Producteur depuis 1987 de la superbe série épique des RPG (Role Playing Game) 'Final Fantasy' dont le premier opus sorti sur la NES (Nintendo Entertainment System) en 87, Hironobu Sakaguchi a produit l'adaptation cinématographique de cette grande saga qu'est 'Final Fantasy'. Très attendu par tous les nombreux fans de cette longue série de jeux vidéo, "Final Fantasy: The Spirits Within" a reçu un accueil plutôt mitigé, n'ayant pas vraiment bien marché aux USA, un tout petit peu mieux en Europe. Le film n'a hélas pas grand chose à voir avec les jeux vidéos d'origine, même si les personnages du film rappelent ceux des derniers épisodes sortis récemment sur Playstation. En tout cas, on est bien loin de l'esprit jeu de rôle des Final Fantasy de la fin des années 80. 'Final Fantasy The Spirits Within' est un film de science-fiction futuriste se déroulant en 2065 sur Terre. La jeune docteur Aki Ross va tenter avec l'aide de ses amis militaires (et en particulier du commandant d'escadron militaire Grey Edwards, son ancien ami) de trouver la solution pour contrer la menace des fantômes/aliens qui envahissent petit à petit un monde dans lequel toutes les grandes villes ont été dévastées. Le film est en fait entièrement réalisé en images de synthèse, mais avec des images de synthèse que l'on avait encore jamais vu auparavant. D'une richesse et d'une grande complexité, les images de synthèse ont été portées à leur apogée avec ce film, à tel point que les personnages ont l'air quasi-réel. En bref, le film est quasi-parfait du point de vue technique et une fois plongé dans le film, on oublie vite que ce sont des personnages animés par ordinateur. Ceci étant dit, une fois de plus dans ce type de film, on pourra critiquer le scénario basique et assez limite, le film visant donc quasiment tout sur l'aspect technique (s'en suit alors un véritable délire visuel pendant près de 2 heures!). Que vous soyez fan du jeu vidéo ou pas, vous ne pouvez qu'apprécier 'Final Fantasy The Spirits Within'. Reste à savoir si vous aimez le genre ou pas. Un grand spectacle avec des personnages attachants!

Elliot Goldenthal. Telle fut la déçeption de tous les fans du jeu vidéo en apprenant que le fameux compositeur de la série des 'Final Fantasy' Nobuo Uematsu n'avait pas été retenu par la production pour composer le score du film. Toujours est il que c'est avec surprise que la production s'est tourné vers le compositeur de 'Alien 3', Elliot Goldenthal, qui verra en 'Final Fantasy The Spirits Within' une possibilité de développer son style avec lequel il nous a familiarisé avec son puissant chef d'oeuvre 'Alien 3'. 'Final Fantasy The Spirits Within' sonne donc familier pour tout ceux qui connaissent déjà les précédents travaux du compositeur. C'est un mélange entre 'Alien3'/'Sphere'/'Interview with The Vampire'/'Demolition Man'/'In Dreams', même si dans le livret du CD de la BO Goldenthal en personne cite Alien3 comme BO de référence pour ce score. Je ne pense pourtant pas que l'on puisse comparer Alien3 à Final Fantasy. L'un est un score d'horreur spatiale absolument terrifiant et innovant, l'autre est un score d'action/science-fiction puissant mais en aucun cas original ou innovant. Mais on retrouve certaines techniques d'orchestration et d'écriture reminiscentes de ses oeuvres précédentes. Par exemple, 'Toccata and Dreamscapes' fait penser à 'Sphere', 'Dead Rain' à 'Batman & Robin' et 'Demolition Man', etc.

