1-Je compte jusqu'à 5
et tu es mort (ouverture) 2.01
2-Vous manquez de tout 4.30
3-Venge moi
(Cavalleria Rusticana
Intermezzo) 4.06*
4-Les noces de Caylus 2.23
5-Caylus massacre 4.21
6-La nuit fantastique 2.28
7- trouvez moi Peyrolles 3.11
8-Dieu se met toujours du côté
des plus forts 2.09
9-Aurore de Nevers
1699-1700 2.51
10-La Botte d'Aurore 3.19
11-Le mort qui tue ne
tuera plus 3.04
12-Il Teatro del sol 4.09
13-C'est ça mon coeur,
détèste moi (Cavalleria
Rusticana- Intermezzo) 3.48*
14- Je compte jusqu'à 5
et tu es mort (final) 3.34

*"Cavalleria Rusticana - Intermezzo"
composé par Pietro Mascagni.

Musique  composée par:

Philippe Sarde

Editeur:

Virgin 845348

Album produit par:
Philippe Sarde

Artwork and pictures (c) 1997 Le Studio Canal+/TF1 Film Productions. All rights reserved.

Note: ***
LE BOSSU
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Philippe Sarde
Nouvelle adaptation du roman feuilleton de Paul Féval - qui avait déjà été porté à l’écran en 1960 par André Hunebelle, avec Jean Marais dans le rôle-clé - « Le Bossu » de Philippe de Broca est un grand film de cape et d’épée à la française, une grosse production servie par une distribution impeccable, une réalisation académique mais très soignée, des décors magnifiques et un Daniel Auteuil impeccable dans le rôle de Lagardère, le grand héros de l’histoire, rappelant par la même occasion le goût du réalisateur pour les grands films d’aventure à l’ancienne. Avec sa devise très célèbre (« Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! »), « Le Bossu » nous transporte dans la France de 1699 sous le règne de Louis XIV. Le Duc Philippe de Nevers (Vincent Perez) est le grand spécialiste de la fameuse « botte de Nevers », un coup d’escrime incroyable qui, par le biais d’une pirouette virtuose, peut tuer un homme d’un coup d’épée entre les deux yeux. C’est en cherchant à défier le Duc pour percer le secret de sa fameuse botte que Lagardère se lira d’amitié avec le richissime Philippe de Nevers, considéré comme l’une des meilleures lames du royaume. Un jour, Lagardère lui amène un message de Blanche de Caylus (Claire Nebout) lui annonçant qu’elle attend un enfant de lui. Toutes ses lettres précédentes avaient été détournées par le redoutable prince de Gonzague (Fabrice Luchini), cousin pauvre du Duc de Nevers qui cherche par tous les moyens à mettre la main sur sa fortune. Le Duc prend alors la route avec Lagardère qu’il anobli en chemin, et se marie finalement avec Blanche. Mais c’est le soir de ses noces que Gonzague et ses sbires décident finalement d’intervenir en massacrant tous les invités avant d’assassiner le Duc de Nevers et de kidnapper Blanche. Lagardère intervient et réussit à blesser à la main Gonzague, à qui il lance sa célèbre réplique : « Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi ! ». Le chevalier s’enfuit alors avec Aurore, l’enfant du Duc et de Blanche. Il trouvera ensuite refuge chez des bohémiens après avoir échappé à un guet-apens du sinistre Peyrolles (Yann Collette), homme de main de Gonzague. Devenu comédien, Lagardère élève Aurore du mieux qu’il peut. 16 ans plus tard, le chevalier et la jeune fille (Marie Gillain) décident finalement de revenir à Paris pour préparer leur vengeance. Déguisé en bossu, Lagardère devient le secrétaire-bouffon de Gonzague et va manipuler son entourage afin d’isoler son ennemi juré et de le provoquer finalement en duel.

Pour l'excellent film de Philippe De Broca, c’est le compositeur Philippe Sarde qui a été choisi pour écrire la partition symphonique du film (qui vaudra au compositeur sa 10ème nomination aux césars), brillamment interprétée ici par le prestigieux London Symphony Orchestra, empruntant au répertoire classique et baroque un style d’écriture assez enjoué et un thème principal dansant et majestueux, interprété par les cuivres, les cordes et les bois. Le thème de « Je compte jusqu’à 5 et tu es mort (ouverture) » s’apparente à une pièce joyeuse et ludique très classique d’esprit, une brillante ouverture à mi-chemin entres les danses baroques des suites de Jean-Sébastien Bach ou les allegros plus tardifs d’un Josef Haydn (le film se déroule en 1699 mais l’ouverture fait néanmoins référence ici à un style orchestral parfois plus proche de Haydn ou Mozart). Véritable exercice de style absolument savoureux, « Je compte jusqu’à 5 et tu es mort » rappelle par la même occasion la grande maîtrise de Philippe Sarde du répertoire classique qui a toujours été une importante source d’inspiration pour certaines de ses oeuvres antérieures. Inversement, « Vous manquez de tout » utilise un style orchestral plus moderne, avec ses lignes mélodiques de cordes savoureuses et ses orchestrations toujours très élégantes et classiques d’esprit (à noter ici l’écriture très contrapuntique du pupitre des cordes).

