
11-Blade Runner (End Titles) 4.40
12-Tears In Rain 3.00

*Interprété par Mary Hopkin
**Interprété par Don Percival
Composé par Vangelis
Paroles de Peter Skellem
***Interprété par Demis Roussos

Musique  composée par:

Vangelis

Editeur:

Atlantic Records 82623-2

Musique arrangée et produite par:
Vangelis

"Love Theme"

Saxophone:
Dick Morrisey


Artwork and pictures (c) 1982 Warner Bros. All rights reserved.

Note: ***1/2
BLADE RUNNER
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Vangelis
Quelques années après l'un de ses chefs-d'oeuvre, 'Alien', Ridley Scott revenait en force dans le domaine de la science-fiction ténébreuse avec 'Blade Runner', considéré à juste comme l'un des plus grands film de science-fiction de tout les temps. Adapté d'une nouvelle de Philip K.Dick, Scott a réalisé avec 'Blade Runner' un film très abouti sur la condition humaine dans la société du futur noire et complètement déshumanisée. Enorme échec commercial à sa sortie, ce n'est que lors de la ressortie du film en cassette vidéo que le film devint culte (probablement que le public n'a rien compris au film à sa sortie). Soumise à la technologie et à l'orgueil de l'homme, la société du futur est dépeinte par le réalisateur comme une sorte de gigantesque piège dans lequel l'homme se trouve et d'où il ne peut plus sortir. L'histoire est on ne peut plus simple: Harrison Ford interprète Rick Deckard, un flic du Los Angeles de 2019 faisant partie de la section 'Blade Runner' qui est chargé de détruire les répliquants, des êtres cybernétiques construit par le Docteur Eldon Tyrell et qui imitent à la perfection les êtres humains, en possédant la même enveloppe charnelle, la psychologie et les émotions humaines. Ultime acte d'orgueil de l'homme qui veut se prendre pour Dieu en créant une nouvelle race, les répliquants vont se retourner contre leur inventeur en cherchant une réponse à leur question: comment vivre plus longtemps? Effectivement, lors de leur création, les scientifiques les ont fixés sur une durée de vie de 4 ans maximum. Un groupe de 5 répliquants débarquent alors dans l'immense ville de Los Angeles après avoir saboté un vaisseau spatial pour retourner sur terre (depuis un incident survenu il y'a de nombreuses années, les répliquants sont interdits sur terre après avoir été bannis) en quête de réponses. Deckard va retrouver leur trace et va devoir les éliminer les uns après les autres.

Décors gigantesques, budget très coûteux pour l'époque (28 millions de dollars), mise en scène blafarde, glauque et captivante, personnages sombres et glacials, 'Blade Runner' évite tous les clichés des films de science-fiction du genre: ici, pas de combats spatiaux, pas de tir au laser ni de monstres gigantesques. Subtil, le film montre comment la technologie de l'homme se retourne contre lui, comment l'être humain s'enferme dans un monde de plus en plus déshumanisé, un monde noir, sans espoir, une vision pessimiste de la société du futur (nous ne saurions trop que vous conseiller de voir le Director's Cut si ce n'est pas déjà fait, le Director's Cut étant la version originale telle que le réalisateur l'a voulu et qui évite ainsi la fin beaucoup trop Hollywoodienne imposé stupidement par la production). A travers les tourments des répliquants, peut être encore plus humains que les humains eux même, on assiste aux questions existentielles de l'homme: qu'est ce qui fait la valeur d'une vie, qu'est ce qui fait le sens de l'existence, etc. En cherchant à vivre plus longtemps, les répliquants veulent donner un sens à leur existence. Beaucoup plus subtil que la moyenne hollywoodienne actuelle, 'Blade Runner' est un film qui doit se regarder sous deux angles: le film en lui même et les thèmes philosophiques qu'il aborde d'une manière sous-jacente. Certes, les personnages de Deckard (Harrison Ford) et de Roy Batty (Rutger Hauer) sont incroyablement vides et plats, à l'image des décors qui symbolisent la noirceur de cette société déshumanisée: tout se passe la nuit dans des décors sombres, peu éclairé (cf. scène dans l'hôtel où la lumière ne marche pas bien - c'est évidemment une fois de plus très symbolique) et la pluie ne cesse de tomber. Même le héros semble être dépourvu de sentiment, de personnalité (Roy Batty en a beaucoup plus que lui) ce qui le fait passer en fin de compte pour un antihéros devant massacrer des répliquants désarmés. Ici, pas d'idée manichéenne de bien et de mal. Le film est en ce sens très réaliste. Rajoutons à cela que les effets spéciaux sont hallucinants pour l'époque, et vous obtenez 'Blade Runner', le deuxième grand chef d'oeuvre de Ridley Scott après 'Alien'.