Comme le dit lui même le compositeur, 'Final Fantasy' est un alliage de techniques orchestrales du 20 ème siècle avec les propres techniques du compositeur ainsi que celles du 19ème siècle (il cite Strauss, toujours autant une référence dans la musique symphonique d'aujourd'hui, aux côtés de Wagner). Pour les besoins du film, Goldenthal a fait appel au génial London Symphony Orchestra dans lequel il a considérablement augmenté la section des cuivres pour adapter la sonorité de l'orchestre à la puissance du film. Le résultat est explosif: cuivres surpuissant, timbales féroces, cordes virtuoses, une sonorité en parfaite adéquation avec le film, même si l'on peut reprocher un mixage sonore un peu trop lourd dans le film et qui a tendance a écraser la musique de Goldenthal (ce qui me fait conclure sur le fait que l'on apprécie largement mieux la musique de Goldenthal sur CD que dans le film!). Evidemment, une partition de cette envergure n'est rien sans un thème principal, et même si il apparaît peu de fois dans le film, il est réellement présent: il s'agit du Love Theme, entendu dans le très beau 'The Kiss' alors que Aki et Grey sont à bord d'une capsule spatiale dans l'espace, en tête-à-tête romantique. L'utilisation d'une voix féminine suggère l'impression de flotter avec douceur dans l'espace sans fin, tandis que le piano est l'instrument pivot de la partition, celui qui suggère l'humanité, les sentiments des personnages au sein d'un univers technologique et futuriste glacial. Goldenthal reprendra pour le final du film ce thème dans l'excellent 'Adagio and Transfiguration' et surtout dans la chanson du film 'The Dream Within' qu'interprète superbement Lara Fabian. Le choix contestable d'une chanson pour le générique de fin est apparu selon le choix artistique de Goldenthal lui même, et ne vient pas d'une demande commerciale de la production du film (même si les producteurs savent bien quels bénéfices cela peut leur rapporter d'inscrire le nom "Lara Fabian" sur le CD de l'album). 'The Dream Within' est donc un splendide hommage vocal au Love Theme de Goldenthal qui se fait finalement assez discret tout au long du film, la chanson étant là pour venir lui offrir une place de choix aux oreilles de l'auditeur/spectateur. Dans un autre style intime proche de 'The Kiss', il y'a aussi 'A Child Recalled' qui utilise aussi le piano pour la scène où Aki se confie à Grey du souvenir qu'elle garde d'un enfant qui est mort lors de sa quête d'un esprit, un morceau qui permet aussi de respirer dans le CD entre deux moments agités.

La majorité du score se concentre autour d'un climat action/tension particulièrement explosif dans les moments de déchaînements orchestraux, Goldenthal ayant aussi recours à des sonorités synthétiques qui lui servent à étoffer le rendu sonore de sa masse orchestrale, notamment dans le terrifiant 'Toccata and Dreamscapes' dont certaines sonorités semblent venir tout droit de 'Alien3'. On note aussi la basse synthétique en ostinato qui ouvre 'Dead Rain'. Pour en revenir à ce morceau, 'Toccata and Dreamscapes' décrit avec fureur pendant plusieurs minutes les attaques des fantômes-aliens, notamment dans la base militaire, là où Aki et ses amis doivent fuir sans se faire toucher par une de ces créatures (ce qui provoque leur mort immédiate). La tension augmente considérablement de manière frénétique dans ce morceau et l'on ne peut qu'apprécier une fois de plus le talent d'écriture de Goldenthal qui arrive à créer une véritable atmosphère de terreur et d'opression (c'est d'ailleurs le morceau le plus flippant de tout l'album). Notons l'utilisation de percussions frénétiques très reminiscentes de 'Alien3' et qui renforce le climat d'opression de ce morceau surpuissant 'Code Red' marque lui aussi l'urgence la situation à cause des attaques des fantômes (mais de manière moins violente) tandis que 'Race to Old New York' évoque la fuite des militaires qui vont rejoindre la ville de l'ancien New York, ayant les créatures à leurs trousses (notons la virtuosité des cordes dans ce morceau clairement reminiscente ici de 'Interview with The Vampire'!).

