'The Talented Mr. Ripley' (Le Talentueux Mr. Ripley) d'Anthony Minghella, d'après l'adaptation du livre de Patricia Highsmith, retrace l'histoire de Tom Ripley (Matt Damon), un jeune homme mystérieux qui après sa rencontre avec un certain Mr. Greenleaf va se retrouver en Italie sur la demande de ce dernier pour essayer de convaincre son fils de revenir chez lui dans sa famille. Mais Ripley va se prendre un peu trop au jeu après sa rencontre avec Dickie (Jude Law) et sa fiancée Marge (Gwyneth Paltrow), et, passionné fou de Dickie, il deviendra une véritable sangsue incapable de se décoller de lui et de ses moindres faits et gestes. Blessé après le rejet de Dickie qui l'accuse d'être ennuyeux à force de le coller toute la journée, Ripley tue Dickie (scène du bateau, particulièrement violente) et se fait ensuite passer pour lui au sein de la société italienne. Il va donc devoir jouer un double jeu auprès de sa fiancée mais aussi auprès des autres gens. Le grand intérêt du film, c'est évidemment le jeu splendide de Matt Damon qui interprète un jeune homme agréable, poli et séduisant, mais qui derrière sa gueule d'enfant cache un fou dangereux capable de tuer pour une raison bien précise: devenir quelqu'un! Ripley est un être torturé de l'intérieur, il voit un Dickie le grand frère qu'il n'a jamais eu. Pire que cela, il voit en lui la personne qu'il n'a jamais été et rêverait d'être. Ripley ira jusqu'au bout dans sa folie, et le tout dernier plan qui conclut le film représente symboliquement l'état dans lequel se trouve Ripley à la fin du film. A vous de découvrir ce splendide film si ce n'est pas déjà fait!

La musique de Gabriel Yared oscille entre les quelques pièces de musique classique du film - le Stabat Mater de Vivaldi chanté dans une église, scène avec Peter, où les quelques passages à l'Opéra, sans compter l'extrait d'un concerto pour piano de Beethoven, et le Concerto Italien de Bach que Ripley a l'habitude d'interpréter au piano, même si c'est plutôt fait pour le clavecin - et la musique de Jazz - les principaux titres de Ray Parker, Dizzy Gilespie et d'autres se trouvent sur l'album de la musique du film, très important dans le film puisque Dickie est un fan de jazz et joue lui même du saxophone dans des bars avec ses camardes italiens. Yared, très ami avec Anthony Minghella, a saisit dans toute sa dimension psychologique le personnage de Tom Ripley. A travers sa musique, il nous livre une démonstration musicale de l'ambiguïté entre séduction/menace qui règne dans l'esprit de Ripley, une ambiguïté incessante pendant tout le film et largement entretenue par Minghella au sein d'une mise en scène très tendue et ce jusqu'au bout du film (après tout, 'The Talented Mr. Ripley' peut être considéré comme une sorte de thriller!). Yared développe donc sa musique autour d'une écriture pour cordes, vents (surtout clarinettes et hautbois), saxophone soprano et boîtes à musique (qui n'en sont pas en réalité, Yared ayant simplement simulé l'effet sonore d'une boîte à musique en utilisant un glockenspiel, un vibraphone, un marimba, un célesta et deux harpes, le compositeur ayant habilement demandé aux interprètes de ces instruments de jouer légèrement décalé, l'effet acoustique retraduisant très habilement ainsi la sonorité d'une boîte à musique, ce qui pourrait presque être symboliquement l'idée du personnage de Ripley: un être à l'apparence séduisante mais qui cache en fait un démon au fond de lui) sans oublier l'accordéon des premiers plans en Italie, ainsi que l'utilisation typique d'une mandoline dans un climat d'une sereinité qui évoque la beaué de l'Italie et la fraîcheur du pays.

Très vite, Yared met en place sa thématique, et ce dès les premières pièces italiennes, une mélodie descendante au climat serein, mais qui, très vite après la "descente aux enfers" de Ripley va se transformer en une mélodie à l'esprit ambigu voire menaçante, donc, la représentation musicale parfaite du personnage de Tom Ripley. On retrouve aussi un motif avec l'effet de boîte à musique (parfois aussi au saxophone) et qui évoque par un côté vaguement mystérieux les actes de Ripley, dans un premier temps amical et poli, dans un autre dangereux et menaçant. Yared évoque aussi l'aspect thriller du film et ce dès l'apparition du premier mort dans le film, la jeune Silvana, dont le corps est retrouvé dans la mer. Pour cette séquence là, la musique de Yared prend un virage à 180 degrès, un changement total d'ambiance et d'esprit. On sent alors que rien ne sera plus comme avant dans la musique de Yared, une sorte d'impossibilité de revenir en arrière, d'inexorabilité dans ce qui va se passer par la suite. 'Crazy Tom' par exemple est l'illustration tendue de la menace qui se dégage de Ripley, ici pour la scène où il menace Marge à l'aide d'un rasoir caché dans sa poche, vers la fin du film. Mais il y'a aussi toute les séquences tendues comme par exemple la bagarre entre Dickie et Ripley sur le bateau au milieu de la mer, scène dont on voit se profiler l'issue mais dont l'inexorabilité de la violence imminente ne peut qu'être stressante tant la mise en scène tendue de Minghella est superbement efficace. Le saxophone quand a lui est là pour non seulement rappeler le climat de musique jazz qui entoure les personnages de Dickie et Ripley mais aussi pour représenter le côté faussement séduisant de Ripley - ce saxophone n'ayant finalement pas vraiment d'idées romantiques ou lyriques dans cette partition, l'instrument venant simplement rejoindre les rangs des idées hautement ambiguës qui parcourent cette excellente partition.

En conclusion, 'The Talented Mr.Ripley' n'a certes pas la puissance lyrique du précédent 'Message In A Bottle'. En revanche, il s'agit d'une partition originale aux idées intéressantes et justifiées par le film, dans lequel Yared a su parfaitement retranscrire toute la dimension psychologique du personnage de Ripley, toute cette ambiguïté inquiétante qui hante le personnage du début jusqu'à la fin, et ce surtout à travers le thème principal, habile représentation de ce personnage qui rêvait de devenir quelqu'un. Nominé aux Academy Awards, 'The Talented Mr. Ripley' aurait certainement mille fois plus mérité de remporter l'Oscar à la place du très fade 'The English Patient'! Une partition à conseiller vivement à tout ceux qui s'intéressent aux travaux de l'un des compositeurs européens les plus en vue actuellement!


---Quentin Billard