1-Casualties of War 9.24
2-Trapped In A Tunnel 4.37
3-No Escape 7.01
4-The Abduction 4.47
5-No Hope 2.30
6-The Rape 4.00
7-The Death of Oahn 2.31
8-The Healing 2.14
9-The Fragging 1.19
10-Waste Her 3.39
11-Elegy For a Dead Cherry 1.15
12-Elegy for Brown 3.43

Musique  composée par:

Ennio Morricone

Editeur:

Columbia CK 45359

Album produit par:
Ennio Morricone

Artwork and pictures (c) 1989 Columbia Pictures Corp. All rights reserved.

Note: ****
CASUALTIES OF WAR
ORIGINAL MOTION PICTURE SOUNDTRACK
Music composed by Ennio Morricone
Deux ans après « The Untouchables », Brian De Palma décida de se lancer dans un genre qu’il n’avait encore jamais abordé au cinéma : le film de guerre. Avec « Casualties of War » (Outrages), sorti en 1989, Brian De Palma adapte au cinéma un article sulfureux écrit par Daniel Lang dans The New Yorker en 1969, et nous replonge dans la guerre du Vietnam, s’inspirant en partie d’une histoire vraie survenue au cours de ce conflit. L’histoire est en fait racontée sous la forme d’un flashback du soldat Eriksson (Michael J. Fox). Alors qu’il se trouve dans un bus en plein milieu de l’été, Eriksson croise la route d’une jeune asiatique qu’il dévisage. Puis, il finit par s’endormir. C’est là que son flashback commence : novembre 1966, Viêt-Nam. Eriksson est en plein champ de bataille. Les bombes pleuvent. Il court pour s’abriter lorsque le sol s’effondre sous ses pieds. Le jeune soldat se retrouve alors piégé dans une galerie du Viêt-Cong. Mais alors qu’un soldat ennemi était sur le point de le tuer, le sergent Tony Meserve (Sean Penn) intervient à temps et lui sauve la peau in-extremis. Peu de temps après, Meserve voit son meilleur ami se faire abattre par des vietnamiens. Furieux, le sergent ordonne alors un raid punitif sur le village le plus proche. Lui et ses hommes décident alors d’enlever une jeune femme pour lui faire subir toute une série de mauvais traitements. Ils organisent un viol collectif et la brutalise à tour de rôle, mais Eriksson refuse et s’oppose au reste de la troupe. Avec « Casualties of War », Brian De Palma évoque donc un drame tragique en pleine guerre du Viêt-Nam, un acte de violence brutal et inhumain perpétré par des soldats américains sur une jeune vietnamienne innocente, brillamment interprétée dans le film par l’actrice vietnamienne Thuy Thu Le (son seul et unique rôle au cinéma). Avec un casting de qualité - incluant Michael J. Fox dans l’un de ses rôles les plus dramatiques au cinéma, avec Sean Penn, John C. Reilly, John Leguizamo ou Ving Rhames, Brian De Palma accouche d’un drame bouleversant et choquant (d’autant plus quand on sait qu’il s’agit d’une histoire vraie à l’origine), un film extrêmement dur dont le spectateur ne ressortira pas indemne.

Pour mettre en musique un film de ce genre, on ne pouvait rêver mieux qu’Ennio Morricone. Le maestro italien avait déjà collaboré avec De Palma sur son précédent film, « The Untouchables » en 1987. Pour « Casualties of War », Ennio Morricone a composé une partition symphonique extrêmement poignante et bouleversante - à l’image même du film de De Palma, apportant une ambiance de désespoir, de douleur et de lamentation à l’écran. La partition de « Casualties of War » s’articule tout d'abord autour de deux thèmes principaux, un thème asiatique joué par une flûte de pan tout au long du film (et qui rappelle beaucoup certains passages ethniques de « The Mission »), puis un second thème plus tragique, poignant et plaintif, comme Morricone sait si bien le faire. Ce magnifique thème pour cordes est présent tout au long du film et atteint son point culminant dans séquence bouleversante où la jeune vietnamienne se fait tuer par les soldats américains et où son ami (Michael J. Fox), totalement impuissant, la regarde dans les yeux, en train de mourir. Cette scène tragique est alors illuminée par la poignante musique de Morricone, un grand moment d’émotion pour un compositeur visiblement très touché par son sujet, soucieux d’apporter un impact émotionnel dramatique fort au film de Brian De Palma.