L'aspect chevaleresque est présent tout au long de la partition de Philippe Sarde, qui nous sert une musique aux orchestrations riches et soignées, servie par un classicisme d’écriture élégant - on pense parfois à la somptueuse musique baroque de Jean-Claude Petit pour « Cyrano de Bergerac » ou au « Cartouche » de Georges Delerue. On retrouve d’ailleurs tout au long de cette très belle partition quelques morceaux aux couleurs plus romantiques (le magnifique « C’est ça mon coeur, déteste-moi », inspiré du célèbre « Intermezzo » de Pietro Mascagni pour la romance entre Lagardère et Aurore) et même une danse bretonne aux allures traditionnelles. Philippe Sarde n’hésite d’ailleurs pas à utiliser ici des instruments assez peu usités dans les orchestres symphoniques traditionnels, des instruments d’origine médiévale comme la chalémie qui revient à plusieurs reprises dans la musique du film. On pourra ainsi apprécier un morceau comme « Les noces de Caylus » et son tambourin qui rythme la danse pour la scène du mariage de Blanche et du Duc de Nevers, avec sa cornemuse, sa cithare et son bodhrán, sans oublier la chalémie dans le sombre et tourmenté « Caylus massacre » pour la scène du carnage orchestré par Gonzague. Le compositeur nous offre ensuite un thème pour le méchant de l'histoire, campé avec brio par Fabrice Luchini dans le film, un thème harmonisé de façon plutôt dissonante dans le très bon « Trouvez-moi Peyrolles », faisant clairement ressortir dans le film le côté pourri et dangereux de ce personnage. Philippe Sarde utilise ici des harmonies impressionnistes mystérieuses et élégantes teintées de dissonances et des orchestrations plus inventives (utilisation des sourdines sur les cuivres), le tout évoquant clairement la musique impressionniste de Maurice Ravel. Même chose pour l’agité « Le mort qui tue ne tuera plus » et ses harmonies plus sombres et modernes.

On notera pour finir la façon dont Philippe Sarde a utilisé quelques codes de la musique baroque qu’il a bien souvent mélangé avec des harmonies plus modernes (esthétique musicale clairement impressionniste pour les passages plus sombres associés à Gonzague et ses sbires), un mélange très réussi qui apporte une certaine énergie au film de De Broca. Cependant, Sarde n'oublie pas pour autant le répertoire baroque, incluant par exemple une pièce pour flûte à bec et petite formation à cordes tout à fait appréciable, dans un style proche des sonates de Telemann ou d’Haendel (« La botte d’Aurore »). A noter aussi que le compositeur a utilisé à maintes reprises dans le film la très belle pièce classique de l'intermezzo du « Cavaleria Rusticana », opéra de 1890 du compositeur italien Pietro Mascagni. On regrettera simplement l’utilisation un peu trop systématique et répétitive de ce morceau dans le film, qui finit par envahir le score de Philippe Sarde et éclipser sa propre musique. Dommage, on aurait préféré entendre une utilisation plus pondérée et raisonnée de ce célèbre morceau classique dans le film. Ajoutons à cela que la musique s’avère pourtant être très discrète dans le film, comme souvent d'ailleurs dans les films français de cette époque !

Philippe Sarde n’aura donc composé qu’une petite cinquantaine de minutes de musique pour ce film, une partition brillante et énergique aux orchestrations soignées, qui révèle un classicisme d’écriture tout à fait typique du compositeur, apportant au film de Philippe De Broca une légèreté et un entrain dynamique du plus bel effet, sans être pour autant un effort majeur de la part du compositeur. Entre les estocades chevaleresques de Lagardère, les méfaits de Gonzague et la romance avec Aurore, la musique de Philippe Sarde résonne agréablement tout au long du film, suggérant toutes les émotions avec une certaine finesse, même si l’on regrettera définitivement la présence trop envahissante du morceau de Mascagni, qui apporte néanmoins une certaine poésie aux images du film. En bref, sans être un chef-d’oeuvre absolu dans l’immense carrière de Philippe Sarde, « Le Bossu » n’en demeure pas moins une très belle oeuvre de qualité, qui devrait pleinement satisfaire les amateurs d’un Sarde plus classique et accessible !



---Quentin Billard