Vangelis composa pour 'Blade Runner' une de ses plus fameuses musique de film avec 'Chariots of Fire' et l'autre grand score pour Ridley Scott, '1492 Christophe Colomb'. Sur 'Blade Runner', le compositeur d'origine grecque utilisa ses synthétiseurs traditionnels pour un score futuriste et atmosphérique très surprenant pour l'époque. Entièrement synthétique, mélangeant bruitages et sonorités électroniques typique des synthés années 80 (le score a, à cause de cela, un peu vieillit, mais il n'a nullement perdu de son charme), la BO froide et futuriste de Vangelis est l'incarnation parfaite de l'univers sinistre du film. Dès le Main Title, le compositeur met en place le climat de sa musique: lente, dépourvue de repère temporel, de mélodie et d'harmonie, la musique évolue lentement durant le générique de début jusqu'à aux premiers plans de la ville de Los Angeles en 2019 où une sorte de thème majestueux vient évoquer la grandeur de cette ville au sein d'un style musical très new-age. Sonorités plus lumineuses, cristallines, harmonies se mettant en place, le Main Title est probablement le passage le plus harmonique et le moins sombre de tout le score. Passé les plans de ces grands bâtiments de Los Angeles, la musique de Vangelis se morfond alors dans le décor et l'univers sonore du film en adoptant à son tour diverses sonorités qui la confondent admirablement bien avec les bruitages du film, tout comme un caméléon se confond sur la souche d'un arbre. Avec son style new-age futuristique et son atmosphère électronique, le Main Title propose une ouverture intéressante au score.

Plus noir et glacial que le Main Title, le reste du score permet à Vangelis de créer une atmosphère assez sombre et mystérieuse, une musique qui a tendance à se faire discrète dans le film tout en étant présente (cela s'explique par l'utilisation de sonorités qui se morfondent avec les bruitages du film). La touche d'émotion indispensable est amenée par le 'Blade Runner blues' évoquant la solitude du personnage de Deckard et de son côté déshumanisé, d'où une certaine idée de tristesse lié au Blues. (ne dit pas: 'avoir un coup de Blues'?) Le 'Love Theme' est la deuxième touche d'émotion du film. Interprété par le saxophone de Dick Morrisey, ce Love Theme très sensuel et romantique (et aussi très stéréotypé ---probablement fait de manière volontaire---) incarne l'amour naissant entre Deckard et Rachael (Sean Young), une répliquante que Deckard doit abattre mais qu'il ne fera pas. Utilisé une seule fois dans le film, ce thème permet de respirer un peu dans cet univers morose et sinistre. Certains ont vu dans l'utilisation de cette pièce de sax et du 'Blade Runner Blues' une allusion aux films noirs/polar américains des années 40. Effectivement, le stéréotype du jazz/sax/blues associé aux 'films noirs' des années 40 étaient très fort à cette époque. Comme Deckard, les héros -détective ou inspecteur de police- étaient souvent des êtres durs et déshumanisés (souvent plein de vices). On a donc déjà mis en parallèle l'histoire de 'Blade Runner' avec le genre du film noir/polar des années 40, transposé ici dans le futur. L'idée de Vangelis rejoint donc quelque part une des interprétation possible du film et l'astuce est en tout cas remarquable dans le film car elle nous fait effectivement véhiculer cette atmosphère de musique de 'film noir' à l'ancienne (la transposition dans le futur avec la musique se fait tout simplement par le biais du synthétiseur), une atmosphère assez forte dans le film. On notera un autre élément surprenant dans ce score, l'utilisation d'une voix de femme orientale dans le score (le film se passe la plupart du temps près du marché chinois) qui rend l'atmosphère de certains passages assez troublante.

