Les Fans de la série d'animation délirante 'South Park' l'attendaient avec impatience! 'South Park The Movie' a non seulement cartonné mais aussi causé pas mal de discussions à sa sortie en salle, débats sur lesquels nous ne nous attarderons pas trop. Trey Parker et Matt Stone, les deux compères à l'origine de la série rempilent dans le film avec les mêmes ingrédients: humour lourd et vulgaire, trucs débiles et franchement poilants, satire de la société américaine, etc. On pourra peut être reprocher aux deux compères d'être parfois allés un peu loin dans le film. En revanche, personne ne pourra leur reprocher d'avoir pris des pincettes en faisant ce film. Les trucs débiles font légions dans ce film et parmi eux, nous signalerons simplement Saddam Hussein qui couche avec Satan, un être sensible qui a le bourdon dans son enfer, une apparition de Winona Ryder qui joue du ping-pong devant une troupe de soldats excités, une apparition incongrue de Brian Dennehy (celui qui a le rôle du shérif dans 'First Blood' aux côtés de Stalonne) qui croit que l'on parle de lui alors que Stan, Kyle et Cartman parlent de Brian Boitano (sportif américain des J.O.), Conan O'Brien (célèbre animateur d'émission TV américaine) qui se suicide en se jetant par une fenêtre, atterrissant sur une voiture qu'il écrabouille sous le choc et ce sans réaction de la part du propriétaire qui se contente simplement d'éteindre l'alarme de son véhicule, sans oublier que le film s'avère être, comme la série, une satire désobligeante des travers de la société américaine avec son lot d'hypocrisie, de puritanisme, de vulgarité, etc. Malgré son côté 'trash' et vulgaire, le film de Stone et Parker contient néanmoins certains messages importants cachés derrière l'idiotie du film. Le film évoque par exemple l'incohérence de la censure cinématographique aux Etats-Unis ou bien le problème des droits d'expression souvent bafoués dans le sois-disant pays de la liberté. Voilà en tout cas un film totalement hilarant qui n'a pas peur de faire dans le 'trash', à une époque où le cinéma américain a justement tendance à être de plus en plus édulcoré. Les deux réalisateurs s'amusent à se moquer des travers de la société américaine avec une galerie de personnages loufoques, des situations invraisemblables et un humour absurde qui a fait le succès de la série TV.

Trey Parker, qui a lui même signé la plupart des chansons du film (et des paroles) a fait appel au compositeur Marc Shaiman qui s'est empressé d'écrire la musique additionnelle et le score du film (non enregistré sur le CD d'ailleurs, ce qui est fort dommage!). Le principe de la musique de 'South Park: Bigger Longer & Uncut' fonctionne exactement comme les chansons des films de Disney, c'est-à-dire ce côté comédie musicale avec des chansons qui viennent interrompre l'action toutes les 5 minutes environ. Shaiman a co-écrit certaines chansons aux côtés de Trey Parker qui dévoile ici son talent de compositeur de chanson, même si le score de Marc Shaiman reste peut être plus intéressant sur le plan musical (orchestration souvent amusante et étoffée par exemple). 'Mountain Town' est la chanson que chante Stan en début du film alors qu'il gambade gaiement au milieu de sa petite ville de South Park. La chanson est mélodiquement très amusante (une caractéristique que l'on retrouvera dans les autres chansons du film, toujours très entraînantes et pleine d'humour et de pêche, mais avec des paroles grossières et vraiment très limites par moment) et possède un côté joie de vivre infantile et innocent qui sera très vite rompu par la vulgarité de la scène suivante (le film de Terrance et Philippe, les deux acteurs canadiens pétomanes).

