Superbe adaptation du livre de Stephen King, 'Misery' de Rob Reiner raconte l'histoire de l'écrivain Paul Sheldon (excellent James Caan), auteur du roman 'Misery' qui, à la suite d'un accident de voiture, est sauvé par Annie Wilkes (formidable Kathy Bates, inoubliable dans ce rôle de femme déjantée et schyzophrène) une fan maniaque et obsessionnelle de Sheldon qui a lu tous ces romans et le divinise à la folie, à telle point qu'elle va le retenir prisonnier chez elle et le forcer à écrire une nouvelle histoire pour Misery. Ce film est un véritable concentré de suspense et de terreur pure, psychologique (qui peut supporter l'éprouvante scène où Annie casse les jambes de Paul à coup de marteau?), dans lequel le réalisateur invite le spectateur a suivre le cauchemar d'un écrivain torturé par sa plus fervente admiratrice. On ne peut que féliciter le réalisateur pour l'excellente mise en scène qu'il aborde avec brio dans ce huis clos étouffant, sans oublier l'interprétation parfaite de James Caan et Kathy Bates, tout les deux très bons dans leurs rôles respectifs. Un grand film, un véritable modèle dans le genre!

Rob Reiner est probablement le réalisateur responsable de l'ascension du compositeur Marc Shaiman dans le milieu de la musique de film, un compositeur qui priviliégie depuis plusieurs années la musique de comédie, un genre dans lequel il se laisse apparemment enfermer, un peu comme le fut James Newton Howard à une certaine époque (et notamment à cause du succès de ses partitions comme 'Dave' par exemple). Pourtant en 1990, après le score de deux téléfilms et de 'When Harry Met Sally', Shaiman n'avait pas encore réussi à percer dans ce domaine des musiques de comédie, et l'on peut vraiment affirmer que 'Misery' est une grande réussite du compositeur et une belle entrée dans sa carrière de musicien pour le cinéma. Psychologique, tendue, stressante, prenante, sa partition épouse toutes les facettes du film, chaque recoins, chaque grands moments, rien n'y manque, si ce n'est évidemment un petit peu d'originalité (mais est-ce vraiment le plus important?). Confié à l'orchestre dont sont particulièrement mis en valeur les cordes à la Bernard Herrmann et les vents (surtout flûte et hautbois) avec un piano soliste et quelques percussions pour les moments tendus, 'Misery' est une partition qui flirte bon avec l'atmosphère suffocante imaginée à la base par Stephen King.

'Atmosphérique' serait justement le meilleur terme pour définir la musique de Shaiman. Contenant un seul petit motif de deux notes entendu surtout aux vents dans les moments les plus tendus, la musique de Shaiman ne se distingue pas par une thématique forte mais bel et bien par une atmosphère sinistre et tendue qui exprime la sensation d'isolement forcée, de séquestration mais aussi de tension et de suspense avec un côté suffoquant réellement prenant. 'Prenant' est aussi un excellent terme pour définir l'ambiance de cette musique, tout à l'image du film qui est lui aussi très captivant (sans jeu de mot). Si, dans un premier temps, la musique de 'Misery' se veut très calme, privilégiant le piano avec quelques cordes et vents, la progression remarquable du ton de la musique ne va cesser de croître dans le sens d'un véritable crescendo de tension de plus en plus prenant à l'image de la torture insupportable que doit subir Sheldon jour après jour, contraint d'écrire un roman pour une fan psychopathe complètement dérangée.

Ainsi donc, la première partie de la musique est assez calme voire froide (ne pas oublier le décor du film où tout se passe dans un climat de petit village de montage recouvert de neige) mais alors que Sheldon découvre progressivement le tempérament dangereux et menaçant de Annie (qui pique la première fois une crise de colère effrayante pour un détail insignifiant à propos du dernier roman de Paul), Shaiman crée cette atmosphère tendue et déjà assez effrayante dans sa musique, et notamment à travers ses cordes sombres à la Herrmann. Cette atmosphère psychologique est superbement bien rendu dans la globalité de la musique, et le premier véritable moment de terreur de cette BO apparaît dans la scène où Sheldon a réussi à sortir de sa pièce où il était enfermé et doit vite y revenir alors qu'il entend la voiture de Annie revenir à la maison. Agité, prenant et terrifiant, ce premier grand morceau de "frayeur orchestrale" (faisant intervenir ce petit motif obsédant de 2 notes aux hautbois) plonge le spectateur dans une descente aux enfers qui ne cessera de monter crescendo jusqu'au violent climax final.

On notera quelques moments un peu moins tendus notamment pour la séquence où le shérif recherche Paul chez Annie, Shaiman faisant intervenir un petit ostinato légèrement plus détendu et qui permet de relâcher un peu la tension entre deux passages terrifiants, mais c'est finalement lors du très violent final que Shaiman laisse exploser son orchestre avec percussions mis en avant, cordes, vents frénétiques et cuivres agressifs qui rendent ce passage encore plus intense (on appréciera dans ces morceaux la qualité de l'écriture du pupitre des vents, habituellement relégué au second plan dans ce type de musique d'action/thriller hollywoodienne). En bref, 'Misery' est une solide BO atmosphérique qui renforce le sentiment d'isolement et de séquestration, lente mais aussi sombre, tendue, effrayante. Pour un premier exercice de style thriller psychologique, Marc Shaiman s'en tire haut la main et signe probablement là l'une de ses plus sombres partitions pour le cinéma, à défaut d'être la plus originale dans son genre. Ne vous attendez pas à de grands thèmes ou autre chose ce genre, 'Misery' est avant tout une atmosphère musicale prenante et angoissante qui sied à merveille au thriller de Rob Reiner. A conseiller en priorité à tout ceux qui ne connaissent de Marc Shaiman que ses musiques de comédie!


---Quentin Billard