Des choeurs puissants viennent rejoindre la masse du LSO. On les entends dès 'The Spirit Within' (morceau évoquant les rêves d'origine mystérieuse de Aki---noter l'emploi d'une flûte que l'on retrouve aussi dans 'Adagio and Transfiguration', la flûte évoquant les grandes plaines désertiques des rêves de Aki) mais c'est surtout dans les puissants 'Winged Serpent' et 'Zeus Cannon' qu'ils ressortent particulièrement. Evidemment, les choeurs sont là pour évoquer la puissance de certaine scène, en particulier 'Winged Serpent' (dont le thème de choeur est repris dans 'Zeus Cannon', les deux morceaux étant assez ressemblants l'un de l'autre!) évoquant la puissance de l'une des immenses créatures que Aki et ses amis doivent affronter ou fuir. On ressent réellement toute la puissance de la scène dans cette musique qui fini de manière brutale avec l'utilisation de percussions militaires qui rappelent beaucoup 'Aliens' de Horner. (notons cet ostinato rythmique des timbales que Goldenthal impose magistralement dans 'Winged Serpent') D'autres morceaux d'action malheureusement absents du CD utilisent cette percussion militaire qui évoque le style de 'Aliens'. Quant à 'Zeus Cannon', il évoque la puissance du canon Zeus qu'utilise à la fin du film le Général Hein qui s'est mis en tête de faire péter le trou de lumière bleue dans lequel Aki et Grey se trouvent, là où part la source des créatures-fantômes. 'Blue Light' évoque donc le trou de lumière bleue, l'origine des créatures, le trou provoqué par le crash d'une météorite sur la terre il y'a de nombreuses années. Ici aussi, Goldenthal souligne de manière puissante la scène, surtout à la fin du morceau.

Et c'est la conclusion du score sur le très beau 'Adagio and Transfiguration', reprenant le Love Theme. Je n'en dirai pas plus pour ne pas révéler la fin mais il est certain que c'est le final adéquat pour la conclusion du film. A noter l'utilisation de termes de mouvement classique dans plusieurs pièces de Goldenthal, une marque de fabrique typique du compositeur que l'on retrouve depuis 'Alien3' ('Adagio', "Lento'), en passant par Sphere ('Terror Adagio'), etc. Ici, on a le terme 'Toccata' de l'italien "Toccare", c'est-à-dire toucher d'un instrument, ou bien encore le terme italien 'Adagio' pour des mouvements lents...). En conclusion, dire que 'Final Fantasy The Spirits Within' est le nouveau chef-d'oeuvre de Elliot Goldenthal serait peut-être un tantinet exagéré. Le compositeur n'a pas du tout eu l'inspiration qu'il avait pu avoir pour 'Alien3' par exemple ni même le génie créateur qui s'empara de lui en 1992 pour le film de David Fincher. Ceci dit, 'Final Fantasy' constitue un bel effort de la part d'un compositeur doué et talentueux. La BO reste peu originale de la part de Goldenthal et l'utilisation de la musique au sein du film (gâchée par un mixage sonore et des bruitages un brin trop élevés) n'a pas du tout l'impact de 'Alien3'. Ce n'est pas pour autant un échec de la part du compositeur, loin de là. En revanche, je déplore personnellement une fois de plus l'absence de certains morceaux dans le CD, en particulier les passages d'action militaires/'Aliens' entendus dans les séquences à l'intérieur de la base militaire. Ceci dit, 'Final Fantasy' reste une BO intéressante pour ceux qui débutent avec les oeuvres de Goldenthal. Plus facile d'accès que 'Alien3' ou 'Pet Sematary' pour ne citer que les exemples les plus évidents, 'Final Fantasy' est un beau mélange de style d'anciennes oeuvres du compositeur. Une oeuvre puissante mais qui aurait gagné en intérêt avec un petit plus...le petit 'plus' qu'il y'avait dans 'Alien3'!


---Quentin Billard