Dès le début du film, sa musique résonne de façon sombre et quasi désespérée, comme pour évoquer l’idée qu’il n’y a aucune échappatoire possible dans cette guerre. Un morceau comme « Trapped in a Tunnel » permet au compositeur d’utiliser l’orchestre de façon plus sombre et menaçante pour la scène où Eriksson se retrouve piégé dans la galerie Viêt-Cong au début du film. Idem pour « No Escape » qui développe le thème asiatique de flûte de pan sur fond de harpe, qui développe en contrepoint le thème tragique. Sa musique instaura une certaine tension et une noirceur pesante tout au long du film, évoquant non seulement les atrocités de la guerre mais aussi les émotions d’Eriksson, confronté à des atrocités contre lesquels il ne peut rien faire. Si « Abduction » résonne déjà de façon dramatique et amère, « No Hope » apporte une noirceur absolue au film avec ses notes graves de piano répétées constamment et ses bois dissonants sur fond de cordes inquiétantes. Ennio Morricone développe ici une atmosphère harmonique plus sombre, dissonante et quasiment atonale pour évoquer le caractère tragique et désespéré de la situation dans le film. Dans un registre assez similaire, « Fragging » s’impose par sa noirceur absolue, avec ses contrebasses inquiétantes, ses percussions métalliques sombres et son piano menaçant. Même chose pour « Waste Her » qui bascule lui aussi dans l’atonal pur qui n’est pas sans rappeler certaines mesures de la partition du film « The Thing » de John Carpenter, des morceaux qui expriment dans le film les tensions incessantes entre Eriksson et le sergent Meserve.

« Rape » accompagne quand à lui la séquence du viol en développant le thème tragique interprété ici par un basson sur fond de cordes sombres et de notes de piano apparaissant puis disparaissant furtivement, un effet sonore intéressant et inventif qui renforce le côté sombre et désespéré du morceau. Mais c’est avec le tragique « Death of Oahn » que la partition atteint un premier climax d’émotion, pour la scène de la mort de la jeune vietnamienne, morceau bouleversant qui exprime ici l’idée de la douleur, de la mort et aussi de la connerie humaine. Encore une fois, Ennio Morricone exprime ici toute l’étendue de sa sensibilité et offre à cette scène le ton juste qui, sans en faire de trop, apporte une émotion extraordinaire dans cette séquence difficile. On ne pourra pas passer à côté du poignant « Healing » qui, en plus de développer le thème asiatique à la flûte de pan, apporte encore une fois un impact émotionnel bouleversant à la scène où Eriksson découvre horrifié le visage en sang de la jeune vietnamienne après avoir été violée et torturée. Le thème tragique résonne ici de façon extrêmement bouleversante et puissante dans cette scène, similaire à la lamentation douloureuse de « Death of Oahn ». N’oublions pas non plus « Elegy for a Dead Cherry », pièce élégiaque pour cordes et cor entendu durant la scène où l’équipe perd l’un de ses membres qui, gravement blessé, doit être évacué d’urgence en hélicoptère, une élégie poignante que l’on retrouve aussi dans « Elegy for Brown ».

Mais le véritable point culminant du score est atteint avec point « Casualties of War » qui ouvre l’album avec brio, véritable bijou d'émotion pour la fin du film et le générique de fin, dans lequel l'orchestre est accompagné par une chorale magnifique et grandiose, reprenant dans toute sa splendeur dramatique le thème tragique. Ce morceau n'est d’ailleurs pas sans rappeler ce qu'a écrit Ennio Morricone pour le film « The Mission ». Fidèle à sa spiritualité et son goût pour le lyrisme opératique, Morricone nous offre ici un véritable Requiem bouleversant d’une profondeur inouïe, dans lequel les voix semblent résonner dans toute leur splendeur de façon quasi universelle - du très grand Morricone, comme d’habitude ! On sait que le compositeur a toujours grandement affectionné la composition d’oeuvres à caractère religieux, et le film de De Palma lui aura ainsi offert l’opportunité de s’exprimer sur ce sujet. Le Requiem tragique et bouleversant de « Casualties of War » est bel et bien l’une des plus belles pages de la période américaine d’Ennio Morricone dans les années 80, un Requiem poignant en hommage aux victimes des atrocités commises durant la guerre du Viêt-Nam.

Même si Ennio Morricone ne signe pas le chef-d’œuvre absolu de sa période américaine, il nous offre quand même une partition extrêmement dramatique, touchante, poignante et vibrante, parfaitement orchestrée, en adéquation parfaite avec les images de « Casualties of War ». La musique apporte une noirceur tragique et une émotion incroyable au film de Brian De Palma. Le Requiem du générique de fin est un véritable mémorial musical honorant pour tous les innocents tués lors de cette guerre. Une oeuvre d'une profondeur dramatique saisissante, puissante et tragique, où le mot « élégiaque » semble prendre une toute autre ampleur entre les mains du génial Ennio Morricone !



---Quentin Billard