Le score devient très sombre lorsque Roy Batty tue Tyrell, son propre créateur (symbolisant la technologie de l'homme qui se retourne fatalement contre lui même). Pour cette terrible scène, Vangelis utilise des choeurs samplés au sein de son environnement électronique qui devient soudainement terrifiant et grandiose à la fois avec l'ajout de ces choeurs ténébreux. Finalement, c'est la dernière partie du film qui devient la plus sombre dans un climat de suspense et de tension alors que Deckard traque Batty et Pris (Daryl Hannah) dans un appartement. Favorisant les sonorités sombres et profondes du synthé, Vangelis crée une atmosphère de tension (toujours à l'aide de sonorités proche des bruitages) jusqu'à la magnifique conclusion de cette scène, celle où Batty meurt devant Deckard qui comprends alors la stupidité de l'homme lorsque Batty, révèlent soudainement une facette plus poétique de sa personnalité, en récitant une phrase clé du film - "j'ai vu des choses que personne ne pourrait croire. (...) tous ces moments vont se perdre dans le temps, comme les pleurs se perdent dans la pluie. C'est l'heure de mourir". Là, la musique de Vangelis devient soudainement plus lyrique, plus douce, plus triste, plus apaisée, plus humaine. Deckard commence à retrouver un peu d'humanité en écoutant et en regardant Batty mourir devant lui (plan symbolique de la colombe qui s'envole après la mort de Batty). Finalement, le score trouve sa conclusion sur le célèbre thème du générique de fin basé sur une rythmique en ostinato (martèlement de samplers de timbales) et une mélodie assez sombre évoquant l'univers du film. Il est d'ailleurs dommage qu'il faille attendre le générique de fin pour entendre ce superbe thème qui fait désormais partie des grands standards du compositeur grec.

Vangelis a enregistré sur l'album reédité en 1994 des morceaux qui n'ont pas été utilisés dans le film. L'album possède le gros défaut de faire intervenir les voix des acteurs sur certains passages (comme dans 'Hannibal' de Zimmer ou 'Gladiator: More Music' de Zimmer). Rajoutons à cela qu'il manque aussi énormément de score sur le CD, et vous comprendrez alors pourquoi une réédition complète de ce score s'avère être assez urgente. Pour résumer à propos du score de 'Blade Runner', nous dirons simplement que la musique a l'avantage d'utiliser une atmosphère entièrement électronique créant un climat musical parfait dans le film, en évitant d'utiliser tout repère thématique qui tendrait à tomber dans le piège de musique plus conventionnelle et donc plus apaisante. Malgré les sonorités et bruitages des synthés très années 80, 'Blade Runner' n'en demeure pas moins un score très intéressant bien que pas toujours très accrocheur dans le film (la musique crée une atmosphère et se met parfois en retrait sur le plan sonore). Il est dommage que le thème du End Titles n'ait pas été réutilise ailleurs dans le film. On aurait aussi aimé retrouver le thème du Main Titles développé à un autre moment du film. Mais le choix de cette construction originale a ainsi été choisie par le compositeur et le réalisateur, et malgré quelques passages moins intéressants, 'Blade Runner' reste une des meilleures BO que Vangelis ait écrit pour le cinéma (Vangelis et Ridley Scott reformeront leur duo gagnant sur le très épique '1492 Christophe Colomb').



---Quentin Billard