La délirante chanson 'Uncle Fucka' correspond au délire que se tapent Terrance et Philippe lorsqu'ils s'envoient des blagues du genre "t'es qu'un putain d'enculé qui nique son oncle!" (chanson très rythmée avec un accompagnement orchestral superbement bien écrit, qui vous filera la pêche une fois de plus). Ici aussi, les oreilles sensibles seront vite choqués par les propos vulgaires de la chanson. 'It's Easy, Mmmkay' fait très chanson de comédie musicale alors que les enfants sont avec leur conseiller d'orientation et qu'ils apprennent à ne plus dire de gros mots (chanson agréable). Quand à 'Blame Canada' (qui choquera sûrement aussi les oreilles sensibles pour ses propos néfastes envers le peuple canadien), il s'agit probablement de l'une des chansons les plus mélodiques du film, constitué d'un refrain qui revient régulièrement, se rapprochant de l'excellent 'What Would Brian Boitano Do?' (probablement une des meilleures chansons du film). La première illustre la propagande anti-Canada menée par la mère de Kyle (voir 'Kyle's Mom's a Bitch', délire que se tape Cartman qui n'a même pas saisi qu'il est en train d'insulter la mère de Kyle en chanson alors que cette dernière se trouve juste derrière lui), tandis que la seconde, excellente sur le plan mélodique, évoque les réflexions absurdes du groupe des trois amis se demandant ce que Brian Boitano pourrait bien faire dans une situation pareille. On trouve aussi le medley de la Résistance, le très beau 'Eyes of a Child', la chanson de Saddam 'I'm Super' (que certains prétendent être une vile parodie de 'Arabian Nights' du 'Aladdin' d'Alan Menken) aux accents arabisants, etc. Petit point négatif à noter: les voix des chanteurs (qui font Kyle, Stan et Cartman par exemple) sont plutôt moches et on ne peut pas vraiment dire que ce soit de grands chanteurs dans leur genre. Evidemment, cela rend l'écoute des chansons pas toujours facile.

Le score de Marc Shaiman, possédant quelques côtés un peu mickeymousing par moment, s'attache essentiellement à décrire la montée de la guerre contre le Canada, alors que la première partie installe surtout une ambiance agréable de musique de comédie comme Shaiman sait si bien en faire, tel que 'Addams Family' ou 'The First Wives Club' par exemple. On trouvera donc essentiellement dans la dernière partie du film des morceaux aux accents militaires, des choeurs sombres pour décrire les enfers où se retrouve Kenny, après sa mort stupide à l'hôpital qui parodie la série 'Urgences' avec un passage du score de Shaiman de style action/tension, en hommage direct au style du score de James Newton Howard pour cette série TV. On notera un petit clin d'oeil furtif au 'Patton' de Jerry Goldsmith dans la scène où la mère de Kyle fait son speech aux soldats sur fond de drapeau américain (comme au début du 'Patton' de Franklin J. Schaffner avec le speech de George C.Scott).

Le problème lié aux paroles des chansons (et au film en lui-même) doit être quand à lui totalement relativisé et replacé dans le contexte du film. Il ne faut surtout pas voir le film comme tenant des propos racistes envers les canadiens, ou des clichés envers les homosexuels ou les arabes (à cause de Saddam Hussein). Ce n'est absolument pas le propos du film! Trey Parker et Matt Stone ne sont pas pris au sérieux et il est donc très important de comprendre cela. Il ne faut donc pas prendre ce film au sérieux, de même qu'il ne faut pas non plus prendre au sérieux les paroles parfois injuriantes des chansons. Evidemment, ceux qui sont allergiques à l'humour trash, satirique et subversif de la série TV détesteront le film, qui est un véritable chef-d'oeuvre d'ironie, d'humour noir et absurde et de scènes trash très osées. 'South Park' est une sorte de gigantesque blague qu'ont voulu nous offrir Trey Parker et Matt Stone en tournant ce film, et si l'on ne veut pas rentrer dans leur jeu (très lourd et laborieux, bien entendu), alors ce n'est même pas la peine de le regarder!

En tout cas, la BO de 'South Park The Movie' a été remarquée pour ses qualités musicales (qui dépassent largement le film selon certains) et son style qui parodie délibérément le style musical des films d'animation de chez Disney. Evidemment, il reste le score inédit de Marc Shaiman, mais quoiqu'il en soit, l'album permet de prolonger chez le soi le délire total du film, et malgré de gros défauts (il manque le score, les voix des interprètes ne sont pas toujours très bonnes, etc.), 'South Park' reste une BO sympathique sans 'plus', une petite surprise à savourer avec ce film totalement délirant, à réserver en particulier aux fans de la série TV!


---Quentin Billard